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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2185/2024

ATAS/5/2025 du 13.01.2025 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2185/2024 ATAS/5/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 janvier 2025

Chambre 1

 

En la cause

A______

représentée par Me Mélanie MATHYS DONZE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1974, divorcée, mère de deux enfants nés le ______ 2003 et le ______ 2006, a déposé une première demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) en date du 13 novembre 2007, en raison d'atteintes au dos, à la hanche et au genou.

b. Par décision du 1er février 2008, non contestée par l'assurée, l'OAI, en se basant sur l'estimation de son service médical régional (ci-après : SMR), a considéré que celle-ci, malgré son atteinte à la santé, disposait d'une capacité de travail entière dans toute activité, excluant le droit aux prestations de l'assurance-invalidité.

c. En dernier lieu, l'assurée a travaillé en qualité de caissière auprès d'une station-service à 80% à compter du 1er novembre 2021 jusqu'à la résiliation des rapports de travail avec effet au 31 mai 2022 consécutivement à son licenciement.

B. a. Dans un certificat du 20 février 2022, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté un arrêt de travail total jusqu'au 22 février 2022, qui a été prolongé par le docteur C______, de même spécialiste, jusqu'au 4 mars 2022.

b. Du 2 au 28 mars 2022, l'assurée a séjourné au service de psychiatrie adulte des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Dans une lettre de sortie du 11 avril 2022, il a été diagnostiqué un trouble affectif bipolaire épisode mixte.

c. Par certificat du 4 avril 2022, la docteure D______, médecin adjointe au département de psychiatrie des HUG, a attesté un arrêt de travail total du 28 mars au 28 avril 2022.

d. Le 19 avril 2022, le Dr C______ a certifié un arrêt de travail total du 14 avril au 15 mai 2022, qu'il a prolongé d'abord jusqu'au 13 juin 2022 puis jusqu'au 13 juillet 2022.

e. Dans un rapport du 16 mai 2002 (recte : 2022), la Dre D______ a posé le diagnostic de trouble affectif bipolaire, actuellement en rémission (F31.7). Le pronostic concernant la capacité de travail était réservé dans l'activité habituelle. Dans une activité adaptée aux limitations, peu stressante, sans demande de rendement, une reprise de travail à temps partiel pourrait possiblement être envisagée, sans certitude à ce stade de l'évolution.

f. Le 18 juillet 2022, l'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI en invoquant un état anxio-dépressif chronique avec composante psychotique depuis l'âge de 16 ans.

g. Dans un rapport du 7 septembre 2022, le Dr C______ a posé les diagnostics, avec incidence sur la capacité de travail, de dépression, d'état anxio-dépressif et de lombalgie. L'assurée, qui pouvait travailler à 50% dans son activité habituelle, était indépendante dans l'accomplissement des tâches ménagères.

h. Dans un rapport du 11 octobre 2022, la Dre D______ a retenu le diagnostic de trouble affectif bipolaire (type 1), actuellement en rémission (F31.7). La capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle. L'assurée présentait une très grande fragilité psychique avec un risque de rechute majeur. Elle était non seulement vulnérable au stress, mais avait également de faibles capacités d'adaptation sur le plan professionnel. Elle pouvait vite avoir tendance à se disperser et se « désorganiser » dans son quotidien lorsqu'elle était soumise à des sollicitations ou obligations, entraînant un risque de décompensation.

i. Par communication du 14 juin 2023, l'OAI a informé l'assurée qu'aucune mesure de réadaptation n'était possible actuellement en raison de son état de santé.

j. L'Hospice général lui a accordé une aide financière depuis le 1er juillet 2023.

k. Dans le cadre de l'instruction du dossier, le 17 août 2023, l'OAI a reçu un rapport d'expertise du 1er mars 2023, établi par le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à la demande de l'assureur perte de gain maladie de l'ancien employeur qui versait des indemnités journalières à l'assurée. L'expert, qui avait examiné cette dernière le 27 février 2023, ne retenait aucun diagnostic incapacitant.

l. Dans un rapport du 26 janvier 2024, la Dre D______ a posé le même diagnostic que précédemment, et indiqué que l'assurée était dorénavant apte à exercer une activité professionnelle à son état de santé à 40%, avec peu de stress, sans demande de rendement et valorisant les centres d'intérêt de l'assurée.

m. Par avis du 12 avril 2024, le SMR, sur la base des pièces médicales au dossier, a retenu, à titre d'atteinte à la santé incapacitante, un trouble affectif de type 1 en rémission. L'incapacité de travail totale dans l'activité habituelle de caissière remontait au 20 février 2022. La capacité de travail était entière dans toute activité dès le 11 octobre 2022, date à partir de laquelle l'état de santé de l'assurée s'était stabilisé.

n. Dans un projet de décision du 24 avril 2024, l'OAI a annoncé à l'assurée qu'il entendait rejeter la demande de prestations. Le statut d'assurée retenu était celui d'une personne se consacrant à 80% à son activité professionnelle et à 20% aux travaux habituels dans le ménage. Il lui a reconnu une incapacité de travail totale dans l'activité habituelle dès le 20 février 2022, début du délai d'attente d'un an. Dans une activité adaptée à son état de santé, sa capacité de travail était entière à compter du 11 octobre 2022. Dans la sphère professionnelle, la comparaison des revenus sans (CHF 54'043.-) et avec (CHF 54'222.-) invalidité n'aboutissait à aucune perte de gain. Compte tenu de ses limitations fonctionnelles, elle ne rencontrait pas d'empêchements notables dans ses tâches ménagères. Le taux d'invalidité, résultant de la pondération entre la part active et la part des travaux habituels, était de 0%. Par ailleurs, des mesures professionnelles n'étaient pas nécessaires.

o. Par décision du 29 mai 2024, l'OAI a nié le droit de l'assurée à une rente d'invalidité et à des mesures professionnelles.

C. a. Par acte du 28 juin 2024 complété le 29 août suivant, l'assurée, par l'intermédiaire de son avocate, a interjeté recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant, sous suite de dépens, préalablement, à son audition et à la mise en œuvre d'une expertise judiciaire, principalement, à l'annulation de cette décision et à l'octroi d'une rente d'invalidité entière, et subsidiairement, au renvoi du dossier à l'intimé pour nouvelle instruction.

La recourante a contesté la valeur probante de l'expertise psychiatrique mise en place par l'assureur perte de gain maladie et sur laquelle s'était appuyé l'intimé, au motif que l'expert n'avait pas tenu compte des lettres de sortie relatives aux hospitalisations aux HUG dans le passé, qui ne figuraient pas dans le dossier qui lui avait été remis. Par ailleurs, l'expert, qui ne s'était pas entretenu avec la psychiatre traitante, n'était pas d'accord avec le diagnostic de troubles bipolaires posé par celle-ci, laquelle la suivait pourtant depuis de nombreuses années tant sur le plan médicamenteux que psychothérapeutique. Il se contentait d'indiquer qu'il était difficile de restituer l'état thymique de l'assurée à l'époque de la décompensation psychotique en mars 2022 et que le diagnostic d'épisodes mixtes retenu par les HUG n'était pas motivé. Cette appréciation était contredite par celle de la psychiatre traitante qui se basait sur les précédents rapports des HUG pour étayer le diagnostic de troubles bipolaires. L'expert devait en outre effectuer un résumé de l'évolution personnelle, professionnelle et médicale, ainsi qu'une description de la situation médicale, psychique et sociale actuelle, éléments qui ne devaient pas être confondus avec l'anamnèse et qui n'étaient pas étayés par l'expert. De surcroît, la psychiatre traitante relevait des incohérences dans le rapport d'expertise. Selon l'expert, le fait que le traitement pharmacologique n'aurait pas été changé démontrait que la décompensation psychique n'aurait été que temporaire. Or, à ce propos, la psychiatre traitante expliquait que la stabilité thymique était maintenue par la prise d'un traitement stabilisateur de l'humeur et les perturbations émotionnelles par un traitement psychothérapeutique, en cours. De plus, l'expert mentionnait qu'il n'y aurait pas de difficultés particulières dans l'activité professionnelle et que la recourante aurait été mise en arrêt de travail en février 2022 pour des dorsalgies et qu'elle aurait été stable sur le plan psychique. Or, lors d'un entretien réalisé avec le fils de la recourante et une praticienne des HUG le 11 mars 2022, une décompensation maniaque ayant débuté en janvier 2022 avait été évoquée avec notamment des troubles du sommeil, des troubles du comportement et une irritabilité.

La recourante a reproché à l'intimé une instruction lacunaire du dossier. Elle n'avait été vue par aucun médecin de l'intimé et ce dernier n'avait mis sur pied aucune expertise. Il ne pouvait pas être contesté qu'elle était atteinte dans sa santé. Elle souffrait de troubles psychiques et de dorsalgies. Elle s'était retrouvée en arrêt de travail depuis le 22 mars 2022 et avait perçu des indemnités journalières jusqu'au 31 mai 2023. Le 14 juin 2023, l'intimé avait décidé que des mesures de réadaptation n'étaient pas possibles au vu de l'état de santé. La recourante en a inféré que, à cette date, elle présentait une incapacité de travail invalidante.

Elle a fait valoir qu'elle n'était plus en mesure d'exercer son activité de caissière et qu'une activité adaptée, auprès de la fondation Trajet, était préconisée à un taux de 40% uniquement, mais avec de nombreuses limitations fonctionnelles (vulnérabilité au stress, faibles capacités d'adaptation sur le plan professionnel, tendance à se disperser et se « désorganiser » dans son quotidien en cas de sollicitations ou obligations). Elle a arrêté son taux d'invalidité à 70.12%, le revenu d'invalide étant fixé à CHF 16'147.20 (ligne 77-82 de l'Enquête suisse sur la structure des salaires 2020 [ESS ; activités de service administratif et de soutien], réduit de 40%, indexé, et moyennant une réduction forfaitaire de 20%).

La recourante a produit un rapport de sa psychiatre traitante du 22 août 2024 qui se prononçait sur l'expertise.

b. Par réponse du 26 septembre 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours.

Il a reconnu pleine valeur probante à l'expertise psychiatrique, et considéré que, compte tenu de la large autonomie dont jouissait l'expert dans la manière de conduire son expertise, s'agissant notamment des modalités de l'examen clinique et du choix des examens complémentaires à effectuer, on ne pouvait pas lui faire grief de ne pas avoir contacté la psychiatre traitante.

Il a ajouté que le rapport de la psychiatre traitante du 22 août 2024 n'apportait aucun élément nouveau. Le diagnostic y retenu avait été exclu par l'expert au regard des critères diagnostics topiques et ses conclusions ne se fondaient pas, au contraire de celles de l'expert, sur les indicateurs pertinents. Elle procédait à une appréciation différente d'un même état de fait, insuffisante à remettre en cause les conclusions de l'expert.

Enfin, au vu de l'avis du SMR du 12 avril 2024, on ne pouvait pas reprocher à l'intimé d'avoir effectué une instruction lacunaire.

c. Par réplique du 29 octobre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle a exposé que l'expertise psychiatrique, qui avait été réalisée à l'attention du médecin-conseil de l'assureur perte de gain et non dans le cadre de la demande de prestations d'invalidité, se basait sur un seul entretien d'une durée d'une heure et dix minutes.

Elle a répété que l'anamnèse et les examens étaient incomplets. Elle a contesté que le rapport de la psychiatre traitante du 22 août 2024 ferait état d'une appréciation différente d'un même état de fait. Lors de l'examen psychiatrique d'entrée aux HUG, il était constaté que de « nombreux éléments converge[aient] dans le sens d'une composante thymique (sur le versant maniaque), associée à des symptômes psychotiques : thymie exaltée, agitation avec hétéro agressivité, irritabilité, accélération psychomotrice, distractibilité, augmentation de l'énergie, multiples nouveaux projets, logorrhée, fuite des idées, idées délirantes de persécution et de grandeur (se pren[ait] pour une héroïne qui [avait] réussi à se sevrer des médicaments, conna[issait] tout sur le Portugal et Genève). La description faite aux urgences psychiatriques [allait] très clairement dans le sens d'un épisode maniaque avec symptômes psychotiques ». La recourante en a conclu que l'anamnèse retenue par l'expert était fondée sur des éléments manquants, à l'inverse de ceux pris en compte par la psychiatre traitante, qui avait explicité les caractéristiques du trouble bipolaire. Enfin, c'était à tort que l'expert indiquait qu'elle n'avait pas de difficultés particulières dans l'activité professionnelle précédente, puisqu'en janvier 2022, elle avait eu une décompensation maniaque avec notamment des troubles du sommeil et du comportement, ainsi qu'une irritabilité.

La recourante en a tiré la conclusion que l'expertise et l'avis du SMR du 12 avril 2024, qui faisait siennes les conclusions de l'expert, n'étaient pas probants.

d. Copie de cette écriture a été adressée à l'intimé pour information.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA [applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LAI]) et le délai de trente jours (art. 56 et 60 al. 1 LPGA) prévus par la loi, le recours contre la décision du 29 mai 2024 est recevable.

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d'invalidité, singulièrement sur sa capacité de travail.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

3.1.1 En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.1.2 En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt le 1er février 2023, dès lors que le délai d’attente d’une année est venu à échéance le 20 février 2023 et que la demande de prestations a été déposée le 18 juillet 2022 (cf. art. 28 al. 1 let. b et 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.2  

3.2.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

3.2.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I.786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3)

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

3.2.3 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Lors de la détermination des capacités fonctionnelles, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales et psychiques (art. 49 al. 1bis RAI).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Le fait qu'une expertise ait été réalisée sur mandat d'un assureur d'indemnités journalières selon la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1) - et donc pas selon la procédure de l’art. 44 LPGA -, ne suffit pas à nier sa valeur probante lors de l'évaluation du droit à une rente d’invalidité de l’AI. Toutefois, l'appréciation des preuves doit répondre à des exigences strictes. S'il existe des doutes, même minimes, quant à la fiabilité et à la cohérence d'une telle expertise, il convient de procéder à des clarifications complémentaires, comme cela est le cas pour les appréciations médicales internes à l’assurance. Une expertise « externe à la procédure » (« Fremdgutachten ») ne peut ainsi se voir d'emblée reconnaître la même valeur probante qu'une expertise ordonnée par un tribunal ou par un assureur selon l'art. 44 LPGA (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_452/2023 du 24 janvier 2024 consid. 5.2.1 et les références).

Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

3.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités revêtent une importance significative ou entrent raisonnablement en considération (ATF 144 V 427 consid. 3.2 ; 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

4.              

4.1 En l'espèce, l'intimé, en s'appuyant sur l'avis du SMR du 12 avril 2024, lui-même fondé notamment sur le rapport d'expertise psychiatrique du 1er mars 2023, a nié le droit de la recourante à une rente d'invalidité. Celle-ci conteste la valeur probante de cette expertise, et, en se basant sur les rapports de sa psychiatre traitante, requiert une rente entière d'invalidité.

Le rapport d'expertise repose sur les pièces médicales du dossier (p. 2-3), les plaintes et l'anamnèse (p. 3-6), l'examen clinique (p. 6-7), ainsi que l'évaluation circonstanciée du cas (p. 7-12).

L'expert n'a retenu aucun diagnostic incapacitant au moment de son examen le 27 février 2023 (p. 1, 7-8).

Compte tenu des troubles psychiques invoqués, il convient de déterminer leur éventuel caractère incapacitant à la lumière des indicateurs jurisprudentiels (consid. 3.2.2 ci-dessus).

S’agissant de la catégorie « degré de gravité fonctionnelle », l'expert, au jour de son examen, a constaté que la recourante ne présentait pas une décompensation psychique, en précisant que le tableau clinique était asymptomatique.

L'expert a exclu le diagnostic de « trouble dépressif caractérisé », au motif que l'humeur était neutre, l'appétit préservé, sans signe de tristesse ni de réduction de l'énergie, sans diminution de l'intérêt pour les activités habituelles y compris les loisirs, sans anhédonie ni aboulie, sans insomnie ni hypersomnie, sans perturbation sur le plan psychomoteur, sans idée de dévalorisation ni de culpabilité morbide, sans diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer, et sans idée suicidaire (p. 8-9).

Pour ces mêmes motifs, l'expert a également écarté le diagnostic de l'« épisode maniaque » ou « hypomaniaque » au jour de son examen (p. 9).

L'expert n'a pas remarqué de troubles attentionnels majeurs ni de déficit de concentration cliniquement significatif. Compte tenu de ses observations, il a considéré que les limitations retenues par la psychiatre traitante - fragilité psychique, vulnérabilité au stress, faibles capacités d'adaptation - étaient difficiles à interpréter sur le plan sémiologique (p. 8).

Il a aussi nié le diagnostic de « schizophrénie » lors de son examen, en l'absence de symptôme psychotique, de même que le diagnostic de « trouble délirant » à défaut d'un délire persistant pendant plus d'un mois (p. 10).

L'expert a relevé que, à la suite de la décompensation survenue en mars 2022 ayant motivé l'hospitalisation de la recourante (qu'il a qualifiée de « trouble psychotique bref » ; voir infra), l'évolution s'était avérée rapidement favorable ; à la sortie de l'hôpital, le status psychiatrique était déjà asymptomatique et dans ses rapports, la psychiatre traitante, qui avait suivi la recourante en ambulatoire depuis lors, évoquait seulement un trouble mental en rémission. Il en a inféré que l'arrêt de travail n'était pas justifié depuis longtemps (avant l'expertise), tout en ajoutant qu'il n'existait pas de raison de retenir une perte durable de la capacité de travail. La dernière décompensation qui avait nécessité une hospitalisation avait eu lieu presque dix ans auparavant et la recourante avait pu travailler jusqu'à présent auprès de différents employeurs, en particulier douze ans chez l'avant-dernier en tant que surveillante de musée (p. 11 et 5).

S’agissant du « succès du traitement et de la réadaptation », la recourante bénéficie d'un suivi auprès de sa psychiatre traitante ainsi que d'un traitement médicamenteux. L'expert a souligné que celui-ci doit être maintenu pour éviter tout risque d'une nouvelle décompensation (p. 11-12). Ainsi, il ne ressort pas du dossier que la recourante serait confrontée à un échec de toute thérapie médicalement indiquée.

S’agissant des « comorbidités » somatiques, la recourante se plaint de dorsalgies (rapport d'expertise p. 6). Certes, dans un rapport du 7 septembre 2022, le Dr C______, médecin généraliste traitant, a posé le diagnostic incapacitant de lombalgie (dossier AI p. 164). Toutefois, à titre de limitation fonctionnelle, il s'est borné à mentionner une douleur lombaire (p. 165) - relatée par sa patiente -, sans faire état d'aucun élément médical objectif, corroboré par une imagerie, qui justifierait une baisse de la capacité de travail. Aucune pièce médicale probante ne permet donc de retenir une atteinte lombaire incapacitante.

S’agissant du complexe de « la personnalité », ni l'expert ni la psychiatre traitante n'ont fait état d'un trouble spécifique de la personnalité au sens d'une classification diagnostique reconnue.

En ce qui concerne le « contexte social », la recourante a déclaré avoir de bonnes relations avec ses deux fils (p. 4), ainsi qu'avec sa mère à qui elle rend régulièrement visite (p. 6). Son contexte familial lui procure donc des ressources mobilisables.

Quant à la catégorie « cohérence », l'expert a relevé, à tout le moins, deux incohérences. D'une part, une incapacité totale de travail était attestée, alors que la recourante était pleinement autonome dans les fonctions de la vie quotidienne. Son hygiène était correcte, elle effectuait les tâches ménagères, faisait les courses, cuisinait, se promenait, regardait des films, lisait, et gérait seule ses tâches administratives (p. 6). D'autre part, au vu de la stabilisation de l'état de santé au printemps dernier (le rapport [médical] du mois de mai [2022] évoquait déjà la rémission), il était étrange que le taux de capacité de travail n'ait pas été ajusté (p. 12).

Compte tenu des indicateurs pertinents, il y a lieu d'admettre avec l'expert et le SMR que la capacité de travail de la recourante est entière dans toute activité depuis, en tout cas, le 11 octobre 2022, date à compter de laquelle son état de santé est stabilisé selon le rapport de la psychiatre traitante du 26 janvier 2024.

L'avis de la psychiatre traitante du 22 août 2024 n'est pas de nature à discréditer l'appréciation de l'expert.

En effet, en ce qui concerne le diagnostic de « trouble affectif bipolaire épisode mixte » posé par les HUG en mars 2022, l'expert a exprimé son désaccord, au motif que le status psychiatrique à l'admission [à l'hôpital] ne faisait pas état des critères d'un épisode thymique (la thymie était qualifiée de neutre), excluant pour ce motif déjà que le diagnostic d'« épisode mixte » soit retenu. À cela s'ajoutait le fait que l'évolution avait été rapidement favorable, ce qui paraissait atypique pour un « épisode mixte » (p. 10). Selon lui, la décompensation survenue à cette époque remplissait possiblement les critères du « trouble psychotique bref », car la recourante avait présenté une désorganisation et une idéation délirante pendant plus d'un jour, mais moins d'un mois, sans que la décompensation soit due aux effets physiologiques d'une substance ni s'inscrive dans le cadre d'un trouble bipolaire vu l'absence d'un épisode thymique à l'entrée ni d'un autre trouble psychotique (exclusion du trouble dépressif caractérisé ou schizophrénie pour les motifs déjà expliqués, de même que d'une catatonie ; p. 11).

La psychiatre traitante, quant à elle, s'écarte du diagnostic de « trouble psychotique bref » et maintient que sa patiente souffre d'un trouble affectif bipolaire de type 1.

C'est le lieu de rappeler que l'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2).

Ainsi, une atteinte à la santé (y compris psychique) n'est en soi pas décisive. Est déterminante sa répercussion sur la capacité de travail (résiduelle) en matière d'assurance-invalidité.

Or, l'expert a expliqué, de manière convaincante, que la recourante était pleinement apte à exercer toute activité, dans la mesure où le trouble était en rémission depuis le printemps 2022 déjà (aux dires mêmes de la psychiatre traitante dans le rapport du 16 mai 2022), que, à la suite des décompensations antérieures qui avaient été traitées, la recourante avait pu retravailler, et que, le jour de l'expertise, elle ne présentait pas de limitation fonctionnelle.

Le fait que la psychiatre traitante apprécie différemment la capacité de travail de la recourante n'est en soi pas suffisant pour s'écarter des conclusions de l'expert. Celle-ci fournit des considérations d'ordre général lorsqu'elle explique que le trouble bipolaire est une maladie chronique marquée par une récurrence d'épisodes thymiques avec un haut risque de rechute tant sur le versant dépressif que maniaque et que même en période d'euthymie, les patients peuvent présenter des déficits cognitifs, une perturbation émotionnelle et des limitations fonctionnelles marquées et très invalidantes. À ce propos, l'expert a indiqué que la recourante, concrètement, ne présentait pas de signe d'agitation, ni d'anxiété ni de troubles cognitifs francs ni de troubles mnésiques ni de troubles attentionnels majeurs ni de signes de fatigabilité mentale ou de déficit de concentration, d'autant moins qu'elle assumait ses tâches administratives (p. 7-8). Dans ses rapports des 26 janvier et 22 août 2024, la psychiatre traitante répète les éléments (anxiété pour des sollicitations mineures, difficultés de concentration et d'attention, faibles capacités d'adaptation) contenus dans son précédent rapport du 11 octobre 2022 dont l'expert a pris connaissance, étant rappelé que ce dernier a relevé que, au vu de son examen clinique et de l'absence de plainte sur le plan psychique à cette occasion (p. 6), les limitations énumérées par la psychiatre traitante (fragilité psychique, vulnérabilité au stress, faibles capacités d'adaptation) étaient difficiles à interpréter sur le plan sémiologique (p. 8).

Le fait que, selon la psychiatre traitante, la stabilité thymique est maintenue par la prise d'un traitement stabilisateur de l'humeur et les perturbations émotionnelles par un traitement psychothérapeutique ne remet pas en cause les conclusions de l'expert. La psychiatre traitante confirme en cela que l'état de santé de la recourante reste stable grâce à l'efficacité du traitement médicamenteux et psychothérapeutique, et que la recourante n'est donc pas confrontée à un échec thérapeutique.

La psychiatre traitante conteste les assertions en page 5 du rapport d'expertise selon lesquelles la recourante ne présentait pas de difficultés particulières dans l'activité de caissière, qu'elle a été mise en arrêt de travail le 20 février 2022 pour des dorsalgies et que, à ce moment-là, elle était encore stable sur le plan psychique. La psychiatre traitante indique que, lors d'un entretien le 11 mars 2022, en présence du fils de la patiente, il avait été relevé que la décompensation maniaque avait débuté en janvier 2022 avec notamment des troubles du sommeil, des troubles du comportement et une irritabilité, et que le stress au travail avait été le facteur de rechute. Or, l'expert, en page 5 de son rapport, n'a que retranscrit les déclarations mêmes de la recourante qui n'avait au demeurant pas fait état d'un stress au travail. Quoi qu'il en soit, la décompensation maniaque en janvier 2022 n'est pas susceptible de mettre en doute les conclusions de l'expert, puisque, comme on l'a dit plus haut, l'état de santé de la recourante s'est depuis lors amélioré au point qu'elle dispose d'une capacité de travail entière dans toute activité depuis le 11 octobre 2022.

Pour le même motif, le fait que l'expert n'a pas pu prendre connaissance des rapports des HUG relatifs aux hospitalisations antérieures (à celle de mars 2022) n'a aucune incidence sur l'issue du litige. En effet, le droit de la recourante à une rente d'invalidité ne peut le cas échéant naître au plus tôt, au vu du dépôt de sa demande de prestations le 18 juillet 2022, que le 1er février 2023, à l'échéance de la période de carence d'un an ayant débuté le 20 février 2022. Or, postérieurement à l'avant-dernière hospitalisation en 2013, la recourante a à nouveau travaillé et la décompensation survenue près de dix ans plus tard en mars 2022 n'a été que temporaire. Comme on le verra plus loin, au 1er février 2023, la recourante n'était pas invalide.

Le fait que l'expert ne se soit pas entretenu avec la psychiatre traitante est également sans importance, puisque celui-ci a étudié les rapports de sa consœur et ses conclusions sont fondées sur ses observations, ce qui a amené l'expert à conclure que la recourante ne présentait pas de limitation fonctionnelle.

Contrairement à ce que prétend la recourante, l'expert a décrit l'évolution personnelle, professionnelle et médicale (p. 3-6). En tant que la recourante fait valoir que l'anamnèse figurant dans l'expertise ne contiendrait pas des éléments pris en compte par la psychiatre traitante en lien avec le status psychiatrique d'entrée aux HUG en mars 2022, il y a lieu de rappeler que l'expert a analysé la lettre de sortie des HUG du 11 avril 2022 (p. 2) et que la controverse entre les deux spécialistes au sujet du diagnostic à retenir à cette époque ne remet pas en cause l'appréciation de l'expert fondée sur les rapports médicaux postérieurs à cette hospitalisation ainsi que son examen clinique quant à l'absence de limitation fonctionnelle de la recourante, depuis le printemps 2022.

Par ailleurs, la durée de l'examen (en l'occurrence une heure et dix minutes ; rapport d'expertise p. 1) - qui n'est pas en soi un critère de la valeur probante d'un rapport médical -, ne saurait remettre en question la valeur du travail de l'expert, dont le rôle consiste notamment à se prononcer sur l'état de santé psychique de l'assuré dans un délai relativement bref (arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2018 du 12 décembre 2018 consid. 4.2).

C'est ainsi à juste titre que l'intimé a considéré que l'expertise psychiatrique répondait aux critères jurisprudentiels pour se voir reconnaître force probante (ATF 134 V 231 consid. 5.1). Le fait que cette expertise a été établie sur mandat de l'assureur d'indemnités journalières de l'ancien employeur ne suffit pas à nier sa valeur probante lors de l'évaluation du droit à une rente d’invalidité de l’AI, d'autant moins que le rapport de la psychiatre traitante du 22 août 2024 ne laisse planer aucun doute quant à la fiabilité des conclusions motivées de l'expert. Il s'ensuit que l'instruction menée par l'intimé n'était pas lacunaire.

Au vu ce qui précède, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), il est superflu d'entendre oralement la recourante et de mettre en œuvre une expertise judiciaire.

4.2 Dès lors que la recourante est apte à travailler dans toute activité depuis le 11 octobre 2022, elle ne peut pas être invalide. Le fait que par communication du 14 juin 2023, l'intimé a informé la recourante qu'aucune mesure de réadaptation ne serait mise en place en raison de son atteinte à la santé ne signifie pas encore, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle présenterait une atteinte à la santé invalidante, l'invalidité étant, pour rappel, une notion économique.

4.2.1 Par surabondance, même à retenir le statut d'active (art. 24septies al. 2 let. a RAI) comme semble l'invoquer la recourante (cf. acte de recours du 28 juin 2024 p. 3), au lieu du statut mixte (art. 24septies al. 2 let. c RAI) retenu par l'intimé, cela n'a aucune incidence sur l'issue du litige.

Dans ce cas, pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré exerçant une activité lucrative, le revenu qu’il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (art. 16 LPGA et 28a al. 1 LAI).

Les revenus déterminants au sens de l’art. 16 LPGA sont établis sur la base de la même période et au regard du marché du travail suisse (art. 25 al. 2 RAI).

Si les revenus déterminants sont fixés sur la base de valeurs statistiques, les valeurs médianes de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de l’Office fédéral de la statistique font foi. D’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées, pour autant que le revenu en question ne soit pas représenté dans l’ESS. Les valeurs utilisées sont indépendantes de l’âge et tiennent compte du sexe (art. 25 al. 3 RAI). Les valeurs statistiques sont adaptées au temps de travail usuel au sein de l’entreprise selon la division économique ainsi qu’à l’évolution des salaires nominaux (art. 25 al. 4 RAI).

4.2.2 En l'occurrence, si l'on appliquait, comme le fait valoir la recourante, le salaire de références des branches 77-82 « activités de services admin. et de soutien » du tableau TA1_skill_level (secteur privé), non pas de l'ESS 2020, mais de l'ESS 2022 qui a été publié le 29 mai 2024 au moment déterminant de la décision querellée du 29 mai 2024 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3), le revenu avec invalidité s'élèverait à CHF 48'828.- ([4'069 - salaire statistique -, total, femme, niveau de compétence 1] × 12).

Ce salaire hypothétique se base toutefois sur une durée hebdomadaire de travail de 40 heures, inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises. Il convient alors de l'ajuster à la durée hebdomadaire normale de travail en 2022, laquelle est de 41.7 heures (tableau « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique » de l'Office fédéral de la statistique), ce qui porte le salaire annuel à CHF 50'903.19.- (48'828 × 41.7 / 40). Après adaptation de ce montant à l'évolution des salaires nominaux pour les femmes en 2023, au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 129 V 222 ; ISS ; en 2022 : 2822 et en 2023 : 2872), le revenu avec invalidité s'élèverait à CHF 51'805.089 (50'903.19 × 2872 / 2822) pour un plein temps.

Si l'on opère sur ce revenu un abattement de 20%, comme le voudrait la recourante, le revenu d'invalide se chiffrerait à CHF 41'444.072 (51'805.089 × 20 / 100 = 10'361.017 ; 51'805.089 - 10'361.017 = 41'444.072).

Compte tenu d'un revenu sans invalidité - non contesté - de CHF 54'043.- il en résulterait un taux d'invalidité de 23.31% ([54'043 - 41'444.072] / 54'043 × 100), arrondi à 23% (ATF 130 V 121 consid. 3.2), inférieur au taux minimum de 40% ouvrant le droit à une rente d'invalidité selon l'art. 28 al. 1 let. c LAI.

5.             En conséquence, le recours sera rejeté.

La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

Il convient de renoncer à la perception d'un émolument, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Pascale HUGI

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le