Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/3/2025 du 10.01.2025 ( AI ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/203/2024 ATAS/3/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 10 janvier 2025 Chambre 9 |
En la cause
A______
| ecourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1972, de nationalité turque, est arrivée en Suisse en 2002 pour y rejoindre son époux, né en 1953. Le couple est parent d'un enfant né en 1998, en études.
B. a. En 2018, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI). Elle y a mentionné souffrir d'atteintes à la santé depuis 2014, travailler à 30% en tant que patrouilleuse scolaire et avoir travaillé à ce même taux dans le nettoyage jusqu'en 2016.
b. Le 12 juin 2018, l'office cantonal de l'emploi a informé l'OAI que l'assurée bénéficiait d'un délai-cadre d'indemnisation du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 et recherchait une activité à 30%. Selon la lettre-type d'offre de service annexée, l'assurée recherchait une activité dans le domaine du nettoyage.
c. Dans un rapport reçu en juin 2018 par l'OAI, le docteur B______, médecin-traitant de l'assurée et spécialiste FMH en médecine interne générale, a indiqué que cette dernière ne pouvait pas travailler plus de deux-trois heures par jour dans son activité de patrouilleuse scolaire et dans toute autre activité adaptée, en raison de douleurs très invalidantes, d'une thymie atteinte, d'une incontinence urinaire, de coxalgies et d'omalgies. Le pronostic était réservé vu la multitude des plaintes.
d. Le 22 juin 2018, la Ville d’C______ a rempli le questionnaire employeur qui lui avait été adressé par l'OAI, duquel il ressort que l'assurée travaillait à son service depuis le 5 septembre 2016 à raison de 7.5 heures en moyenne par semaine, contre 40 heures normales, et n'était pas en arrêt de travail. Selon le contrat de travail pour les patrouilleuses scolaires joint, les horaires de travail étaient déterminés par l'employeur en fonction des nécessités du service.
e. La caisse de chômage a transmis plusieurs documents à l'OAI concernant l'activité professionnelle de l'assurée. Selon une attestation remplie par la société D______, l'assurée avait travaillé à son service de février 2008 à décembre 2015 en tant que nettoyeuse d'entretien et réalisait 11.25 heures par semaine contre 43 heures de travail dans l'entreprise, ce que confirmait le contrat de travail annexé. De janvier à mars 2016, selon les fiches de salaire produites, l'assurée avait travaillé pour une nouvelle société, puis avait conclu un contrat de travail avec une autre entreprise de nettoyage, ayant débuté en mars 2016, qui faisait aussi état d'une durée hebdomadaire de travail de 11.25 heures.
f. Dans un rapport du 30 juillet 2018, la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie consultée par l'assurée, a mentionné quatre diagnostics psychiatriques affectant sa santé, soit un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2), des phobies spécifiques (chien, serpent, souris ; F40.2), un état de stress post-traumatique (F43.1) et un trouble mixte de la personnalité évitante (anxieuse) et dépendante (F61.0). L'assurée souffrait aussi d'incontinence urinaire, de fortes douleurs dorso-lombaires et de fortes céphalées. Depuis la seconde intervention chirurgicale urologique, elle se laissait aller, se sentait très fatiguée, triste et cafardeuse. Elle n'avait plus envie de faire le ménage, à manger ou les courses, ni de prendre une douche. Les membres de la famille mangeaient souvent dehors ou des repas livrés. Ses troubles anxio-dépressifs l'empêchaient de travailler et de s'organiser. Le traitement psychotrope générait un ralentissement psychomoteur et divers effets secondaires. Son état psychique, qui s'était aggravé et la limitait dans les activités de la vie quotidienne, ne lui permettait pas de travailler à plus de 30%, dans son activité habituelle et dans une activité adaptée.
g. Le 7 septembre 2018, l'OAI a reçu du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) le dossier de l'époux de l'assurée. Il en ressort qu'en juillet de la même année celui-ci avait fait la demande que le gain hypothétique qui était imputé à son épouse soit supprimé, se fondant sur un rapport du 27 juin 2017 du Dr B______ aux termes duquel l'assurée avait eu une première intervention urologique en 2014 et une seconde en 2017, et avait depuis lors mal dans le bas-ventre et des pertes urinaires. Elle souffrait en outre d'une protrusion discale en L4-L5 et d'une autre encore plus prononcée en L5-S1, lui occasionnant des lombalgies et paresthésies à la station debout. Figure aussi au dossier du SPC la lettre d'engagement du 31 août 2016 de la Ville d’C______ mentionnant que l'horaire hebdomadaire complet de l'assurée est de 11 heures mais que la planification de l'horaire spécifique demeure fixée par la commune, un certificat de travail intermédiaire d'D______ du 2 décembre 2015 portant une annotation manuscrite selon laquelle l'assurée travaillait à temps partiel, à raison de 12.25 heures par semaine, ainsi que la lettre de licenciement de cette société, motivée par la perte d'un client important.
h. Le 6 décembre 2018, le service médical régional (ci-après : SMR) de l'OAI a retenu que l'assurée avait une capacité de travail nulle dans toute activité depuis le 20 février 2017, mentionnant à titre de diagnostics ceux établis par la Dre E______. Les limitations fonctionnelles retenues étaient les suivantes : pas de marche, pas de station debout, toilettes à proximité, grande fragilité psychologique, difficulté à gérer le stress, effondrement des ressources d'adaptation, difficulté à organiser le temps, à gérer les tâches administratives, à gérer les émotions, dans les déplacements et à faire le ménage.
i. Le 7 décembre 2018, l'OAI a retenu un statut mixte de l'assurée avec une part professionnelle de 19%, correspondant à 7.5 heures de travail sur 40 mentionnées par la Ville C______. Dans son précédent emploi de nettoyeuse, l'assurée avait un taux d'occupation de 26% (11.25 heures sur 43 heures par semaine).
j. Dans un addendum du 5 février 2019, le SMR, sous la plume d'un autre médecin, a indiqué que c'était essentiellement en raison d'un épisode de dépression sévère qu'il considérait que la capacité de travail de l'assurée était nulle dans l'économie libre. Elle présentait en effet, outre une thymie abaissée, des troubles de l'attention, de la concentration et de la mémoire. Concernant la phrase « difficultés à faire son ménage », il était évident que l'assurée était en mesure d'effectuer des tâches ménagères, mais elle présentait cependant des difficultés pour les organiser, ce qui était pallié par la présence de son époux. Le SMR considérait que l'activité de patrouilleuse scolaire qui pouvait selon la Dre E______ être exercée à 30% n'était actuellement pas exigible compte tenu des limitations fonctionnelles.
k. Le 5 février 2019, une infirmière spécialisée de l'OAI s'est rendue au domicile de l'assurée afin de procéder à une enquête économique sur le ménage. Selon le rapport établi le lendemain, les diagnostics pertinents étaient une incontinence urinaire, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques, des phobies spécifiques, un état de stress post-traumatique et un trouble mixte de la personnalité. Les limitations fonctionnelles prises en considération étaient les suivantes : pas de marche, pas de station debout prolongée, toilettes à proximité, grande fragilité psychologique, difficulté à gérer le stress, effondrement des ressources d'adaptation, difficultés à organiser le temps, à gérer les émotions et dans les déplacements. L'empêchement de l'assurée dans les travaux habituels était de 10.5% sans tenir compte de l'exigibilité de son mari et de son fils. Il était nul en prenant en considération l'exigibilité de ceux-ci. Au sujet de son statut, le rapport mentionne que l'assurée avait eu des problèmes de dos lorsqu'elle exerçait son activité de nettoyeuse, raison pour laquelle elle s'était réorientée en tant que patrouilleuse scolaire, avec l'aide de la commune d’C______. Selon les déclarations consignées par l'enquêtrice, en bonne santé, l'assurée aurait poursuivi une activité professionnelle à temps partiel, ayant toujours exercé des activités à temps partiel.
l. Par décision du 18 mars 2019, non contestée, l'OAI a refusé d'octroyer une rente à l'assurée, son taux d'invalidité étant de 19% (perte économique de 100% dans la part professionnelle, correspondant à une part de 19%, et empêchement de 0% dans les travaux habituels, correspondant à une part de 81%). D'autres mesures professionnelles n'étaient par ailleurs pas nécessaires dans la situation de l'assurée.
m. Par courrier recommandé du 28 février 2022 reçu le lendemain par l'OAI, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations motivée par des douleurs chroniques depuis le mois de juin 2019, à la suite d'une intervention chirurgicale ayant conduit à une incapacité de travail de 100% dès le 28 septembre 2021. L'assurée relevait être employée à 100% en tant que patrouilleuse scolaire et être suivie par un neurologue et le centre de la douleur des Hôpitaux universitaires genevois, en plus de son généraliste et de sa psychiatre.
n. Le 15 mars 2022, la Ville d’C______ a indiqué que l'assurée travaillait en moyenne 8 heures par semaine depuis le 5 mars 2016, contre 40 heures de travail usuelles.
o. Dans la déclaration d'incapacité de travail adressée le 2 décembre 2021 à l'assurance perte de gain maladie, non signée, figure le fait que l'assurée travaille 11 heures par semaine, soit à un taux de 27.5%.
p. Le 15 juin 2022, la Dre E______ a indiqué que l'assurée, sur le plan psychiatrique, souffrait d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2), de phobies spécifiques (claustrophobie, nyctophobie, scotophobie, chien, serpent, souris ; F40.2), d'un probable trouble somatoforme douloureux (F45.4), d'une modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (F62.0), de difficultés liées à l'acculturation (Z60.3), de fibromyalgie et de migraines, ces troubles ayant tous un impact sur la capacité de travail. L'assurée souffrait aussi d'une incontinence urinaire persistante, de douleurs persistantes à l'épaule droite irradiant du bras à la main, de problèmes digestifs et de douleurs au dos et au coccyx. Elle présentait, entre autres, des difficultés à maintenir la concentration et l'attention avec des troubles de la mémoire antérograde, n'avait plus de capacité à retenir les informations et avait des difficultés à prendre des initiatives et des décisions. Elle se trouvait actuellement dans une phase de régression, présentait une personnalité très fragile, caractérisée par la difficulté à assumer un rôle d'adulte, avait besoin d'un étayage externe par rapport aux prises décisionnelles et n'arrivait plus à assumer même ses tâches de la vie quotidienne. Elle était ainsi devenue handicapée et dépendante des autres, n'arrivant plus à réaliser une grande partie des activités de la vie quotidienne. Elle n'était plus en état de faire le ménage, le repassage, à manger ou les courses, tâches qui étaient effectuées par son fils, son mari ou ses voisins. Sa capacité de travail était nulle et aucune mesure de réadaptation ne pouvait être raisonnablement tentée dans ce cas au pronostic sombre.
q. Le 22 juin 2022, sur mandat de l'assurance perte de gain maladie, le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport d'expertise. Selon l'anamnèse personnelle et familiale de l'assurée, celle-ci avait occupé un poste de femme de ménage au sein d'une entreprise pendant dix ans et y avait travaillé à temps partiel, environ deux heures par jour, ne pouvant travailler plus en raison de problèmes de santé. Elle avait ensuite changé d'emploi pour prendre un poste de patrouilleuse scolaire pour la Ville d’C______ et travaillait depuis lors en moyenne 12h30 par semaine. Elle avait été opérée en 2019 et avait demandé à son employeur de baisser ses heures de travail à une semaine de travail suivie d'une semaine de repos, ce qu'elle avait pu faire jusqu'en octobre 2021. Après un mois de retour aux horaires habituels, elle avait été mise en arrêt de travail. Son fils et son mari entretenaient le logement, elle-même ne faisant aucune tâche ménagère. L'expert a retenu, à titre de diagnostic ayant un effet sur la capacité de travail, un trouble dépressif caractérisé, de gravité sévère, présent depuis octobre 2021. Il n'y avait pas d'autre trouble psychique non incapacitant. La gravité des symptômes était à l'origine d'une souffrance importante et ingérable, perturbait nettement le fonctionnement social et professionnel, et entraînait de nombreuses limitations fonctionnelles : labilité émotionnelle majeure, susceptibilité importante au stress, ruminations anxieuses, idées suicidaires, troubles cognitifs, altération majeure de l'estime de soi et ralentissement psychomoteur. Les limitations fonctionnelles étaient trop nombreuses et sévères pour envisager de manière réaliste une reprise d'activité, même partielle dans un milieu adapté.
Sur la base de cette expertise, l'assurance perte de gain a versé ses prestations jusqu'à épuisement du droit, le 3 octobre 2023.
r. Dans un compte-rendu de consultation ambulatoire de la douleur du 27 septembre 2021, le docteur F______, spécialiste FMH en anesthésiologie, a posé les diagnostics de douleurs périnéales gauches avec probables névralgies pudendales gauches post chirurgicales, secondaires à une troisième intervention urologique et sans amélioration à la physiothérapie périnéale. Les douleurs avaient un impact fonctionnel et psychique important et n'avaient été améliorées que par des opiacés, bien tolérés. Le 25 février 2022, le même médecin a procédé à une neuromodulation par radiofréquence de la racine S3 pour traiter les douleurs chroniques périnéales gauches.
s. Dans un rapport du 17 septembre 2022, le professeur G______, spécialiste FMH en neurologie, a mentionné des migraines périorbitaires droites et une polyinsertionite en tant que diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail de l'assurée. Lorsque cette dernière avait des migraines, elle ne pouvait ni travailler, ni réaliser les tâches de la vie quotidienne (ménage, loisirs et activités sociales). Une activité professionnelle pouvait être reprise si la douleur pouvait être maîtrisée et la capacité de travail était alors de 50% dans l'activité habituelle et dans une activité adaptée. S'agissant de la polyinsertionite, il fallait voir avec le centre de la douleur. Le Prof. G______ a en outre joint ses rapports de consultation, dont celui du 5 avril 2021, faisant état de douleurs cervicales et de fortes douleurs inguinales et abdominales basses. Selon le status neurologique, la colonne cervicale était rigide avec une douleur locale à toutes les manœuvres, en particulier à l'extension et à la rotation. Au bras droit, une irradiation dans le territoire de la racine C8 était retrouvée, avec des fourmillements des doigts 4 et 5 de la main. Ce syndrome cervical avec une discrète touche radiculaire C8 droite ne nécessitait pour le moment pas d'intervention. Dans un rapport de consultation antérieur du 4 juin 2020, le Prof. G______ retrouvait des douleurs aux points d'insertion tendineuse plaidant dans le sens d'une fibromyalgie. Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après : IRM) du 8 juin 2020 mettait en évidence une discrète anomalie millimétrique latéro-bulbaire gauche compatible avec le status post-syndrome de Wallenberg et un microanévrisme de l'artère carotide interne à droite.
t. Le 12 juillet 2022, le Dr B______ a mentionné un syndrome douloureux chronique, des douleurs pudendales, une incontinence mixte et une fibromyalgie en tant que diagnostics ayant une influence sur la capacité de travail de l'assurée. Elle était incapable de maintenir la station debout pendant longtemps et avait des douleurs à la marche, de sorte qu'elle ne pouvait plus réaliser son activité professionnelle habituelle. Il était difficile de se positionner quant à une activité adaptée, au vu du degré d'envahissement de ses problèmes dans sa vie. Concernant l'accomplissement des tâches ménagères, l'assurée ne pouvait quasiment plus rien faire.
u. Le 28 février 2023, la Dre E______ a rédigé un nouveau rapport dans lequel elle a indiqué que l'incontinence urinaire et les fortes douleurs inguinales persistaient. L'assurée souffrait également de douleurs aux deux coudes, à la main droite, au ventre et au dos et avait de plus en plus de crises migraineuses. Elle n'arrivait plus à porter de charges. Elle présentait des difficultés de concentration et d'attention et des troubles de la mémoire ; elle n'avait plus la capacité de retenir les informations, était distraite et oubliait beaucoup. Ses crises migraineuses continuaient et en décembre 2022, elle avait eu des vertiges et était tombée de sa hauteur. Ses crises d'angoisse et ses attaques de panique s'étaient aggravées depuis le tremblement de terre du 6 février 2023 en Turquie. Elle avait une vie sédentaire, passive, ne participait plus aux activités sociales, ni même n'arrivait à assumer ses tâches de la vie quotidienne.
v. Dans un avis du 23 mars 2023, le SMR a considéré que l'assurée était en incapacité totale de travail dans toute activité depuis le 20 février 2017 en raison d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptôme psychotique (F33.2), d'un status post opération urologique le 5 juin 2019 avec douleurs pudendales et d'une incontinence urinaire d'effort en amélioration, de migraines périorbitaires et de polyinsertionite. Il a estimé que l'incapacité de travail de l'assurée était totale en raison du trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, comme le retenait l'expert. Sur le plan somatique, la capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle, celle-ci ne respectant pas les limitations fonctionnelles. Elle était de 50% dans une activité adaptée comme l'indiquait le Prof. G______. Les limitations fonctionnelles consistaient, sur le plan somatique, en l'impossibilité de maintenir la station debout prolongée ou de marcher de manière prolongée. Des toilettes devaient se trouver à proximité. Sur le plan psychiatrique, les limitations étaient les suivantes : labilité émotionnelle majeure, susceptibilité importante au stress, ruminations anxieuses, idées suicidaires, troubles cognitifs, altérations majeures de l'estime de soi, ralentissement psychomoteur, difficultés à réaliser et organiser des tâches professionnelles même simples, à gérer les émotions et dans les interactions interprofessionnelles. Le SMR suggérait la réalisation d'une enquête ménagère au vu du statut de l'assurée.
w. Après avoir considéré qu'une nouvelle enquête économique sur le ménage n'était pas nécessaire dans la mesure où les conclusions de celle réalisée en 2019 restaient valables, l'OAI a établi, le 7 août 2023, un projet de décision de refus de rente, basé sur un taux d'invalidité de 20% (perte économique de 100% dans la part professionnelle de 20%). L'empêchement était nul dans les travaux habituels, correspondant à une part de 80%.
x. Après que l'assurée eut formulé, le 14 septembre 2023, des observations sous la plume de son conseil, sollicitant sa mise au bénéfice d'une rente entière d'invalidité et, subsidiairement, la reprise de l'instruction afin qu'une nouvelle enquête économique sur le ménage soit ordonnée, l'OAI a fait procéder à une telle enquête le 23 novembre 2023.
y. À la suite du rapport d'enquête économique sur le ménage rendu le 27 novembre 2023 concluant à des empêchements de l'assurée de 30.2%, réduits à 0% en tenant compte de l'exigibilité des membres de la famille, l'OAI a rejeté la demande de prestations, par décision du 29 novembre 2023, l'invalidité étant toujours de 20%.
C. a. Par acte du 15 janvier 2024, l'assurée, représentée par son conseil, a interjeté recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision précitée, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente d'invalidité dont le taux restait à déterminer, subsidiairement au renvoi de la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
b. Par mémoire de réponse du 15 février 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision entreprise.
c. Le 15 mars 2024, la recourante a répliqué et persisté dans ses conclusions.
d. À la demande de la chambre de céans, la Dre E______ a rédigé, le 24 octobre 2024, un rapport concernant les empêchements de la recourante dans la sphère ménagère. Elle a indiqué que celle-ci présentait des troubles significatifs de la concentration et de l'attention associés à une thymie dépressive, un manque de motivation, des crises d'angoisse récurrentes, des difficultés dans la gestion des émotions, ainsi qu'une fatigue persistante. Elle souffrait également de migraines sévères, de douleurs chroniques aux épaules, au dos et au flanc gauche, ainsi que d'une incontinence urinaire invalidante. Ces symptômes l'empêchaient de réaliser ses tâches quotidiennes de manière autonome. Les limitations étaient en substance les suivantes, pour chaque activité :
- préparer et cuire les aliments, faire des provisions : la recourante oubliait fréquemment les ingrédients ou les dosages, contraignant son époux à la surveiller. Elle était distraite, en proie à des ruminations morbides et éprouvait des difficultés à planifier quoi que ce soit. L'époux assurait principalement la préparation des repas. La Dre E______ considérait ainsi que la recourante n'était actuellement pas en mesure de gérer ces tâches ;
- mettre la table, servir le repas, débarrasser la table : les troubles psychologiques de la recourante, notamment l'effondrement de ses ressources d'adaptation, et ses douleurs physiques l'empêchaient de réaliser ces tâches ;
- nettoyer la cuisine au quotidien (ranger la cuisine, laver la vaisselle, ranger et vider le lave-vaisselle, nettoyer le bloc de cuisine) : la recourante n'était pas en mesure de réaliser de manière autonome les tâches liées au nettoyage quotidien de la cuisine en raison de ses limitations physiques (elle rapportait des douleurs intenses au dos et aux épaules, l'empêchant de se plier ou lever les bras au-dessus de la tête, limitations qui étaient exacerbées par des épisodes d'incontinence urinaire), des symptômes de dépression et des troubles cognitifs associés qui aggravaient ses difficultés et réduisaient sa capacité à se concentrer et à organiser ces activités ;
- travaux légers (ranger, aérer, épousseter, faire le lit, etc.) : la recourante était fortement limitée dans sa capacité à accomplir des travaux légers de manière autonome en raison de ses douleurs et de son état psychologique. Elle se forçait à accomplir certaines de ces tâches sur incitation de son époux, éprouvant de grandes difficultés à les réaliser de manière autonome. Les limitations étaient principalement dues à des douleurs persistantes, notamment au dos, aux épaules, au flanc gauche et au pli inguinal gauche, ainsi qu'à un épuisement physique constant. Les douleurs chroniques, combinées à des troubles psychomoteurs associés à une dépression sévère et à une anxiété persistante, entravaient considérablement la capacité de la recourante à exécuter même des tâches légères. La fatigue liée à l'état psychique et émotionnel aggravait encore cette situation, la rendant incapable de maintenir un rythme de travail autonome pour ces activités ;
- travaux lourds (passer l'aspirateur, entretenir les sols, nettoyer les sanitaires, changer les draps de lit) : la recourante était totalement incapable d'accomplir les travaux lourds en raison de ses troubles mentaux et de ses douleurs constantes (au dos, aux épaules, au flanc gauche et au niveau du pli inguinal gauche). Elle avait en plus des difficultés physiques à maintenir la position debout pendant une période prolongée, des migraines fréquentes et une fatigue chronique sévère liée à la fibromyalgie et à l'incontinence urinaire ;
- travaux saisonniers ou périodiques (nettoyer les vitres, la cuisine en profondeur, etc.) : la recourante était dans l'incapacité durable et permanente de réaliser ces travaux de manière autonome en raison de ses limitations physiques et mentales sévères. Ces activités étaient assurées par sa sœur, résidant en Allemagne et venant environ une fois par trimestre pour s'en occuper ;
- éliminer les déchets, entretien des plantes d'intérieur et du balcon : ces tâches étaient entièrement prises en charge par l'époux et le fils, car la recourante n'était pas en mesure de les accomplir en raison de ses limitations physiques et mentales. Elle était ainsi totalement dépendante de l'aide de ses proches sur ces points ;
- achats et courses diverses : la recourante était dans l'incapacité de faire des courses de manière régulière et conséquente en raison de ses troubles cognitifs et émotionnels, de ses douleurs chroniques, ainsi que de son incontinence. Elle ne parvenait à réaliser que des petits achats dans son quartier, et uniquement à la demande de son époux. Ses difficultés à planifier, organiser et exécuter des achats plus importants étaient directement liées à ses limitations cognitives, psychiques et physiques, qui affectaient considérablement son autonomie dans la gestion des activités de la vie quotidienne. Son empêchement à la réalisation de ces tâches était presque entier ;
- lessives, trier le linge, le transporter, remplir la machine, la mettre en marche, sortir le linge, le mettre/sortir dans le sèche-linge, le pendre/dépendre : la recourante ne parvenait à réaliser ces tâches que de manière partielle sur incitation de ses proches, avec des difficultés particulièrement marquées pour trier, transporter et sécher le linge. Ses limitations physiques et psychiques l'empêchaient de réaliser presque entièrement ces tâches de manière continue ;
- repasser, plier et ranger le linge : la recourante était totalement incapable de repasser et de ranger le linge, mais pouvait plier les vêtements de manière partielle sur demande de son époux. Ses douleurs physiques intenses, associées à une dépression sévère et à un manque de concentration, rendaient difficile l'accomplissement de ces tâches de façon autonome et cohérente.
Compte tenu de ce qui précédait, la recourante était désormais complètement dépendante de l'aide et de la présence de son époux et de son fils. Son état physique et psychique ne lui permettait plus de mener une vie autonome et elle nécessitait un soutien constant de leur part pour accomplir les tâches quotidiennes, ainsi que pour répondre à ses besoins personnels. Si un évènement grave devait leur advenir, elle se retrouverait dans une situation de grande vulnérabilité et serait totalement incapable de subvenir à ses besoins de manière autonome compte tenu de ses multiples affections, tant physiques que psychiques. De plus, le fils et l'époux devaient faire face à leurs propres problèmes et préoccupations, le premier étant étudiant à l'université à plein temps et disposant de peu de temps à domicile, le second étant fortement atteint dans sa santé et ayant auparavant bénéficié d'une rente entière de l'assurance-invalidité. La situation pesait lourdement sur la recourante qui se sentait comme un fardeau pour ses proches, ce qui exacerbait son mal-être et aggravait son état psychique. Elle se sentait inutile, handicapée et totalement dépendante, ce qui détériorait encore davantage sa santé mentale et alimentait un cercle vicieux dans la dégradation de son état psychologique. La recourante n'était plus en mesure de gérer les tâches de la vie quotidienne en raison de ses nombreuses limitations, tant mentales que physiques.
e. Par observations du 12 novembre 2024, l'intimé a considéré que l'opinion de la Dre E______ ne pouvait primer les observations concrètes relevées lors de l'enquête à domicile, son évaluation n'ayant pas été effectuée sous l'angle de critères identiques à ceux de l'enquête économique sur le ménage. Se fondant sur un avis du SMR du 4 novembre 2024, il a soulevé que la médecin mélangeait des limitations somatiques avec des limitations psychiatriques, n'expliquait pas concrètement ces dernières, rapportait des éléments anamnestiques et appliquait des critères de rendement utilisés dans l'évaluation de la capacité de travail, qui ne trouvaient pas application dans le cadre de la tenue du ménage, où l'impératif du rendement était absent et où les tâches pouvaient être déléguées ou fractionnées.
f. Dans ses observations du 15 novembre 2024, la recourante s'est prévalue de ce que le rapport de la Dre E______ contredisait le contenu de l'enquête ménagère du 23 novembre 2023, confirmant ainsi l'absence de force probante de celle-ci. Ce rapport retenait, en sus des atteintes à la santé déjà retenues dans l'enquête ménagère, des troubles significatifs de la concentration et de l'attention, des crises d'angoisse récurrentes et la présence de douleurs chroniques aux épaules, au dos et au flanc gauche.
g. Le 2 décembre 2024, la recourante s'est prononcée sur les dernières observations de l'intimé et a persisté dans ses conclusions.
h. Ladite écriture a été transmise à l'intimé.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.
2. Le litige porte sur le taux d'invalidité de la recourante, singulièrement sur l'évaluation de ses empêchements dans la sphère ménagère. Sa totale incapacité de travail dans toute activité professionnelle n'est pas contestée.
3.
3.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).
En l’occurrence, la décision querellée fait suite à une nouvelle demande de prestations déposée en février 2022 et refuse l’octroi d’une rente, dont le droit serait né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
3.2 Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a), il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) et au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).
En vertu de l'art. 28 LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2).
L'art. 29 al. 1 LAI énonce que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit son 18e anniversaire. Selon l'al. 3 de cette disposition, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.
Conformément à l'art. 29 al. 3 LPGA, la date à laquelle l'annonce a été remise à la poste ou déposée auprès de l'organe est déterminante s'agissant du moment auquel les prestations ont été faites valoir (Guy LONGCHAMP, in Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 28 et 40 ad art. 29 LPGA).
Aux termes de l'art. 28a al. 1 LAI, l’évaluation du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative est régie par l’art. 16 LPGA. Le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est quant à lui évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels (art. 28a al. 2 LAI). Enfin, selon l'art. 28a al. 3 LAI, lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel, le taux d’invalidité pour cette activité est évalué selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, le taux d’invalidité pour cette activité est fixé selon l'al. 2. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité.
3.3 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 24septies ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et la référence) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).
Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).
Selon l’art. 24septies RAI, le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (al. 2 let. a) ; est réputé exercer une activité à temps partiel au sens de cette même disposition dès lors qu'en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d'occupation de moins de 100% (al. 2 let. c).
Le taux d’invalidité des personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel est déterminé par l’addition du taux d’invalidité en lien avec l’activité lucrative et du taux d’invalidité en lien avec les travaux habituels (art. 27bis al. 1 RAI).
3.4 De même que pour les assurés actifs, l'incapacité de travail des personnes exerçant une activité lucrative à temps partiel ou n'exerçant pas d'activité lucrative ne se confond pas avec le degré d'invalidité. Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution – attestée médicalement – du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).
L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).
Dans le cadre de l'évaluation de l'invalidité dans les travaux habituels, l'aide des membres de la famille (en particulier celle des enfants) va au-delà de ce que l'on peut attendre de ceux-ci, si la personne assurée n'était pas atteinte dans sa santé. Il y a lieu en effet de se demander quelle attitude adopterait une famille raisonnable, dans la même situation et les mêmes circonstances, si elle devait s'attendre à ne recevoir aucune prestation d'assurance (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2. et les références).
La jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers – par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) – sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références, in SVR 2023 IV n. 46 p. 156).
Le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu'il n'y a pas de motif de revenir sur le principe de l'obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références).
Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et 129 V 67 consid. 2.3.2 publié in VSI 2003 p. 221 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et I 733/06 du 16 juillet 2007).
Le facteur déterminant pour évaluer l'invalidité des assurés n'exerçant pas d'activité lucrative consiste dans l'empêchement d'accomplir les travaux habituels, lequel est déterminé compte tenu des circonstances concrètes du cas particulier. C'est pourquoi il n'existe pas de principe selon lequel l'évaluation médicale de la capacité de travail l'emporte d'une manière générale sur les résultats de l'enquête ménagère. Une telle enquête a valeur probante et ce n'est qu'à titre exceptionnel, singulièrement lorsque les déclarations de l'assuré ne concordent pas avec les constatations faites sur le plan médical, qu'il y a lieu de faire procéder par un médecin à une nouvelle estimation des empêchements rencontrés dans les activités habituelles (VSI 2004 p. 136 consid. 5.3 et VSI 2001 p. 158 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005).
Cela étant, en présence de troubles d'ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile. Une telle priorité de principe est justifiée par le fait qu'il est souvent difficile pour la personne chargée de l'enquête à domicile de reconnaître et d'apprécier l'ampleur de l'atteinte psychique et les empêchements en résultant (arrêts du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.1, 9C_39/2021 du 6 décembre 2021 consid. 3.2 et 9C_925/2013 du 1er avril 2014 consid. 2.2).
L'existence effective d'une divergence entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels ne peut être constatée de manière définitive que lorsque les deux évaluations ont été effectuées sous l'angle de critères identiques (« unter gleichen Vorzeichen »). Cela signifie que les appréciations médicales doivent se référer également aux différentes tâches domestiques et tenir compte de l'aide nécessaire et raisonnablement exigible des membres de la famille à la lumière des circonstances concrètes. Lorsque tel est le cas, si les médecins parviennent à une conclusion divergente, ils doivent encore examiner le rapport d'enquête économique sur le ménage et expliquer pourquoi ils sont parvenus à une autre conclusion (arrêts du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.2, 8C_671/2007 du 13 juin 2008 consid. 3.2.2 et I 498/05 du 16 décembre 2005 consid. 6.2.2).
3.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
4.
4.1 En l'espèce, compte tenu des griefs soulevés par la recourante, il convient en premier lieu d'examiner la question de son statut, singulièrement dire si l'intimé a considéré à juste titre que sans atteinte à la santé elle aurait travaillé à 20% et exercé ses travaux ménagers à 80%.
La recourante se prévaut à ce propos de la mention, dans la déclaration d'incapacité de travail à l'assurance perte de gain, qu'elle travaille 11 heures par semaine, ce qui, au regard des 40 heures exercées usuellement dans la commune C______, représente un taux de travail de 27.5%.
Le dossier contient plusieurs indications concernant les différents taux de travail de la recourante. Celle-ci a en premier lieu exercé une activité de nettoyeuse de février 2008 à décembre 2015, à raison de 11.25 heures par semaine selon une première attestation de la société de nettoyage, respectivement 12.25 heures par semaine selon une seconde attestation, ce qui correspond à un taux entre 26.2% et 28.5%. La recourante a ensuite été au chômage et recherchait une activité professionnelle à 30%. Elle a finalement été engagée en tant que patrouilleuse scolaire par la Ville d’C______, depuis le mois de septembre 2016. Selon la lettre d'engagement, son horaire hebdomadaire complet était de 11 heures par semaine ; la planification de l'horaire spécifique demeurait néanmoins fixée par l'employeuse. Dans un rapport adressé à l'intimé dans le cadre de l'instruction de la première demande de prestations de la recourante, la Ville d’C______ a indiqué que celle-ci avait travaillé à son service depuis le 5 septembre 2016 à raison de 7.5 heures en moyenne par semaine, contre 40 heures usuellement. Dans le second rapport employeur du 15 mars 2022, l'employeuse a cette fois mentionné 8 heures hebdomadaires de travail en moyenne pour un horaire normal inchangé, ce qui correspond à un taux de 20%. Enfin, la déclaration de maladie mentionne 11 heures de travail hebdomadaires.
Les indications contenues dans ce dernier document ne peuvent être confirmées. En effet, la déclaration d'incapacité de travail n'est, d'une part, pas signée. D'autre part, les heures de travail alors répertoriées ne sauraient supplanter celles qui ont été mentionnées de façon expresse par l'employeuse dans les deux rapports idoines envoyés par l'intimé, et qui sont proches (7.5 heures et 8 heures depuis le début des rapports de travail). Les 11 heures de travail figurant dans la déclaration adressée à l'assurance perte de gain correspondent par ailleurs à l'horaire hebdomadaire complet de la recourante, selon la lettre d'engagement. Or, celle-ci mentionne aussi que la planification de l'horaire spécifique demeure fixée par la commune, ce que rappelle également le contrat de travail. Dans ces circonstances, il faut privilégier les données fournies expressément à l'intimé par la Ville d’C______ et confirmer qu'elle était employée à 20% par cet employeur.
La recourante ne prétend par ailleurs pas, dans le cadre de la procédure, qu'elle aurait travaillé à un taux réduit en raison de problèmes de santé. Si cette idée ressort certes de l'expertise psychiatrique du Dr H______ (p. 4 du rapport, où il est décrit que la recourante travaillait à temps partiel lorsqu'elle nettoyait des bureaux, déjà en raison de problèmes de santé), elle ne développe cependant aucune argumentation à cet égard dans son recours. Il sied par ailleurs de rappeler qu'elle a été jugée en incapacité durable de travail dès 2017 par le SMR, soit bien après le début de son emploi à temps partiel en tant que nettoyeuse.
Au surplus, si la recourante a certes diminué son temps de travail lorsqu'elle a repris un emploi de patrouilleuse scolaire, alors qu'elle exerçait à un taux supérieur en tant que nettoyeuse et recherchait un travail à 30% lorsqu'elle était au chômage, elle ne soutient pas non plus dans ses écritures qu'elle aurait mis un terme à cette dernière activité en raison de problèmes de santé. Bien que la recourante ait indiqué en 2019 à l'enquêtrice chargée d'évaluer ses empêchements qu'elle s'était réorientée pour des raisons de santé, il ressort au contraire de la lettre de licenciement de la société de nettoyage que la fin des rapports de travail était motivée par des motifs économiques, soit la perte d'un client important. Par ailleurs, même si la recourante avait déjà subi une intervention urologique en 2014, aucun élément ne permet de retenir qu'elle était en incapacité durable de travail avant 2017, année prise en compte par le SMR à ce titre et correspondant aussi à l'année de sa deuxième intervention urologique.
Au vu des circonstances qui précèdent, il y a ainsi lieu de confirmer, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante, que, sans atteinte à la santé, la part d'activités professionnelles de la recourante se serait bien élevée à 20%, contre 80% pour les travaux habituels dans le ménage.
4.2 Il s'agit maintenant d'examiner quelle est l'invalidité de la recourante dans la sphère ménagère, étant rappelé que l'invalidité totale dans la sphère professionnelle n'est pas remise en cause par les parties.
L'intimé, se basant sur une nouvelle enquête ménagère réalisée au domicile de la recourante le 23 novembre 2023, a considéré qu'elle présentait des empêchements totaux de 30.2% qui étaient totalement compensés par l'aide exigible de ses proches, ce qui aboutissait à un degré d'invalidité nul.
4.2.1 Il sied ainsi de déterminer si une pleine force probante peut être accordée à cette enquête ménagère.
Ce document a été établi par une personne qualifiée, au domicile de l’intéressée. Il rappelle par ailleurs tous les diagnostics et les limitations fonctionnelles pris en considération par le SMR dans son dernier rapport, lui-même fondé sur les éléments médicaux au dossier, notamment les rapports de la psychiatre traitante et l'expertise psychiatrique. Concernant en particulier les aspects psychiques, les limitations et diagnostics relevés dans le rapport d'enquête sont en adéquation avec les conclusions de l'expertise psychiatrique, qui ne sont pas remises en cause par la recourante. L'enquêtrice disposait ainsi d'un dossier complet afin d'apprécier au mieux les empêchements de cette dernière dans la sphère ménagère. Cela ne signifie néanmoins pas que son évaluation à ce sujet doive sans autres être validée. Il s'agit, sur ce point, de mettre ses conclusions en perspective avec les autres avis au dossier.
4.2.2 Dans le cadre de l'instruction de la demande de prestations, les médecins traitants ont attesté, en des termes généraux, des difficultés de la recourante à tenir son ménage (rapports de la Dre E______ du 30 juillet 2018, du 15 juin 2022 et du 28 février 2023 ; rapport du Dr B______ du 12 juillet 2022).
Le psychiatre ayant expertisé la recourante a par ailleurs mentionné, au status psychiatrique, des facultés d'attention et de concentration quelque peu déficitaires, des gestes et déplacements lents, une humeur triste, des affects fixés sur le versant dépressif, un ralentissement psychomoteur et psychique, un discours négatif, une culpabilisation et un état de stress et d'angoisse (p. 7 s.). Plus loin dans son rapport, l'expert a relevé que la recourante présentait une humeur dépressive importante et quotidienne, constatée lors des deux rendez-vous d'expertise, une perte de plaisir intense pour la plupart des activités, une perte d'appétit importante, des troubles du sommeil majeurs invalidants présents presque toutes les nuits, un ralentissement psychomoteur, une fatigue alléguée mais non retrouvée en entretien, une culpabilité exagérée, une auto-dévalorisation majeure, des troubles de la concentration, ainsi que des difficultés à penser (p. 10). L'expert a en outre confirmé le diagnostic psychiatrique de trouble dépressif récurrent sévère posé par la psychiatre traitante, signifiant que la personne concernée ressent une souffrance importante et ingérable, et que ses symptômes perturbent son fonctionnement social ou professionnel (p. 10). Selon l'anamnèse dressée, dans le cas concret, la recourante ne faisait et n'entreprenait rien de ses journées ; le logement était entretenu par son mari et son fils et la maison était, d'après elle, « en bordel » (p. 6). L'expert a aussi retenu que les limitations fonctionnelles de la recourante impactaient ses facultés d'organisation, d'adaptation et d'interaction (p. 12). Au vu de l'étendue de son mandat, l'expert n'a pas examiné les empêchements de la recourante dans la sphère ménagère, mais a jugé qu'elle était totalement incapable de reprendre une quelconque activité professionnelle.
Enfin, à la demande de la chambre de céans, la Dre E______ a rédigé un rapport concernant les limitations de la recourante dans ses activités domestiques qui conclut, en substance, à son incapacité à accomplir les tâches de la vie quotidienne de manière autonome, sans assistance, au vu de différents symptômes psychiques (troubles significatifs de la concentration et de l'attention, thymie dépressive, manque de motivation, crises d'angoisse récurrentes, difficultés dans la gestion des émotions et fatigue persistante), de l'effondrement de ses ressources d'adaptation, et de limitations physiques.
L'on constate donc que les médecins s'étant exprimé sur les facultés psychiques de la recourante et sur sa capacité à réaliser des tâches de son ménage ont globalement eu une appréciation plus défavorable que celle de l'enquête économique sur le ménage. Il existe ainsi des divergences entre les résultats de l'enquête et les constatations d'ordre médical, ce qui ne permet a priori pas d'accorder une pleine valeur probante à l'enquête réalisée concernant les empêchements pour causes psychiques.
Cependant, dans la mesure où seul le rapport de la Dre E______ du 24 octobre 2024 examine les empêchements de la recourante de manière détaillée, en rapport avec chaque activité particulière du ménage, seul celui-ci serait de nature à remettre en question les résultats de l'enquête, la jurisprudence exigeant que les deux évaluations aient été effectuées sous l'angle de critères identiques.
4.2.3 Il s'agit donc de déterminer si ce rapport remplit les conditions jurisprudentielles permettant de lui accorder une valeur probante supérieure à celle de l'enquête ménagère.
D'emblée, il peut être constaté que la Dre E______ a rédigé son rapport après avoir été mise en possession des deux enquêtes ménagères réalisées et avoir pu les examiner en détail. Sans critiquer directement les résultats de la dernière enquête, elle formule néanmoins des conclusions différentes, montrant ainsi son désaccord avec cette évaluation. Il a de plus été requis de la psychiatre qu'elle se détermine sur l'exigibilité des membres de la famille, question qu'elle a abordée.
Le rapport du 24 octobre 2024 a par conséquent été rédigé en prenant en considération tous les éléments essentiels à l'évaluation des empêchements dans la sphère ménagère et repose sur des critères identiques à l'enquête économique sur le ménage, de sorte que, conformément à la jurisprudence, ses conclusions concernant la capacité psychique de la recourante à assumer les activités domestiques doivent en principe primer les résultats de l'enquête.
L'intimé élève néanmoins plusieurs griefs particuliers contre ce rapport, qu'il convient d'examiner.
Il estime premièrement que la Dre E______ mélange des limitations somatiques avec des limitations psychiatriques, et que celles-ci ne sont pas concrètement expliquées. Il est vrai que la psychiatre mentionne plusieurs fois les atteintes à la santé physique affectant la recourante, notamment des migraines sévères, des douleurs chroniques à plusieurs membres, et une incontinence urinaire. Cette médecin a cependant exposé avec constance, dans ses différents écrits, le fait que la recourante est affectée de symptômes psychiques graves et les difficultés à tenir son ménage qui en découlent. L'on ne saurait vraisemblablement considérer qu'elle aurait évalué différemment les empêchements de la recourante, si seules les atteintes psychiques avaient été mentionnées. Les limitations physiques ne sont par ailleurs jamais invoquées seules pour justifier un empêchement, mais toujours en sus de limitations psychiques. Son rapport ne saurait ainsi être invalidé, au motif qu'elle a souhaité dressé un portait global et exhaustif de sa patiente. Au surplus, contrairement à ce que soutient l'intimé, les limitations psychiatriques de la recourante sont précisément décrites à plusieurs reprises par la Dre E______.
Contrairement à ce que soutient ensuite l'intimé, le rapport de la Dre E______ ne se fonde pas uniquement sur des éléments anamnestiques, mais également sur des constatations cliniques. La psychiatre décrit en effet les troubles psychiques présentés par la recourante, soit ceux qu'elle a pu objectiver lors des entretiens avec sa patiente. Au demeurant, l'enquête économique sur le ménage est elle-même aussi en partie établie sur une base anamnestique, en ce sens qu'elle se fonde sur les propos de la recourante quant aux tâches domestiques qu'elle réalise ou non, et avec quelles difficultés. Bien qu'effectuée au domicile de la recourante, cette enquête ne la met ainsi pas en situation et repose sur son interrogatoire. L'approche suivie par ces deux évaluations est par conséquent identique, ce qui rend le grief inconsistant.
L'intimé relève enfin que le rapport de la Dre E______ parle d'une baisse du rythme de travail de la recourante, alors que la notion de rendement est absente dans les activités du ménage. Une telle critique est infondée. La psychiatre a en effet uniquement évoqué la question du rythme de travail en lien avec les activités de travaux légers. Elle a de surcroît indiqué que les diverses limitations de la recourante ne lui permettaient pas de maintenir un rythme de travail autonome pour ces activités et a donc surtout fait état, comme pour les autres tâches, de son absence d'autonomie à cet égard.
Les critiques particulières soulevées par l'intimé contre le rapport du 24 octobre 2024 ne résistent ainsi pas à l'examen.
4.2.4 Il reste à déterminer si, comme le soutient l'intimé, il peut être attendu de la recourante qu'elle participe plus activement à la tenue du ménage et qu'elle effectue certaines tâches domestiques sur incitation des membres de sa famille, en vertu de son obligation de réduire le dommage. C'est en effet en partant de cette prémisse que l'infirmière spécialisée a retenu que la recourante pouvait, sur incitation de ses proches, réaliser certains gestes simples et routiniers et qu'elle a quantifié les empêchements dans les différentes activités domestiques. L'évaluatrice a ainsi reconnu des empêchements de la recourante plus importants pour les tâches ménagères physiquement contraignantes, et des empêchements moindres pour les activités plus légères.
Dans ce contexte, il sied de rappeler que la personne assurée a l'obligation de réduire son dommage et faire tout ce que l'on peut raisonnablement attendre d'elle pour réduire les effets de l'atteinte à la santé, notamment répartir son travail, s'aménager des temps de pause et requérir l'aide des membres de sa famille. Il n'en demeure pas moins qu'elle doit avoir les ressources mentales et psychiques pour ce faire, ce qui doit être précisément déterminé de cas en cas, avec la collaboration des médecins psychiatres, ceux-ci étant, selon la jurisprudence, plus à même d'apprécier l'ampleur de l'atteinte psychique et les empêchements en découlant.
En l'occurrence, il ressort des divers rapports médicaux au dossier que la recourante souffre d'une atteinte psychologique sévère, qui se manifeste par la présence de plusieurs symptômes, objectivés par la psychiatre traitante et l'expert. Les diagnostics et limitations fonctionnelles ne sont, pour l'essentiel, pas remis en cause par le SMR ou l'intimé. Ce dernier ne peut en particulier rien tirer du fait que l'expert n'aurait pas constaté cliniquement de fatigue et n'aurait fait état de capacités d'attention et de concentration que légèrement déficitaires. Le Dr H______ a en effet relevé, à plusieurs reprises, que la recourante présentait un ralentissement psychomoteur et psychique, et a fait état de troubles du sommeil incapacitants, de difficultés à penser, ainsi que de troubles de la concentration. Il ressort par ailleurs de son rapport que le trouble dépressif récurrent de degré grave dont souffre la recourante affecte non seulement ses capacités à se mobiliser, mais aussi ses facultés d'organisation, d'adaptation et d'interaction. Comme il l'explique, un tel trouble signifie que la personne concernée ressent une souffrance importante et ingérable, avec des symptômes qui perturbent son fonctionnement social ou professionnel. Une telle incapacité à se mobiliser, à planifier et à entreprendre seule des actes mêmes simples et routiniers ressort aussi du rapport de la Dre E______ du 24 octobre 2024.
Cela étant, dans l'ensemble de son évaluation, la Dre E______ insiste surtout sur le fait que la recourante est limitée dans sa faculté à entreprendre ses tâches de manière autonome ; elle n'expose pas que, malgré une assistance, elle ne pourrait plus réaliser aucune activité. La psychiatre ne quantifie par ailleurs pas, en pourcentage, les empêchements de la recourante dans les divers postes du ménage et relève au contraire qu'elle continue à faire quelques petites tâches, sur incitation de ses proches, telles que la préparation des aliments ou des activités de lessive. L'enquête ménagère expose également que la recourante effectue toujours certaines tâches simples si elle est stimulée, comme par exemple des achats légers dans le quartier, malgré les difficultés rencontrées.
Dans ces circonstances, la chambre de céans retiendra, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante, que la recourante n'est pas, en toute situation, totalement incapable de réaliser les activités de la sphère ménagère, mais qu'elle conserve certaines facultés psychiques et mentales qui lui permettent, sur incitation de ses proches, de participer aux tâches domestiques à hauteur de 20%. L'hypothèse que la recourante puisse réaliser 1/5 de tâches sur stimulation de son entourage, malgré des atteintes psychiques conséquentes, paraît en effet plus probable qu'une incapacité totale et pour toute activité, même en étant soutenue. Une telle incapacité totale, même sur stimulation des membres de la famille, ne se déduit en effet pas des constatations médicales.
4.2.5 La recourante, qui ne peut plus réaliser que des activités de ménage à un taux de 20% sur stimulation de ses proches, doit donc se voir reconnaître une incapacité de 80% à cet égard. Cette incapacité pour cause psychique englobe par ailleurs les empêchements admis en raison de ses limitations physiques, qu'il n'y a pas lieu de revoir. Sur ce point, l'enquête ménagère conserve en effet sa force probante, ayant été établie selon les règles, par une personne qualifiée et en toute connaissance du dossier.
L'exigibilité des proches telle que fixée dans l'enquête ménagère – 30.2%, correspondant aux tâches qu'ils peuvent eux-mêmes assumer – n'est en outre pas remise en cause par les parties, pas plus que le nombre d'heures allouées à la tenue du ménage pour cette constitution familiale (24.32 heures). L'intimé en particulier ne soutient pas que le mari et le fils de la recourante devraient, ou pourraient, concrètement prendre en charge les activités ménagères à un taux plus élevé que celui déterminé lors de l'enquête. Dans ces circonstances, il faut maintenir une exigibilité de leur part concernant les tâches qu'ils doivent eux-mêmes effectuer à un taux de 30.2%. Par ailleurs, en tenant compte de l'aide exigible qu'ils doivent fournir à la recourante afin de l'inciter à réaliser des tâches ménagères à hauteur de 20%, leur exigibilité totale se monte à 50.2%, autrement dit à un peu plus de 12 heures par semaine, et à un peu moins d'une heure par jour et par personne. Une telle exigibilité du fils et du mari de la recourante ne dépasse pas l'aide qui peut raisonnablement être exigée d'eux au vu de leur situation personnelle d'étudiant et de personne à la retraite, malgré des études prenantes et des problèmes de santé allégués, compte tenu de l'obligation de réduire le dommage.
Compte tenu du fait que la recourante est incapable d'effectuer des activités domestiques à raison de 80% – ce qui prend en considération les tâches qu'elle peut entreprendre à 20% en étant soutenue – et de l'exigibilité de ses proches de 30.2% concernant les tâches qu'ils peuvent eux-mêmes réaliser, l'invalidité de la recourante dans la sphère ménagère, correspondant à 80% de son temps d'activité contre 20% pour les activités professionnelles, s'établit ainsi à 40%, selon le calcul suivant : 80% x (80% - 30.2%) = 39.84%, arrondi à 40%.
4.3 Son invalidité générale est par conséquent de 60%, en additionnant les invalidités respectives dans les sphères des travaux professionnels (20%) et ménagers (40%), ce qui lui ouvre le droit à une rente de même quotité, dès le 1er août 2022, soit à l'échéance d'une période de six mois à compter de la date à laquelle elle a exercé son droit aux prestations (le 28 février 2022).
5. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision du 29 novembre 2023 sera annulée.
La recourante, qui a conclu à l'octroi d'une rente d'invalidité dont le taux restait à déterminer, obtient gain de cause, de sorte qu'une indemnité de CHF 3'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L'admet.
3. Annule la décision de l'intimé du 29 novembre 2023.
4. Dit que la recourante a droit à une rente d'invalidité de 60% dès le 1er août 2022.
5. Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 3'500.- à titre de dépens.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le