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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2236/2024

ATAS/31/2025 du 21.01.2025 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2236/2024 ATAS/31/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 janvier 2025

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1973, ressortissant belge, marié à Madame B______, de nationalité tadjike, s'est inscrit auprès de l'office cantonal de l'emploi le 2 janvier 2024. Le taux d'activité recherché était de 100%.

b. Il a sollicité de la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE
(ci-après : la caisse) le versement d'indemnités de chômage à partir du
1er février 2024, en indiquant avoir été employé en tant que coordinateur technique par le C______ (ci-après : C______) de février 2001 au 31 janvier 2024, date de la fin des rapports de travail consécutivement à son licenciement.

En annexe à sa demande figurait notamment la copie de sa carte de légitimation de type « I » délivrée par le Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE), valable du 9 décembre 2020 au 20 août 2025, qui mentionnait que le titulaire de cette carte, dont le « titre / fonction » était « collaborateur du C______ à Genève », jouissait de l'immunité de juridiction dans l'exercice de ses fonctions mais n'avait pas de privilèges douaniers.

B. a. Par courrier du 22 février 2024, la caisse a imparti un délai à l'assuré pour qu'il lui transmette en particulier son permis de séjour valable ou une attestation de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) selon laquelle son permis était en cours de renouvellement. Le permis qu'il avait présenté était lié à l'emploi au C______ et n'était donc plus valable.

b. Le 6 mars 2024, la caisse a reçu une attestation (en anglais) du D______ (ci-après : D______) du 7 février 2024 certifiant que B______ était engagée par cet organisme sis à Genève en qualité de Monitoring & Evaluation Senior Analyst et qu'une demande de carte de légitimation pour elle, ainsi que son enfant et son époux, avait été déposée à l'Office des Nations Unies à Genève.

c. Par courriel du 8 mars 2024, la caisse a interrogé l'OCPM pour savoir si l'assuré avait l'autorisation de travailler à compter du 1er février 2024.

d. Par courriel du 9 mars 2024, l'assuré a demandé à la caisse si sa fille et lui devaient s'enregistrer à l'OCPM ou si l'attestation de l'D______, faisant état d'une demande de carte de légitimation au titre du regroupement familial, était suffisante. Il a annexé la copie de la carte de légitimation de son épouse émise par le DFAE, de type « H », valable du 13 décembre 2022 au 14 mars 2027, qui mentionnait que l[a] titulaire de cette carte, dont le « titre / fonction » était « consultante de l'D______ à Genève », ne jouissait d'aucun privilège ou immunité et n'avait pas accès au marché suisse du travail.

e. Le 15 mars 2024, la caisse a répondu à l'assuré que les documents joints à son courriel seraient transmis à son gestionnaire et que si son dossier s'avérait être complet, il serait traité dans les meilleurs délais.

f. Le 5 avril 2024, l'assuré a transmis à la caisse la copie de sa carte de légitimation établie par le DFAE, de type « H », valable du 26 mars 2024 au 14 mars 2027, qui indiquait que le titulaire de cette carte, dont le « titre / fonction » était « époux de Mme B______, consultante de l'D______ à Genève », ne jouissait d'aucun privilège ou immunité et n'avait pas accès au marché suisse du travail.

g. Par courriel du 15 avril 2024, l'OCPM a informé la caisse que l'assuré était arrivé dans le canton le 19 août 2020 pour un emploi auprès du C______ et qu'il avait été « mis sous carte de légitimation ». Il avait cessé ses fonctions auprès du C______ le 31 janvier 2024. L'OCPM constatait que l'assuré et sa famille n'étaient pas enregistrés dans la base cantonale de données. En mars 2024, celui-ci avait reçu une carte de légitimation dans le cadre du regroupement familial de par l'emploi de son épouse auprès de l'D______. Sous « carte de légitimation », l'assuré n'avait aucun droit de travailler ni de toucher des indemnités de chômage. Il ne pouvait pas non plus prétendre au permis Ci qui était établi dès qu'un employeur était prêt à un engagement. L'assuré devait donc déposer une demande de permis L « À la recherche d'un emploi ». Il pourrait alors chercher un travail tout en percevant des indemnités de chômage. En cas d'emploi de plus de 365 jours, le permis L serait échangé avec un permis B. L'OCPM invitait l'assuré à lui fournir divers documents, dont le formulaire « Demande d'autorisation de séjour avec ou sans activité à Genève pour ressortissant étranger - M », dûment complété et signé, qu'il a joint.

h. Le 19 avril 2024, la caisse a communiqué le courriel précité de l'OCPM, ainsi que son annexe, à l'assuré.

i. Par décision du 22 avril 2024, la caisse a refusé à l'assuré le droit à l'indemnité de chômage, au motif qu'il était inapte au placement, dans la mesure où sa carte de légitimation, qui l'autorisait uniquement à séjourner dans le canton jusqu'à son échéance, ne lui permettait pas d'exercer une activité en Suisse.

j. Par lettre non datée reçue par la caisse le 26 avril 2024, l'assuré s'est opposé à cette décision. Ni la caisse ni l'OCPM n'avaient attiré son attention sur le fait qu'il avait « opté pour le mauvais permis de séjour ». À réception du courriel de la caisse du 19 avril 2024, il avait requis de l'OCPM l'octroi d'un permis B au vu de sa nationalité belge.

k. À la demande de la caisse, par courriels des 6 et 8 mai 2024, l'OCPM lui a signalé avoir reçu de l'assuré une demande de permis B le 26 avril 2024 et avoir sollicité de celui-ci des documents complémentaires. Dans la mesure où l’intéressé était européen et avait droit à la libre circulation des étrangers, il était autorisé à travailler dès la demande de permis.

l. Par décision du 12 juin 2024, la caisse a partiellement admis l'opposition de l'assuré, en ce sens que son droit à l'indemnité de chômage était reporté au
26 avril 2024 pour autant qu'il remplisse toutes les conditions de son octroi à cette date. Son dossier serait ainsi transmis ce jour-là au « service prestations » pour l'étude de son droit. Pour la période antérieure du 1er février au 25 avril 2024, le droit à l'indemnité de chômage ne lui était pas ouvert, car il ne pouvait pas se prévaloir d'une autorisation de travail avant le 26 avril 2024.

C. a. Par acte du 2 juillet 2022 (recte : 2024), l'assuré a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et à la reconnaissance de son droit aux indemnités de chômage à partir du 1er février 2024.

Il a allégué avoir reçu un courrier de l'intimée du 22 février 2024 l'informant qu'il ne pouvait pas solliciter d'indemnités de chômage au moyen de la carte de légitimation du C______. Il n'avait cependant pas été avisé qu'il devait présenter une demande de permis L. Fin février 2024, il avait obtenu une nouvelle carte de légitimation au titre du regroupement familial de par l'emploi de son épouse auprès de l'D______. Il ignorait également à ce moment qu'il devait requérir l'octroi d'un permis L. À ce jour, il était dans l'attente de la délivrance de son permis L.

Le recourant a fait valoir qu'au vu de sa nationalité belge et des accords de libre circulation entre la Suisse et l'Union européenne, il était en droit d'obtenir un permis L avec activité lucrative autorisée et avait par conséquent droit aux indemnités de chômage. La demande tardive de son permis L ne lui était pas imputable. Il attendait que l'OCPM et l'intimée l'orientent correctement.

b. Par réponse du 28 août 2024, l'intimée a conclu au rejet du recours.

Elle a exposé que la délivrance des divers permis de séjour et/ou d'établissement relevait de la compétence de l'OCPM et non de la sienne. Lors de la demande de documents du 22 février 2024, le recourant avait été invité à s'adresser à l'OCPM afin d'obtenir le titre adéquat, celui dont il se prévalait n'était plus valable puisqu'il était lié à son emploi auprès du C______. Il lui incombait dès lors de s'enquérir auprès de l'OCPM des démarches à effectuer pour l'obtention d'un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité lucrative et ainsi d'être apte au placement.

Elle a ajouté qu'à réception de la nouvelle carte de légitimation, elle n'avait pu que constater que le recourant n'avait pas accès au marché suisse du travail.

c. Par réplique du 3 septembre 2024, le recourant a déclaré avoir depuis le 15 mars [2024] tenté de rencontrer un représentant de l'intimée afin d'obtenir des éclaircissements concernant le type de permis de résidence approprié. Au regard de ses diverses démarches, il avait déployé tous les efforts possibles pour satisfaire aux « critères d'éligibilité » de l'intimée. Il s'était retrouvé balloté entre deux administrations qui ne communiquaient pas ou très peu entre elles. Celles-ci étaient certes confrontées à des charges de travail importantes. Néanmoins, l'information relative au type de carte de résidence donnant accès ou non aux prestations de chômage devait être explicitement mentionnée sur la liste des documents requis. De même, l'OCPM devrait être en mesure de fournir ce renseignement.

Le recourant a produit la copie de son titre de séjour B, délivré le 19 juillet 2024, valable jusqu'au 18 février 2029, qui mentionnait sous « observations : séjour sans activité lucrative ».

d. Par duplique du 19 septembre 2024, l'intimée a persisté dans ses conclusions, après avoir indiqué ne pas avoir de remarques à formuler.

e. Copie de cette écriture a été transmise au recourant pour information.

f. Par lettre du 15 novembre 2024, le recourant a fait savoir à la chambre de céans qu'il déménagerait au Cambodge le 21 novembre 2024.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du
25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LACI) et le délai de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à des indemnités de l'assurance-chômage pour la période du 1er février au 25 avril 2024, singulièrement sur la question de son aptitude au placement.

3.              

3.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire et qu’il n’a pas encore atteint l’âge de référence fixé à l’art. 21 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10 ; let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g).

Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 218 consid. 2).

3.2 L’art. 12 LACI dispose qu’en dérogation à l’art. 13 LPGA, les étrangers sans permis d’établissement sont réputés domiciliés en Suisse aussi longtemps qu’ils y habitent, s’ils sont au bénéfice soit d’une autorisation de séjour leur permettant d’exercer une activité lucrative soit d’un permis de saisonnier.

Pour avoir droit à l’indemnité de chômage, un assuré doit donc être domicilié en Suisse et notamment y résider physiquement. L’assuré doit remplir la condition de la résidence en Suisse non seulement au début du chômage, mais également durant toute la période d’indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral C.149/01 du 13 mars 2002 consid. 2). Par ailleurs, il découle de l’art. 12 LACI que seules les autorisations de séjour habilitant leur titulaire à exercer une activité lucrative permettent de considérer qu’un chômeur est domicilié en Suisse et a en principe droit à l’indemnité de chômage s’il remplit toutes les autres conditions du droit. Le type d’autorisation de séjour, en particulier le but du séjour, est dès lors déterminant (DTA 2002 p. 46 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_479/2011 du 10 février 2012 consid. 2.2 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 3 ad art. 12 LACI).

3.3 Selon l’art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

3.3.1 L'aptitude au placement suppose, logiquement, que l'intéressé soit au bénéfice d'une autorisation de travail qui lui permette, le cas échéant, d'accepter l'offre d'un employeur potentiel. À défaut d'une telle autorisation, les organes de l'assurance-chômage ou, en cas de recours, le juge ont le pouvoir de trancher préjudiciellement le point de savoir si, au regard de la réglementation applicable, le ressortissant étranger serait en droit d'exercer une activité lucrative. Il s'agit de déterminer - de manière prospective, sur la base des faits tels qu'ils se sont déroulés jusqu'au moment de la décision sur opposition - si l'assuré, ressortissant étranger, pouvait ou non compter sur l'obtention d'une autorisation de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_180/2022 du 28 octobre 2022 consid. 3.3.1 et les références) au moment où il s'est annoncé à l'assurance-chômage (arrêt du Tribunal fédéral C.248/06 du 24 avril 2007 consid. 2.1).

Lorsqu’ils ne disposent pas d’indices concrets suffisants, l'administration ou le juge doivent s’informer auprès des autorités compétentes pour savoir si l'intéressé peut s’attendre à obtenir une autorisation de travail (ATF 120 V 392 consid. 2c). Un renseignement donné dans un cas concret par l’autorité compétente, selon lequel un étranger peut compter sur l’octroi d’une autorisation de travail, est suffisant à cet effet (ATF 126 V 376 consid. 6a).

La règle, selon laquelle l'étranger n'est considéré comme apte au placement que dans la mesure où il dispose d'un permis de travail, ne pourra plus s'appliquer aux bénéficiaires de l'Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ALCP - RS 0.142.112.681 ;
Bettina Kahil-Wolff, L'assurance-chômage et l'accord sur la libre circulation des personnes CH-CE, in RSAS 1999 p. 441).

3.3.2 Le droit de séjour et d'accès à une activité économique est accordé aux ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne - dont fait partie le royaume de Belgique - conformément à l'ALCP, dont les dispositions sont directement applicables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_158/2019 du 12 avril 2019 consid. 1.1).

Si le critère de la nationalité est, en principe, suffisant pour présumer l'existence d'un droit à une autorisation de séjour, il ne dit encore rien de l'existence effective d'un tel droit qui suppose que la personne visée entre bien dans l'une des différentes situations de libre circulation prévues par l'ALCP et qu'elle remplisse les conditions afférentes à son statut (travailleur salarié, indépendant, chercheur d'emploi, membre de la famille, bénéficiaire d'un droit de demeurer, ... ;
ATF 131 II 329 consid. 3.1).

Sous réserve des dispositions transitoires - non pertinentes en l'espèce - de
l'art. 10 ALCP, le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti aux ressortissants d'un État membre de la Communauté européenne conformément aux dispositions de l'annexe I ALCP (art. 4 ALCP). Ainsi, les travailleurs salariés, les indépendants et les prestataires de services ont le droit de séjourner et d'exercer une activité économique selon les modalités prévues aux chapitres II à IV de l'annexe I ALCP (art. 2 par. 1 al. 1 annexe I ALCP ;
ATF 130 II 388 consid. 1.2).

L'art. 4 ALCP porte sur deux aspects : le droit de séjour et le droit d'accès à une activité économique. Cet article confère aux ressortissants d'une partie contractante le droit d'accéder à une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante, et s'ils exercent ce droit, ils ont le droit de séjourner sur ce territoire (Alvaro BORGHI, La libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, Commentaire article par article de l'accord du 21 juin 1999, 2010, n. 123
ad art. 4 ALCP). Dans le domaine d'application de l'art. 4 ALCP, l'exercice d'une activité économique est donc une condition du séjour. Cet article se distingue du droit de séjour de l'art. 6 ALCP (pour les personnes n'exerçant pas d'activité économique), qui n'empêche en principe pas leurs bénéficiaires d'exercer une activité économique, mais qui n'en fait pas une condition de leur droit au séjour (cf. BORGHI, op cit., n. 124 ad art. 4 ALCP).

Faisant partie du chapitre II, l'art. 6 par. 1 annexe I ALCP prévoit que le travailleur salarié ressortissant d'une partie contractante qui occupe un emploi d'une durée égale ou supérieure à un an au service d'un employeur de l'État d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Celui-ci est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs. L'art. 6 par. 2 annexe I ALCP prévoit que le travailleur salarié (d'une partie contractante) qui occupe un emploi d'une durée supérieure à trois mois et inférieure à un an au service d'un employeur de l'État d'accueil reçoit un titre de séjour d'une durée égale à celle prévue dans le contrat (autorisation de courte durée L UE/AELE ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_897/2017 du 31 janvier 2018 consid. 4.1). L'art. 6 par. 7 annexe I ALCP dispose que l’accomplissement des formalités relatives à l’obtention du titre de séjour ne peut faire obstacle à la mise en exécution immédiate des contrats de travail conclus par les requérants. Autrement dit, le travailleur peut sans autre exercer son activité en attendant la délivrance de son titre (Minh Son NGUYEN, L'Accord bilatéral sur la libre circulation des personnes et le droit de la police des étrangers, in RDAF 2001 I p. 170).

Le droit de séjour sur le territoire d’une partie contractante est également garanti aux personnes n’exerçant pas d’activité économique selon les dispositions de l’annexe I relatives aux non actifs (art. 6 ALCP). À cet effet, l'art. 2 par. 2 annexe I ALCP prévoit que les ressortissants des parties contractantes n'exerçant pas d'activité économique dans l'État d'accueil et qui ne bénéficient pas d'un droit de séjour en vertu d'autres dispositions de l'accord ont, pour autant qu'ils remplissent les conditions préalables requises dans le chapitre V, un droit de séjour.

Faisant partie du chapitre V, l'art. 24 par. 1 annexe I ALCP stipule qu'une personne ressortissante d’une partie contractante n’exerçant pas d’activité économique dans l’État de résidence et qui ne bénéficie pas d’un droit de séjour en vertu d’autres dispositions du présent accord reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins, à condition qu’elle prouve aux autorités nationales compétentes qu’elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille : de moyens financiers suffisants pour ne devoir faire appel à l’aide sociale pendant leur séjour (let. a) ; d’une assurance-maladie couvrant l’ensemble des risques (let. b). Les parties contractantes peuvent, quand elles l’estiment nécessaire, demander la revalidation du titre de séjour au terme des deux premières années de séjour. L'art. 24 par. 2 annexe I ALCP définit comme suffisants les moyens financiers qui dépassent le montant en dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle et, le cas échéant, à celle des membres de leur famille, peuvent prétendre à des prestations d'assistance. Selon l'art. 16 al. 1 de l'ordonnance sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne (UE) et ses États membres, entre la Suisse et le Royaume-Uni, ainsi qu’entre les États membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203), tel est le cas si ces moyens dépassent les prestations d'assistance qui seraient allouées en vertu des directives « Aide sociale : concepts et normes de calcul » de la Conférence suisse des institutions d'action sociale, à un ressortissant suisse, éventuellement aux membres de sa famille, sur demande de l'intéressé et compte tenu de sa situation personnelle. En d'autres termes, on considère que la condition de l'art. 16 al. 1 OLCP est remplie si les moyens financiers d'un citoyen suisse, dans la même situation, lui fermeraient l'accès à l'aide sociale. Il importe peu, pour apprécier la situation économique du requérant, que ce dernier génère lui-même ses moyens financiers ou que ceux-ci lui soient procurés par un tiers (ATF 144 II 113 consid. 4.1).

3.3.3 L'OLCP réglemente la libre circulation des personnes, selon les dispositions de l’accord sur la libre circulation des personnes et les dispositions de la Convention instituant l’AELE, compte tenu des réglementations transitoires (art. 1 al. 1 OLCP dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022).

Selon l'art. 3 al. 1 OLCP, cette ordonnance ne s’applique ni aux ressortissants de l’UE et de l’AELE ni aux membres de leur famille qui entrent dans le champ d’application de l’art. 43 al. 1 let. a à d, 2 et 3 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Selon l'art. 43 al. 1 OASA, les conditions d’admission fixées par la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ne sont pas applicables aux étrangers suivants, tant qu’ils exercent leur fonction : les membres de missions diplomatiques et permanentes ainsi que de postes consulaires, titulaires d’une carte de légitimation du DFAE (let. a) ; les fonctionnaires d’organisations internationales ayant leur siège en Suisse, titulaires d’une carte de légitimation du DFAE (let. b) ; le personnel travaillant pour ces organisations, titulaire d’une carte de légitimation du DFAE (let. c) ; le personnel privé au service des personnes désignées aux let. a à c, titulaire d’une carte de légitimation du DFAE (let. d).

Le conjoint, le partenaire et les enfants de moins de 25 ans des personnes désignées à l’al. 1 let. a et b sont admis pendant la durée de fonction de ces personnes au titre du regroupement familial, s’ils font ménage commun avec elles. Ils reçoivent une carte de légitimation du DFAE (art. 43 al. 2 OASA). Le conjoint, le partenaire et les enfants de moins de 21 ans des personnes désignées à l’al. 1 let. c sont admis pendant la durée de fonction de ces personnes au titre du regroupement familial, s’ils font ménage commun avec elles. Ils reçoivent une carte de légitimation du DFAE (art. 43 al. 3 OASA).

L'ALCP ne s'applique donc pas aux fonctionnaires des organisations internationales titulaires d'une pièce de légitimation établie par le DFAE, ni aux membres de leur famille (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2008 du 17 juin 2008 consid. 1.3).

Les droits international et nationaux consacrent un régime de privilèges et d'immunités en faveur des fonctionnaires internationaux et des personnes qui y sont assimilées. Il s'agit d'un régime spécial, car « il apparaît comme une dérogation aux principes généraux du droit qui postulent que les étrangers, comme les indigènes, soient soumis à la puissance publique de l'État sur le territoire duquel ils se trouvent ». La réglementation relative aux personnes mises au bénéfice de privilèges et immunités au sens du droit diplomatique susmentionné constitue par conséquent une lex specialis par rapport au droit ordinaire des étrangers, dont fait partie intégrante l'ALCP (ATAS/317/2008 du 13 mars 2008 consid. 6c/aa et les références).

La carte de légitimation du DFAE sert de titre de séjour en Suisse, atteste d’éventuels privilèges et immunités dont jouit son titulaire et exempte ce dernier de l’obligation du visa pour la durée de ses fonctions (art. 17 al. 3 de l'ordonnance relative à la loi fédérale sur les privilèges, les immunités et les facilités, ainsi que sur les aides financières accordés par la Suisse en tant qu’État hôte du
7 décembre 2007 [OLEH - RS 192.121]).

La présence en Suisse d'un étranger qui y séjourne au bénéfice d'une carte de légitimation du DFAE est liée à la fonction occupée par lui-même ou le membre de sa famille (arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2024 du 2 mai 2024 consid. 1.2.1).

La Mission permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève a établi des lignes directrices sur la délivrance des cartes de légitimation du DFAE aux fonctionnaires des organisations internationales, entrées en vigueur le 15 juillet 2015 (disponibles sur : https://www.eda.admin.ch/missions/mission-onu-geneve/fr/home/manuel-application-regime/introduction/carte-legitimation.html).

Elles expliquent les conditions d’admission en Suisse des fonctionnaires, ainsi que des membres de leur famille, des organisations internationales au bénéfice d’un accord sur les privilèges, immunités et facilités (accord de siège) conclu avec le Conseil fédéral suisse, à savoir notamment le C______. Elles expliquent également les conditions de délivrance et de retrait d’une carte de légitimation du DFAE à ces personnes (point 1).

Chaque personne reçoit le type de carte de légitimation correspondant aux fonctions occupées au sein de l’organisation internationale. Les membres de la famille reçoivent, en principe, le même type de carte de légitimation que le titulaire principal (la personne qui occupe des fonctions officielles ; point 2). Sous le point 2.1 (relatif aux fonctionnaires), il est indiqué que les collaborateurs du C______ reçoivent une carte de légitimation de type « I » (point 2.1).

Les personnes, qui sont titulaires d’une carte de légitimation et qui n’ont pas la nationalité suisse, sont exemptées de l’obligation de s’annoncer au service des habitants de leur lieu de domicile. Elles peuvent toutefois s’annoncer sur une base volontaire. Pour ce faire, elles doivent s’adresser au service des habitants de leur lieu de domicile en lui fournissant les informations nécessaires (point 9.4).

L'organisation internationale notifie sans délai à la Mission suisse la fin des fonctions de ses fonctionnaires et des personnes appelées en qualité officielle en lui indiquant la date exacte de la fin des fonctions. La même procédure s’applique aux membres de famille qui quittent définitivement la Suisse avant la fin des fonctions du titulaire principal (point 10).

Les fonctionnaires et les personnes appelées en qualité officielles, hormis les stagiaires et les volontaires, se voient accorder d’office un délai de courtoisie de deux mois dès la date exacte de la fin des fonctions. Les membres de famille bénéficient du même délai. Ce délai permet aux personnes d’organiser leur départ définitif de Suisse ou de régulariser la suite de leur séjour en Suisse, voire de trouver un nouvel emploi dans une organisation internationale ou une représentation étrangère. L’organisation internationale doit notifier sans délai à la Mission suisse la fin des fonctions des fonctionnaires et des personnes appelées en qualité officielle conformément au point 10. Elle ne peut pas attendre l’échéance du délai de courtoisie pour le faire. Durant le délai de courtoisie, les personnes peuvent conserver leur carte de légitimation qu’elles doivent restituer, par l’entremise de l’organisation internationale, à la Mission suisse au plus tard à l’échéance du délai de courtoisie (point 11).

Selon les directives du Secrétariat d'État aux migrations relatives au domaine des étrangers, établies en octobre 2013 (disponibles sur : https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/publiservice/weisungen-kreisschreiben/auslaenderbereich.html), les dispositions de l'ALCP ne s'appliquent, en principe, pas aux ressortissants des États membres de l'UE et de l'AELE tant que ces personnes séjournent en Suisse au bénéfice d’une carte de légitimation. À la fin des fonctions officielles, respectivement dans le délai imparti par le DFAE (délai de courtoisie), le titulaire principal et les personnes autorisées à l'accompagner doivent restituer leur carte de légitimation et quitter le territoire suisse ou demander une autorisation de séjour conformément au droit ordinaire (LEI) respectivement aux dispositions de l’ALCP si celles-ci s’appliquent. Les personnes qui accompagnent le titulaire principal et qui peuvent se prévaloir de l’ALCP sont toutefois libres de demander à l’autorité migratoire cantonale une autorisation de séjour UE/AELE en lieu et place d’une carte de légitimation (chiffre 7.1.1).

L’ALCP et l’OLCP s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE, la LEI ne s’appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l’ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (art. 12 ALCP ; art. 2 LEI ; ATA/1288/2024 du 5 novembre 2024 consid. 3.1).

 

4.              

4.1 En l'espèce, il ressort de l'attestation du C______ du 31 janvier 2024 (dossier intimée pièce 6) que le recourant a travaillé pour cette organisation du
12 février 2001 au 31 janvier 2024, activité qui était soumise aux cotisations sociales suisses, comme l'attestent les décomptes de salaire au dossier (pièce 14). Pendant la durée de cette fonction, l'application de l'ALCP (à compter de son entrée en vigueur le 1er juin 2002) était exclue compte tenu du régime spécial dont le recourant bénéficiait en tant que titulaire d'une carte de légitimation du DFAE.

En revanche, depuis la fin de ses fonctions internationales, le 31 janvier 2024, le recourant, ressortissant belge, était habilité à faire valoir un droit de séjour selon les dispositions de l'ALCP.

Il ressort du courriel du 15 avril 2024 de l'OCPM, autorité qui reçoit les demandes d'autorisation de séjour et détermine sous quel statut elles doivent être examinées (art. 2 al. 3 du règlement d'application de l'ordonnance fédérale sur la libre circulation des personnes, du 28 juin 2006 [RaOLCP - F 2 10.02]), que le recourant pouvait déposer une demande de permis L, lui permettant de chercher un emploi, et qu'en cas d'exercice d'une activité lucrative de plus de 365 jours, ce permis serait échangé avec un permis B. Ceci étant, le recourant a finalement obtenu un titre de séjour B le 19 juillet 2024 valable jusqu'au 18 février 2029 avec la mention « séjour sans activité lucrative ». Le statut admis par l'autorité compétente correspond donc à celui d'une personne sans activité économique mais avec des moyens financiers suffisants (art. 6 ALCP et 24 annexe I ALCP). Aucun élément au dossier ne justifie de retenir que les conditions de l'art. 24 annexe I ALCP (moyens financiers suffisants et assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques) n'étaient pas réunies cinq mois et demi plus tôt, le 1er février 2024, date à compter de laquelle le recourant a requis les indemnités de chômage, à la suite de la perte de son emploi au C______. En tout cas, l'épouse était active et le recourant, qui bénéficiait nécessairement d'une couverture d'assurance-maladie pour l'année 2024, n'émargeait pas à l'aide sociale. Quand bien même le titre de séjour octroyé concerne les non-actifs, il n'interdit pas l'exercice d'une activité économique. Autrement dit, le recourant pouvait s’attendre à obtenir une autorisation de séjour l’autorisant à exercer une activité lucrative le 1er février 2024 s'il trouvait un emploi. Du reste, dans son courriel précité, l'OCPM a indiqué que le recourant recevrait l'autorisation de séjour B avec la mention « activité lucrative » en cas d'embauche pendant une année ou plus. Aux yeux de l'OCPM, le recourant pouvait donc exercer une activité lucrative en Suisse.

Le fait que le recourant, lors de son inscription au chômage, ne possédait pas encore son titre de séjour UE/AELE, ne modifie pas la solution du litige. En effet, ladite autorisation n'a qu'une portée purement déclaratoire, c'est-à-dire qu'elle ne fait qu'attester du droit au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative d'un bénéficiaire de l'ALCP dans l'État d'accueil mais ne change rien au droit dont celui-ci dispose (arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.3). En d'autres termes, la délivrance de l'autorisation de séjour du recourant le 19 juillet 2024 seulement ne supprime pas son droit de séjourner en Suisse et d'y exercer une activité économique dès le 1er février 2024, puisqu'il pouvait en soi travailler à compter de cette dernière date, même avant que son titre (adéquat) ne lui ait été délivré.

La carte de légitimation du DFAE, valable dès le 26 mars 2024, qui mentionnait que le recourant n'avait pas accès au marché suisse du travail, n'est pas décisif pour l'issue du litige. Ce document lui a été attribué au titre du regroupement familial, en sa qualité de conjoint de personnel travaillant pour des organisations internationales (son épouse était consultante de l'D______ à Genève ; art. 43 al. 1 let. c et al. 2 OASA). Or, le recourant, dans la mesure où il est ressortissant européen, pouvait solliciter un titre de séjour UE/AELE à la fin de sa fonction pour le compte du C______, en lieu et place de cette carte de légitimation, et il disposait du droit de travailler en Suisse, comme précédemment relevé.

4.2 La décision d'inaptitude au placement à partir du 1er février 2024, motif pris que le recourant n'aurait pas le droit d'exercer une activité lucrative en Suisse avant sa demande de permis le 26 avril 2024, est donc contraire au droit.

Il convient dès lors de renvoyer la cause à l'intimée pour qu'elle examine si le recourant remplit les autres conditions légales dont dépend le droit à l'indemnité (art. 8 al. 1 LACI), et rende une nouvelle décision.

5.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision sur opposition du 12 juin 2024 annulée et la cause renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 12 juin 2024.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente

 

 

 

Joanna JODRY

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le