Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/982/2024 du 05.12.2024 ( LPP )
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/1219/2024 ATAS/982/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt incident du 5 décembre 2024 |
En la cause
A______ représenté par Me Thierry STICHER, avocat
| demandeur |
contre
CAISSE DE RETRAITE PROFESSIONNELLE DE L'INDUSTRIE VAUDOISE DE LA CONSTRUCTION
| défenderesse |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1962, domicilié dans le canton de Genève, a travaillé du 22 mars 2011 au 31 mai 2022 en qualité de chauffeur à 100% pour B______ (ci-après : B______), dont le siège se situe à C______, dans le canton de Vaud. À ce titre, il était affilié auprès de la caisse de retraite professionnelle de l'industrie vaudoise de la construction (ci-après : la caisse).
b. À partir du 1er juin 2022, la caisse a versé à l’assuré une rente transitoire (retraite anticipée) à hauteur de CHF 5'104.65 par mois.
B. a. Par décision du 16 février 2023, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) a octroyé à l’assuré une demi-rente d’invalidité à compter du 1er février 2020 et une rente entière dès le 1er septembre 2021. Il a notamment retenu que l’assuré, dont la demande avait été déposée en août 2019, avait présenté une incapacité de travail de 100% dès le 17 janvier 2019, de 50% à partir du
18 septembre 2019 et de 100% dès le mois de juin 2021.
b. Le 11 mai 2023, la caisse a réclamé à l’intéressé la restitution d’un montant de
CHF 56'151.15, au motif que son règlement prévoyait qu’un assuré déclaré invalide au sens de l’assurance-invalidité avant l’ouverture du droit à une rente transitoire percevrait des prestations d’invalidité de la caisse et ne pouvait donc pas bénéficier de la rente transitoire. Suite à la décision de l’OAI, il ne remplissait donc plus les conditions d’octroi à l’ouverture du droit à la rente transitoire, de sorte que cette prestation était annulée. Les rentes versées de juin à décembre 2022
(CHF 35'732.55) et de janvier à avril 2023 (CHF 20'418.60) étaient indues et devaient être restituées.
c. Par décision du 15 juin 2023, la caisse a informé l’assuré qu’il avait droit à une rente d’invalidité de 100% de CHF 800.50 par mois dès le 1er juin 2022, étant rappelé qu’il avait perçu des indemnités journalières de son assureur accidents puis de son assureur perte de gain maladie jusqu’au 31 mai 2022. Le montant des rentes transitoires versées à tort (CHF 56'151.15) était diminué de la somme des rentes en sa faveur (CHF 10'406.50) pour la période du 1er juin 2022 au 30 juin 2023, de sorte qu’il restait lui devoir le solde de CHF 45'744.65. Dès le 1er juillet 2023, le montant mensuel de la rente était retenu jusqu’à concurrence du solde encore ouvert en sa faveur.
C. a. Par acte du 11 avril 2024, l’assuré, représenté par un avocat, a déposé une demande en paiement contre la caisse par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après : la chambre de céans). Il a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il n’était pas débiteur de la somme de CHF 56'151.15 envers la caisse, à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser une rente transitoire dès le 1er juin 2022, jusqu’à ses 65 ans révolus, à ce que ladite rente soit fixée à CHF 4'621.45 du 1er juin au
31 décembre 2022 et à CHF 4'609.45 dès le 1er janvier 2023, et à ce qu’il soit dit que l’arriéré de rente porterait l’intérêt moratoire de 5% dès le 1er juin 2023. S’agissant de la recevabilité, il a allégué avoir été engagé pour la succursale genevoise d’B______ en qualité de chauffeur dans ce canton, dans lequel il était au demeurant domicilié.
Il a notamment produit un courriel du 25 février 2020 dans lequel B______ avait indiqué à l’assureur-accidents que seul pouvait être proposé un poste de disponent à 50% à Genève. En effet, un taux d’activité supérieur ne se justifiait pas, car il n’avait que deux camions.
b. Dans sa réponse du 15 juillet 2024, la défenderesse a conclu à l’irrecevabilité de la demande, soulevant l’incompétence de la chambre de céans à raison du lieu. Le demandeur avait toujours été « affilié, du point de vue de ses rapports de travail », à B______, société sise dans le canton de Vaud, et ce jusqu’à la fin de ses rapports de travail le 31 mai 2022. Le message du 25 février 2020, qui concernait une éventuelle mission de substitution à Genève alors que l’intéressé était déjà en incapacité de travail, n’établissait pas que celui-ci aurait été engagé par la succursale de Genève. Que le demandeur ait pu épisodiquement recevoir des instructions l’amenant à fournir des prestations de chauffeur dans le canton de Genève n’altérait pas le constat qu’il avait toujours été employé par une entreprise dont le lieu d’exploitation restait incontestablement dans le canton de Vaud. Il n’avait jamais été engagé par une entité exploitée sur le territoire genevois et ne pouvait donc pas se prévaloir d’un for alternatif.
c. Par réplique du 27 août 2024, le demandeur a soutenu que son lieu de travail était situé dans le canton de Genève, auprès de la « succursale ou annexe d’B______ dans ce canton », dans laquelle il se rendait chaque matin afin de prendre son véhicule de fonction. Son lieu de travail était donc à Genève, durant toute la durée des rapports de travail, raison pour laquelle B______ avait examiné s’il y existait un poste adapté. Celui-ci avait d’ailleurs confirmé qu’il avait toujours travaillé dans les locaux de l’entreprise situés à Genève, indépendamment du siège central sis dans le canton de Vaud. En outre, il avait bénéficié d’indemnités de repas pour ce canton et de suppléments pour pause applicable dans le canton, comme mentionné dans ses fiches de salaire. Suivre l’argumentation de la défenderesse contraindrait des ouvriers et employés d’autres groupes de la construction, comme D______, qui exerçaient leur activité à Genève, d’initier une procédure à Zurich, lieu du siège de l’entreprise.
Le demandeur a transmis la page du site Internet d’B______ faisant état d’une adresse dans le canton de Vaud et d’une adresse dans le canton de Genève, ses fiches de salaire des mois de janvier à mars 2017 et d’août 2017 à février 2018, et une attestation d’B______ du 26 août 2024 aux termes de laquelle il avait été au bénéfice d’un contrat de travail avec la société basée dans le canton de Vaud, mais avait « exclusivement exercé son activité » dans le canton de Genève.
d. Le 21 octobre 2024, la défenderesse a maintenu que le demandeur n’avait jamais été engagé par une entité exploitée sur le territoire genevois où il pourrait construire un for alternatif pour saisir la chambre de céans. Il lui incombait d’agir auprès du tribunal compétent au lieu du siège de la défenderesse ou au lieu de l’exploitation dans laquelle il avait été engagé, soit dans les deux cas le canton de Vaud. L’attestation de l’employeur, dressée pour les besoins de la cause, ne modifiait pas le fait qu’il avait toujours été engagé par une entité vaudoise. Les fiches de salaire démontraient qu’il ne se trouvait à Genève que de manière partielle, puisque seules quatre indemnités repas genevoises avaient été versées en août 2017, quinze en novembre 2017, neuf en décembre 2017 ou encore treize en janvier 2018. Que le demandeur ait été envoyé à Genève pour des missions régulières assignées par l’employeur ne modifiait pas son affiliation à un employeur dans le canton de Vaud. Le raisonnement du demandeur conduirait à une insécurité juridique, dans laquelle le simple fait d’envoyer un travailleur effectuer une mission, même de durée prolongée, dans un autre canton, créerait un for alternatif jamais envisagé par les parties au rapport juridique.
e. Dans une écriture spontanée du 5 novembre 2024, le demandeur a maintenu, s’agissant de la compétence, qu’il n’avait travaillé que dans le canton de Genève, lieu où il « entrait et finissait le travail ».
f. Copie de cette écriture a été transmise à la défenderesse le 8 novembre 2024.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce ou de dissolution du partenariat enregistré, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations
[CO - RS 220] ; art. 52, 56a al. 1, et 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982
[LPP - RS 831.40] ; ancien art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).
Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l’art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé.
2.1 La défenderesse soulève l'exception d'incompétence ratione loci de la chambre de céans et conclut à l’irrecevabilité de la demande, dès lors que son siège se trouve dans le canton de Vaud et que le demandeur a été engagé par B______, dont le siège social est également situé dans le canton de Vaud.
Le demandeur fait valoir qu’B______ a une succursale ou une annexe à Genève, canton dans lequel il a exclusivement et toujours travaillé.
2.2 Le libellé de l’art. 73 al. 3 LPP ne donne pas d'indication claire sur la notion d’ « exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé » et ne permet pas d'emblée de reconnaître ou d'exclure à ce titre le for du lieu effectif où l’intéressé a déployé son activité.
La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ;
ATF 142 IV 389 consid. 4.3.1 ; 141 III 53 consid. 5.4.1 ; 140 V 449 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 149 IV 9 consid. 6.3.2.1 ; 148 IV 398
consid. 4.8 ; 145 IV 17 consid. 1.2 et les références citées).
2.3 Selon la jurisprudence, les règles de compétence prévues à l'art. 73 LPP, en particulier les règles en matière de for de l'al. 3, ont un caractère impératif. Il n'est pas possible d'y déroger par le moyen d'une convention d'élection de for
(ATF 133 V 488 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_944/2008 du
30 mars 2009 consid. 2.3).
L’art. 73 al. 3 LPP donne à la partie demanderesse la possibilité de choisir le for. Le fait que le demandeur soit une institution de prévoyance, un employeur ou un assuré ne joue aucun rôle. Le lieu de l'entreprise où un assuré a été ou est employé entre donc en ligne de compte pour les trois parties mentionnées dans la loi (arrêts du Tribunal fédéral B 93/04 du 9 août 2005 consid. 2.3 et B 126/05 du
24 mai 2006 consid. 3.3).
2.3.1 Saisi d’un recours portant sur la compétence d’un tribunal cantonal à raison du lieu dans un litige relevant de la prévoyance liée, le Tribunal fédéral a rappelé qu’au moment de l'entrée en vigueur de la LPP, la règle de compétence matérielle de l'art. 73 al. 1 LPP était en parfaite adéquation avec la règle de compétence à raison du lieu de l'art. 73 al. 3 LPP, puisque les contestations ne pouvaient opposer,
ex lege, qu'institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit. Au fil de l'évolution législative, la compétence matérielle de la juridiction cantonale désignée pour traiter des litiges en matière de prévoyance professionnelle a été étendue à de nouveaux objets de contestation, soit aux prétentions en matière de responsabilité selon l'art. 52 LPP et au droit de recours selon l'art. 56a al. 1 LPP, puis aux contestations avec des institutions assurant le maintien de la prévoyance au sens des art. 4 al. 1 et 26 al. 1 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993
(LFLP - RS 831.42) et aux contestations avec des institutions lorsque ces contestations résultent de l'application de l'art. 82 al. 2 LPP. Lors de ces modifications législatives, l'art. 73 al. 3 LPP n'a pas donné lieu à discussion. Ainsi a-t-il échappé au législateur que cette disposition, en tant qu'elle institue comme for alternatif le « lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé », prévoyait un for qui n'était pas applicable dans le cadre d'un litige résultant de la prévoyance professionnelle liée. Le Tribunal fédéral en a ensuite relevé que si la lettre de
l'art. 73 LPP prescrit très clairement que le preneur d'assurance ne peut agir qu'au lieu du siège de son assureur, il ressort du but et de la systématique de cette disposition que la volonté du législateur est de faciliter dans la plus grande mesure possible l'accès des justiciables aux tribunaux. En tant que la lettre de l'al. 3 contraint, le cas échéant, le preneur d'assurance à devoir agir en un lieu et dans une langue auxquels celui-ci ne peut raisonnablement s'attendre au moment de la conclusion du contrat d'assurance, elle n'est pas compatible avec le principe de simplicité défini à l'al. 2 et, plus généralement, avec la ratio legis de l'art. 73 LPP. Qui plus est, l'interprétation historique démontre que le maintien de cette disposition dans une teneur inchangée depuis son entrée en vigueur résulte bien plutôt d'une inadvertance manifeste du législateur que d'une volonté délibérée de restreindre l'accès au juge d'une certaine catégorie de justiciables. Notre Haute cour a ainsi conclu qu’il découle de l'interprétation de l'art. 73 LPP qu'il y a lieu de reconnaître un for alternatif à celui du siège ou du domicile suisse du défendeur prévu à l'art. 73 al. 3 LPP dans le cadre des litiges relatifs à la prévoyance individuelle liée. Le domicile du preneur d'assurance constitue à cet égard le point de rattachement qui permet de respecter au mieux les principes généraux de procédure applicables dans le droit des assurances sociales et les intentions du législateur (dans les autres branches des assurances sociales, voir art. 58 al. 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 [LPGA - RS 830.1]), sous réserve des exceptions pouvant résulter de la législation spéciale ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_944/2008 du 30 mars 2009 consid. 5.4).
Cette jurisprudence s'applique également en cas de litige avec une institution de libre passage (art. 73 al. 1 let. a LPP), de sorte que la personne assurée - ou son ayant droit - peut également intenter une action auprès du tribunal de la prévoyance professionnelle compétent à son domicile (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1016/2010 du 30 mai 2011 consid. 2.3.3).
2.3.2 Suite à une interprétation de l’art. 58 al. 2 LPGA dans un litige portant sur la compétence ratione loci du tribunal des assurances du canton du domicile du dernier employeur suisse, le Tribunal fédéral a conclu qu’un for au siège de la succursale, en tant que domicile du dernier employeur suisse, était compatible avec l'art. 58 al. 2 LPGA, lorsqu'il constituait pour le litige un point de rattachement prépondérant. Il en allait notamment ainsi lorsque l'assuré avait travaillé pour la succursale d'une société, dans un canton différent du siège principal. Une telle solution était compatible avec le sens de l'art. 58 LPGA, dont le régime en cascade entendait favoriser l'assuré. Il s'agissait là d'une compétence alternative, dès lors qu'il était uniquement question de faciliter l'action en justice et que rien n'empêchait un justiciable de saisir le tribunal du canton de l'établissement principal
(ATF 144 V 313 consid. 6.5).
2.3.3 Dans un jugement du 15 décembre 1993, le Tribunal des assurances du canton de Zurich a considéré qu’il n’était pas compatible avec le sens et le but de l’art. 73
al. 3 LPP de se baser exclusivement sur le lieu de l'entreprise auprès de laquelle le demandeur avait été engagé à l'époque dans le cadre de son contrat de travail, et que le lieu déterminant devait être celui où le demandeur était effectivement employé ou actif à la fin des rapports de travail et à l'échéance de la prestation de libre passage. Si le lieu d'exploitation avait été déplacé pendant la durée des rapports de travail et de prévoyance d'un employé assuré, ce n'était plus le lieu d'exploitation initial qui était le for au sens de l’art. 73 al. 3 LPP, mais celui au moment de la fin des rapports de travail et de prévoyance. Il s’est ensuite interrogé sur la question de savoir si le lieu de l'entreprise au sens de l'art. 73 al. 3 LPP pouvait également désigner une succursale ou une filiale d'une entreprise lorsque le lieu principal de l'entreprise se trouvait dans un autre canton. En s'appuyant sur l'interprétation de la doctrine et de la jurisprudence relative à la disposition très similaire de l’art. 343 CO [alors en vigueur] concernant le for des litiges en matière de droit du travail, il a estimé qu’il ne fallait pas poser d'exigences élevées quant à l'indépendance commerciale et économique de l'entreprise. La notion d'entreprise englobait dans tous les cas la succursale d'une entreprise et était même interprétée de manière beaucoup plus large par la doctrine et la jurisprudence. Ainsi, la succursale zurichoise de la banque, par laquelle le demandeur avait été engagé et avait travaillé dans un premier temps à Genève, devait être qualifiée de lieu de l'entreprise dans laquelle il était employé au moment de la résiliation des rapports de travail et de l'échéance de la prestation de libre passage (RSAS 1994 p. 457).
Il sied de relever que l’art. 343 CO a été abrogé suite à l’entrée en vigueur du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et que l’art. 34 CPC prévoit désormais que le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle est compétent pour statuer sur les actions relevant du droit du travail (al. 1). Le tribunal du lieu de l’établissement commercial du bailleur de services ou de l’intermédiaire avec lequel le contrat a été conclu est également compétent pour statuer sur les actions de demandeurs d’emploi ou de travailleurs relevant de la loi du
6 octobre 1989 sur le service de l’emploi et la location de services (al. 2).
2.4 Selon le Message du 19 décembre 1975 à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, les règles en matière de procédure de la LPP devaient, d'une part, permettre la réalisation du droit matériel et éviter toute insécurité juridique, et, d'autre part, tenir compte du caractère particulier de la prévoyance professionnelle et du but de protection sociale que celle-ci vise. Pour les litiges entre assurés et institutions de prévoyance, la procédure, régie par le principe inquisitoire, devait être simple, rapide et gratuite, et comprendre deux degrés de juridiction. L'application de ces principes devait permettre d'assurer un certain parallélisme entre le premier et le deuxième pilier (FF 1976 I 179 ch. 424.1).
L’art. 73 al. 2 LPP dispose que les cantons doivent prévoir une procédure simple, rapide et, en principe, gratuite ; le juge constatera les faits d’office.
La procédure relative aux contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit est ainsi gouvernée par les principes de simplicité et de rapidité. L'application de ces principes, qui ont d'ailleurs une portée générale en droit fédéral des assurances sociales, doit permettre aux assurés d'accéder facilement au juge et d'obtenir une décision le plus rapidement possible et sans formalisme excessif (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 2020, n. 47 ss ad art. 61).
2.4 En l’espèce, la chambre de céans relève en préambule que les informations publiées sur le site Internet du registre du commerce du canton de Genève ne mentionnent pas l’existence d’une succursale d’B______, société inscrite au registre du commerce du canton de Vaud le 18 avril 1997, dont le siège se situe à E______ (Vaud) et l’adresse à C______ (Vaud). Cela n’est toutefois pas déterminant pour l’issue du litige.
En effet, à l’instar du Tribunal des assurances du canton de Zurich, la chambre de céans considère que l’art. 73 al. 3 LPP peut s’interpréter à la lumière des dispositions régissant le for des litiges en matière de droit du travail, étant rappelé la volonté du législateur de faciliter dans la plus grande mesure possible l'accès des justiciables aux tribunaux.
Comme précédemment relevé, l’art. 34 al. 1 CPC permet aux parties de saisir alternativement le tribunal du domicile ou du siège du défendeur, ou celui du lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle. Dans cette dernière hypothèse, l’existence d’une succursale n’est pas requise.
Les allégations du demandeur, selon lesquelles il n’a travaillé que dans le canton de Genève, sont confirmées par l’attestation du 26 août 2024, aux termes de laquelle il a « exclusivement » travaillé à Genève, ce durant toute la durée des rapports de travail, soit du 22 mars 2011 au 31 mai 2022.
Rien ne permet de douter de la véracité des informations contenues dans ce document. La défenderesse ne fait d’ailleurs valoir aucun indice à cet égard, se contentant de relever qu’il a été établi pour les besoins de la cause. Ce fait n’est à l’évidence pas déterminant, ce d’autant moins que nul n’est mieux placé que l’employeur pour désigner le lieu de travail de son travailleur. À cet égard encore, il sera relevé qu’B______ est active dans toute la Suisse romande et dispose bien de locaux à Genève (https://www.B______.ch/), ainsi que de véhicules (courriel du
25 février 2020).
S’agissant des fiches de salaire, s’il est exact que seules quatre indemnités repas genevoises ont été versées en août 2017, quinze en novembre 2017, neuf en décembre 2017 ou encore treize en janvier 2018 comme souligné par la défenderesse, il y a lieu également de constater que ces relevés mentionnent les « Heures travaillées », les « Heures absences payées », les « Vacances prises » ou encore des indemnités journalières « SUVA », et révèlent que le demandeur n’a pas travaillé tous les jours des mois en question. Ceci explique donc qu’il n’a perçu que partiellement les « Indemnités de repas GE » et les « Suppléments pause GE ».
Ainsi, le lieu effectif dans lequel le demandeur a travaillé durant toute la durée de ses rapports de service, et ce jusqu’à la résiliation de son engagement, soit le canton de Genève, constitue le point de rattachement qui permet de respecter au mieux les principes généraux de procédure applicables et les intentions du législateur, étant rappelé à nouveau que la procédure doit être simple, rapide et gratuite.
L’argumentation de la défenderesse relative à la création d’une insécurité juridique tombe donc à faux, puisque le demandeur n’a pas effectué de simples missions à Genève. Il y a déployé toute son activité, de sorte qu’il pouvait raisonnablement s’attendre à pouvoir agir dans ce canton lorsqu’il a été engagé.
3. Au vu de ce qui précède, l’exception d’incompétence ratione loci soulevée par la défenderesse sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant sur incident
Conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ
À la forme :
1. Se déclare compétente.
2. Réserve la suite de la procédure.
3. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la Loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Melina CHODYNIECKI |
| La présidente
Catherine TAPPONNIER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le