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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1330/2024

ATAS/567/2024 du 11.07.2024 ( CHOMAG )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1330/2024 ATAS/567/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 11 juillet 2024

Chambre 2

 

En la cause

A______
représenté par Me Lida LAVI

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1969, célibataire, s’est inscrit le 5 septembre 2023 à l’assurance-chômage, en vue d’un emploi à plein temps (100 %).

Dès juillet 2023, l’assuré a rempli des formulaires « preuves des recherches personnelles en vue de trouver un emploi ».

2.        L’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) ayant conclu dans un « rapport d’entraide administrative interdépartementale » du 6 décembre 2023 qu’il ne pouvait confirmer que l’intéressé résidait à l’adresse indiquée aux autorités de l’assurance-chômage (rue B______ à Genève) ni à l’adresse de la société anonyme qu’il avait créée en 2022 (ci-après : la société anonyme), la caisse de chômage compétente pour le versement des indemnités de chômage, à savoir la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la caisse), a écrit le 13 décembre 2023 à l’assuré qu’elle avait des doutes quant à son domicile et à sa volonté de rechercher une activité salariée.

Par courrier de son conseil nouvellement constitué du 14 décembre 2023, l’intéressé a notamment répondu que son autorisation de séjour (permis B) n’avait à ce jour pas été remise en question par l’OCPM.

S’en est suivi un échange de correspondance entre l’office cantonal de l’emploi (ci‑après : l’OCE, l’office ou l’intimé) et l’assuré, qui a fourni des renseignements et des pièces.

3.        Par décision du 24 janvier 2024, l’OCE a nié le droit de l’intéressé à l’indemnité de chômage depuis le premier jour contrôlé, soit dès le 5 septembre 2023, la condition du domicile en Suisse n’étant pas remplie et étant notamment relevé par l’office que ses enfants étaient domiciliés dans un bien immobilier sis dans une commune française non éloignée du territoire genevois et appartenant à l’intéressé.

4.        Le 20 février 2024, l’assuré a formé opposition contre cette décision, produisant entre autres le contrat de bail à loyer du 25 avril 2023 portant sur l’adresse genevoise susmentionnée (appartement de 2 pièces, durée de bail du 16 mai 2023 au 15 mai 2024).

En parallèle, il a répondu les 8 et 13 mars 2024 par courriels à des questions posées par l’office concernant la société anonyme.

5.        Par décision sur opposition rendue le 14 mars 2024, l’OCE a rejeté l’opposition du 21 (recte : 20) février 2024 et a confirmé sa décision – initiale – du 24 janvier 2024.

6.        Par acte daté du 20 avril 2024 et déposé le 22 avril suivant, l’assuré a, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), interjeté recours contre cette décision sur opposition, concluant, sur mesures provisionnelles, à ce qu’il soit ordonné à la caisse de reprendre immédiatement les versements des indemnités de chômage en sa faveur avec effet rétroactif au 5 septembre 2023, sur le fond, à l’annulation de ladite décision sur opposition et cela fait, principalement à la constatation qu’il remplissait manifestement les conditions pour bénéficier de l’indemnité de chômage avec effet rétroactif au 5 septembre 2023 et à ce qu’il soit ordonné à la caisse de reprendre immédiatement les versements des indemnités de chômage en sa faveur avec effet rétroactif à cette même date, subsidiairement au renvoi du dossier à l’office pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Le recourant produisait notamment une « attestation de domicile » du 22 mars 2024 du maire de la commune française susmentionnée, qui attestait qu’il n’y était plus domicilié depuis le 22 avril 2022, date à laquelle il avait vendu le bien immobilier qui y était sis, et qu’il était actuellement domicilié à l’adresse genevoise susmentionnée. Concernant la domiciliation de ses enfants, il alléguait avoir d’ores et déjà engagé des démarches concrètes en vue de la scolarisation en Suisse dès la rentrée prochaine et avoir déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour en faveur de ses enfants.

Par écriture du 13 mai 2024, l’intimé a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles, et, par réponse du 21 mai 2024, il a, au fond, conclu au rejet du recours.

Par réplique du 10 juin 2024, complétée le 24 juin suivant, le recourant a persisté dans ses conclusions au fond.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        En vertu de l’art. 1 al. 1 LACI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-chômage obligatoire et à l’indemnité en cas d’insolvabilité, à moins que la LACI ne déroge expressément à la LPGA.

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours paraît prima facie recevable de ces points de vue (art. 56 et 60 de la LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

La question de savoir si une autre autorité (ici la caisse) que celle qui a rendu la décision sur opposition attaquée (l’OCE) pourrait se voir ordonner par la chambre de céans d’effectuer des versements en faveur de l’intéressé peut en l’état, sous l’angle de la recevabilité de cette conclusion, demeurer indécise.

4.        En droit de fond, l'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Notamment, conformément à l'art. 8 al. 1 let. c LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être domicilié en Suisse.

En lien avec la let. c de l’art. 8 LACI, l’art. 12 LACI – intitulé « étrangers habitant en Suisse » – dispose qu’en dérogation à l’art. 13 LPGA, les étrangers sans permis d’établissement sont réputés domiciliés en Suisse aussi longtemps qu’ils y habitent, s’ils sont au bénéfice soit d’une autorisation de séjour leur permettant d’exercer une activité lucrative soit d’un permis de saisonnier.

Ainsi, au regard du droit suisse, le droit à l’indemnité de chômage suppose que l’assuré soit domicilié en Suisse (art. 8 al. 1 let. c LACI ; cf. art. 12 LACI pour les étrangers habitant en Suisse). En matière d’assurance-chômage, sous l’empire de la LACI, la notion de domicile ne se détermine pas selon les critères du droit civil (arrêts du Tribunal fédéral 8C_658/2012 du 15 février 2013 consid. 3 et 8C_270/2007 du 7 décembre 2007 consid. 2).

Le droit à l’indemnité de chômage suppose la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 465 consid. 2a ; 115 V 448 consid. 1). Cette condition implique la présence physique de l’assuré en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), ainsi que l’intention de s’y établir et d’y créer son centre de vie (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 du 29 mars 2018 consid. 2 et les références). La résidence en Suisse au sens de la LACI ne présuppose pas un séjour effectif ininterrompu sur le territoire suisse. La résidence habituelle en Suisse est suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 du 7 décembre 2012 consid. 2.2).

C’est à l’assuré de rendre vraisemblable qu’il réside en Suisse, en collaborant à l’établissement des faits dans la mesure où cela est exigible (Boris RUBIN, Assurance-chômage et service public de l'emploi, 2019, n°124, p. 26).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.        a. Pour ces qui est des mesures provisionnelles et de l’effet suspensif, l’art. 100 al. 4 LACI dispose que les oppositions et les recours contre les décisions prises en vertu des art. 15 LACI (aptitude au placement) et 30 LACI (suspension du droit à l’indemnité de chômage) n’ont pas d’effet suspensif (cf. aussi ATF 126 V 407).

Selon le Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (Bulletin LACI IC) édité par le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO), en présence de décisions négatives, la question de l’effet suspensif ne se pose pas (cf. ATF 126 V 407). Selon l’art. 20 LACI en lien avec l’art. 29 OACI, l’assuré doit faire valoir son droit à l’indemnité de chômage chaque mois (demande tendant à créer un droit). Les autorités d’exécution en examinent les conditions chaque mois. Une décision de refus du droit doit, par conséquent, être qualifiée de rejet d’une demande tendant à créer un droit. Les décisions de refus du droit constituent donc des décisions négatives en présence desquelles la question de l’effet suspensif ne se pose pas (Bulletin LACI IC, E50).

La question de savoir si ce chiffre du Bulletin LACI IC pourrait s’appliquer directement dans le cas présent, où n’est pas en question l’aptitude au placement mais le domicile, peut demeurer indécise, au vu des considérants qui suivent.

b. Depuis le 1er janvier 2021, les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA – applicables par analogie – prévoient que l’assureur peut, dans sa décision ou dans sa décision sur opposition, priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions et les décisions sur opposition ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Les dispositions de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021 ; cf. à ce sujet, notamment, le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA, FF 2018 1597) continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par les art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Après le dépôt du recours, l’autorité de recours, son président ou le juge instructeur peut prendre d’autres mesures provisionnelles – que l’effet suspensif –, d’office ou sur requête d’une partie, pour maintenir intact un état de fait existant ou sauvegarder des intérêts menacés (art. 56 PA, applicable à tout le moins par analogie pour la chambre de céans [cf. ATF 117 V 185 ; Hansjörg SEILER, in VwVG - Praxiskommentar Verwaltungsverfahrensgesetz, 2023, n. 6 et 7 ad art. 56 PA).

En l’espèce, il sied de relever d’emblée que l’octroi d’un effet suspensif est exclu, étant donné que l’intimé n’a pas interrompu ou réduit des prestations en espèce (cf. à tout le moins par analogie art. 49 al. 5 et 52 al. 4 LPGA), mais a refusé tout versement dès la naissance d’un éventuel droit, à savoir à partir du 5 septembre 2023. Dans le même sens, il ne s’agit pas ici de maintenir intact ou non un état de fait existant au sens de l’art. 56 PA.

Concernant la pesée des intérêts en matière d’effet suspensif – par analogie ici –, l'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références ; cf. aussi Hansjörg SEILER, op. cit., n. 26 à 31 ad art. 56 PA).

A fortiori en l’espèce, il découle de cette jurisprudence, appliquée à tout le moins par analogie, que l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît en l’état l'emporter sur celui de l’assuré ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse.

Au demeurant, sur la base d’un examen sommaire du dossier, il ne peut en l’état pas être considéré que l’intéressé obtiendra sans aucun doute gain de cause dans la présente procédure (cf. à ce sujet ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2 ; cf. aussi Hansjörg SEILER, op. cit., n. 30 ad art. 56 PA). En effet, la position de l’intimé repose sur un rapport d’enquête de l’OCPM et une analyse circonstanciée de la situation. Certes, le recourant fait valoir des allégués et griefs dont plusieurs nécessitent un examen approfondi au fond, mais il ne peut en tout état de cause pas être d’emblée considéré qu’il lui serait donné entièrement raison, étant au surplus relevé qu’une audience a été agendée comme demandé par l’assuré.

Il est à cet égard rappelé que le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3 et la référence). Le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral 8C_703/2017 du 29 mars 2018 consid. 2 et les références).

6.        Vu ce qui précède, des mesures provisionnelles ne peuvent pas être ordonnées, la requête tendant à leur prononcé devant dès lors être rejetée.

7.        La suite de la procédure est réservée.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

1.        Rejette la requête de mesures provisionnelles.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la Loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le