Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/469/2024 du 19.06.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/3934/2023 ATAS/469/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 19 juin 2024 Chambre 8 |
En la cause
A______ représenté par Me Catarina MONTEIRO SANTOS, avocate
| recourant |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | Intimé |
A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1981, a travaillé comme aide monteur électricien.
b. Le 2 février 2019, l’assuré a fait une chute dans les escaliers alors qu’il se trouvait au Portugal. Il en est résulté une fracture complexe du pilon distal droit, opérée sur place.
c. Au bénéfice de prestations de l’assurance-chômage depuis le 2 avril 2018, il était assuré contre le risque d’accident, professionnel ou non, auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA) qui a pris en charge le cas.
B. a. En parallèle, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’OFFICE DE L’ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE (ci-après : l’OAI).
b. Par projet de décision du 21 mars 2022, l’OAI a accordé une rente entière d’invalidité du 1er février au 30 septembre 2021 et refusé d’accorder des mesures professionnelles.
c. Par courrier de son conseil du 5 mai 2022, complété le 16 mai 2021, l’assuré a contesté ledit projet.
d. Par décision du 6 mai 2022, la SUVA a refusé le droit à une rente vu l’absence de perte de gain et a fixé le taux de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité à 20%.
e. Par avis du 7 juin 2022, le service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR) a conclu à une stabilisation de l’état de santé avec capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à compter du 6 janvier 2022, se ralliant ainsi aux conclusions de la SUVA.
f. Suite à la procédure d’audition, l’OAI a revu sa position et décidé d’octroyer à l’assuré une rente d’invalidité entière du 1er février 2021 au 30 avril 2022.
Le 16 juin 2022, l’OAI a envoyé à la CAISSE DE COMPENSATION FER CIAM (ci-après : la caisse) la motivation et le prononcé pour que cette dernière procède au calcul des prestations dues et notifie la décision.
g. Par courrier du 24 juin 2022, la caisse a sollicité de l’assuré qu’il lui communique plusieurs renseignements et documents.
h. Par rappels des 25 juillet et 22 août 2022, la caisse a réitéré sa demande.
i. Selon la note d’entretien téléphonique du 30 août 2022, l’assuré a informé la caisse que les enfants B______ et C______ vivaient avec leur mère et que le divorce allait être prononcé courant septembre 2022. Il précisait ne plus payer de pension alimentaire. Quant aux enfants D______ et E______, ils étaient nés durant le mariage de sa nouvelle compagne, de sorte qu’il attendait le désaveu de l’ex-mari pour obtenir les actes de naissance à son nom.
j. Par mail du 23 septembre 2022, la caisse a interpellé l’assuré pour avoir des nouvelles quant aux documents demandés.
k. Suite au rappel de l’OAI, par courriel du 20 octobre 2022, la caisse a répondu avoir des difficultés à obtenir les pièces nécessaires de l’assuré. Elle précisait qu’après trois rappels et plusieurs appels téléphoniques, elle espérait prochainement la transmission des documents demandés.
l. Par courriel du 28 octobre 2022, la caisse a sollicité de l’OAI l’envoi d’une sommation car elle n’avait toujours rien reçu malgré ses contacts avec l’assuré.
m. Par sommation du 31 octobre 2022, l’OAI a requis les documents demandés par la caisse en reprenant la liste de son courrier du 24 juin 2022 et en fixant un délai au 18 novembre 2022 à l’assuré pour s’exécuter. Il était rappelé l’obligation de collaboré et précisé que, à défaut de disposer des éléments et des documents requis à cette date, une décision serait prise sur la base du dossier à disposition et que les prestations pourraient être refusées.
n. Par téléphone du 28 novembre 2022, l’OAI a appris de la caisse qu’elle n’avait rien reçu.
o. Par projet de décision du 30 novembre 2022, l’OAI a refusé le droit aux prestations au motif que l’assuré n’avait donné suite ni aux multiples requêtes de la caisse, ni à la sommation du 31 octobre 2022.
p. Par courrier du 3 janvier 2023, l’assuré a contesté le projet. Il a joint à son envoi l’ordonnance du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant du 28 février 2020 et sollicité un délai complémentaire pour fournir les documents demandés. Il a conclu à la reprise de l’instruction, respectivement à l’octroi d’une rente entière d’invalidité du 1er février au 30 septembre 2021.
q. Par courrier du 5 janvier 2023, l’OAI a accordé exceptionnellement un délai complémentaire au 6 février 2023 pour transmettre les éléments manquants. Il était précisé que, à défaut de nouvelles à l’échéance du délai, une décision serait rendue.
r. Par envoi du 6 février 2023, le conseil de l’assuré a transmis à l’OAI copie du certificat de famille de l’assuré, du jugement sur mesures protectrices de l’union conjugale de Tribunal de première instance du 18 décembre 2018, des fiches de salaire concernant B______, fils de l’assuré, pour les mois d’avril à juin 2021 ainsi que de la lettre de licenciement du 19 juillet 2021 concernant ce dernier. Il était indiqué que l’assuré n’avait bénéficié d’aucune prestation financière d’une autre institution. S’agissant des actes de naissance des enfants, il avait rendez-vous le lendemain pour procéder à leur reconnaissance au service de l’état civil.
s. Par envoi du 7 février 2023, les extraits de naissance ont été transmis.
t. Par mail du 9 février 2023, la caisse a interpellé le conseil de l’assuré, lui précisant qu’il manquait toujours la copie du jugement de séparation ou de divorce, des actes de naissance ou du livret de famille concernant B______ et C______, des attestations d’études de B______ du 1er février au 30 avril 2021 en cas d’étude ainsi que l’adresse complète de ces derniers ou de leur mère.
u. Par mail du lendemain, la caisse a accusé réception des pièces manquantes et sollicité l’adresse complète de la mère de C______.
v. La caisse a obtenu de l’office cantonal de la population et des migrations l’adresse de la mère de C______.
w. Par courrier du 10 mars 2023, la caisse a informé l’assuré de l’existence de lacunes de cotisations pour les années 2014, 2015 et 2016. Il lui était donc demandé de communiquer le nom ou les noms de ses employeurs durant cette période ou de lui transmettre des justificatifs s’il était étudiant. Il était précisé en fin de courrier que la demande était urgente car le calcul ne pouvait pas être effectué sans ces éléments.
x. Par envoi du 27 mars 2023, l’assuré a manifesté son étonnement quant à des lacunes de 2014 à 2016, il a expliqué réunir les documents nécessaires à retracer cette période et a demandé un délai pour s’exécuter.
y. En date du 28 avril 2023, la caisse a renvoyé un courrier identique à celui du
10 mars 2023.
z. Par courrier du 6 juin 2023, la caisse a indiqué avoir appris le divorce de l’assuré survenu le 27 avril 2023, il lui était donc requis de fournir une copie complète du jugement y relatif. La caisse réitérait également sa demande quant aux années de 2014 à 2016 et demandait si une convention pour l’attribution des bonifications pour tâches éducatives ou sur l’autorité parentale avaient été conclues, le cas échéant il était prié d’en transmettre copie.
aa. Suite à l’interpellation de l’OAI, la caisse a répondu par mail du 7 juillet 2023 avoir relancé l’assuré à défaut de nouvelles de sa part.
bb. En date des 7 juillet et 15 septembre 2023, la caisse a envoyé un courrier dont le contenu était identique à celui du 6 juin 2023 afin de réclamer les documents manquants.
cc. Par communication du 20 octobre 2023, la caisse a indiqué à l’OAI être sans nouvelles de l’assuré, il lui était dès lors demandé de notifier une sommation.
dd. Par décision du 24 octobre 2023, l’OAI a refusé les prestations au vu du défaut de collaboration, la caisse n’ayant pas reçu les éléments requis dans le délai imparti par la sommation du 31 octobre 2022.
C. a. Par acte du 27 novembre 2023, l’assuré a interjeté recours contre la décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : Cour de céans), en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement à son audition et à l’apport du dossier de l’assurance-invalidité, principalement à son annulation, à la reconnaissance du droit à une rente entière d’invalidité du 1er février au 30 septembre 2021 et au renvoi du dossier à l’OAI pour calcul de la rente et nouvelle décision. Subsidiairement, il était conclu au renvoi du dossier pour instruction.
Le recourant a fait valoir qu’il avait transmis les renseignements et les documents demandés par la sommation du 31 octobre 2022 sur laquelle reposait la décision litigieuse. La caisse compétente pouvait procéder au calcul de la rente d’invalidité, de sorte que les prestations devaient lui être octroyées.
b. Invité à se déterminer, l’OAI a indiqué s’en rapporter intégralement à la prise de position de la caisse du 12 janvier 2024 annexée à sa réponse du 16 janvier 2024.
Dans ses observations du 12 janvier 2024, la caisse s’en est remise à la justice quant à l’issue du recours. Elle a relevé que les renseignements et les documents demandés par la sommation du 31 octobre 2022 n’avaient été transmis ni dans le délai fixé par cette dernière, ni dans les trente jours suivant le projet de décision du 30 novembre 2022, mais qu’un délai supplémentaire avait été octroyé. Suite à l’envoi de documents par le conseil de l’assuré les 6 et 7 février 2023, elle avait requis des éléments supplémentaires. Malgré plusieurs courriers, elle n’avait pas eu de réponse. Dès lors bien qu’une partie des documents complémentaires demandés après le projet de décision ne figuraient pas sur la liste inscrite dans la sommation, le manque de collaboration de l’assuré et de son conseil avait perduré. Le recourant n’avait pas complètement donné suite à la sommation puisqu’elle ne disposait toujours pas de la copie complète du jugement de divorce du 27 avril 2023. À défaut de disposer des éléments pertinents, elle ne pouvait pas effectuer le calcul du montant de la rente. Elle précisait que le recourant aurait pu éviter une procédure de recours en ayant été diligent, ce qui devrait être pris en compte dans la fixation du droit éventuel à des dépens.
c. Par acte du 8 mars 2024, le recourant a persisté. Il a indiqué que les éléments manquants selon la détermination de la caisse ne faisaient pas partie de la sommation. Par ailleurs, il n’avait pas pu obtenir les éléments demandés par la caisse de sorte qu’il n’y avait pas eu un manque de collaboration de sa part. Les courriers des 6 juin, 7 juillet et 15 septembre 2023 étaient identiques et ne mentionnaient pas de délai pour s’exécuter. La caisse aurait donc dû le sommer de fournir les documents ou du moins lui fixer un délai pour s’exécuter.
d. Par acte du 3 avril 2024, l’OAI a informé la Cour de céans que la caisse n’avait pas de complément à apporter.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.
Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.
Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
3. Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu du report au premier jour ouvrable (art. 38 al. 3 LPGA et art. 89A et 17 al. 3 b LPA), le recours est recevable.
4. Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 ([RAI – RS 831.201] ; RO 2021 706). Dans le sillage de cette modification, la LPGA a aussi connu plusieurs modifications, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2022.
Sur le plan de la procédure, les nouvelles dispositions sont applicables, sauf dispositions transitoires contraires, à tous les cas en cours, dès l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 129 V 113 consid. 2.2). Ceci concerne en particulier les dispositions du chapitre 4 de la LPGA (« Dispositions générales de procédure »), soit les art. 27-62 LPGA (cf. ATF 130 V 1 consid. 3.2).
La décision litigieuse ayant été rendue le 24 octobre 2023, les dispositions de procédure en vigueur depuis le 1er janvier 2022 sont applicables.
5. Le litige porte sur la question de savoir si l’intimé était fondé à rejeter la demande de prestations du recourant du fait d’un défaut de collaboration de celui-ci.
6. En vertu de l’art. 60 al. 1 let. b LAI, les attributions de la caisse de compensation sont notamment de calculer le montant des rentes.
Selon le renvoi de l’art. 44 RAI, les art. 122 à 125 bis du règlement sur l’assurance vieillesse du 31 octobre 1947 ([RAVS – RS 831.101]) sont applicables par analogie quand il s’agit notamment de déterminer la caisse de compensation compétente pour calculer et verser les rentes.
L’art. 122 RAVS prévoit que les rentes sont fixées et servies par la caisse de compensation qui, au moment de la réalisation du risque assuré, était compétente pour percevoir les cotisations.
7.
7.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d’après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n’est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir de la personne assurée de collaborer à l’instruction de l’affaire (cf. art. 28 al. 1 LPGA). Conformément au principe inquisitoire, il appartient en premier chef à l’administration de déterminer, en fonction de l’état de fait à élucider, quelles sont les mesures d’instruction qu’il convient de mettre en œuvre dans un cas d’espèce. Elle dispose à cet égard d’une grande liberté d’appréciation. Si elle estime que l’état de fait déterminant n’est pas suffisamment établi, ou qu’il existe des doutes sérieux quant à la valeur probante des éléments recueillis, l’administration doit mettre en œuvre les mesures nécessaires au complément de l’instruction. En tout état de cause, l’assuré n’est pas habilité à requérir une décision formelle afin de faire examiner l’opportunité d’une mesure d’instruction (ATF 132 V 93 consid. 6.5). S’il se soustrait à une telle mesure alors que celle-ci est objectivement et subjectivement exigible (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 214/01 du 25 octobre 2001 consid. 2b et ci-après : consid. 4.4), il prend délibérément le risque que sa demande soit rejetée par l’administration, motif pris que les conditions du droit à la prestation ne sont pas, en l’état du dossier, établies au degré de la vraisemblance prépondérante (arrêt U 316/06 précité consid. 3.1.1).
7.2 Selon l’art. 28 al. 2 LPGA, applicable par le renvoi de l’art. 1 al. 1 LAI, quiconque fait valoir son droit à des prestations doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir ce droit, fixer les prestations dues et faire valoir les prétentions récursoires
7.3 À teneur de l’art. 43 LPGA, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit
(al. 1). L’assureur détermine la nature et l’étendue de l’instruction nécessaire
(al. 1bis). Si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Il doit leur avoir adressé une mise en demeure écrite les avertissant des conséquences juridiques et leur impartissant un délai de réflexion convenable (al. 3).
7.4 Sont considérés comme nécessaires tous les moyens de preuve qui permettent d’établir les faits pertinents pour l’application du droit (Jacques Olivier PIGUET, in DUPONT/MOSER-SZELESS [éd.], Commentaire LPGA, ad art. 43 LPGA
n. 10).
7.5 Selon les circonstances, l’assureur social qui se heurte à un refus de collaborer d’une partie peut, après lui avoir imparti un délai pour respecter ses obligations et l’avoir avertie des conséquences de son attitude, se prononcer en l’état du dossier. Le cas échéant, il peut rejeter la demande présentée par cette partie en considérant que les faits dont elle entendait tirer un droit ne sont pas démontrés (arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1). Au lieu de se prononcer sur le fond, en l’état du dossier, l’assureur peut également clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. La variante principale est donc qu’une décision matérielle doit être prise sur la base du dossier, une décision de non-entrée en matière ne devant être prise qu’à titre alternatif, si une décision matérielle n’est pas possible (arrêt du Tribunal fédéral 9C_28/2010 du 12 mars 2010 consid. 5 et les arrêts cités). Mais l’assureur ne peut se prononcer en l’état du dossier ou refuser d’entrer en matière que s’il ne lui est pas possible d’élucider les faits sans difficultés ni complications spéciales, malgré l’absence de collaboration de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1 et les références).
7.6 Les conséquences procédurales prévues en cas de violation de l’obligation de renseigner ou de collaborer n’entrent en considération que si le comportement de la personne assurée peut être qualifié d’inexcusable (art. 43 al. 3 LPGA). Tel est le cas lorsqu’aucun motif légitime n’est perceptible ou lorsque le comportement de la personne assurée apparaît comme totalement incompréhensible (arrêt du Tribunal fédéral I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5 ; Jacques-Olivier PIGUET, op. cit., n. 51 ad art. 43 LPGA). En tant que l’art. 43 al. 1 et 2 LPGA prévoit que les mesures d’instruction ordonnées doivent être nécessaires et pouvoir être raisonnablement exigées, la non-réalisation de l’une de ces deux conditions rend en principe excusable le refus de la personne assurée se soumettre à une expertise (arrêt du Tribunal fédéral 8C_283/2020 du 4 août 2020 consid. 3.1 et l’arrêt cité). Ainsi, un défaut de collaboration est en particulier excusable lorsqu’il s’explique pour des raisons des raisons de santé – notamment psychiques (arrêt du Tribunal fédéral 9C_994/2009 du 22 mars 2010 consid. 5.2).
7.7 Lorsqu’il est saisi d’un recours de la personne assurée, interjeté contre la décision rejetant sa demande au motif que les conditions du droit à la prestation ne sont pas, en l’état du dossier, établies au degré de la vraisemblance prépondérante, le juge ne doit alors examiner que si la décision, rendue conformément à l’art. 43 al. 3 LPGA sur la base de l’état de fait existant (incomplet), est correcte (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 906/05 du 23 janvier 2007 consid. 6, U 489/00 du 31 août 2001 consid. 2b et I 214/01 du 25 octobre 2001 consid. 3 et les références). Il ne se justifie pas – et cela n’a d’ailleurs aucun sens sous l’angle de l’économie de la procédure – d’examiner uniquement le caractère nécessaire ou non de la mesure requise. Soit les preuves recueillies jusqu’alors sont suffisantes pour trancher directement le litige, faisant apparaître comme inutile toute mesure complémentaire d’instruction. Soit le dossier n’est pas suffisamment instruit pour pouvoir statuer en connaissance de cause, justifiant par voie de conséquence le complément d’instruction requis par l’administration. Dans cette hypothèse, le juge ne peut que confirmer le rejet de la demande de prestations prononcé par l’administration, puisque le dossier ne permet pas d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’existence des conditions du droit à la prestation (arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1). Cela étant, si l’assuré se montre par la suite – soit après le prononcé de la décision fondée sur l’art. 43 al. 3 LPGA – disposé à collaborer à l’instruction et à se soumettre aux mesures nécessaires à l’appréciation du cas, il lui est loisible de saisir à nouveau l’administration d’une demande de prestations. Si, lors de ce nouvel examen du droit aux prestations – qui n’a lieu que pour l’avenir et ne s’étend donc pas à la période durant laquelle la collaboration a été refusée de manière inexcusable –, les nouveaux éléments recueillis sont de nature à justifier une appréciation différente de la situation, l’assureur devra alors rendre une nouvelle décision avec effet ex nunc et pro futuro à compter du dépôt de la nouvelle demande (arrêt du Tribunal fédéral 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.6 ; arrêt du Tribunal fédéral U 316/06 du 6 juillet 2007 consid. 3.1.1 ; Jacques-Olivier PIGUET, op. cit., n. 56 ad art. 43 LPGA).
8.
8.1 L'art. 36 al. 2 LAI prévoit que la loi fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) est applicable par analogie au calcul des rentes ordinaires.
8.2 À teneur de l'art. 29 bis LAVS, le calcul de la rente est déterminé par les années de cotisations, les revenus provenant d'une activité lucrative ainsi que les bonifications pour tâches éducatives ou pour tâches d'assistance entre le 1er janvier qui suit la date où l'ayant droit a eu 20 ans révolus et le 31 décembre qui précède la réalisation du risque assuré (âge de la retraite ou décès ; al. 1). Le Conseil fédéral règle la prise en compte des mois de cotisations accomplis dans l'année de l'ouverture du droit à la rente, des périodes de cotisation précédant le 1er janvier qui suit la date des 20 ans révolus et des années complémentaires
(al. 2).
Selon l'art. 29 quater LAVS, la rente est calculée sur la base du revenu annuel moyen. Celui-ci se compose : a. des revenus de l'activité lucrative ; b. des bonifications pour tâches éducatives ; c. des bonifications pour tâches d'assistance.
9. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
10. En l’espèce, l’intimé se référant à la prise de position de la caisse fait valoir que les éléments nécessaires au calcul de la rente n’ont pas été fournis par le recourant dans le délai fixé par la sommation du 31 octobre 2022 et que le manque de collaboration a perduré. Le recourant, quant à lui, indique qu’il a transmis les renseignements et les documents demandés par la sommation, les documents manquants à ce jour ne figurant pas dans cette dernière. Il a par ailleurs reçu des courriers de la caisse sans qu’une date de réponse ne soit fixée et il n’a pas pu obtenir les documents demandés, de sorte qu’il n’a pas manqué à son obligation de collaborer.
11.
11.1 Selon les éléments au dossier, il manque les noms des employeurs du recourant pour les années 2014 à 2016 ou des justificatifs d’étude pour cette période où la caisse n’a pas trouvé de cotisations, la copie du jugement de divorce ainsi que les éventuelles conventions relatives à l’attribution des bonifications pour taches éducatives ou à l’autorité parentale si elles existent pour les deux derniers enfants du recourant, ce qui est admis par les parties.
Contrairement aux allégations du recourant, ces éléments sont nécessaires pour fixer le montant de la rente puisqu’ils impactent le revenu de l’activité lucrative, les années de cotisations et les bonifications pour tâches éducatives.
11.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).
11.3 En l’occurrence, par appréciation anticipée des preuves, les éléments figurant au dossier permettent de rendre une décision sans qu’il soit nécessaire d’entendre le recourant qui ne pourrait se déterminer que sur son manque de collaboration, le reste du litige relevant de règles de procédure.
Or, les allégations du recourant qui prétend ne pas avoir pu obtenir les éléments manquants ne résistent pas à l’examen. Par ailleurs, le dossier permet de constater que le recourant a reçu de nombreux courriers de la caisse lui demandant de fournir des documents ou renseignements sans qu’il s’exécute ou daigne répondre, ce même dans le cadre du présent recours.
Selon les renseignements à disposition de la caisse, qui ne sont pas contestés par le recourant, le divorce a été prononcé en avril 2023, de sorte que le recourant, partie à la procédure, est manifestement en possession du jugement y relatif.
En ce qui concerne les années 2014 à 2016, le recourant doit être en mesure d’indiquer à la caisse s’il était étudiant ou s’il travaillait à cette période, le cas échéant, en tant que premier concerné, il doit savoir pour quelle(s) société(s). Or, il n’a jamais répondu à la caisse.
S’agissant des éventuelles conventions relatives aux bonifications pour tâches éducatives et/ou l’autorité parentale, soit le recourant en a signé avec la mère de ses deux derniers enfants et il pouvait les transmettre, soit il n’y en a pas et il lui suffisait d’en informer la caisse, ce qu’il n’a pas fait.
Il est dès lors établi que le recourant, représenté, était en mesure de répondre aux demandes de la caisse et a donc manqué à son obligation de collaborer de manière inexcusable vu les nombreux courriers reçus de la caisse et le temps écoulé, étant précisé que le recourant persiste dans son comportement.
Cependant, comme le recourant l’allègue à juste titre, l’intimé ne pouvait pas se prévaloir de la sommation d’octobre 2022 pour rejeter sa demande de prestations.
En effet, s’il est vrai que les éléments exigés par ladite sommation n’ont pas été transmis dans le délai fixé par celle-ci comme relevé par la caisse, ils l’ont été, pour l’essentiel, dans la prolongation de délai accordée par l’OAI sans que cela ne lui soit reproché à l’époque, de sorte que l’intimé ne peut plus se prévaloir du délai fixé dans la sommation d’octobre 2022.
Contrairement aux allégations de la caisse, il ne peut pas être retenu que le jugement de divorce faisait déjà partie de ladite sommation puisqu’il n’avait pas été prononcé à cette époque.
Il apparaît dès lors que les éléments manquants ne figuraient pas dans la sommation et qu’ils ont été demandés et réclamés par la suite par la caisse par de multiples courriers qui ne fixaient aucun délai d’exécution.
S’il est manifeste que le recourant était conscient qu’il devait fournir les documents même sans fixation de date, ce qui est démontré par le courrier de son conseil du 27 mars 2023 qui sollicitait un délai complémentaire pour obtenir les documents, il ressort des éléments au dossier qu’aucun délai ne lui a été concrètement fixé pour s’exécuter.
En outre, les éléments demandés étant nécessaires pour calculer le montant de la rente, soit une compétence de la caisse, une mise en demeure avec délai de réflexion était nécessaire conformément à l’art. 43 al. 3 LPGA
À ce stade, il sied de relever que tant l’OAI que la caisse savaient qu’ils devaient notifier une sommation, ce qui a été fait par le passé. Il sera également souligné que, dans sa communication du 20 octobre 2023, la caisse a sollicité la notification d’une sommation.
Il est par conséquent établi que l’OAI n’a pas respecté la procédure telle que prévue à l’art. 43 al. 3 LPGA s’agissant des éléments manquants.
En effet, comme le demandait la communication de la caisse du 20 octobre 2023, l’OAI aurait dû notifier une nouvelle sommation incluant non seulement les éléments manquants mais également un délai pour les produire.
Il convient ainsi d’admettre partiellement le recours et d’annuler la décision du
24 octobre 2023. Il incombera à l’intimé de notifier une sommation au recourant telle que prévue à l’art. 43 al. 3 LPGA et de rendre une nouvelle décision sur les droits du recourant.
12. Selon l'art. 61 let. g LPGA, le recourant, représenté, qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens. Des dépens peuvent toutefois être refusés au recourant qui obtient gain de cause, mais qui aurait pu éviter le dépôt d’un recours en agissant plus diligemment en procédure administrative (ATF 125 V 373).
En l’occurrence, il se justifie de réduire les dépens à CHF 1'000.-. En effet, le recourant aurait pu agir plus diligemment en fournissant les éléments réclamés à de réitérées reprises, étant précisé qu’il persiste à ne pas produire les éléments demandés alors qu’il en dispose comme démontré précédemment.
Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l’intimé (art. 69 al.1bis LAI).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision du 24 octobre 2023.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour reprise d’instruction et nouvelle décision.
5. Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 1'000.-.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Pascale HUGI |
| La présidente
Marie-Josée COSTA |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le