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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3580/2022

ATAS/718/2024 du 19.09.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3580/2022 ATAS/718/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 septembre 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______
représenté par Maître Mirolub VOUTOV, avocat

recourant

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né en 1984, d’origine tunisienne, est arrivé en Suisse le 23 août 2003.

b. Du 1er août 2005 au 30 juin 2013, il a travaillé comme conseiller de vente chez B______.

B. a. Le 12 juillet 2013, l’assuré a saisi l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI) d’une première demande de prestations suite à une fracture de la cheville et du poignet droits, consécutive à une chute dans les escaliers le 19 août 2012.

b. Dans le cadre de l’instruction de la demande, l’OAI a recueilli plusieurs pièces médicales, dont il ressort notamment ce qui suit :

-          Selon le rapport d’expertise établi le 10 juillet 2014 par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, à l’intention de l’assureur-accidents, les diagnostics étaient les suivants : douleurs d’origine indéterminée au niveau de la cheville droite, status après ablation du matériel d’ostéosynthèse (AMO) de la cheville droite le 20 février 2014, status après fracture tri-malléolaire de la cheville droite, traitée par ostéosynthèse le 30 août 2012, status après fracture de l’interphalangienne (IP) du pouce droit traitée conservatoirement et status après ostéosynthèse d’une fracture du scaphoïde carpien, en 2006, guérie sans séquelle. En position assise, la capacité de travail était entière. En position debout ou alternée debout/assise, la capacité de travail devait être appréciée lors d’un séjour à la clinique romande de réadaptation (CRR) à Sion.

-          L’assuré a séjourné à la CRR du 30 septembre au 28 octobre 2014. Selon le rapport du 11 novembre 2014 y relatif, les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de longs trajets ou de marche en terrain irrégulier, pas de port de charges lourdes, pas de montées d’escaliers et d’échelles, pas de position debout prolongée, ni d’accroupissement.

-          Le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en date du 9 février 2015, a attesté que l’assuré avait souffert d’un trouble dépressif récurrent, épisode moyen (F33.11), en rémission complète depuis le 1er novembre 2014, avec une capacité de travail entière.

c. Le service médical régional de l’OAI (ci-après : SMR), en date du 18 mai 2015, a retenu un status après fracture tri-malléolaire de la cheville droite traitée par ostéosynthèse. Il a conclu à une capacité de travail de 0% dans l’activité habituelle depuis le 30 août 2013 mais de 100%, depuis le 11 septembre 2013, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles énoncées par la CRR.

d. La comparaison des revenus conduisant à un degré d’invalidité de 9%, l’OAI a rejeté la demande de prestations par décision du 3 juillet 2015. Il a, d’une part, nié le droit à une rente et, d’autre part, refusé de mettre l’assuré au bénéfice de mesures d’ordre professionnel, celles-ci n’étant pas de nature à améliorer la capacité de gain. Cette décision est entrée en force.

C. a. Par courrier non daté, reçu par l’OAI le 1er février 2018, l’assuré a « renouvelé » sa demande de prestations d’invalidité, expliquant qu’il se trouvait à l’assistance sociale et qu’en raison de son état de santé, il lui était impossible de trouver un emploi ou de suivre une formation. Il sollicitait l’aide de l’OAI.

b. Ont été versés au dossier, notamment, les documents suivants :

-          Un rapport établi le 6 mars 2018 par le docteur E______, généraliste FMH, médecin traitant, dont il ressortait notamment que le bilan d’imagerie avait mis en évidence un début d’arthrose post-traumatique classique et secondaire à la fracture tri-malléolaire de la cheville droite. L’assuré avait bénéficié de deux « intégrations » aux établissements publics pour l’intégration (EPI) et à la maison de retraite de F______, sans succès, en raison de douleurs persistantes. Le médecin émettait l’avis que son patient pourrait en revanche être réinséré comme horloger.

-          Un rapport établi le 23 avril 2015 par le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologique de l’appareil locomoteur, évoquant un début d’arthrose post-traumatique classique et secondaire à la fracture tri-malléolaire de la cheville droite, sans signe en faveur d’une lésion ligamentaire ou tendineuse majeure. L’assuré présentait une hyperesthésie prédominant essentiellement sur la malléole externe et sur le bord intérieur de la cheville. Aucune prise en charge chirurgicale particulière ne pouvait être proposée, le status orthopédique s’étant très peu détérioré. Le médecin suggérait une prise en charge par la consultation de la douleur chronique aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et une réinsertion professionnelle rapide.

c. Le SMR, en date du 14 novembre 2018, a émis l’avis que si la capacité de travail était définitivement nulle dans l’ancienne activité de vendeur, elle était entière dans toute activité respectant les limitations fonctionnelles d’épargne de la cheville droite.

d. Selon une note de travail CII/CII+ (collaboration interinstitutionnelle – CII), datée du 26 février 2019, l’Hospice général a proposé à l’assuré des mesures de réorientation professionnelle (stage Liasi en 2015, interrompu pour motif médical, deux suivis à l’office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue [OFPC]). L’Hospice général se dit par ailleurs prêt à soutenir financièrement l’assuré pour une nouvelle formation, y compris un nouveau certificat fédéral de capacité, notamment dans le domaine de l’horlogerie. L’assuré n’a toutefois pas donné suite à ces propositions et les a interrompues. Pour l’OAI, l’assuré, inactif depuis 2012, n’est donc pas dans une démarche de réinsertion, de sorte que la mise sur pied de mesures de réadaptation ne se justifie pas, d’autant que l’Hospice général est plus à même de le soutenir vers un retour en emploi, compte tenu des éventuels freins sur le plan de la situation sociale.

e. Par décision du 13 mai 2019, l’OAI a rejeté la demande du 1er février 2018. Le degré d’invalidité restait inchangé, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente ou à un reclassement professionnel. Qui plus est, l’état de santé de l’assuré ne le limitait pas dans la recherche d’une activité adaptée, de sorte que les conditions d’octroi d’une orientation professionnelle ou d’une aide au placement n’étaient pas non plus réalisées. Cette décision est entrée en force.

D. a. Le 31 août 2021, l’assuré a saisi l’OAI d’une troisième demande de prestations, en invoquant des atteintes à la main droite (opération en 2005), au pied droit (opération en 2012), une hypertension (2009), des calculs rénaux, des douleurs au dos, des problèmes psychiques (2018), des problèmes de thyroïde, une calcification des os et des crises de goutte (2021).

b. Par courrier du 21 septembre 2021, l’OAI a invité l’assuré à rendre plausible la survenance d’une aggravation de son état de santé depuis la décision du 13 mai 2019.

c. L’assuré a transmis à l’OAI plusieurs pièces médicales, faisant état des atteintes suivantes : hyperparathyroïdie primaire sur un probable adénome parathyroïdien gauche, maladie urolithiasique oxalocalcique récidivante, hypertension artérielle, dysthymie, angiome hépatique, fracture de la cheville droite et du radius droit sur accident de sport et reflux gastroœsophagiens (cf. lettre de sortie établie par le département de chirurgie des HUG le 27 janvier 2021 ; cf. également rapports de la consultation d’endocrinologie des HUG des 16 juillet 2021 et 10 février 2022) ; hyperparathyroïdie primaire compliquée d’une maladie urolithiasique oxalocalcique récidivante (cf. rapports de la consultation lithiases des HUG des 1er septembre et 2 novembre 2020) ; lésion hépatique compatible avec un hémangiome et kyste du pôle inférieur du rein gauche (cf. rapport de l’IRM foie-rate du 10 juillet 2020) ; adénome parathyroïdien inférieur gauche (rapport de l’ultrason de la thyroïde du 8 septembre 2020) ; crise de goutte (rapport de la consultation intra-hospitalière de rhumatologie, HUG, du 12 août 2021) ; épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques depuis 2021 (cf. rapport de la docteure H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 14 novembre 2021) ; au niveau L4-L5, présence d’une petite hernie discale de localisation notamment extra-foraminale gauche, au contact avec la racine L4 gauche extra-foraminale (cf. rapport de l’IRM lombo-sacrée et sacro-iliaque du 14 janvier 2022).

d. Le SMR, en date du 9 mars 2022, a considéré que, sur le plan somatique, l’atteinte orthopédique n’avait pas évolué ; l’atteinte de la parathyroïde ne pouvait être considérée comme durablement incapacitante et devait simplement faire l’objet d’une surveillance clinique et biologique ; sur le plan psychique, il convenait de mettre sur pied une expertise psychiatrique.

e. Celle-ci a été confiée au docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en collaboration avec Madame, psychologue.

Dans son rapport du 7 juillet 2022, établi après six heures d’entretien, le Dr I______ a uniquement retenu des diagnostics sans répercussions sur la capacité de travail, soit un trouble dépressif récurrent, épisode moyen, avec syndrome somatique (F33.11) depuis septembre 2021, sans indices de gravité selon la jurisprudence, et des traits mixtes de la personnalité émotionnellement labile, de type impulsif et anxieuse (Z73.1), non décompensés, sans traitement psychotrope, sans hospitalisation psychiatrique, sans suivi psychiatrique hebdomadaire. Au moment de l’expertise, et depuis septembre 2021, seules des limitations fonctionnelles subjectives et sans impact sur le quotidien étaient notées, non objectivées à l’examen clinique.

f. Le SMR s’est rallié aux conclusions de ce rapport et a confirmé la pleine capacité à exercer une activité adaptée.

g. Le 24 août 2022, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision dont il ressortait qu’il entendait rejeter sa demande, la situation étant comparable à celle prévalant lors de la décision du 13 mai 2019.

h. Par courrier non daté, mais reçu le 16 septembre 2022 par l’OAI, l’assuré a contesté ce projet en sollicitant une contre-expertise. A son courrier était notamment joint un certificat établi le 15 septembre 2022 par la Dre H______, sa psychiatre traitante, qui reprochait à l’expert de n’avoir entendu son patient que brièvement, l’essentiel de l’examen ayant été pratiqué par la psychologue. Elle rappelait par ailleurs que, par le passé, l’assuré avait pris plusieurs antidépresseurs sans efficacité avérée sur son état dépressif chronique. Il redoutait également de prendre des médicaments risquant d’aggraver son problème rénal.

i. Par décision du 28 septembre 2022, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

E. a. Le 31 octobre 2022, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique judiciaire, principalement, à l’allocation d’une rente d’invalidité entière ou partielle en fonction de la perte de gain effective, subsidiairement, à l’octroi de mesures d’ordre professionnel, encore plus subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OAI pour complément d’instruction.

En substance, le recourant critique l’appréciation de la capacité de travail effectuée par le Dr I______, à laquelle il oppose les conclusions de ses médecins traitants, lesquels retiennent une incapacité de travail totale en raison de ses atteintes somatiques et psychiques.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 6 décembre 2022 a conclu au rejet du recours.

Du point de vue psychiatrique, il relève que l’expert ne retient aucune comorbidité psychiatrique incapacitante. Du point de vue somatique, les pièces produites ne montrent pas d’aggravation depuis la décision rendue en 2019. Le recourant ne peut certes plus exercer son activité habituelle mais conserve une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (épargne de la cheville droite).

c. Le 10 janvier 2023, le recourant a produit un rapport de la Dre H______ daté du 7 novembre 2022, dont il reprend les principales critiques.

d. Le 14 février 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions après avoir soumis le rapport produit au SMR.

e. Le 3 mars 2023, le recourant a produit un nouveau certificat de la Dre H______ du 16 février 2023, attestant d’une totale incapacité de travailler pour le mois de février 2023, laquelle serait due, selon lui, à une aggravation de son trouble dépressif.

f. Le 6 mars 2023, le recourant a produit trois invitations à se présenter pour examens/contrôles aux HUG (les 12 septembre 2020, 14 et 18 septembre 2022), ainsi qu’un nouveau certificat de la Dre H______ attestant d’une incapacité de travail pour le mois de mars 2023. Selon le recourant, ses atteintes somatiques influencent négativement son état de santé psychique.

g. Le SMR, en date du 23 mars 2023, a relevé que de simples certificats d’arrêt de travail, sans la moindre explication clinique médicale à l’appui, ne sauraient être probants.

h. Le 8 mai 2023, le recourant a produit un nouveau certificat du 27 avril 2023 ainsi qu’un rapport de la Dre H______ du 17 avril 2023, dont il ressort que son état psychique s’est aggravé depuis novembre 2022, qu’il est de plus en plus isolé, qu’il participe beaucoup moins à la vie de famille, qu’il peut rester enfermé dans sa chambre pendant une journée entière, qu’il se montre détaché de ce qui se passe autour de lui, somatisant beaucoup, et que cette situation pèse sur l’ambiance familiale et aggrave les tensions dans le couple.

i. Une audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue le 7 mars 2024.

A cette occasion, le recourant a produit deux rapports du département diagnostique des HUG, datés des 20 octobre 2020 et 2 février 2022, des convocations du service de radiologie des HUG, datées des 19 juin et 18 septembre 2023, une convocation du service d’urologie, datée du 18 septembre 2023, une convocation du service de diabétologie, datée du 8 janvier 2023, ainsi que des certificats d’arrêt de travail pour la période de mai 2023 à mars 2024.

La Dre H______ a expliqué qu’elle suit l’assuré depuis septembre 2021 et a toujours retenu le diagnostic de trouble dépressif récurrent, désormais sévère, sans symptôme psychotique. L'état psychique de son patient s’est beaucoup aggravé postérieurement à l'expertise, depuis novembre 2022. La situation s’est un peu améliorée par la suite, mais le trouble reste toujours sévère. La psychiatre ne partage pas les conclusions de l’expert, notamment le diagnostic de trouble émotionnellement labile de type borderline. Selon elle, son patient ne souffre d’aucun trouble de la personnalité. Quant au trouble dépressif récurrent, elle estime que l’expert l’a banalisé. Pour sa part, elle dit avoir pu observer des symptômes neuropsychologiques (déficit de l'attention, de la concentration, troubles mnésiques, troubles du sommeil, manque d'énergie) et, parfois, dans le passé, des idées noires. Son patient dispose de ressources fournies par son entourage, mais n’a ni loisirs, ni centre d'intérêts en dehors de la famille. La Dre H______ a également expliqué que les psychotropes, quels qu'ils soient, sont tous métabolisés par le foie. Elle a prescrit au recourant du Cipralex, avant d’y renoncer en raison d'une hépatite médicamenteuse (les valeurs étaient très mauvaises : GammaGT, ASAT et ALAT). La fréquence du suivi varie : une fois par semaine quand la situation s’était aggravée, une fois toutes les trois semaines désormais.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée porte sur l’octroi d’une rente dont le droit serait né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations de l’assurance-invalidité, plus particulièrement sur la question d’une éventuelle aggravation de son état de santé postérieure à la décision rendue en mai 2019 susceptible de lui ouvrir droit à des prestations.

7.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28b LAI, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2022, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). Pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est la suivante (al. 4) :

taux d’invalidité

quotité de la rente

49 %

47,5 %

48 %

45    %

47 %

42,5 %

46 %

40    %

45 %

37,5 %

44 %

35    %

43 %

32,5 %

42 %

30    %

41 %

27,5 %

40 %

25    %

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.              

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au nombre desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (ATF 143 V 409 consid. 4.5.3 et 418 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_43/2023 du 29 novembre 2023 consid. 5.2 ; 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

8.5 Lorsque la rente d'invalidité a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plausible que son invalidité s'est modifiée de manière à influencer ses droits (art. 87 al. 2 et 3 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI ; RS 831.201]).

Lorsque l'administration entre en matière sur une nouvelle demande de prestations, elle doit examiner la cause au plan matériel – soit en instruire tous les aspects médicaux et juridiques – et s'assurer que la modification du degré d'invalidité rendue vraisemblable par l'assuré est effectivement survenue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2012 du 9 juillet 2012 consid. 4). Si elle constate que les circonstances prévalant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (cf. ATF 133 V 108) ne se sont pas modifiées jusqu'au moment de la nouvelle décision, et que le degré d'invalidité n'a donc pas changé, elle rejette la demande de révision. Dans le cas contraire, elle est tenue d'examiner s'il y a désormais lieu de reconnaître un taux d'invalidité ouvrant le droit à une prestation ou augmentant celle-ci. En cas de recours, le même devoir d'examen matériel incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a ; 109 V 114 consid. 2a et b).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

8.6 L’incapacité de gain peut s’aggraver par la survenance d’une nouvelle maladie ou par la détérioration de l’atteinte préexistante ainsi que par un changement de statut de l’assuré (ch. 4007 de la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI]), dans sa teneur en vigueur au cours de la période litigieuse).

9.              

9.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui – en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part –, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

9.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

9.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; 125 V 351 consid. 3b/bb).

9.2.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

9.2.3 En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). A noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent – même émanant d'un spécialiste – ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

9.2.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

10.          

10.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.2 De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1; ATF 130 V 130 consid. 2.1).

11.          

11.1 En l’espèce, en juillet 2013, le recourant a déposé une première demande de prestations suite à une fracture de la cheville et du poignet droits. Un trouble dépressif récurrent, épisode moyen (F33.11), en rémission complète depuis novembre 2013 avait alors également été évoqué. Par décision du 3 juillet 2015, l’OAI a nié à l’assuré le droit à toute prestation, le degré d’invalidité ayant été évalué à 9%.

En février 2018, le recourant a saisi l’OAI d’une deuxième demande de prestations, toujours en raison de l’atteinte à sa cheville droite. Aucune atteinte psychique n’a cette fois été évoquée. Par décision du 13 mai 2019, l’OAI, constatant que le degré d’invalidité restait inchangé, a rejeté cette seconde demande.

Le 31 août 2021, le recourant a saisi l’OAI d’une troisième demande de prestations, en invoquant cette fois, outre les atteintes à sa main droite et au membre inférieur droit, une hypertension, des calculs rénaux, des douleurs dorsales, un problème psychiatrique, du thyroïdisme, une calcification des os et de la goutte. Considérant que les atteintes somatiques n’étaient pas durablement incapacitantes s’agissant d’une activité adaptée, l’OAI a limité l’instruction de la cause au plan psychique.

Le recourant conteste essentiellement l’intensité du trouble dépressif retenu par l’expert I______ et ses répercussions sur la capacité de travail, ce qui implique un examen de la valeur probante du rapport d’expertise du 7 juillet 2022.

11.2  

11.2.1 A titre liminaire, cependant, il convient de rappeler que la légalité des décisions entreprises doit être examinée d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Ainsi, une aggravation survenue postérieurement à la décision querellée ne saurait être prise en considération et doit faire l’objet d’une nouvelle décision.

Il en découle que les atteintes survenues postérieurement au 28 septembre 2022, ainsi que l’aggravation de l’état psychique survenue en novembre 2022, évoquée par la Dre H______ dans son certificat intermédiaire du 17 avril 2023 et lors de son audition le 7 mars 2024, ne seront pas prises en considération pour examiner le bien-fondé du refus de l’OAI.

11.2.2 Cela étant précisé, on relèvera que l’existence d’une atteinte psychique ne fait aucun doute, l’expert et la psychiatre traitante s’opposant uniquement sur l’intensité du trouble dépressif diagnostiqué (moyenne pour la première, sévère pour la seconde) et sur ses répercussions en termes de capacité de travail (inexistantes pour la première, totalement incapacitantes pour la seconde).

Quel que soit le diagnostic retenu, il convient de rappeler qu’une atteinte psychique, par définition non objectivable, n’est invalidante que si la personne ne dispose pas ou plus des ressources suffisantes pour la surmonter. C’est justement le rôle de l’expert psychiatre d’examiner cet aspect, ce qu’a fait le Dr I______ dans son rapport, qui suit les lignes directrices de qualité des expertises de psychiatrie d’assurances dans leur teneur au 16 juin 2016, étant précisé que ces lignes directrices ont été qualifiées par le Tribunal fédéral de standard reconnu pour l’expertise psychiatrique et qu’elles sont considérées comme une recommandation à suivre (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_260/2017 du 1er décembre 2017 consid. 3.3). Sur le plan formel, le rapport du Dr I______ répond aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante. Il contient en effet le résumé du dossier, les indications subjectives du recourant, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas. Les conclusions du Dr I______, qui résultent d'une analyse complète de la situation médicale, sont claires et bien motivées.

Sur le fond, l’expert a examiné la présence – ou non – des différents symptômes permettant de retenir le diagnostic de trouble dépressif. Elle a considéré que tous les symptômes typiques et d’autres étaient présents. Dès lors que l’assuré présentait plus de deux symptômes typiques et plus de trois symptômes « autres », le diagnostic d’épisode dépressif moyen pouvait être retenu.

Le Dr I______ a également soumis l’assuré à des tests psychométriques. Si le test de BECK (permettant l’évaluation de la gravité subjective des symptômes dépressifs actuels) a montré une dépression sévère, le test MADRS (échelle de dépression de Montgomery et Asberg, permettant l’évaluation de la gravité observée des symptômes actuels) a, quant à lui, montré une dépression modérée. Comme cela a été relevé par le Dr I______, dans le cas du recourant, il existe une différence importante entre les résultats de l’auto-évaluation (test de Beck) et ceux de l’hétéro-évaluation (test MADRS), ce qui montre une incongruence entre la gravité subjective des symptômes et leur gravité observée.

L’expert a également constaté qu’au jour de l’expertise, le recourant ne prenait aucun traitement psychotrope, ayant arrêté de sa propre initiative le traitement prescrit par son psychiatre traitant, sans que cela n’ait entraîné une aggravation de son état. Il a également relevé que l’assuré n’avait jamais été hospitalisé en raison d’un trouble psychique. Au jour de l’examen, le recourant voyait sa psychiatre traitante une fois toutes les trois semaines et non de manière hebdomadaire.

Eu égard à ce qui précède, le Dr I______ a retenu un épisode dépressif d’intensité moyenne, dans un contexte de traits de la personnalité émotionnellement labile et anxieuse, non décompensés. Pour l’expert, les limitations fonctionnelles étaient plus subjectives qu’objectives et n’entraînaient pas d’impact sur le quotidien. Il a estimé à 100% la capacité de travail du recourant, avec toutefois une baisse de rendement de 30% en cas de concentration soutenue en raison des pauses plus fréquentes. A noter que l’expert a également relevé des bénéfices secondaires chez un assuré qui a du mal à trouver un emploi adapté à ses désirs. Il a aussi noté des limitations dans les activités lourdes physiquement en raison des douleurs post-traumatiques et d’un déconditionnement. La cohérence était par ailleurs moyenne, entre plusieurs plaintes subjectives émises par le recourant et le constat objectif, mais sans exagération volontaire. A titre d’exemples, le Dr I______ a notamment mentionné le fait que le recourant invoque un trouble dépressif sévère avec une incapacité de travail totale sans que des limitations n’aient été objectivées lors de l’examen clinique, ou encore le fait qu’il affirme ne rien faire de sa journée pour finalement faire état d’activités positives familiales, de vacances à l’étranger possibles, ou encore le fait qu’il se plaigne d’un isolement social total tout en expliquant entretenir des relations familiales et surfer sur internet et sur les réseaux sociaux, ce qui permet de retenir un isolement social partiel seulement. Le Dr I______ a considéré qu’au moment de l’expertise, l’assuré gardait des capacités et des ressources personnelles probablement comparables à celles d’avant septembre 2021, sans limitations uniformes objectivables d’un point de vue psychiatrique. Il n’était motivé ni par une réadaptation professionnelle, ni par la prise d’un traitement antidépresseur.

11.3 Lorsqu'une appréciation repose sur une évaluation médicale complète, il faut, pour la contester, faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés dans le cadre de l'expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions. En d'autres termes, il faut faire état d'éléments objectifs précis qui justifieraient, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, la mise en œuvre d'un complément d'instruction (voir notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2014 du 9 janvier 2015 consid. 6.2.3).

Le recourant a ainsi soumis le rapport d’expertise à sa psychiatre traitante, qui l’a critiqué sur plusieurs points dans un courrier du 7 novembre 2022 (pièce 7 rec.).

-       La psychiatre traitante reproche ainsi à l’expert d’avoir nié tout intérêt au suivi psychiatrique.

Tels ne sont toutefois pas les propos de l’expert, qui a simplement indiqué qu’un traitement psychiatrique n’était pas exigible. Cette remarque doit être lue en lien avec l’absence de limitations fonctionnelles significatives. En effet, l’expert a considéré que, vu l’absence de limitations fonctionnelles entraînant des répercussions sur la capacité de travail, on ne pouvait exiger du recourant qu’il suive un traitement psychiatrique, quand bien même celui-ci pouvait lui être bénéfique.

-       La Dre H______ fait également grief à l’expert de ne pas évoquer les limitations liées à la dépression, tout en retenant un diagnostic de trouble dépressif récurrent.

Dans son rapport, le Dr I______ a énuméré les symptômes observés chez le recourant et considéré qu’ils plaidaient plutôt en faveur d’un trouble dépressif récurrent d’intensité moyenne et non sévère et qu’ils n’entraînaient pas de limitations fonctionnelles ayant une répercussion sur la capacité de travail, hormis une baisse de rendement en cas de concentration soutenue. Lors de son examen clinique objectif, l’expert n’a en effet relevé ni moments d’absence, ni oublis fréquents, ni tendance à regarder dans le vide, ni ralentissement, ni agitation, ni compulsivité, ni comportement d’évitement, ni tics, ni difficultés de concentration, ni troubles de l’attention ou de la mémoire objectivables à court et long terme.

-       La psychiatre traitante a également contesté toute trace de traits de personnalité émotionnellement labile et anxieuse chez son patient, dont elle souligne que le parcours témoigne d’une stabilité tout au long de sa vie, que ce soit avec lui-même, ses relations ou le monde qui l’entoure.

Cela étant, le Dr I______ a évoqué des traits de la personnalité – et non un trouble de la personnalité – non décompensés. En d’autres termes, ces traits de la personnalité n’ont entraîné aucune répercussion incapacitante sur le fonctionnement du recourant. Au demeurant, selon la jurisprudence, des traits de personnalité (notamment évoqués sous Z73.1 de la CIM-10) signifient que les symptômes constatés ne sont pas suffisants pour retenir l’existence d’un trouble spécifique de la personnalité. Ils n'ont, en principe, pas valeur de maladie psychiatrique et ne peuvent, en principe, fonder une incapacité de travail en droit des assurances au sens des art. 4 al. 1 LAI et 8 LPGA (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

-       Concernant le traitement médicamenteux, la psychiatre traitante a expliqué, dans son rapport du 7 novembre 2022 (voir pièce 7, rec.), que le recourant avait refusé de continuer à prendre le traitement antidépresseur, par peur d’aggraver son problème hépatique, ce qui était tout à fait justifié. Lors de son audition, le 7 mars 2024, la Dre H______ a précisé que les psychotropes sont métabolisés par le foie, qu’elle avait prescrit à l’assuré du Cipralex, mais qu’il y avait été renoncé en raison d’une hépatite médicamenteuse.

Dans son rapport, le Dr I______ note que l’assuré a pris des antidépresseurs en 2008-2009 (du Cymbalta 30mg/j., ainsi que du Lyrica (100 mg/j.) et qu’en 2021, il a pris du Cymbalta (60mg/j.), jusqu’en février 2022 environ. Le traitement auquel se réfère chacun des médecins est donc différent.

-       La Dre H______ reproche enfin à l’expert de banaliser la souffrance psychosomatique de son patient, plus particulièrement d’oublier que, malgré des moments « positifs » passés en famille, la plupart du temps, le recourant s’enferme dans sa chambre et culpabilise.

L’Oai a demandé à l’expert de déterminer si le recourant disposait des ressources suffisantes pour surmonter les troubles psychiques retenus. Cet examen s’effectue au moyen des indicateurs énoncés à l’ATF 141 V 281, parmi lesquels figurent notamment ceux de la cohérence et des limitations uniformes des niveaux d’activité dans tous les domaines comparables de la vie. L’expert a donc expressément examiné si les limitations se manifestaient de la même manière sur le plan de l’activité lucrative que dans les autres domaines de la vie. Ce faisant, le Dr I______, a relevé qu’il existait des incohérences : le recourant expliquait n’être capable de rien faire, alors que chaque semaine, il faisait une promenade d’une heure avec sa femme, qu’il allait parfois au parc avec ses filles après l’école, qu’il sortait parfois boire un café avec son frère ou sa femme et qu’il avait pu partir en vacances en Tunisie. L’expert psychiatre n’a pas décrit une situation familiale et sociale harmonieuse, relevant au contraire que le recourant présentait un isolement social significatif. Il n’en demeure pas moins que des incohérences demeurent et que l’isolement du patient n’est pas aussi absolu qu’il le dit.

Il ressort de ce qui précède que les critiques de la Dre H______ ne permettent pas de considérer que l’expert aurait ignoré des éléments objectivement vérifiables et suffisamment pertinents pour justifier un complément d’instruction sous la forme d’une contre-expertise.

Au demeurant, en novembre 2021, la Dre H______ allait dans le même sens que l’expert, en suggérant, dans son rapport du 15 novembre 2021 (voir pièce 112, int.), malgré une incapacité totale de travail dans l’activité de vendeur, une réadaptation professionnelle, indiquant par là qu’elle admettait l’existence d’une capacité de travail dans une activité adaptée.

Quelques semaines plus tard, dans un rapport du 18 février 2022 (pièce 119, int.), la Dre H______ a évoqué une évolution stationnaire depuis le début du traitement, le 7 septembre 2021, tout en considérant désormais que la capacité de travail du recourant était nulle quelle que soit l’activité. Cette nouvelle appréciation de la capacité de travail est toutefois en contradiction avec la précédente prise de position. En effet, une évolution stationnaire signifie l’absence de changement et par conséquent également l’absence de changement en ce qui concerne la capacité de travail. Autrement, l’évolution aurait été négative.

Dans un certificat du 15 septembre 2022, la Dre H______ a évoqué une aggravation de l’état de santé de son patient postérieurement à l’expertise. Le 17 avril 2023, elle a encore précisé que l’état de santé de son patient s’était surtout aggravé depuis novembre 2022, ce qu’elle a confirmé lors de son audition.

Force est de constater que les appréciations de la Dre H______ et celles de l’expert se rejoignent en ce qui concerne la capacité de travail du recourant, à savoir qu’il existait une capacité de travail entière dans une activité adaptée, l’incapacité de travail totale évoquée par la psychiatre traitante étant en réalité survenue dès novembre 2022, soit postérieurement à l’expertise et à la décision querellée.

11.4 Dans un souci d’exhaustivité, la Cour de céans relèvera encore que les pièces produites ne permettent pas non plus de retenir une incapacité de travail dans toute activité du point de vue somatique. En effet, aucune des pièces figurant au dossier n’évoque une telle incapacité. Elles consignent le résultat des investigations effectuées du point de vue somatique et ne mentionnent nullement l’existence d’une quelconque incapacité de travail et encore moins dans une activité adaptée, étant rappelé qu’il est admis par l’OAI que le recourant ne peut plus exercer son activité habituelle.

11.5 Dans ces circonstances, la décision querellée doit être confirmée.

Par ailleurs, le courrier du 17 avril 2023 doit être considéré comme une nouvelle demande, que l’OAI est invité à instruire dans les meilleurs délais.

12.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Il n’y a pas lieu d’allouer de dépens au recourant qui n’obtient pas gain de cause (art. 61 let. g LPGA).

Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d'assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il n'y a pas lieu de percevoir un émolument, le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le