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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/801/2024

ATAS/809/2024 du 18.10.2024 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/801/2024 ATAS/809/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 octobre 2024

Chambre 9

 

En la cause

A______,
représenté par le Service de protection de l’adulte (SPAd)

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1972, et père d’un enfant né en 2004, souffre de polytoxicomanie avec une dépendance à l’alcool depuis l’âge de 15 à 16 ans.

b. Il a séjourné à plusieurs reprises en établissement psychiatrique. Selon un résumé de séjour aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 6 mai 2008, il s’agissait de sa huitième hospitalisation. Il était traité à base de Méthadone (170 mg/jour) et de Dalmadorme (30 mg/jour).

c. Il a également présenté de multiples abcès (coudes, jambes, plis inguinaux) et complications thrombotiques dus aux injections de drogues.

d. Il a été incarcéré à plusieurs reprises.

e. Par ordonnance du 30 novembre 2023, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant a institué une curatelle de représentation et de gestion en sa faveur.

B. a. Le 7 mai 2007, l'assuré a requis les prestations de l'assurance-invalidité auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI).

b. Par avis du 25 mars 2008, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a préconisé la mise en œuvre d’une expertise avec volet psychiatrique et de médecine interne, confiée à un centre d’observation médicale de l’assurance-invalidité (COMAI).

En raison des nombreuses hospitalisations sur le plan psychiatrique, d’un apprentissage non terminé, de manifestations psychotiques sous imprégnation toxique lors de son séjour en psychiatrie, il ne pouvait exclure l’existence d’un trouble grave de la personnalité décompensée, voire d’une autre pathologie psychiatrique l’ayant conduit à la toxicomanie. De plus, si l’abcès inguinal semblait avoir été guéri, l’existence de plaies aux membres inférieurs pourrait constituer une contre-indication dans la profession de jardinier paysagiste.

c. Dans un rapport d’expertise interdisciplinaire du 29 septembre 2008, sur la base d’une évaluation psychiatrique du docteur B______, psychiatre et psychothérapeute FMH, du 30 juin 2008, les docteurs C______, médecin-chef, et D______, spécialiste FMH en médecine interne, ont posé les diagnostics, avec répercussions sur la capacité de travail, de polytoxicomanie avec troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’opiacés, de cocaïne, de cannabis et de benzodiazépines, trouble grave de la personnalité, émotionnellement labile de type borderline, plaie prétibiale droite et asthme allergique. Il n’était pas apte à entreprendre une activité professionnelle en raison du trouble sévère de la personnalité. Ce trouble le rendait totalement irresponsable par rapport à ses obligations et incapable de s’investir durablement dans un projet, tant du point de vue professionnel que social ou affectif. Malgré plusieurs tentatives à l’adolescence et également à l’âge adulte, il n’était jamais parvenu ni à une formation ni à une stabilité professionnelle (et personnelle).

d. Par décision du 24 novembre 2008, se fondant sur l’avis du SMR du 15 octobre 2008, l’OAI a rejeté la demande de prestations. Il s’écartait des conclusions de l’expertise sur plusieurs points :

-          Malgré sa toxicomanie, l’assuré avait été capable de suivre une formation presque jusqu’à son terme et avait travaillé durant trois ans aux îles Canaries ; par ailleurs, selon l’appréciation faite lors de son hospitalisation en 2007, il n’y avait pas d’évidence de troubles cognitifs l’empêchant de fonctionner valablement ; il était raisonnablement exigible de lui demander de cesser toute prise de toxiques, ce qui ne manquerait pas d’améliorer sa thymie ;

-          L’expert avait noté qu’il y avait également des éléments psychopathiques puisqu’il avait séjourné environ 18 fois à Champ-Dollon ; il existait donc des troubles du comportement qui trouvaient leur motif dans une personnalité dyssociale qui aurait dû être retenue par l’expert sur le plan diagnostic ; dans ce contexte, son comportement délictueux ne pouvait être considéré comme une maladie à la charge de l’assurance-invalidité ;

-          Les pathologies somatiques retenues comme la polytoxicomanie avec troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’opiacés, de cocaïne, de cannabis et de benzodiazépines, plaie prétibiale D, asthme allergique, insuffisance veineuse des membres inférieurs, multiples cicatrices, hépatite C chronique, n’entraînaient pas de limitations au sens de l’assurance-invalidité.

C. a. Le 21 mai 2021, l'assuré a formé une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité auprès de l’OAI invoquant avoir été victime de pédophilie depuis son adolescence.

b. Dans un formulaire AI du 15 juillet 2021, le docteur E______, médecin traitant de l’assuré depuis 2007, a posé le diagnostic d’état de stress
post-traumatique complexe à l’origine d’états de dissociation itératifs entrainant une conduite à risques. Son incapacité de travail était nulle depuis janvier 2007 et son pronostic mauvais. Il a fait état d’une enfance dans un milieu « très dysfonctionnel et violent ». Il avait été victime d’un pédophile vers 5-6 ans, puis avait subi des tortures en Bolivie lors d’un emprisonnement alors qu’il avait une vingtaine d’années. Il était traité à base de Méthadone (200 mg/jour), Ritaline (80 mg/jour), Sevre-Long (400 mg/jour), Rohypnol (10 mg/jour), Dormicum (450 mg/jour) et Rivotril (4 mg/jour). Son pronostic était mauvais. Il présentait des troubles sévères de l’adaptation, incompatibles avec une activité lucrative. Ses limitations fonctionnelles comprenaient un lymphœdème des membres inférieurs rendant difficile ses déplacements. Il ne disposait pas de ressources utiles pour sa réinsertion.

Il a produit en annexe une lettre de sortie des HUG concernant un séjour de l’assuré du 8 au 20 octobre 2020 pour une dermo-hypodermite du membre inférieur tibial droit.

c. Par avis du 8 février 2022, le SMR a relevé qu’aucun élément médical ne rendait plausible une aggravation notable et durable de son état de santé, si bien que sa capacité de travail restait inchangée. L’insuffisance veineuse avait été prise en compte dans son rapport du 15 octobre 2008. Il n’était fait mention d’aucun suivi psychiatrique, ni de séjour en milieu hospitalier psychiatrique récent. La dose de méthadone prescrite était identique à celle prise en compte dans l’instruction initiale.

d. Les 21 février et 10 mars 2022, répondant à l’OAI, l’assuré a indiqué que sa demande était fondée sur le changement de jurisprudence du Tribunal fédéral, soit l’ATF 145 V 215, précisant que la toxicomanie était secondaire à ses traumatismes. Il ne disposait d’aucune capacité lui permettant d’acquérir un revenu, et cela depuis longtemps.

e. Par décision du 28 mars 2022, se fondant sur l’avis du SMR, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

D. a. Le 29 août 2023, l’OAI a reçu une nouvelle demande de prestations de l'assurance-invalidité formée par l’assuré.

b. Par projet de décision du 15 décembre 2023, confirmé par décision du 8 février 2024, l’OAI a refusé d’entrer en matière. L’examen du dossier n’avait montré aucun changement.

E. a. Par acte du 5 mars 2024, complété le 4 avril 2024, l’assuré, représenté par le service de protection de l’adulte, a formé recours contre cette décision, concluant à son annulation. Il avait été déclaré invalide à 100% en 2007, si bien qu’il ne lui était pas possible de faire valoir une aggravation. N’étant pas sous curatelle à l’époque des deux premières demandes, il n’avait pas pu bénéficier d’un soutien adéquat lui permettant de contester les décisions. Il se trouvait dès lors dans une impasse juridique : chaque nouvelle demande se solderait par la même conclusion, à savoir qu’aucune aggravation ne pourrait être démontrée, étant donné que sa capacité de travail était déjà nulle. Or, la nouvelle jurisprudence devait lui permettre d’accéder à une rente d’invalidité au vu de son état de santé. Il convenait ainsi de renvoyer le dossier à l’OAI pour nouvelle décision.

b. Par réponse du 14 mai 2024, l’OAI a conclu au rejet du recours. Les raisons qui avaient amené le SMR à écarter une pleine incapacité de travail sur le plan médical dans le contexte de l’époque étaient exposées et claires, l’assuré ayant pu se former (presque jusqu’au bout) et réussi à travailler plusieurs années en dehors de la Suisse, sans détériorations cognitives objectivables. Ainsi, l’évaluation de la capacité de travail de l’expert avait été écartée et une exigibilité de 100% avait été retenue pour l’activité habituelle et adaptée. Cette décision était entrée en force sans contestation. Dans le cadre de la nouvelle demande, le tableau clinique décrit était très majoritairement similaire à la précédente situation évaluée, de sorte qu’une décision de non entrée en matière avait été notifiée. L’assuré pourrait faire valoir toute nouvelle atteinte ou aggravation objectivable de son état de santé y compris pour la même problématique, ce qui n’était pas le cas.

c. L’assuré a renoncé à répliquer.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé d'entrer en matière sur la nouvelle demande déposée par le recourant en août 2023.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 sont entrées en vigueur (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du règlement et de l'ordonnance correspondants.

Les dispositions concernant les conditions d’entrée en matière sur les nouvelles demandes de prestations n'ont toutefois pas été modifiées dans le cadre du développement de l'AI susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

3.2 Selon l'art. 87 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l'allocation pour impotent ou la contribution d'assistance a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, parce qu'il n'y avait pas d'impotence ou parce que le besoin d'aide ne donnait pas droit à une contribution d'assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l'al. 2 sont remplies (al. 3).

La jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 87 al. 3 et 4 RAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2011, reste applicable à l'art. 87 al. 2 et 3 RAI modifié dès lors que la demande de révision doit répondre aux mêmes critères (ATAS/81/2023 du 6 février 2023 consid. 4.1).

3.3 L’exigence de l’art. 87 al. 3 RAI (ATF 109 V 262 consid. 3) doit permettre à l'administration, qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 125 V 410 consid. 2b; 117 V 198 consid. 4b et les références). Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. À cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se fondant sur l'art. 87 al. 4 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 108 consid. 2b).

L'exigence du caractère plausible de la nouvelle demande selon l'art. 87 RAI ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_596/2019 du 15 janvier 2020 consid. 3.2).

Lors de l'appréciation du caractère plausible d'une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations, on compare les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision administrative litigieuse et les circonstances prévalant à l'époque de la dernière décision d'octroi ou de refus des prestations (ATF 130 V 64 consid. 2; 109 V 262 consid. 4a). L'examen du juge est limité au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifiaient ou non l'entrée en matière sur la nouvelle demande, sans prendre en considération les documents médicaux déposés ultérieurement à la décision administrative, notamment au cours de la procédure cantonale de recours (arrêt du Tribunal fédéral 9C_629/2020 du 6 juillet 2021 consid. 4.3.1).

3.4 Selon la jurisprudence applicable jusqu’ici, un syndrome de dépendance primaire à des substances psychotropes (dont l’alcool) ne pouvait conduire à une invalidité au sens de la loi que s’il engendrait une maladie ou occasionnait un accident ou s’il résultait lui-même d’une atteinte à la santé physique ou psychique ayant valeur de maladie. Cette jurisprudence reposait sur la prémisse que la personne souffrant de dépendance avait provoqué elle-même fautivement cet état et qu'elle aurait pu, en faisant preuve de diligence, se rendre compte suffisamment tôt des conséquences néfastes de son addiction et effectuer un sevrage ou à tout le moins entreprendre une thérapie par (cf. notamment ATF 124 V 265 consid. 3c).

Dans un arrêt du 11 juillet 2019 (ATF 145 V 215), le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que sa pratique en matière de syndrome de dépendance ne peut plus être maintenue. D’un point de vue médical, les syndromes de dépendance et les troubles liés à la consommation de substances diagnostiqués lege artis par un spécialiste doivent également être considérés comme des atteintes (psychiques) à la santé significatives au sens du droit de l’AI (consid. 5.3.3 et 6).

Le caractère primaire ou secondaire d’un trouble de la dépendance n’est plus décisif pour en nier d’emblée toute pertinence sous l’angle du droit de l’AI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 précité consid. 8.1.1). Par conséquent, il s’agit, comme pour tous les autres troubles psychiques, de déterminer selon une grille d’évaluation normative et structurée (à cet égard, ATF 141 V 281) si, et le cas échéant, dans quelle mesure un syndrome de dépendance diagnostiqué par un spécialiste influence dans le cas concret la capacité de travail de l’assuré. La gravité de la dépendance dans un cas particulier peut et doit être prise en compte dans la procédure de preuve structurée (ATF 145 V 215 consid. 6.3).

Toutefois, cette nouvelle jurisprudence ne constitue pas un motif suffisant pour déroger au principe selon lequel il n'y a pas à adapter une décision administrative entrée en force à une modification de jurisprudence ni à entrer en matière sur une nouvelle demande (ATF 147 V 234 consid. 6).

3.5 En l'occurrence, le recourant a formé des demandes de prestations de l’assurance-invalidité les 7 mai 2007, 21 mai 2021 et 29 août 2023. La première demande de prestations a fait l’objet d’une instruction complète, l’OAI ayant mis en œuvre une expertise psychiatrique. Se fondant sur l’avis de son SMR, qui s’écartait des conclusions prises par les experts, l’OAI a rendu une première décision de refus de prestations le 24 novembre 2008. Après avoir reçu une nouvelle demande de prestations le 21 mai 2021, l’OAI a invité le médecin traitant du recourant à remplir un questionnaire de l’assurance-invalidité. Se fondant sur ce rapport, le SMR a retenu, dans son avis médical du 8 février 2022, qu’aucun élément médical ne rendait plausible une aggravation ou n’évoquait même une aggravation notable et durable de son état de santé depuis la décision initiale. Par décision du 28 mars 2022, reprenant l’avis du SMR, l’OAI a rejeté la nouvelle demande de prestations. Il appert toutefois que, malgré la formulation employée par l’intimé, cette décision était en réalité une décision de non-entrée en matière. L’OAI a en effet procédé à une investigation sommaire visant seulement à déterminer si ledit rapport du médecin traitant rendait plausible une aggravation de la situation du recourant. Il s’ensuit que la dernière décision entrée en force ayant donné lieu à une instruction complète est celle du 24 novembre 2008. Ainsi, pour examiner le bien-fondé du refus de l’intimé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations du recourant, il convient de comparer les faits tels qu’ils se présentaient au jour de la décision litigieuse, le 8 février 2024, avec ceux présents au 24 novembre 2008, date de la décision de refus de prestations de l’intimé.

In casu, dans l’expertise pluridisciplinaire du 29 septembre 2008 mandatée par l’OAI dans le cadre de la première demande de prestations, les experts ont posé les diagnostics, avec répercussions sur la capacité de travail, de polytoxicomanie avec troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’opiacés, de cocaïne, de cannabis et de benzodiazépines, de trouble grave de la personnalité, émotionnellement labile de type borderline, de plaie prétibiale droite et d’asthme allergique. Or, selon le rapport de son médecin traitant du recourant du 15 juillet 2021, l’assuré souffre aujourd’hui d’un état de stress post-traumatique complexe, ainsi que de troubles sévères de l’adaptation. Le médecin a fait état d’une enfance dans un milieu très dysfonctionnel et violent, précisant que l’assuré avait été victime d’un pédophile vers 5-6 ans. Il a également mentionné qu’il avait subi des tortures en Bolivie lors d’un emprisonnement. Il était traité à base de Méthadone (200 mg/jour), Ritaline (80 mg/jour), Sevre-Long (400 mg/jour), Rohypnol (10 mg/jour), Dormicum (450 mg/jour) et Rivotril (4 mg/jour) et une nouvelle hospitalisation avait eu lieu en octobre 2020, la lettre de sortie des HUG faisant en outre référence à un épisode en 2019. Or, ces diagnostics et nouveaux éléments ne pouvaient être écartés sans plus ample instruction. Certes, le Tribunal fédéral a jugé que le changement de jurisprudence selon l’ATF 145 V 215 ne constitue pas un motif suffisant pour déroger au principe selon lequel il n’y a pas à adapter une décision administrative entrée en force à une modification de jurisprudence ni à entrer en matière sur une nouvelle demande (ATF 147 V 234 consid. 5. et les références citées). Il n’en demeure pas moins en l’espèce que l’état de santé du recourant a plausiblement connu une évolution, tant sur le plan des diagnostics, que des traitements médicamenteux administrés et les prises en charge par les institutions de santé.

Sur la base de ces éléments, force est d’admettre que le recourant a rendu plausible une aggravation de son état de santé.

Partant, l’intimé doit entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations.

3.6 Le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour instruction et nouvelle décision.

Le recourant, représenté par sa curatrice, collaboratrice d'un service de l'État, ne peut prétendre à l'allocation de dépens devant l'autorité judiciaire cantonale, faute de justification économique (ATF 126 V 11 consid. 2 et 5).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 8 février 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction et nouvelle décision.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le