Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/741/2024 du 26.09.2024 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/2399/2024 ATAS/741/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 26 septembre 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. En date du 22 mai 2010, Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en ______ 1992, a été victime d’un accident sur la voie publique lors duquel il a subi, notamment, un traumatisme thoracique, des contusions pulmonaires, des fractures des côtes, une rupture complète de la rate ; lors de son hospitalisation, il a dû être amputé de l’avant-bras gauche, suite à une infection.
b. L’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) a reconnu à l’assuré, par décision du 6 octobre 2011, le droit à une allocation pour impotent (ci‑après : API) de degré faible, à compter du 1er mai 2011. La décision était motivée par la constatation que l’assuré avait besoin d’une aide importante et régulière pour accomplir trois actes de la vie quotidienne en raison, notamment, de l’amputation de son avant-bras gauche.
c. Par décision du 1er avril 2014, l’OAI a reconnu l’assuré invalide à 100%, à compter du 1er mai 2011 et une rente entière extraordinaire lui a été allouée, par décision du 14 août 2014, avec effet rétroactif au 1er mai 2011.
d. Par formulaire médical concernant la révision de l’allocation pour impotent complété le 17 septembre 2018, l’assuré a confirmé à l’OAI qu’il n’avait plus besoin de l’aide régulière importante d’autrui pour accomplir les six actes ordinaires de la vie quotidienne, pas plus qu’il n’avait besoin de soins permanents ou d’une surveillance personnelle.
e. Suite à une enquête à domicile concernant l’API, l’OAI a informé la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la CCGC) par courrier du 19 mars 2019, que le lieu de séjour de la personne assurée avait changé et lui a demandé de calculer la prestation en espèces, d’établir la décision, de l’expédier et de lui en envoyer une copie. Sous le titre « Modification du droit », il était mentionné que, dès le 1er mai 2019, l’API s’éteignait et qu’il fallait « le cas échéant, réclamer la restitution des montants payés en trop ».
f. Par projet de décision du 1er février 2019, l’OAI a informé l’assuré de son intention de supprimer l’API « à la fin du mois qui suivait la date de décision (30 avril 2019) » dès lors que suite à l’enquête faite à son domicile, il était admis qu’il n’avait besoin d’une aide régulière importante que pour un acte ordinaire de la vie. Par décision du 19 mars 2019, l’OAI a constaté que son projet de décision du 1er février 2019 n’avait pas été contesté par l’assuré et a confirmé la suppression de l’API, dès le 30 avril 2019.
g. En dépit de cette décision, l’API a continué à être versée à l’assuré par la CCGC, après le 30 avril 2019.
h. Par décision datée du 26 mai 2023 et intitulée « Allocation pour impotent de l’AVS/AI : Décision de suppression », l’OAI a informé l’assuré que conformément à son « prononcé du 19 mars 2019 », son droit à l’API était supprimé au 30 avril 2019. Par décision de la CCGC, également datée du 26 mai 2023 et intitulée « Allocation pour impotent de l’AVS/AI : Décision de restitution », l’assuré a été informé qu’il devait restituer les prestations trop perçues ou indûment touchées qui s’élevaient, pour la période allant du 1er mai 2019 au 31 mai 2023, à CHF 23'402.-.
i. Par courrier posté le 7 juin 2023, intitulé « allocation pour impotent » et adressé à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), l’assuré a accusé réception « de votre lettre du 26 mai 2023 » mentionnant qu’il n’avait pas reçu la décision du 19 mars 2019 mais seulement le projet de décision du 1er février 2019. Il demandait que la décision de lui « supprimer la rente » soit reconsidérée car il s’agissait d’une source d’aide financière et morale.
j. Par réponse du 3 juillet 2023, l’OAI a admis que la décision de suppression notifiée le 26 mai 2023 était « nulle et non avenue » dans la mesure où l’assuré s’était déjà vu notifier une décision le 19 mars 2019, portant extinction de son droit à une API et qu’on ne pouvait pas rendre deux décisions, de même nature, sur le même objet. Selon l’OAI, c’était contre la décision du 19 mars 2019 que l’assuré aurait dû faire recours.
k. Invité à répliquer par la chambre de céans, le recourant a allégué qu’il était difficile de gérer son budget, d’une part, en raison de la suppression de l’API et d’autre part, en raison du remboursement qui lui était réclamé, raison pour laquelle il demandait qu’il soit renoncé à ce qu’il rembourse les montants correspondant à l’API perçue depuis 2019.
l. Par duplique du 15 août 2023, l’OAI a persisté dans ses conclusions.
m. Par courrier du 21 mars 2024, la chambre de céans a attiré l’attention des parties sur le délai écoulé entre la décision de fin de versement de l'API du 19 mars 2019 et la décision de restitution du 26 mai 2023 et leur a demandé de se déterminer sur les conséquences d’une éventuelle péremption de l'API.
n. Par courrier du 8 avril 2024, l’OAI s’est déterminé en précisant qu’après examen de la situation, il estimait ne pouvoir réclamer la restitution de l'API « que pour les trois années précédant la décision de restitution du 26 mai 2023, soit dès le 1er mai 2020 ».
o. Par arrêt du 25 avril 2024 (ATAS/275/2024), la chambre de céans a admis partiellement le recours. Elle a considéré qu’il était établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la décision du 19 mars 2019 avait été valablement notifiée au recourant et qu’elle était entrée en force. Par conséquent, le premier grief du recourant concernant la contestation de la décision, soit que les conditions de suppression de l’API n’étaient pas réunies, était tardif. En ce qui concernait le remboursement de l’intégralité des montants de l’API versés à tort, la chambre de céans a conclu qu’en raison de la péremption, la restitution des prestations périodiques versées avant le 26 mai 2020 ne pouvait pas être requise par l’OAI. La cause a été renvoyée à l’OAI pour nouvelle décision sur la restitution des montants versés à tort en tenant compte de la péremption.
B. Suite à l’arrêt de renvoi de la chambre de céans, l’OAI a rendu une décision de demande de restitution du 28 juin 2024, annulant et remplaçant la décision précédente. L’OAI avait procédé à un nouveau calcul, tenant compte de la péremption et avait abouti à un montant devant être restitué par l’assuré de CHF 17'714.-, en lieu et place de CHF 23'402.-.
C. a. Par acte posté en date du 15 juillet 2024, l’assuré a interjeté recours contre la décision du 28 juin 2024 auprès de la chambre de céans. Il a allégué que la décision querellée était irrecevable, dans la mesure où les parties avaient 30 jours pour recourir contre l’arrêt du 25 avril 2024 et que la décision de l’OAI du 28 juin 2024 dépassait le délai de 30 jours. Dans un second grief, il a allégué qu’en dépit du fait que, depuis le 1er mai 2019 il n’avait plus de droit à une rente d’impotent, il avait compris que la décision de suppression de ladite rente était irrecevable. Enfin, il rappelait que la décision de rembourser le montant de CHF 17'714.- n’indiquait pas que, depuis juillet 2023, l’OAI retenait mensuellement un montant de CHF 600.- sur la rente invalidité, aux fins de rembourser le montant réclamé de CHF 17'714.-. Il concluait en demandant de se « mettre d’accord sur ce à quoi j’ai droit ? ce que je dois restituer ? et pourquoi ? ».
b. Par réponse du 29 juillet 2024, l’OAI a rappelé les faits et notamment la réduction du montant dont le remboursement était réclamé, suite à l’arrêt de la chambre de céans du 25 avril 2024. En ce qui concernait le premier grief du recourant, l’OAI faisait remarquer que ce dernier se méprenait sur la portée du délai de 30 jours, qui ne concernait pas le délai dans lequel une nouvelle décision devait être prise, mais bien le délai légal permettant de recourir contre l’arrêt de la chambre de céans auprès du Tribunal fédéral. En ce qui concernait le deuxième grief, l’OAI rappelait que la suppression du droit à l’API, qui avait pris effet au 19 mars 2019, était entrée en force. Enfin, s’agissant du troisième grief, l’intimé confirmait l’exactitude du montant réclamé par CHF 17'714.- et précisait que la caisse avait, à ce jour, effectué treize retenues mensuelles de CHF 600.- sur la rente invalidité versée au recourant, de juillet 2023 à juillet 2024, soit un montant total de CHF 7’800.-. Ledit montant venait en déduction du montant réclamé dans la décision querellée. Le solde de la dette s’élevait donc à CHF 9’914.- au 29 juillet 2024, étant précisé que la prochaine retenue mensuelle de CHF 600.- aurait lieu au mois d’août 2024. Compte tenu de ces éléments, l’OAI concluait au rejet du recours.
c. Invité à répliquer, le recourant, dans une écriture du 16 septembre 2024, est revenu sur la décision de suppression de sa rente d’impotent, qu’il a contestée en faisant valoir que son père l’aidait dans les actes de la vie quotidienne de se vêtir et se dévêtir, manger et faire sa toilette ; il demandait une « nouvelle enquête fine de réévaluer cette décision ».
d. Sur ce, la chambre de céans a gardé la cause à juger, ce dont les parties ont été informées.
e. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Le recours a été interjeté dans la forme prévue par la loi. Néanmoins, dans la mesure où il concerne la décision du 19 mars 2024 sa recevabilité sera examinée plus en détail ci-après.
2. À titre préalable, il convient de rappeler que les griefs du recourant visent deux situations : en premier lieu, le recourant revient sur la décision de l’OAI de suppression de l’API, datée du 19 mars 2019, et en second lieu, il conteste la décision de l’OAI du 28 juin 2024, fixant à CHF 17'714.- le montant devant être remboursé.
3. S’agissant de la première décision de suppression de l’API, datée du 19 mars 2019, son sort a déjà été réglé dans le cadre de la précédente procédure A/1915/2023 ayant donné lieu à l’arrêt de la chambre de céans du 25 avril 2024 qui a établi que « le premier grief du recourant, concernant l’objet de la décision, non pas du 26 mai 2023, mais du 19 mars 2019, soit que les conditions de la suppression de l’API ne sont pas réunies, est tardif ».
Partant, le grief du recourant concernant la décision du 19 mars 2019 sera déclaré irrecevable.
Au niveau de sa réplique du 16 septembre 2024, le recourant demande qu’une « nouvelle enquête fine » soit effectuée, soit à ce qu’il soit procédé à une nouvelle évaluation de son état de santé, au regard des actes de se vêtir ou se dévêtir, de manger et de faire sa toilette.
À teneur de l’art. 87 al. 2 du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), une demande de révision peut être déposée pour autant qu’elle établisse de façon plausible que l’invalidité, l’impotence ou l’étendue du besoin de soins ou du besoin d’aide découlant de l’invalidité de l’assuré, s’est modifiée de manière à influencer ses droits.
Dans un tel cas, selon l’art. 88 al. 1 RAI, la procédure en révision est menée par l’office AI qui, à la date du dépôt de la demande de révision ou à celle du réexamen du cas est compétente au sens de l’article 40 RAI.
Partant, la chambre de céans n’est pas compétente pour entrer en matière sur la demande du recourant de réévaluer sa situation, étant rappelé qu’une telle demande doit être déposée auprès de l’OAI et qu’il est nécessaire d’établir, de façon plausible, que l’impotence de l’assuré s’est modifiée de manière à influencer ses droits.
Dès lors, il convient de déclarer irrecevable la demande du recourant de procéder à ce qui apparait comme une demande de révision ou de réexamen de la décision du 19 mars 2019.
4. En ce qui concerne les griefs soulevés à l’encontre de la décision du 28 juin 2024 ; à teneur de l’art. 25 al. 1 1re phr. LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. Selon la jurisprudence, il faut pour cela que les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision initiale soient remplies (ATF 130 V 380 consid. 2.3.1, 130 V 318 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_469/2013 du 24 février 2014 consid. 2, non publié à l’ATF 140 V 70, mais in : SVR 2014 UV n° 14 p. 44 ; dans les deux cas avec références).
En vertu de l’art. 53 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvrent subséquemment des faits nouveaux importants ou trouvent des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant (al. 1). L’assureur peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).
La suppression ou la réduction d’une rente d’invalidité de l’assurance-accidents intervient avec effet rétroactif (« ex tunc ») et les mensualités perçues ainsi indûment doivent être restituées même s'il n'y a pas eu violation de l'obligation d'annoncer (ATF 142 V 259 consid. 3.2 ; voir également PETREMAND in Commentaire de la LPGA, 2018, n° 47 et 49 ad art. 25).
5. En l’espèce, le premier grief concernant le délai de 30 jours dans lequel l’OAI aurait dû rendre sa décision a fait l’objet d’une réponse circonstanciée de l’OAI. Le recourant a confondu le délai de 30 jours lui permettant de déposer un recours auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt de la chambre de céans du 25 avril 2024 avec un prétendu délai qui aurait été fixé à l’intimé pour rendre une nouvelle décision. Le grief en question sera rejeté.
Le second grief a déjà été partiellement abordé dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours (cf. supra ch. 3). Comme cela ressort de l’arrêt de la chambre de céans du 25 avril 2024, la suppression de l’API est entrée en force suite à la décision de l’OAI du 19 mars 2019. Le grief en question sera également rejeté.
S’agissant du troisième grief, le recourant ne conteste pas formellement la quotité du montant arrêté par l’intimé, soit CHF 17'714.-, mais relève qu’une partie du montant réclamé a déjà été remboursée par compensation, suite à la retenue mensuelle de CHF 600.- sur sa rente invalidité.
Comme cela ressort des explications de l’intimé, figurant dans sa réponse du 29 juillet 2024, la caisse aurait dû accompagner sa décision d’un courrier explicatif précisant que les montants de CHF 600.- prélevés mensuellement avaient pour effet de diminuer le montant dont le remboursement était réclamé à l’assuré. L’OAI ajoute que l’assuré aurait été utilement renseigné sur le solde de sa dette s’il avait simplement pris contact avec la caisse, par téléphone ou via le formulaire E-démarches ; la chambre de céans abonde dans le même sens.
Dans sa réplique du 16 septembre 2024, le recourant ne revient pas sur ce point, ce qui semble démontrer qu’il a compris les explications données par l’intimé dans sa réponse du 29 juillet 2024.
À l’aune de ce qui précède, la chambre de céans constate que la décision querellée du 28 juin 2024 est bien fondée, étant précisé que les montants déjà retenus sur la rente invalidité sont imputés sur le solde de la dette dont le remboursement est demandé.
Partant, le recours est rejeté.
Compte tenu de l’ensemble des circonstances, la chambre de céans renoncera à percevoir un émolument.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours contre la décision de suppression de l’allocation d’impotent du 19 mars 2019 irrecevable.
2. Déclare la demande de révision ou de réexamen de la décision du 19 mars 2019 irrecevable.
3. Déclare recevable le recours contre la décision du 28 juin 2024.
Au fond :
4. Le rejette.
5. Renonce à percevoir un émolument à la charge du recourant.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Julia BARRY |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le