Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/507/2024 du 26.06.2024 ( AI ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/51/2023 ATAS/507/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 26 juin 2024 Chambre 8 |
En la cause
A______ représenté par Me Razi ABDERRAHIM, avocat
| ecourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Monsieur A______, né en 2001, a déposé une demande auprès de l’assurance-invalidité le 18 juillet 2017 en raison de troubles spécifiques du développement des acquisitions scolaires. Il a bénéficié d’une formation professionnelle initiale en tant qu’employé de cuisine avec attestation fédérale (AFP), formation qu’il a achevée avec succès en juillet 2020, après avoir déposé une nouvelle demande de prestations suite à son accession à la majorité. Une mesure complémentaire de coaching de postulation lui a été accordée, laquelle a toutefois été interrompue en raison d’une incapacité de travail attestée médicalement et d’un refus de retour en stage, alors qu’il s’était vu proposer un contrat d’engagement au sein du restaurant B______ dès le 1er décembre 2020.
b. Dans un rapport du 8 janvier 2021, le Docteur B______, médecin praticien, a exposé que l’assuré était totalement incapable de travailler. Il a fait état d’une altération de l’état général ayant abouti à la découverte d’une fistule recto-abdominale ayant nécessité une intervention chirurgicale et précisé que l’assuré était hospitalisé pour ce motif.
c. Le Docteur D______, chirurgien, a procédé à l’exérèse d’un kyste sacro-coccygien avec abcédation multirécidivante le 5 janvier 2021 chez un patient avec management difficile. Les suites se sont révélées sans complications. Il a noté, au titre d’antécédents, une toxicomanie au cannabis et une obésité avec des troubles du comportement alimentaire.
d. Dans une note de travail du 22 janvier 2021, la psychologue en charge du dossier de l’assuré auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) a relaté que l’assuré se trouvait dans une période de démotivation complète, que son moral n’était pas bon, qu’il ne se sentait pas en état de travailler, n’aurait plus d’envie et espérait pouvoir travailler l’été suivant.
e. Une expertise psychiatrique sollicitée par le Docteur E______, médecin auprès du Service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a été confiée au Professeur F______, qui a rendu son rapport le 2 mars 2022.
En sus de ses entretiens avec l’assuré, de la lecture du dossier et de la prise de renseignements auprès de tiers, l’expert a fait procéder à une évaluation neuropsychologique. Il en est ressorti que l’assuré avait un fonctionnement intellectuel global d’un niveau limite à moyen faible, l’ensemble des indices se situant dans les normes inférieures. Au niveau des fonctions cognitives, des difficultés de mémoire épisodique et au niveau de l’écriture ont été constatées, de même que de légères difficultés attentionnelles. Les capacités de fonctions exécutives et les capacités de cognition sociale étaient en revanche opérantes et le biais de réponse a été exclu.
L’expert a retenu le diagnostic de trouble de la personnalité schizoïde (F60.1) dès le début de l’âge adulte avec répercussion sur la capacité de travail. Sans influence sur cette dernière, il a également indiqué un trouble mixte des acquisitions scolaires (F81.3 à l’enfance) et des troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance, utilisation continue (F12.2) dès l’adolescence. La consommation de cannabis était toujours présente, mais n’avait jamais été une source d’invalidité, l’assuré ayant décrit une prise importante durant son apprentissage et lors de son stage. Du point de vue neuropsychologique, l’atteinte était modeste et concernait la mémoire épisodique et le langage. Il n’y avait pas d’atteinte significative des fonctions exécutives. L’assuré était installé dans une position régressive, avec des moments de baisse de thymie et d’anxiété diffuse, et se montrait très réticent à l’idée de reprendre une activité professionnelle qui le sortirait de sa zone de confort.
Le tableau clinique était cohérent et sans élément en faveur d’une surcharge. Au niveau des ressources, l’intelligence était dans les normes. L’atteinte fonctionnelle était quant à elle significative, couvrant plusieurs domaines, notamment sur le plan relationnel. La compliance au traitement faisait défaut, en présence d’une personne absolument pas motivée à une prise en charge psychiatrique, qui de toute manière n'aurait pas d’influence sur la capacité de travail vu le type de trouble de la personnalité diagnostiqué et l’absence de symptômes positifs de la lignée psychotique. La souffrance psychique endurée était très modeste, l’assuré étant installé dans une zone de confort, sans aucune volonté de changement. Le soutien familial et social était présent, mais l’absence de relation affective était un facteur négatif supplémentaire. Les ressources cognitives restaient significatives.
Des mesures de réadaptation étaient 100% exigibles en milieu adapté.
La capacité de travail dans l’activité exercée à ce jour était nulle, sans évolution positive prévisible à moyen terme. Une pleine capacité de travail sans diminution de rendement était en revanche exigible dans une activité adaptée, à savoir un travail en solitaire ou en petite équipe, ritualisé, sans interactions relationnelles fréquentes.
f. Le 8 mars 2022, le Dr E______, du SMR, a validé les conclusions de l’expert psychiatre, à savoir que la capacité de travail dans l’activité habituelle était nulle, mais entière dans une activité adaptée. Il a retenu les limitations fonctionnelles suivantes : activité manuelle, simple, subalterne, plus ou moins répétitive, sans contact avec une clientèle, seul ou dans une petite équipe, ne nécessitant que peu d’interactions interpersonnelles. Une baisse de rendement de 20 à 30% n’était pas écartée.
g. Sollicitée pour l’éventuelle mise en place d’une réadaptation, la permanence dudit service a considéré que la profession apprise d’aide cuisinier respectait les limitations fonctionnelles décrites par le SMR.
h. Lors d’un entretien avec la réadaptatrice en charge du dossier, l’assuré a déclaré avoir envie de ne rien faire. Il ne remettait pas en cause son choix de métier, car il appréciait le domaine de la cuisine et se voyait travailler en cuisine dans le futur, mais pas pour l’instant. Des connaissances lui auraient proposé des postes de travail, mais il avait refusé. Il ne souhaitait pas de mesures de réadaptation (note de 1er entretien du 28 juillet 2022). Le mandat de réadaptation a par conséquent été clôturé.
i. Suite au projet de refus de rente du 15 septembre 2022, l’assuré a fait part de son engagement à suivre une psychothérapie et à reprendre une activité professionnelle « partielle et progressive ».
j. Considérant que l’assuré ne contestait pas la position de l’OAI, celui-ci a rendu une décision de refus de rente en date du 17 novembre 2022, notifiée le 21 suivant à l’assuré. La comparaison des revenus à laquelle il avait procédé aboutissait à un taux d’invalidité de 28%, inférieur au seuil ouvrant le droit à une rente.
B. a. Agissant sous la plume de son conseil, l’assuré a interjeté recours le 6 janvier 2023 contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité à 100%. Il a sollicité la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique judiciaire.
En substance, il a tout d’abord allégué avoir développé d’importants troubles de l’humeur (angoisse et dépression) dès mars 2019, impactant considérablement sa capacité d’apprentissage. Ses problèmes de santé mentale s’étaient par ailleurs aggravés durant la période de confinement en 2020. Ces derniers auraient justifié l’octroi d’un coaching de postulation, une fois sa formation achevée. Cette mesure avait toutefois dû être abandonnée en raison d’une incapacité totale de travail attestée médicalement pour raisons physiques et psychiques, la Fondation Clair-Bois ayant par ailleurs fait état d’importants soucis psychiques et affectifs. Depuis lors, son état de santé n’avait cessé de se dégrader, nécessitant des « interventions chirurgicales ainsi que des suivies psychiques et physiques » (sic).
Le recourant a fait grief à l’expert psychiatre d’avoir constaté, sans le prendre en compte, le trouble de personnalité schizoïde dont il était atteint depuis le passage à l’âge adulte.
b. Dans sa réponse du 7 février 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours. En l’absence d’élément médical objectif ignoré ou nouveau permettant de remettre en cause l’expertise du Pr F______ qui devait se voir reconnaître pleine valeur probante, il n’y avait aucunement lieu d’ordonner une expertise judiciaire. L’expert avait pris en compte le trouble de la personnalité. L’interruption du stage n’était pas due à une incapacité de travail, mais à l’absence d’aptitude subjective du recourant. Quant au suivi psychiatrique annoncé auprès du Docteur G______, dans la mesure où il intervenait postérieurement à la décision litigieuse, il n’avait pas à être pris en considération dans la présente procédure.
c. Le recourant a persisté dans ses conclusions par écriture du 1er mars 2023. Il a fait valoir que le rapport d’expertise ne devait pas se voir accorder une valeur probante accrue au regard des autres attestations médicales au dossier. Non seulement son médecin traitant, le Dr B______, mais également la plupart des spécialistes, avaient conclu à une incapacité totale de travail, compte tenu notamment de sa dépendance au cannabis et d’une sévère dépression qui perdurait depuis le mois d’octobre 2020, ainsi que des troubles de l’attention et de la concentration et des fréquentes crises d’angoisse qui perturbaient sa vie quotidienne.
d. L’intimé a dupliqué le 22 mars 2023.
e. Faisant valoir la dégradation manifeste de son état de santé physique et psychique, ainsi que sa dépendance au cannabis, le recourant a maintenu sa demande d’expertise psychiatrique, un rapport de son actuel psychiatre traitant, le Dr G______, étant en cours de rédaction (écriture du 6 avril 2023).
f. Par pli du 24 avril 2023, l’intimé a indiqué ne pas avoir de commentaire à apporter.
g. La cause a ensuite été gardée à juger.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
3. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité.
4.
4.1 A teneur de l’art. 1 la. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
Le 1er juin 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
4.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du
19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 75).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, étant précisé que le juge n’a en principe pas à prendre en considération les modifications du droit postérieures à la date déterminante de la décision administrative litigieuse (ATF 136 V 24
consid. 4.3 et la référence).
En l’occurrence, la décision querellée a été rendue après le 1er janvier 2022, mais le droit à une éventuelle rente d’invalidité doit être examiné à l’issue de la formation professionnelle initiale, plus particulièrement au moment où le recourant a mis un terme à la mesure de coaching dont il bénéficiait, arguant se trouver en incapacité de travail (art. 29 al. 1 et 2 LAI), c’est-à-dire en 2020. En conséquence, ce sont les dispositions légales applicables dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 qui seront citées.
5.
5.1 Est réputée invalidité, l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l’ensemble ou d’une partie des possibilités de gain de l’assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu’elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
5.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré à droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
Pour évaluer l’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
Le revenu sans invalidité se détermine en règle générale d’après le dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires jusqu’au moment du prononcé de la décision (ATF 129 V 222
consid. 4.3.1). L’art. 26 al. 1 RAI prévoit que lorsque la personne n’a pas pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes à cause de son invalidité, le revenu qu’elle pourrait obtenir si elle n’était pas invalide correspond en pour-cent, selon son âge, aux fractions de la médiane, actualisée chaque année, telle qu’elle ressort de l’enquête de l’Office fédéral de la statistique sur la structure des salaires (ci-après : ESS). La disposition est applicable aux invalides de naissance ou précoces, soit des assurés qui présentent une atteinte à la santé depuis leur naissance ou leur enfance et n’ont pu, de ce fait, acquérir des connaissances professionnelles suffisantes (RCC 197 p. 538, 1969, p. 239). Entrent dans cette catégorie toutes les personnes qui, en raison de leur invalidité, n’ont pu terminer aucune formation professionnelle ainsi que les assurés qui ont commencé et même éventuellement achevé, une formation professionnelle mais qui étaient déjà invalides au début de cette formation et qui, de ce fait, ne peuvent prétendre aux mêmes possibilités de salaire qu’une personne non handicapée ayant la même formation
6.
6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (AFT 140 V 193
consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux ont peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
6.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l’expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).
6.3 Un rapport du SMR a pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu’il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d’une expertise médicale (art 44 LPGA) ou d’un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C _542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l’office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée s des doutes, même fables, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
6.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S’il est vrai que la relation particulière de confiance peut influencer l’objectivité ou l’impartialité du médecin traitant (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 V 157 consid. 1c et les références), elle ne justifie cependant pas en elle-même l’éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l’existence d’éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
6.5 On ajoutera qu’en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n’est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s’apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu’au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170
consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
7.
7.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165
consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).
7.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a jugé que la capacité de travail réellement exigible des personnes souffrant de telles affections doit être évaluée dans le cadre d’une procédure d’établissement des faits structurée et sur la base d’une vision d’ensemble, à la lumière des circonstances du cas particulier et sans résultat prédéfini. L’évaluation doit être effectuée sur la base d’un catalogue d’indicateurs de gravité et de cohérence. Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à l’appréciation du caractère invalidant des affections psychiques et des syndromes de dépendance (ATF 145 V 215 ; 143 V 409, consid. 6 et 7 ; 141 V 281).
Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).
8. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1 ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
9. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4).
10.
10.1 Dans un premier grief, le recourant fait valoir que l’expert psychiatre s’était contenté de mentionner le trouble de la personnalité dont il était atteint, sans le prendre en considération dans l’évaluation de la capacité de travail.
Ce reproche doit être écarté d’emblée, l’expert psychiatre ayant précisément justifié les limitations fonctionnelles du recourant par la présence d’un trouble de la personnalité schizoïde.
10.2 Il invoque ensuite les avis contraires du médecin traitant, le Dr B______, et de la plupart des autres spécialistes.
Or, le Dr B______ ne mentionne aucun autre diagnostic qu’une fistule recto-abdominale – opérée sans complications – dans son seul rapport de janvier 2021. Le certificat médical délivré à l’assuré et figurant au dossier n’est pas plus parlant. Il n’a plus vu le patient depuis le 13 octobre 2020, ce qu’il a d’ailleurs confirmé à l’expert psychiatre lors d’un entretien téléphonique.
Quant aux autres spécialistes, on ne discerne pas à quels médecins le recourant fait référence, dès lors que le seul autre praticien ayant eu à se prononcer est le
Dr D______, qui a procédé à l’exérèse du kyste sacro-coccygien en janvier 2021 et qui n’a pas transmis d’autres informations à l’intimé qu’un compte-rendu opératoire.
10.3 Au cas d’espèce, force est de constater que le Pr F______ a rendu son rapport sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes. Il a pris connaissance du (maigre) dossier médical du recourant, a sollicité des renseignements auprès de ses confrères et de la mère du recourant, et a fait procéder à un examen complémentaire en neuropsychologie. Ses conclusions sont dument motivées et il a examiné les différents indicateurs jurisprudentiels applicables à l’évaluation de la capacité de travail des personnes souffrants de troubles psychiques et/ou de dépendance. En conséquence, son rapport emporte conviction, ce d’autant que s’agissant de la toxico-dépendance du recourant, il a expliqué de manière convaincante que cette dernière était moindre que durant son apprentissage qu’il avait pourtant réussi à mener à terme.
Pour contester les conclusions de l’expert, le recourant fait en réalité valoir sa propre appréciation des éléments médicaux, en mentionnant notamment de prétendus diagnostics (troubles de l’humeur ; grave dépression) non étayés médicalement, ainsi qu’une soi-disant aggravation de son état de santé durant le confinement (entre autres). Cette façon de procéder est manifestement impropre à faire naître des doutes s’agissant du caractère probant de l’expertise du
Pr F______ (cf. jurisprudence mentionnée ci-dessus [consid. 6.5]).
Il suit de ce qui précède qu’il convient de se fonder sur les conclusions de l’expertise précitée et reconnaître que la capacité de travail du recourant est entière dans une activité adaptée précisée par le médecin du SMR, conformément à son rôle (cf. jurisprudence citée ci-dessus [consid. 6.3]). Une baisse de rendement hypothétique de 20 à 30% a également été mentionnée par ce médecin. On ajoutera encore qu’au vu de l’attitude du recourant, qui se complaît dans l’oisiveté, un effort de volonté est à l’évidence exigible.
11.
11.1 Se fondant sur l’expertise précitée et les précisions du SMR, l’intimé a considéré que le recourant pouvait travailler à plein temps dans une activité adaptée, laquelle devait respecter les limitations fonctionnelles suivantes : activité manuelle, simple, subalterne, plus ou moins répétitive, sans contact avec une clientèle, seul ou dans une petite équipe, ne nécessitant que peu d’interactions interpersonnelles. Il a estimé que la formation apprise d’aide de cuisine était compatible avec les limitations fonctionnelles reconnues, ce que le recourant ne conteste pas, à juste titre. C’est donc sur la base du salaire statistique selon l’ESS pour un homme exerçant une activité de niveau 1 dans le domaine hébergement/restauration que le revenu avec invalidité a été fixé, une baisse de rendement (hypothétique) de 20% ayant été portée en diminution de ce revenu.
Le recourant n’ayant jamais exercé d’activité lucrative en raison de son invalidité (qui a justifié l’octroi d’une mesure de réadaptation sous la forme d’une formation professionnelle initiale), l’intimé a fixé à juste titre le revenu sans invalidité sur la base de l’art. 26 al. 1 RAI dans sa teneur en vigueur au moment de l’éventuelle ouverture du droit aux prestations (2020).
11.2 Ce faisant, l’intimé a déterminé le taux d’invalidité à l’issue de la formation professionnelle initiale à 28.25%.
Même en procédant à un abattement supplémentaire sur le revenu d’invalide de 15% - particulièrement généreux compte tenu du fait que seules les limitations fonctionnelles entrent en considération pour déterminer la quotité -, le taux d’invalidité serait insuffisant (39,01%) pour ouvrir droit à une rente.
11.3 Le recourant ayant clairement démontré son absence d’envie de travailler à l’heure actuelle, point n’est besoin d’entrer en matière sur l’examen de telles prestations, non sollicitées d’ailleurs. La condition de l’aptitude subjective fait effectivement défaut.
12. Il suit de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté.
La procédure n’est pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI). Un émolument de
CHF 200.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. Le rejette.
3. Met un émolument de CHF 200.- à la charge du recourant.
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente
Laurence PIQUEREZ |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le