Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/360/2024 du 21.05.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/2058/2023 ATAS/360/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 21 mai 2024 Chambre 15 |
En la cause
A______ représentée par TEYSSOT, LUMEKA & Associés, mandataire
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : la requérante), née le ______ 1992, est mère de cinq enfants, B______, né le ______ 2011, C______, né le ______ 2013, D______ et E______, tous deux nés le ______ 2016, et F______, né le ______ 2021.
b. La requérante est au bénéfice d’une pleine rente d’invalidité depuis juin 2010 et de prestations complémentaires avec effet au 1er juin 2010. Elle n’occupe pas d’emploi.
c. Mariée depuis le 21 mars 2011 avec Monsieur F______, la requérante a divorcé le 1er mars 2021. Elle vit avec ses quatre premiers enfants et, depuis le mois de juin 2021, avec son nouveau compagnon, Monsieur H______, lequel est le père de F______, né en juillet de la même année.
d. La requérante, par l’intermédiaire de son assistante sociale Madame I______, a informé le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) de ces changements.
e. Par courrier du 7 décembre 2020, la requérante a été informée par le SPC de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, d’une réforme de la législation en matière de prestations complémentaires. Le SPC lui indiquait en outre qu’après un nouveau calcul de ses droits selon l’ancien et le nouveau droit, ce dernier lui était plus favorable, de sorte qu’il continuerait de s’appliquer au maximum jusqu’au 1er janvier 2024 (fin de la période transitoire). Selon le nouveau droit et les plans de calcul fournis par le SPC que la requérante était invitée à vérifier, cette dernière allait recevoir à titre de prestations complémentaires fédérales (PCF) CHF 214.- (et en sus CHF 606.- à titre de réductions individuelles de primes LAMal (RIP) pour elle et CHF 143.- pour B______, CHF 143.- pour C______, CHF 134.20 pour D______ et CHF 134.20 pour E______) et elle recevrait à titre de prestations complémentaires cantonales (PCC) CHF 1'687.-, soit au total CHF 1'901.- (en sus de RIP de CHF 606.-, CHF 143.-, CHF 286.-, CHF 134.20 et CHF 134.20).
f. Sur question de l’assistante sociale, le SPC a expliqué que le montant des PCF mensuelles de CHF 214.- s’obtenait en partant des PCF annuelles (CHF 11'545.-) dont il fallait déduire les RIP de la requérante et de son fils aîné B______ [soit le seul enfant pris en compte dans le calcul des dépenses reconnues, les ressources de ce dernier n’excédant pas ses revenus au contraire de ses frères et sœurs] (soit un RIP de CHF 8'988.-), le solde de CHF 2'557.- devant être alors divisé par douze mois et arrondi au franc supérieur. Les PCC s’élevaient annuellement à CHF 25'174.-, dont il fallait déduire les RIP des trois autres enfants et les diviser par douze ([CHF 13'924.80 - CHF 8'988.-]/12 = [CHF 4'936.80/12] = CHF 1’687.-). En tout, le montant des PC mensuelles de la famille s’élevait à CHF 1'901.-.
g. Le 28 avril 2021, est parvenue au SPC la facture de frais de crèche de E______ (CHF 638.40) et D______ (CHF 446.90) pour le mois d’avril 2021.
h. Le lendemain, le SPC a reçu de la part de la requérante la facture de pension de E______ (CHF 638.40 - 66.90 - 167.20) et de D______ (CHF 446.90 - 46.80 - 117.05) pour janvier 2021, celles du mois de février 2021 (CHF 638.40 + 446.90) et celles du mois de mars 2021 (CHF 638.40 + 446.90).
i. Par décision du 19 août 2021, le SPC a adressé de nouveaux plans de calcul à la requérante portant sur la période débutant le 1er avril 2021. Cette décision ne contient pas de postes de dépenses concernant les frais de garde extrafamiliale.
j. Par lettre du 31 août 2021, la requérante s’est opposée au nouveau plan de calcul, car elle ne comprenait pas comment le loyer était divisé.
k. Par décision du 27 septembre 2021, le SPC a recalculé les droits de la requérante dès le mois de janvier 2021 (montants inchangés pour les PCF de 214.- et de 1'687.- pour les PCC et dès le 1er avril : PCF de CHF 300.- et PCC de CHF 1'386.-), et les a fixés à CHF 906.- (PCF) et CHF 1'940.40 (PCC) pour la période débutant le 1er octobre 2021 sur lesquels était réservée la somme de CHF 1'160.40 pour les primes d’assurance-maladie. Il a sollicité la restitution de CHF 1’716.- pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2021. Aucun des plans de calcul ne mentionne de poste pour la garde extrafamiliale dans les dépenses.
l. Par décision du 6 octobre 2021, le SPC a modifié les droits de la requérante avec effet rétroactif au 1er juillet 2021. Il a sollicité la restitution de CHF 772.- pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2021.
m. Par lettre du 14 octobre 2021, la requérante s’est opposée au nouveau plan de calcul du 6 octobre 2021 ne pouvant pas rembourser la somme de CHF 772.-. Elle avait annoncé tous les changements dans sa situation et était de bonne foi.
n. Par une autre lettre du 14 octobre 2021, la requérante a indiqué que selon la Réforme LPC 2021, les frais de charge extrafamiliale pour les enfants de moins de 11 ans étaient pris en compte dans les dépenses reconnues s’ils étaient nécessaires et justifiés. Elle adressait en annexe à sa lettre les certificats médicaux et les documents de la crèche démontrant la nécessité et la réalité de ces frais.
o. Le SPC a indiqué à la requérante, concernant le premier courrier précité, qu’il allait traiter sa demande de remise.
p. Le 20 octobre 2021, la requérante a fait parvenir au SPC la preuve des frais de cuisine scolaire du 30 août au 14 octobre 2021, ainsi que les frais de crèche de janvier à juillet 2021.
q. Par décision sur opposition du 26 octobre 2021, le SPC a déclaré l’opposition du 31 août 2021 sans objet compte tenu du prononcé d’une décision, le 27 septembre 2021, rétroagissant au 1er janvier 2021.
r. Par décision et plan de calcul du 1er décembre 2021, le SPC a fixé les droits de la requérante dès le 1er janvier 2022. Le plan de calcul ne mentionne pas de poste pour la garde extrafamiliale dans les dépenses.
s. Par décision du 15 décembre 2021 sur « demande de remise », le SPC a accordé la remise sur la somme de CHF 772.- à la requérante.
t. Par courrier du 4 janvier 2022, le SPC a sollicité de la requérante les justificatifs de frais de crèche dès le mois d’août 2021.
u. Par courrier du 11 janvier 2022, la requérante a indiqué au SPC que ses deux filles n’étaient plus à la crèche, mais à l’école depuis août 2021. Elle a à nouveau joint à son courrier les frais de cuisine scolaire pour ses quatre aînés.
v. Par décision du 20 janvier 2022, le SPC a calculé à nouveau les droits du 1er septembre 2021 au 31 janvier 2022 en ajoutant le plan de calcul du 1er septembre au 30 novembre 2021 lequel comprenait le poste « EXTRA FAMILIALE » dans les dépenses reconnues (CHF 4'985.60). Ce poste ne figurait plus dans le plan de calcul valable dès le 1er décembre 2021.
w. Par décision du 22 avril 2022, le SPC a calculé à nouveau les droits du 1er décembre 2021 au 30 avril 2022 en ajoutant le plan de calcul y relatif lequel comprenait le poste « EXTRA FAMILIALE » dans les dépenses reconnues (CHF 377.- pour décembre 2021 et CHF 319.90 pour janvier 2022, le plan du mois de février ne contient pas ce poste).
x. Le 9 mai 2022, le SPC a reçu les frais de cuisine scolaire du 1er août 2021 au 31 juillet 2022.
y. Par décision du 28 juillet 2022, le SPC a calculé à nouveau les droits dès le 1er août 2022 sans mention du poste « EXTRA FAMILIALE » dans les dépenses reconnues.
z. Par décision du 25 octobre 2022 sur « demande de remise du 31 août 2021 (CHF 2'505.-) », le SPC l’a déclarée sans objet. Il ressortait du dossier qu’il n’y avait plus aucune dette ouverte.
aa. Par décision du 25 octobre 2022, le SPC a calculé à nouveau les droits dès le 1er août 2021 jusqu’au 30 juin 2022 en tenant compte des frais de prise en charge « EXTRA FAMILIALE » dans les dépenses reconnues.
bb. Par décision du 14 novembre 2022, le SPC a calculé à nouveau les droits dès le 1er janvier 2021 jusqu’au 30 novembre 2022. Le plan de calcul ne mentionnait pas de frais de prise en charge « EXTRA FAMILIALE » dans les dépenses reconnues pour les mois de janvier à juillet 2021.
cc. Cette décision n’a pas été contestée.
B. a. Par décision 20 mars 2023, le SPC a recalculé les droits de la requérante dès le 1er novembre 2022.
b. La requérante a fait opposition à cette décision, le 22 avril 2023, car le SPC ne tenait pas compte des frais de garde et de cuisines scolaires concernant ses enfants.
c. Le SPC a rejeté l'opposition le 14 juin 2023 en affirmant que les factures du GIAP concernant la période de décembre 2022 à avril 2023 n'avaient été transmises au SPC qu'aux mois d'avril, puis de juin 2023, que B______ avait plus de 11 ans, de sorte que les frais extrafamiliaux le concernant ne pouvaient plus être reconnus, et que la requérante et son compagnon n'occupaient aucun emploi, de sorte que le SPC ne pouvait tenir compte de frais extrafamiliaux.
C. a. Par acte du 20 juin 2023, la requérante a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre des assurances sociales) d’un recours contre cette décision.
b. Par réponse du 5 juillet 2023, le SPC a persisté dans sa décision.
c. Par réplique du 15 août 2023, la requérante a relevé, sous la plume de son conseil, que le SPC affirmait que la période litigieuse commençait le 1er novembre 2022 alors que le recours concernait des factures envoyées depuis la réforme de la loi, de sorte que la période litigieuse commençait au moment de l'envoi des premières factures au SPC. La requérante ne contestait pas qu'à compter du 1er novembre 2022, B______ était déjà âgé de 11 ans. L'assistante sociale de la requérante, I______, avait systématiquement envoyé les factures des cantines scolaires au SPC, conformément à son attestation de suivi au service social communal de Bernex et au chargé de pièces du SPC qui attestait de la réception des factures et des extraits de compte des cuisines scolaires. Concernant son compagnon, elle transmettait pour la période demandée, la preuve de ses revenus qui auraient été fournis avant, si le SPC, qui était informé de l'arrivée de ce dernier dans le ménage depuis juin 2021, les avait demandés plus tôt. Dans sa décision du 20 mars 2023, le SPC indiquait que les prestations pour F______ s'élevaient à CHF 0.-. De plus, la participation au loyer s'élevait à cinq septième du loyer présenté, ce qui revenait à exclure H______ et F______ du calcul. Le compagnon de la requérante payait son assurance-maladie et celle de leur fils commun, ainsi que leur part de loyer. De plus, aux yeux de l'État, F______ était à la charge de son père, comme on pouvait le voir sur l’attestation annuelle de revenu déterminant unifié, se référant à l'année 2022. La requérante n'avait jamais caché l'existence de son compagnon ou leur ménage commun au SPC. L’annonce avait été faite auprès du SPC dès son arrivée dans le ménage le 15 juin 2021. Le SPC avait reçu, en date du 3 janvier 2023, la facture datant d'octobre 2022, dès lors la période litigieuse était antérieure à novembre 2022. Dans la décision du 20 mars 2023, dans la partie concernant novembre 2022, les prestations extrafamiliales ont été prises en compte, de sorte que la requérante s’étonnait du fait que pour les autres mois ces prestations n'avaient pas été prises en compte. Quant à la capacité de la requérante de s'occuper de ses enfants, contrairement à ce qu'affirmait le SPC, cette incapacité n’était pas due au seul fait qu’elle était enceinte. Dans le certificat du 18 mai 2021, la grossesse était mentionnée par le docteur J______ pour expliquer qu'en plus des autres facteurs, sa patiente allait accoucher et qu'elle avait besoin d'une aide. La grossesse était mentionnée comme élément supplémentaire justifiant l’incapacité de prendre en charge les enfants et non comme l’unique élément déterminant. Depuis l’accouchement, le Dr J______ avait ainsi renouvelé le certificat à plusieurs reprises, les certificats ayant également été confirmés par le docteur K______ en date du 13 septembre 2021 et par le docteur L______ en date du 27 juillet 2022. Le SPC connaissait bien la situation de la requérante, cette dernière lui ayant transmis à plusieurs reprises les explications concernant son état de santé. Elle avait vécu une période difficile et vivait depuis lors dans un état de choc post-traumatique comme en attestait le jugement du tribunal correctionnel. Finalement, le compagnon de la requérante s'occupait de leur fils tant financièrement que matériellement. Il payait le loyer pour F______ et lui-même, les assurances-maladies et participait bien entendu aux autres achats concernant sa personne et son fils. Il aidait également dans le ménage, allait chercher les enfants au parascolaire en rentrant du travail et aidait la requérante à s'occuper des quatre autres enfants quand il était à la maison. Il fournissait d'ores et déjà une aide financière et matérielle.
d. Par duplique du 31 août 2023, le SPC a admis que la capacité de la recourante à s’occuper personnellement des enfants était inexistante, de sorte qu’il a admis que les frais de garde, mis à part ceux de B______, pouvaient être pris en charge. Selon les pièces au dossier, ceux-ci s’étaient élevés à
i. Décembre 2022 : CHF 299.70 (CHF 89.10 E______ ; CHF 105.30 D______ ; CHF 105.30 C______)
ii. Janvier 2023 : CHF 307.80 (CHF 105.30 E______ ; CHF 97.20 D______ ; CHF 105.30 C______)
iii. Février 2023 : CHF 283.50 (CHF 97.20 E______ ; CHF 97.20 D______ ; CHF 89.10 C______)
iv. Mars 2023 : CHF 421.20 (CHF 145.80 E______ ; CHF 145.80 D______ ; CHF 129.60 C______)
v. Avril 2023 : CHF 129.60 (CHF 48.60 E______ ; CHF 48.60 D______ ; CHF 32.40 C______)
vi. Mai 2023 : CHF 275.40 (CHF 97.20 E______ ; CHF 113.40 D______ ; CHF 64.80 C______).
Concernant les mois de juin, juillet et août 2023, aucune pièce n'ayant été fournie par la requérante, il n’y avait pas lieu de tenir compte de frais extrascolaires après le 31 mai 2023. Concernant la durée pendant laquelle les frais pourraient être pris en compte, celle-ci allait dépendre de l'état de santé de la requérante. Selon le Dr J______, l'incapacité devrait durer jusqu'au 31 décembre 2023. Or, une telle période sans certificat détaillé intermédiaire était excessive. Le SPC concluait à l'admission partielle du recours dans le sens que les frais de garde pour les enfants E______, D______ et C______, pouvaient être pris en compte. Concernant B______, les frais de garde devaient être écartés, ce dernier ayant 11 ans révolus.
e. Par acte du 25 septembre 2023, la requérante a maintenu sa position concernant la période litigieuse y compris pour le mois de juin 2023 pour lequel elle avait adressé les factures au SPC. Elle s’étonnait que le SPC n’indique pas s’il entendait réformer ses décisions compte tenu des revenus de son compagnon. En outre, l’incapacité de prendre en charge les enfants ressortait pour l’avenir des certificats au dossier.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC; J 4 20] ; art. 43 LPCC).
2. L’intimé ayant admis que l’état de santé de la recourante ne permettait pas à cette dernière de prendre en charge personnellement ses cinq enfants, la question qui demeure porte sur la période pendant laquelle la recourante peut se voir reconnaître dans ses dépenses reconnues le montant de frais de garde extrafamiliale pour ses cinq enfants, respectivement pour les quatre plus jeunes d’entre eux dès le 1er novembre 2022 (B______ ayant atteint l’âge de 11 ans, aucun frais de ce type ne peut être pris en compte dans les dépenses reconnues).
2.1 La recourante conteste la période qui débuterait selon l’intimé le 1er novembre 2022, dans la mesure où ce dernier a modifié le calcul de ses droits dès le 1er janvier 2021 compte tenu de la réforme de la loi, mais n’a prononcé une décision que le 20 mars 2023. Elle n’avait ainsi pas pu contester sa situation ressortant du calcul avant ladite décision. Elle fait dès lors valoir le paiement de toutes les factures qu’elle a adressées à l’intimé depuis la réforme de la loi.
2.2 L’intimé a indiqué que la période litigieuse portait uniquement sur le poste des dépenses de frais de garde selon la modification du calcul du 1er novembre 2022 ressortant de la décision du 20 mars 2023, de sorte qu’il n’entrait pas en matière sur les factures antérieures.
3.
3.1 À titre préalable, il sied de rappeler que dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249 ; RO 2020 585). D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 140 V 41 consid. 6.3.1 et les références).
3.2 En l'occurrence, en tant que la décision litigieuse porte sur les prestations complémentaires pour la période dès le 1er novembre 2022 selon l’intimé et dès le 1er janvier 2021 selon la recourante, la LPC est applicable dans sa nouvelle teneur. Les parties ne le contestent d’ailleurs pas.
4. Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie, sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n’a été rendue, la contestation n’a pas d’objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 414 consid. 1a ; 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).
4.1 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la procédure juridictionnelle administrative peut être étendue, pour des motifs d’économie de procédure, à une question en état d’être jugée qui excède l’objet du litige, c’est-à-dire le rapport juridique visé par la décision, lorsque cette question est si étroitement liée à l’objet initial du litige que l’on peut parler d’un état de fait commun, et à la condition que l’administration se soit exprimée à son sujet dans un acte de procédure au moins (ATF 130 V 503 ; ATF 122 V 36 consid. 2a et les références).
4.2 Les conditions auxquelles un élargissement du procès au-delà de l'objet de la contestation est admissible sont donc les suivantes : la question (excédant l'objet de la contestation) doit être en état d'être jugée ; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l'objet initial du litige ; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins; le rapport juridique externe à l'objet de la contestation ne doit pas avoir fait l'objet d'une décision passée en force de chose jugée et les droits procéduraux des parties doivent être respectés (arrêt du Tribunal fédéral 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1).
4.3 Selon la jurisprudence (DTA 2001 p. 169), le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l’administration pour complément d’instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à l’administration, lorsqu’il a pour but d’établir l’état de fait, ne viole ni le principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni la maxime inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un renvoi constitue en soi un déni de justice (par exemple, lorsque, en raison des circonstances, seule une expertise judiciaire ou une autre mesure probatoire judiciaire serait propre à établir l’état de fait), ou si un renvoi apparaît disproportionné dans le cas particulier (RAMA 1993 n° U 170 p. 136). À l’inverse, le renvoi à l’administration apparaît en général justifié si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (voir RAMA 1986 n° K 665 p. 87).
5. À teneur de l’art. 10 al. 3 LPC, sont reconnus comme dépenses, pour toutes les personnes les frais nets de prise en charge extrafamiliale d’enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de 11 ans révolus, pour autant que cette prise en charge soit nécessaire et dûment établie.
6. En l’occurrence, l’intimé a admis que l’état de santé de la recourante justifiait la prise en charge extrafamiliale pour ses quatre enfants – à l’exclusion de B______ dès le 1er novembre 2022 –, dans la mesure où ces frais étaient justifiés, sans se prononcer sur la période antérieure. Le besoin d’aide de la recourante dans la prise en charge de ses cinq enfants dont le plus jeune n’a que 2 ans est établi, au demeurant, par les certificats médicaux produits par la recourante. L’intimé s’est finalement prononcé sur les frais de garde pour la période du 1er janvier 2021 au 31 octobre 2022 dans sa décision du 14 novembre 2022 (En fait A. bb.) dont il ressort que ces frais ont été admis à l’exclusion de la période de janvier à juillet 2021.
La décision dont est recours vise dès lors bien la période postérieure au 1er novembre 2022, seule période encore litigieuse sur la base de la décision 20 mars 2023 confirmée sur opposition le 14 juin 2023, ce qui a pour effet de circonscrire le litige à ladite période.
Au vu des conclusions prises en fin d’instruction par l’intimé lesquelles sont conformes au dossier et en particulier au besoin d’aide de garde des enfants compte tenu de l’état de santé de la recourante, la décision contestée doit être annulée, dans la mesure où elle ne tient pas compte du besoin de prise en charge extrafamiliale de la recourante pour ses quatre plus jeunes enfants dès le 1er novembre 2022.
La cause doit être renvoyée au SPC pour nouvelle décision au sens des considérants.
Les factures du mois de juin 2023 ayant été produites par la recourante, il conviendra d’en tenir compte dans le calcul des prestations pour ce mois-ci. La chambre de céans ne peut pas se prononcer sur les mois suivants qui ne font pas l’objet du litige.
La recourante obtient ainsi partiellement gain de cause. Elle a droit à une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens.
Pour le surplus, la procédure est gratuite.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision du 14 juin 2023, dans la mesure où elle ne tient pas compte du besoin de prise en charge extrafamiliale de la recourante pour ses quatre plus jeunes enfants dès le 1er novembre 2022.
4. La confirme pour ce qui est de l’enfant âgé de plus de 11 ans.
5. Renvoie le dossier à l’intimé pour nouvelle décision et calculs au sens des considérants.
6. Alloue à la recourante une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens à charge de l’intimé.
7. Dit que la procédure est gratuite.
8. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Nathalie KOMAISKI |
| La présidente
Marine WYSSENBACH |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le