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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/686/2024

ATAS/725/2024 du 24.09.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/686/2024 ATAS/725/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 24 septembre 2024

Chambre 10

 

En la cause

A______
représentée par la CAP Protection Juridique, soit pour elle Me Mary PALLANTE, mandataire

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1978, mariée depuis le 19 mars 2004 et mère de deux enfants nés le ______ 2011 et le ______ 2015, a vécu en Finlande avant de s’installer en Suisse en 1999, d’abord dans le Canton de Vaud, puis à Genève dès le mois de mars 2007. Elle a déménagé dans le Canton de Zoug le 27 octobre 2011 et est revenue à Genève le 10 mars 2022 (cf. base de données Calvin de l’office cantonal de la population).

b. L’assurée a obtenu un baccalauréat en Finlande en 1997, puis a étudié les langues à l’université en Suède. Elle a intégré la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne (ci-après : UNIL) de 1999 à 2002, où elle a obtenu un diplôme en « École de Français Moderne ». Durant cette période, elle a notamment travaillé à temps partiel dans l’hôtellerie. De 2000 à 2003, elle a suivi des cours à la Faculté des lettres de l’UNIL puis à l’Athéna School, qui lui a décerné un diplôme d’agente de voyage et de tourisme en 2003. Du 1er juillet 2005 au
31 mars 2012, l’intéressée a travaillé à Genève en qualité d’assistante administrative pour B______. Parallèlement, elle a suivi des cours de 2008 à 2009 à l’UNIL et obtenu un diplôme en marketing et de management. Elle s’est ensuite consacrée à l’éducation de ses enfants et a effectué du bénévolat à Zoug, entre 2014 et 2018.

c. Le 7 mars 2023, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), mentionnant souffrir de neuropathie et de la maladie de Sjögren. Les symptômes étaient difficilement supportables et les traitements engendraient de lourds effets.

d. Le 13 mars 2023, l’intéressée a rempli le questionnaire relatif à son statut. Interrogée sur ses activités avant l’atteinte à la santé, elle a rappelé avoir été employée avant d’avoir des enfants, puis avait été femme au foyer depuis 2012, s’occupant du ménage, de l’éducation et de la garde de ses enfants. À la question de savoir si elle aurait exercé une activité professionnelle en bonne santé, elle a répondu par l’affirmative, au taux de 100%, dans le domaine du marketing, et ce pour subvenir aux besoins du ménage. Les revenus de la famille étaient constitués du salaire de son époux, actuellement au chômage, et des allocations familiales.

e. Dans une note du 20 mars 2023, l’OAI a retenu que l’absence d’activité professionnelle avant l’atteinte à la santé correspondait à la volonté hypothétique de l’assurée, qui avait fait le choix d’être femme au foyer depuis la naissance de ses enfants. Il convenait donc de retenir un statut ménager.

f. Par rapport du 4 avril 2023, la docteure C______, médecin cheffe de clinique au service de rhumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), a indiqué avoir repris en avril 2022 le suivi de l’assurée, laquelle avait été traitée à Zürich pour une polyarthrite et un syndrome de Sjögren depuis 2018. La patiente était sous méthotrexate et hydroxychloroquine, mais présentait encore une asthénie très importante et des arthralgies inflammatoires exacerbées depuis décembre 2022. Une cure de prednisone était à l’essai pour
15 jours et un traitement biologique discuté, étant relevé que la patiente était très compliante avec les différents traitements. Les limitations fonctionnelles concernaient toutes les activités nécessitant l’usage des mains (préhension,
force, ...) et des coudes, la marche en raison des douleurs dans les pieds, et la concentration en raison de la fatigabilité. La patiente ne pouvait pas faire deux activités en même temps et devait se ménager des pauses et faire des siestes tous les après-midis, sinon elle était épuisée. Elle était très fatiguée les lendemains de ses injections de méthotrexate. Son atteinte à la santé avait des répercussions dans toutes les activités et tous les domaines de la vie courante. En l’état, la patiente serait capable de travailler à 40%, mais avec une efficacité d’environ 25%, car elle était plus lente et devait faire des pauses à cause des douleurs. Le taux de sa capacité de travail était de l’ordre de 10%.

La Dre C______ a annexé des rapports de consultations des HUG des 7 et 21 mars, et 2 mai 2023, et du 12 juin 2023 d’un rhumatologue de Zürich.

g. Dans un avis du 11 juillet 2023, la docteure D______, médecin auprès du service médical régional de l’OAI (ci-après : SMR), a rappelé que la Dre C______ estimait la capacité de travail à 40% avec une baisse de rendement de 25% dans l’activité habituelle et à 40% avec une baisse de rendement de 10% dans une activité adaptée. La médecin-conseil a conclu que le début de l’incapacité de travail durable remontait au mois de juillet 2019 et que depuis lors, la capacité de travail était nulle dans toute activité.

h. L’OAI a mis en œuvre une enquête ménagère. Dans son rapport du
28 novembre 2023, l’infirmière a indiqué que l’assurée avait démissionné à la fin de son premier congé maternité et était femme au foyer depuis lors. Elle n’avait pas repris d’activité professionnelle en raison de ses problèmes de santé et d’un traitement pour soigner une endométriose, préférant « se consacrer à son projet de deuxième enfant ». Sans atteinte à la santé, l’intéressée déclarait qu’elle aurait tenté de retrouver une activité professionnelle, probablement à 80% pour libérer le mercredi pour les enfants. Son mari avait retrouvé un emploi et percevait un revenu mensuel de CHF 10'000.-. Il travaillait tous les jours depuis la maison et était très disponible au domicile. Les dépenses de la famille comprenaient notamment une dette hypothécaire pour la maison qu’ils avaient achetée en
mars 2022. Au terme de l’enquête, ont été retenus des empêchements sans aide exigible de la famille à hauteur de 9% pour le poste alimentation, 15% pour l’entretien du logement, 10% pour les achats, courses et tâches administratives, 5% pour la lessive et l’entretien des vêtements, 25% pour les soins et assistance aux enfants et aux proches, et 0% pour le soin du jardin, de l’extérieur de la maison ou la garde des animaux domestiques. Ces taux ont été portés, après déduction de l’aide exigible des membres de la famille, à 0% hormis pour les soins aux enfants, poste pour lequel 14% ont été retenus. Il en résultait un degré d’invalidité de 3.9%.

B. a. Le 4 décembre 2023, l’OAI a informé l’assurée qu’il envisageait de refuser sa demande de rente, l’invalidité dans la sphère des travaux habituels révélant un taux de 3.9%, insuffisant pour ouvrir le droit à des prestations.

b. Le 6 décembre 2023, l’assurée a relevé que sa condition de personne non active était la conséquence de sa situation de santé, et non pas d’un choix personnel. Elle avait décidé de reprendre une activité dès que ses enfants avaient été scolarisés, soit dès 2018, mais tous les traitements entrepris avaient échoué et elle était depuis en incapacité de travailler, contre sa volonté.

c. Par décision du 30 janvier 2024, l’OAI a rejeté la demande de l’assurée, confirmant son statut de personne non active.

C. a. Par acte du 27 février 2024, l’assurée a interjeté recours par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à l’annulation de la décision du 30 janvier 2024 et à l’octroi d’une rente d’invalidité. Ses arguments concernant la détermination de son statut n’avaient pas été pris en considération. Elle avait clairement exprimé son intention de reprendre une activité professionnelle dès que son état de santé le lui aurait permis. Durant sa parenthèse professionnelle pour élever ses enfants, elle était restée active en effectuant du bénévolat, afin de se constituer un réseau en vue de sa reprise d’activité rémunérée. Elle avait également inscrit son deuxième enfant à la crèche pour préparer son retour à la vie active. Son état de santé s’était aggravé en 2018. Malgré tout, nourrissant l’espoir d’un nouveau traitement, elle avait entrepris des démarches de recherche d’emploi, abandonnées en raison de l’échec du traitement. La décision entreprise la privait de toute indépendance financière et la laissait totalement démunie.

b. Dans sa réponse du 14 mars 2024, l’intimé a conclu au rejet du recours. Pour pouvoir être retenue, l’intention d’augmenter son taux d’activité, jusqu’à un plein temps, devait s’être manifestée avant que les enfants aient atteint l’âge où ils acquéraient une certaine autonomie pour permettre la prise d’un emploi. Or, la recourante n’avait pas allégué avoir entrepris des démarches en vue de retrouver un emploi, même à temps partiel. Avoir effectué du bénévolat entre 2018 et 2019 ne suffisait pas objectivement à prouver une volonté de reprendre une activité lucrative. En outre, le parcours professionnel de l’intéressée jusqu’à la naissance de son premier enfant ne dénotait déjà pas un statut d’active à 100%. Il n’existait pas au dossier assez d’éléments justifiant de tenir les déclarations d’intention comme le reflet de la réalité qui se serait concrétisée sans atteinte à la santé.

c. Dans sa réplique du 15 avril 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle a relevé plusieurs erreurs dans les déterminations de l’intimé. Ainsi, elle avait travaillé à 100% de 2005 à 2012, comme attesté par son certificat de travail et son contrat de travail, et non pas à un taux variable. Elle avait donc travaillé à temps complet durant toute sa carrière professionnelle, débutée en 2005, et avait parallèlement, en 2008 et 2009, suivi des cours les samedis et en fin de journée, ce qui démontrait clairement sa détermination à construire son avenir professionnel. Elle avait effectué du bénévolat dès 2014, et non dès 2018, activité à laquelle elle avait dû renoncer en raison de l’aggravation de ses problèmes de santé. Elle relevait en outre que toutes ses déclarations n’avaient pas été prises en considération lors de l’enquête ménagère.

La recourante a produit son contrat de travail daté du 7 juin 2005, mentionnant que la durée hebdomadaire du travail à temps complet était de 40 heures et que le revenu annuel brut était fixé à CHF 57'000.- par année, ainsi que son certificat de travail du 6 juin 2012.

d. Dans sa duplique du 7 mai 2024, l’intimé a maintenu que la recourante n’avait pas démontré de manière suffisante qu’elle aurait dû se voir reconnaître un statut d’active à 100% et n’apportait aucun élément objectif permettant de s’écarter du rapport d’enquête ménagère.

e. Le 23 mai 2024, la recourante, par l’intermédiaire d’un mandataire, a persisté dans ses conclusions, rappelant qu’elle n’avait jamais voulu mettre un terme définitif à sa carrière, mais avait souhaité faire une pause afin de fonder une famille. L’argumentation de l’intimé reposait sur des affirmations inexactes concernant son taux d’activité avant la naissance de son premier enfant. Concernant l’enquête ménagère, l’enquêtrice n’avait pas tenu compte de toutes ses atteintes et rien ne permettait de penser que son mari pourrait continuer à faire du télétravail.

f. Le 11 juin 2024, l’intimé a également maintenu ses conclusions.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du
6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

2.2 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), ainsi que celles du
3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961
(RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naîtrait au plus tôt en 2023, dès lors que la demande de prestations a été déposée le 7 mars 2023 (art. 29 al. 1 LAI), de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur la question de son statut.

4.             L’art. 8 LPGA prévoit qu’est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. L’art. 4 LAI précise en outre que l’invalidité peut résulter d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident.

Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable
(al. 2).

À teneur de l’art 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions
suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

Conformément à l’art. 28a LAI, l’évaluation du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative est régie par l’art. 16 LPGA. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables (al. 1). Le taux d’invalidité de l’assuré qui n’exerce pas d’activité lucrative, qui accomplit ses travaux habituels et dont on ne peut raisonnablement exiger qu’il entreprenne une activité lucrative est évalué, en dérogation à l’art. 16 LPGA, en fonction de son incapacité à accomplir ses travaux habituels (al. 2). Lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint, le taux d’invalidité pour cette activité est évalué selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, le taux d’invalidité pour cette activité est fixé selon l’al. 2. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative ou du travail dans l’entreprise du conjoint et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées ; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité (al. 3).

L’art. 24septies RAI stipule que le statut d’un assuré est déterminé en fonction de la situation professionnelle dans laquelle il se trouverait s’il n’était pas atteint dans sa santé (al. 1). L’assuré est réputé (al. 2) : exercer une activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 1 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de 100% ou plus (let. a) ; ne pas exercer d’activité lucrative au sens de l’art. 28a al. 2 LAI dès lors qu’en bonne santé, il n’exercerait pas d’activité lucrative (let. b) ; exercer une activité lucrative à temps partiel au sens de l’art. 28a al. 3 LAI dès lors qu’en bonne santé, il exercerait une activité lucrative à un taux d’occupation de moins de 100% (let. c).

4.1 Pour déterminer la méthode d'évaluation de l'invalidité applicable dans un cas particulier, il faut à chaque fois se demander ce que l'assuré aurait fait si l'atteinte à la santé n'était pas survenue (ATF 137 V 334 consid. 3.2). Il convient par conséquent de procéder à une évaluation hypothétique incluant la prise en compte des choix également hypothétiques que l'assuré aurait faits (ATF 144 I 28
consid. 2.4).

Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels
(ATF 144 I 28 consid. 2.3 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante
(ATF 144 I 28 consid. 2.3 et les références ; 141 V 15 consid. 3.1 ; 137 V 334 consid. 3.2 ; 125 V 146 consid. 2c et les références).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ;
125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Selon la jurisprudence, il convient d’accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, qui correspondent généralement à celles que la personne a faites alors qu'elle n'était peut-être pas encore consciente des conséquences juridiques qu'elles auraient, les nouvelles explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (ATF 142 V 590 consid. 5.2 ;
121 V 45 consid. 2a et les arrêts cités).

6.             En l’espèce, l’intimé a retenu un statut de ménagère, considérant que les éléments figurant au dossier ne permettaient pas de confirmer les déclarations d’intention de la recourante, aux termes desquelles elle aurait travaillé à 100% sans atteinte à la santé.

La recourante conteste cette appréciation et allègue avoir fait le choix d’une parenthèse professionnelle pour s’occuper de ses enfants en bas âge.

6.1 La chambre de céans observe en premier lieu que la recourante a suivi des études universitaires de langues en Suède, puis de lettres et de tourisme en Suisse, ce qui dénote d’une envie certaine de se former. Pour ce faire, elle a d’ailleurs travaillé à temps partiel dans l’hôtellerie durant une partie de ses études. Elle a ensuite occupé un poste d’assistante et était notamment chargée de tâches dans les domaines du marketing, de la gestion des contacts et des relations avec les clients. Elle a entrepris en 2008 une nouvelle formation dans ce domaine et obtenu en 2009 un diplôme délivré par la Faculté des Hautes Études commerciales de l’UNIL. La reprise d’études universitaires en emploi atteste des ambitions professionnelles de l’intéressée, qui a élaboré un plan de carrière.

Elle rappelle ensuite que le dernier contrat de travail de la recourante a été résilié pour la fin de son premier congé maternité, après sept ans d’activité pour le même employeur. Rien ne justifie de douter des déclarations de l’intéressée, aux termes desquelles elle a travaillé du 1er juillet 2005 au 31 mars 2012 à plein temps, étant relevé que ni le contrat de travail, ni le certificat de travail produits, ne font état d’un taux d’occupation partiel. L’intimé ne fait d’ailleurs valoir aucun indice susceptible de remettre en cause les allégations de la recourante.

L’intéressée a donné naissance à ses deux enfants en novembre 2011 et en
juillet 2015. Entre temps, soit en 2014 (cf. curriculum vitae), elle a commencé à effectuer du bénévolat, alors que le couple vivait dans le canton de Zoug, ce qui démontre sa volonté de rester active et de s’engager, en dehors de son temps familial. Elle a cessé ces occupations non rémunérées en 2018, époque à laquelle elle a commencé à présenter des problèmes de santé importants, avec la mise en évidence d’une polyarthrite et d’un syndrome de Sjögren, comme attesté par la Dre C______ (cf. rapport du 4 avril 2023). Ces maladies ont donc été révélées lorsque que son enfant cadet était âgé de 3 ans, soit avant qu’il ne soit scolarisé. En outre, l’intimé a admis une totale incapacité de travail depuis le 1er juillet 2019, à savoir lorsque cet enfant était âgé de 4 ans.

Il sied également de souligner que les époux ont contracté une dette hypothécaire pour l’achat de leur maison en mars 2022, soit quelques mois avant l’aggravation de l’état de santé de la recourante, ce qui constitue un élément supplémentaire permettant de penser que l’intéressée aurait effectivement travaillé si son état de santé le lui avait permis, afin de participer aux charges de la famille. À cet égard, il sera d’ailleurs rappelé que la recourante a insisté sur l’importance qu’elle attache à son indépendance financière, déplorant notamment ne pas être en mesure de participer aux dépenses du ménage et d’assumer ses propres frais médicaux.

Enfin, dans ses premières déclarations, la recourante a clairement indiqué qu’elle aurait travaillé, sans atteinte à la santé, au taux de 100% dans le domaine du marketing, et ce pour subvenir aux besoins du ménage. Que l’intéressée ait évoqué le taux de 80% lors de l’enquête à domicile n’est pas suffisant pour s’écarter de ses explications initiales, car la recourante a précisé que ce taux partiel aurait été envisagé pour libérer le mercredi pour les enfants, soit pour une période provisoire, sans autre précision. Or, au moment du prononcé de la décision litigieuse, le 30 janvier 2024, les enfants de la recourante, âgés de 12 ans et 8 ans, suivaient l’enseignement primaire, cycle moyen, et étaient donc scolarisés le mercredi matin. Il est donc hautement probable que la recourante aurait travaillé à 100% à cette date.

En définitive, aucun motif ne justifie de s'écarter des déclarations de la recourante faites au début de la procédure administrative, selon lesquelles, en bonne santé, elle aurait exercé une activité lucrative à 100%, étant rappelé que la jurisprudence privilégie les déclarations de la première heure.

6.2 Eu égard à tout ce qui précède, la chambre de céans considère comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante requis, que la recourante aurait travaillé à temps plein si elle avait été en bonne santé, après avoir consacré quelques années à l’éducation de ses enfants.

Partant, la décision litigieuse doit être annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour qu'il statue à nouveau sur le droit à la rente d'invalidité en tenant compte d'un statut de personne active à plein temps. Il lui incombera également de se déterminer sur la capacité de travail de la recourante, étant observé que les conclusions du SMR divergent de celles de la Dre C______, sans explication.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse annulée.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 800.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ;
art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L’admet partiellement.

3.      Annule la décision du 30 janvier 2024.

4.      Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.      Alloue à la recourante une indemnité de CHF 800.-, à charge de l’intimé.

6.      Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

7.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie KOMAISKI

 

La présidente

 

 

 

 

Joanna JODRY

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le