Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/848/2024

ATAS/765/2024 du 08.10.2024 ( LCA ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/848/2024 ATAS/765/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 octobre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______

 

 

demanderesse

 

contre

AXA ASSURANCES SA

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1975, mariée, domiciliée en France, a travaillé dès le 1er janvier 2021 en tant que « Costumer service manager » pour le compte de la société B______ (ci-après : l'employeur), dont le siège se trouve à Baar. À ce titre, elle était assurée dans le cadre d'une assurance collective d'indemnités journalières en cas de maladie auprès d'AXA Assurances SA (ci-après : l'assureur). Son lieu de travail était à Genève.

b. Selon un courrier électronique du 13 février 2024 adressé à l'assureur, l'assurée a indiqué que son lieu de travail était Genève.

c. Le contrat d'assurance prévoit notamment le versement d'indemnités journalières maladie correspondant à 90% du salaire assuré durant 730 jours avec un délai d'attente de 30 jours.

d. Par lettre du 2 octobre 2023, l'employeur a mis fin aux rapports de travail avec effet au 31 décembre 2023.

B. a. Par déclaration datée du 14 juillet 2023, l'employeur a annoncé à l'assureur que l'assurée était en incapacité de travail depuis le 14 juin 2023, en raison d'une tentative de suicide.

b. L'assureur a indemnisé la perte de revenu de l'assurée du 14 juillet 2023 au 4 novembre 2023 et du 23 novembre 2023 au 8 février 2024 pour un montant total de CHF 65'866.64.

c. Le 13 septembre 2023, répondant aux questions de l'assureur, le docteur C______, psychiatre traitant de l'assurée, a notamment posé le diagnostic d'épisode dépressif moyen (F32.10) et indiqué un burn-out professionnel, harcèlement au travail et surmenage. La capacité de travail de l'assurée était de 50% à partir du 14 septembre 2023.

d. Par formulaire du 11 décembre 2023 destiné à l'assureur, le Dr C______ a posé le diagnostic d'épisode dépressif sévère (F.32), l'affection s'étant manifestée la première fois le 13 juin 2023 à son poste de travail. Ont été retenues une incapacité de travail complète du 14 juin au 13 septembre 2023, de 50% du 14 septembre au 6 octobre 2023, puis à nouveau une incapacité de travail complète à compter du 6 octobre 2023. Un traitement médicamenteux a été prescrit.

e. Le 18 décembre 2023, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, mandatée par l'assureur, a procédé à une évaluation médicale afin de déterminer « la plausibilisation de l'incapacité de travail ».

Dans son rapport du 9 janvier 2024, la Dre D______ a retenu en substance que l'assurée présentait « un F69 » (soit un trouble de la personnalité et du comportement chez l'adulte, sans précision), qui correspondait à un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.10), plus précisément de la seconde occurrence. Était également retenu « un F68.0 » (soit une majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques), la majoration étant plutôt de nature inconsciente. Les diagnostics justifiant l'incapacité de travail n'étaient pas clairs. L'incapacité de travail dans l'activité habituelle ne pouvait pas être évaluée à l'heure actuelle, au motif qu'il existait un manque de compliance, une majoration des plaintes et un manque d'authenticité qui rendaient l'évaluation compliquée. Si elle se rendait aux consultations, l'assurée ne prenait pas le traitement tel que prescrit, le monitoring médicamenteux démontrant une absence de prise de Xanax, une absence de trouble en lien avec l'éthyle et une absence de prise de la Vortioxétine. L'assurée avait des plaintes qu'elle amplifiait pour médicaliser une situation de conflit professionnel, pour obtenir réparation ou reconnaissance. Selon la spécialiste, de l'Escitalopram pouvait être introduit doucement sous forme de gouttes. Avec un tel traitement, une reprise à 50% était exigible depuis fin janvier.

f. Le 22 janvier 2024, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et médecin conseil de l'assureur, a procédé à une évaluation médicale sur la base du dossier de l'assurée. Il a conclu que les prestations pouvaient s'interrompre dès ce jour pour un motif médico-théorique ou médico-assécurologique. Il a notamment retenu que le diagnostic établi par l'experte était bénin et n'était typiquement pas incapacitant dans la durée. Sur la base du dossier, aucun motif d'incapacité de travail n'était bien motivé. La dépression sévère retenue par le psychiatre traitant n'était pas bien établie et constituerait sinon « une indication nécessaire d'un traitement antidépresseur, c'est-à-dire que celui-ci serait exigible et que le défaut de son observance concernerait l'art. 38a LCA où le meilleur pronostic applicable selon la jurisprudence de l'al. 2 [était] de quatre à six mois d'ordinaire, pour un trouble dépressif ». Il était relevé que les conclusions de la Dre D______ n'étaient pas claires, présentant même plusieurs incohérences d'un point de vue médico-théorique.

C. a. Par courrier du 7 février 2024, l'assureur a informé l'assurée que, compte tenu des conclusions du rapport du Dr E______, il considérait que le versement des prestations d'assurance n'était plus justifié. Il consentait néanmoins à verser des indemnités journalières jusqu'au 8 février 2024. Une copie du « rapport de plausibilisation » du 18 décembre 2023 a été adressée au Dr C______.

b. Par courriel du même jour, l'assureur a adressé au Dr C______ une copie du rapport du 18 décembre 2023 de la Dre D______ ainsi que le courrier du 7 février 2024.

c. Le 7 février 2024, l'assurée a adressé un courrier électronique à l'assureur, contestant la teneur du courrier du même jour. Elle a notamment soulevé que la Dre D______ avait constaté un mal profond et qu'elle « demanderait une prise en charge complète jusqu'en mars inclus et ensuite une reprise éventuelle progressive ». Le traitement prescrit par son médecin traitant était scrupuleusement suivi et l'aidait à aller mieux. Son objectif n'avait jamais été de rester malade. Elle souhaitait demander une « contre-analyse de sang ».

d. Le 14 mars 2024, l'assurée a transmis à l'assureur deux certificats médicaux du Dr C______ datés du même jour :

-          le premier certificat médical indiquait que l'assurée était suivie chez le Dr C______ pour l'épisode sévère réactionnel au fait de harcèlement professionnel ; la présentation clinique de l'assurée correspondait bien aux critères diagnostic et son arrêt de travail était dûment justifié ; selon ses observations, l'assurée prenait son traitement régulièrement ; il n'avait pas les résultats de l'expertise psychiatrique effectué par son assureur ; il insistait pour la continuité de sa prise en charge ;

-          le second certificat médical indiquait un arrêt complet de travail pour la période du 24 mars au 11 avril 2024.

e. Par courriel du 19 mars 2024, l'époux de l'assurée a notamment demandé à l'assureur d'étudier à nouveau son dossier.

D. a. Le 11 mars 2024, l'assurée a déposé auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), un « recours contre décision de non-paiement d'indemnités de maladie » daté du 6 mars 2023 à l'encontre de l'assureur, contestant le refus de l'assureur de prendre en charge les indemnités journalières maladie sous prétexte qu'une analyse sanguine démontrait, à tort, qu'elle ne prenait pas son traitement. Elle n'avait en outre jamais reçu les résultats de sa prise de sang. Elle sollicitait « un contrôle et une contre-analyse ». En raison de harcèlements subis au travail, elle avait effectué une tentative de suicide en juin 2023, suivi de deux autres tentatives. Elle avait débuté un suivi psychiatrique et se trouvait en arrêt complet de travail.

Elle a notamment joint des certificats médicaux attestant d'incapacité totale de travail.

b. Par réponse du 17 mai 2024, l'assureur a conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande de l'assurée et, subsidiairement, au rejet des conclusions de l'assurée.

Le courrier du 6 mars 2024 de l'assurée ne saurait être interprété comme une demande en paiement puisque celle-ci n'a pris à aucun moment des conclusions qui définiraient l'objet du litige, ni indiqué les prestations qu'elle souhaitait faire valoir. Sa demande ne comportait en outre aucune somme d'argent chiffrée. Pour ces raisons, l'écriture de l'assurée devrait être déclarée irrecevables.

Sur le fond, l'assureur a retenu en substance que, lors de l'expertise du 18 décembre 2023, l'assurée ne présentait pas d'incapacité de travail donnant droit à des prestations, motif pris que l'instruction médicale de l'affaire avait permis de démontrer qu'il n'existait aucun diagnostic incapacitant établi. Il appartenait à l'assurée de prouver la persistance, voire de l'existence de son incapacité de travail.

c. Dans sa réplique du 25 juin 2024, l'assurée a indiqué qu'elle réitérait sa demande de prise en charge de ses « indemnités d'incapacité de travail » ainsi que la mise sur pied d'une « contre-analyse d'urine, de prise de sang et de consultations ».

Il ressortait clairement de ses échanges avec l'assureur que sa requête auprès de la chambre de céans portait sur « le paiement des indemnités journalières conformément au contrat qui [la liait] à AXA pour une assurance d'indemnités journalières maladie collective selon la LCA police 1______ ». L'assureur lui-même a calculé le montant mensuel de l'indemnité journalière qui revenait à CHF 451.60. Elle a également appris, en lisant la réponse de l'assureur, que ses urines n'auraient laissé apparaître aucune trace des traitements médicamenteux. Or, à la demande du médecin mandaté par l'assureur, elle n'avait effectué qu'une prise de sang et non un test d'urine. Les résultats de ladite prise de sang n'avaient été transmis ni à elle ni à son psychiatre traitant. Elle a réitéré le fait qu'elle prenait ses traitements tels que prescrits par son médecin traitant et se rendait régulièrement aux consultations.

d. Le 8 juillet 2024, la chambre de céans a transmis cette écriture à l'assureur.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance Nr. 1______, conclue par l'employeur et la défenderesse, le contrat porte sur une assurance collective d'indemnités journalières et est régi par les conditions générales dans leur édition d'octobre 2018 (ci-après : CGA) et la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.1  

1.1.1 S'agissant de la compétence à raison du lieu, l'art. 31 CPC prévoit que le tribunal du domicile ou du siège du défendeur ou celui du lieu où la prestation caractéristique doit être exécutée est compétent pour statuer sur les actions découlant d'un contrat.

Selon l'art. 17 CPC, sauf disposition contraire de la loi, les parties peuvent convenir d'un for pour le règlement d'un différend présent ou à venir résultant d'un rapport de droit déterminé. Sauf disposition conventionnelle contraire, l'action ne peut être intentée que devant le for élu (al. 1). La convention doit être passée en la forme écrite ou par tout autre moyen permettant d'en établir la preuve par un texte. (al. 2).

L'art. 18 CPC prévoit que, sauf disposition contraire de la loi, le tribunal saisi est compétent lorsque le défendeur procède sans faire de réserve sur la compétence.

Les fors de l'art. 31 CPC ne sont pas obligatoires et restent subsidiaires aux fors spéciaux, tels que ceux prévus aux art. 32 ss CPC. Il est également possible de s'écarter des fors de l'art. 31 CPC par accord (art. 17 CPC) ou par acception (art. 18 CPC – HÄBERLI/HUSMANN, Krankentaggeld, versicherungs- und arbeitsrechtliche Aspekte, 2015, n. 910, p. 270).

1.1.2 L'art. 158 de l’ordonnance sur la surveillance des entreprises d’assurance privées du 9 novembre 2005 (Ordonnance sur la surveillance, OS - RS 961.011) prévoit que lorsqu'elles concluent un contrat collectif d'assurance-maladie d'indemnités journalières avec un employeur, les entreprises d'assurance sont tenues de prévoir un for au lieu de travail du travailleur, en sus du for spécial.

Cette disposition n'a de sens que si les assurés non parties au contrat peuvent également se prévaloir de la clause de for correspondante (Christoph HÄBERLI/David HUSMANN, Krankentaggeld, versicherungs- und arbeitsrechtliche Aspekte, 2015, n 918 p. 272)

1.1.3 En l'occurrence, l'art. A9.2 CGA dispose que les tribunaux suisses ordinaires sont compétents pour juger les litiges relevant du contrat d'assurance.

On peut s'interroger sur le point de savoir si l'art. A9.2 CGA, lu conjointement avec l'art. 158 OS, crée un for alternatif pour la demanderesse, en sa qualité d'assurée, au siège de son lieu de travail, en sus du for ordinaire de l'art. 31 CPC.

Cette question peut néanmoins rester indécise, dans la mesure où la défenderesse n'a pas soulevé l'incompétence de la chambre de céans à raison du lieu, acceptant ainsi tacitement le for à Genève.

Par conséquent, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

2.             Les litiges relatifs aux assurances complémentaires à l'assurance-maladie ne sont pas soumis à la procédure de conciliation préalable de l'art. 197 CPC lorsque les cantons ont prévu une instance cantonale unique selon l'art. 7 CPC (ATF 138 III 558 consid. 4.5 et 4.6 ; ATAS/577/2011 du 31 mai 2011), étant précisé que le législateur genevois a fait usage de cette possibilité (art. 134 al. 1 let. c LOJ).

3.             Selon l'art. 244 al. 1 CPC, la demande peut être déposée dans les formes prescrites à l'art. 130 ou dictée au procès-verbal au tribunal. Elle contient la désignation des parties (let. a), les conclusions (let. b), la description de l'objet du litige (let. c), si nécessaire, l'indication de la valeur litigieuse (let. d), la date et la signature (let. d).

4.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

5.             En vertu de l'art. 59 al. 1 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action.

L'art. 60 CPC précise que le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies.

6.              

6.1 L'art. 84 al. 2 CPC prévoit que l'action tendant au paiement d'une somme d'argent doit être chiffrée. Il s'agit d'une condition de recevabilité, que le juge doit examiner d'office (arrêt du Tribunal fédéral 4A_235/2016 du 7 mars 2017 consid. 2.1).

Si d'après les conclusions présentées, le Tribunal fédéral se trouvait requis de fixer lui-même le montant réclamé, le recours était irrecevable (ATF 134 III 325 consid 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_107/2008 du 5 juin 2008 consid. 2.2).

Le chef de conclusion tendant à condamner la défenderesse à exécuter les prestations découlant du contrat d'assurance est en réalité une conclusion en paiement, dès lors qu'une exécution en nature n'est pas envisageable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.1).

6.2 L'art. 85 CPC prévoit que si le demandeur est dans l'impossibilité d'articuler d'entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d’emblée, il peut intenter une action non chiffrée. Il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire.

Il incombe toutefois au demandeur qui formule une conclusion en paiement non chiffrée de démontrer dans quelle mesure il n'est pas possible, ou du moins pas exigible d'indiquer d'entrée de cause le montant de sa prétention (ATF 140 III 409 consid. 4.3.1 et 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.2).

Ni le devoir d'interpellation, ni la maxime inquisitoire sociale applicable à la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC en lien avec l'art. 243 al. 2 let. f CPC), selon laquelle le juge établit les faits d’office, ne s’opposent à ce qu’une demande soit déclarée irrecevable en raison d'une motivation insuffisante ou de conclusions mal formulées (arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.3.1 et 4.3.2).

6.3 Dans un arrêt du 27 juillet 2017, le Tribunal fédéral a considéré que les conclusions d’un assuré tendant à ce que l’assureur fut condamné à lui verser rétroactivement et de manière continue toutes les indemnités journalières (« rückwirkend ab [ ] und fortdauernd das ganze Krankentaggeld auszurichten ») ne remplissaient pas les conditions d’une action en paiement non chiffrée au sens de l’art. 85 al. 1 CPC. Après avoir rappelé que l’action tendant au paiement d’une somme d’argent devait être chiffrée (art. 84 al. 2 CPC), ce qui n’était pas le cas dans l’espèce à juger, il a laissé indécis le point de savoir si la juridiction cantonale aurait dû entrer en matière sur le chef de conclusion précité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_110/2017 du 27 juillet 2017 consid. 1.3).

Dans un autre arrêt, le Tribunal fédéral a considéré que la juridiction cantonale pouvait, sans violer le droit, déclarer irrecevable le chef de conclusion « visant le paiement des prestations découlant du contrat d'assurance », dès lors qu’on ne discernait pas en quoi le calcul des indemnités journalières dues à l’assurée, déduction faite de celles qui lui avaient déjà été versées, apparaissait compliqué au point de confiner à l'impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.2).

Enfin, dans deux autres affaires relative à une assurance maladie collective perte de gain, le Tribunal fédéral a jugé irrecevables les conclusions d’assurés tendant simplement aux « prestations découlant du contrat d’assurance n. 50'123’083 » ou ordonnant « à [l’assurance] de calculer et de verser l’indemnité journalière en cas de maladie au demandeur, dès le 30 août 2004, plus intérêts à 5% dès la même date » (ATF 134 III 235 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_107/2008 du 5 juin 2008 consid. 2.2).

7.             Au regard de l'art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets et leur donne l’occasion de les clarifier et de les compléter.

Le devoir d'interpellation du juge dépend des circonstances concrètes. Notamment de la difficulté de la cause, du niveau de formation des parties et de leur représentation éventuelle par un mandataire professionnel. Ce devoir concerne avant tout les personnes non assistées et dépourvues de connaissances juridiques, tandis qu'il a une portée restreinte vis-à-vis des parties représentées par un avocat. Dans ce dernier cas, le juge doit faire preuve de retenue. Selon la jurisprudence, le devoir d'interpellation du juge ne doit pas servir à réparer des négligences procédurales. Ce point de vue est aussi exprimé dans la doctrine (arrêt du Tribunal fédéral 4D_57/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2 et les références).

8.             En vertu de l'art 132 CPC, le tribunal fixe un délai pour la rectification des vices de forme telle l’absence de signature ou de procuration. À défaut, l’acte n’est pas pris en considération (al. 1). L’al. 1 s’applique également aux actes illisibles, inconvenants, incompréhensibles ou prolixes (al. 2). Les actes abusifs ou introduits de manière procédurière sont renvoyés à l’expéditeur (al. 3).

Cette disposition n'est pas applicable aux conclusions incomplètes prises dans un recours ou dans une demande (ATF 137 III 617 consid. 6.4) et en particulier aux conclusions non chiffrées figurant dans une demande (arrêt du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 4.4).

9.             En l'espèce, la défenderesse invoque l'irrecevabilité de l'écriture de la demanderesse.

9.1 Dans son acte déposé le 11 mars 2024 auprès de la chambre de céans, la demanderesse a indiqué former « recours contre la décision de non-paiement d'indemnités de maladie ».

Or, dans le cadre d'un litige fondé sur la LCA, l'assuré doit saisir l'autorité judiciaire par voie d'une action en justice dans les deux ans à compter de la survenance du fait duquel naît l'obligation (art. 46 al. 3 LCA), et non par voie de recours. En effet, en matière d'assurance collective contre les accidents ou la maladie, l'art. 95a LCA (de nature impérative selon l'art. 98 LCA) confère un droit propre à l'assuré qu'il peut faire directement valoir contre l'assureur.

Si l'acte déposé le 11 mars 2024 est certes qualifié improprement de « recours », l'on comprend toutefois à sa lecture que la demanderesse sollicite le paiement des indemnités journalières par la défenderesse. En effet, l'écriture comprend un (très) bref exposé des faits qui permet de cerner l'objet du litige. De plus, la demanderesse a joint à son écriture la lettre du 7 février 2024 annonçant la fin de la prise en charge des prestations par la défenderesse jusqu'au 8 février 2024, en indiquant qu'elle contestait cette prise de position.

Il convient donc de considérer que la demanderesse a déposé par-devant la chambre de céans une demande en paiement, libellée à tort « recours ».

9.2 Cela étant, il convient d'examiner la conclusion prise dans le cadre de sa demande.

À la lecture de celle-ci, l'on comprend que la demanderesse conclut à ce que la défenderesse soit condamnée à poursuivre le versement des indemnités journalières. Cette conclusion vise le paiement d'une somme d'argent. Partant, une telle conclusion doit être chiffrée conformément à l'art. 84 al. 2 CPC, ce que la demanderesse a omis d'effectuer. Bien qu'elle ait allégué le fait que la défenderesse a cessé le paiement des indemnités journalières, elle n'a toutefois pas précisé d'emblée de cause, soit au moment du dépôt de sa demande, le montant des indemnités journalières qu'elle sollicitait, ni indiqué la période pour laquelle elle réclamait les prestations. Ce faisant, son chef de conclusion revient dans les faits à déléguer au juge la tâche de déterminer lui-même les indemnités journalières qui lui seraient potentiellement dues, sans que la somme à allouer ne soit d'emblée reconnaissable, ce qui n'est pas admissible au regard de la jurisprudence du Tribunal fédéral susmentionnée (cf. consid. 6.1 et 6.3 supra). En outre, le fait d'indiquer uniquement le montant de l'indemnité journalière et ce, dans le cadre de la réplique, ne permet pas de souscrire à l'exigence de l'art. 84 al. 2 CPC.

La demanderesse n'a pas non plus indiqué, à titre provisoire, une valeur litigieuse minimale, ni même allégué qu'il lui était impossible de chiffrer le montant de sa conclusion condamnatoire d'entrée de cause. Elle a de surcroît indiqué dans sa réplique du 25 juin 2024 que le montant de son indemnité journalière s'élevait à CHF 451.60, de sorte qu'elle disposait des éléments nécessaires pour quantifier sans grande difficulté ses prétentions au moment du dépôt de la demande. Elle ne remplit dès lors pas les conditions de l'art. 85 al. 1 CPC qui lui aurait donné la possibilité d'intenter une action non chiffrée.

Par conséquent, il convient de retenir que la demanderesse n'a pas chiffré ses conclusions conformément à l'art. 84 al. 2 CPC et ne remplit pas les conditions prévues à l'art. 85 al. 1 CPC qui lui auraient permis d'intenter une demande en paiement non chiffrée.

9.3 Bien que la demanderesse ne le soulève pas, il est précisé qu'au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée (cf. consid. 6.2 supra), ni le devoir d'interpellation (art. 56 CPC) ni la maxime inquisitoire sociale applicable à la procédure n'imposent à la chambre de céans d'attirer son attention sur le caractère irrecevable de sa conclusion.

Il n'incombe pas non plus à la chambre de céans d'accorder un délai à la demanderesse pour chiffrer sa conclusion, tel que prévu par l'art. 132 CPC, dans la mesure où cette disposition ne s'applique pas aux conclusions incomplètes prises dans une demande (cf. consid. 8 supra).

10.         Au vu de ce qui précède, la demande sera déclarée irrecevable.

La chambre de céans attire l'attention de la demanderesse sur le fait qu'elle conserve la possibilité de redéposer une demande en paiement en bonne et due forme, ses prétentions n'étant en l'état pas encore prescrites (art. 46 al. 3 LCA ; art. 59 al. 2 let. e CPC ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 4D_88/2014 du 25 mars 2015 consid. 3).

11.         Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge du demandeur/de la demanderesse (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]) ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Déclare irrecevable la demande déposée le 11 mars 2024 par A______ contre AXA ASSURANCES SA.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le