Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/212/2024 du 28.03.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/307/2024 ATAS/212/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 28 mars 2024 Chambre 9 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1966 est divorcée et mère de deux enfants nés en 1991 et 1993.
b. Elle a déposé une première demande de prestations de l’assurance-invalidité (ci-après : AI) auprès de l’office cantonal de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) le 11 février 2009 en raison d’un manque de fer, d’une gastrite et d’une fibromyalgie.
c. Par décision du 21 juin 2010, l’OAI a nié à l’assurée le droit à une rente.
Cette décision a été annulée par le tribunal cantonal des assurances sociales par arrêt du 12 octobre 2010, au motif que l’ensemble des atteintes psychiques dont souffrait l’assurée n’était pas suffisamment éclairci.
d. Une enquête ménagère a été réalisée le 31 janvier 2012, laquelle a retenu un statut mixte pour l’assurée à raison de 50% pour la part active et 50% pour la part ménagère. Ses empêchements dans le ménage, basés essentiellement sur la fatigue et des douleurs multiples, étaient estimés à 28%.
e. Dans un rapport d’expertise du 16 janvier 2018, le CEMEDEX a posé les diagnostics suivants : gastrectomie totale pour adénocarcinome, responsable d’un dumping syndrome et de malaises hypoglycémiques, syndrome femoro-patellaire, lombalisation de S1. L’incapacité de travail était entière du 1er avril 2010 au 27 octobre 2010 et de 80% dès le 28 octobre 2010. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : malaises post prandiaux précoces l’obligeant à s’allonger, associé à des malaises hypoglycémiques à distance des repas. La montée et descente des escaliers ainsi que la marche prolongée ne devait pas être effectuée.
f. Une nouvelle enquête ménagère établie le 27 mars 2018 a conclu à un empêchement de 32% pour effectuer les travaux habituels.
g. Par décision du 25 septembre 2018, l’OAI lui a accordé un quart de rente d’invalidité depuis le 1er avril 2011 (degré d’invalidité de 46%) et une demi-rente depuis le 1er janvier 2018 (degré d’invalidité de 56%, soit 20% d’exigibilité dans l’activité habituelle et 32% d’empêchement dans le ménage).
B. a. Le 2 août 2023, l’assurée a formé une demande de révision, en raison d’une aggravation de son état de santé.
b. Dans un avis du 12 octobre 2023, le service médical régional de
l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu, comme modification notable de l’état de santé de l’assurée, une hernie discale L4-L5 opérée aux HUG.
c. Le 31 octobre 2023, après avoir examiné les nouvelles pièces au dossier, le SMR a retenu que la capacité de travail de l’assurée était nulle dans toute activité dès le 11 octobre 2022, correspondant à la date de l’IRM ayant posé le diagnostic d’hernie discale L4-L5.
d. Par projet de décision du 1er novembre 2023, l’OAI a augmenté, dès le 1er août 2023, la rente d’invalidité de l’assurée à 66%, fondée sur une incapacité de travail de 100% et un empêchement de 32% dans les travaux habituels.
e. Le 20 novembre 2023, l’assurée s’est opposée à ce projet, faisant valoir que sa dernière activité avait été exercée à un taux de 80%. Elle a produit un contrat de travail, un courrier d’engagement ainsi qu’une fiche de salaire concernant une activité de 80% exercée dès le 1er août 2001 pour le compte de l’entreprise B______.
f. Par décision du 8 janvier 2024, l’OAI a maintenu les termes de son projet de décision.
C. a. Par acte du 26 janvier 2024, l’assurée a formé recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice contre cette décision, faisant valoir que son dernier emploi avait été exercé au taux de 80%. Il lui était « impossible de travailler » car elle était « tout le temps malade ». Elle souffrait terriblement des cervicales, épaules et bras. Elle a produit des documents médicaux récents.
b. Par réponse du 27 février 2024, se fondant sur l’avis du SMR du 16 février 2024, l’OAI a conclu au renvoi du dossier pour instruction complémentaire, soit la mise en place d’une enquête ménagère.
c. Le 6 mars 2024, l’assurée a relevé que d’autres problèmes médicaux s’étaient encore ajoutés à ses atteintes précédentes. Elle ne voyait pas l’intérêt d’effectuer une nouvelle enquête ménagère, étant précisé qu’elle avait déjà expliqué que sa dernière activité avait été exercée à 80%.
d. Cette écriture a été transmise à l’OAI.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
2. Le litige porte sur la quotité de la rente d’invalidité que la recourante peut prétendre de la part de l’intimé.
2.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI ‑ RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.
En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).
Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).
2.2 En l’occurrence, l’aggravation de l’état de santé de la recourante est intervenue après le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
2.3 Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; ATF 112 V 371 consid. 2b; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).
Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).
Si les conditions de la révision sont données, les prestations sont, conformément à l’art. 17 al. 1 LPGA, modifiées pour l’avenir dans le sens exigé par le nouveau degré d’invalidité. Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s’écartant de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 806/04 du 15 mars 2005 consid. 2.2.).
2.4 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).
En vertu de l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une rente aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d'accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail
(art. 6 LPGA) d'au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).
Selon l'art. 28a LAI, la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière. Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité. Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière. Pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est fixée selon un tableau.
2.5 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il convient d'examiner quelle est la méthode d'évaluation de l'invalidité qu'il s'agit d'appliquer. Le choix de l'une des trois méthodes reconnues, soit la méthode générale de comparaison des revenus
(art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l'art. 16 LPGA), la méthode spécifique
(art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 du règlement sur
l'assurance-invalidité [RAI - RS 831.201] et 8 al. 3 LPGA), ou la méthode mixte (art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l'art. 27bis RAI, ainsi que les art. 16 LPGA et 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré non actif, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_82/2016 du 9 juin 2016 consid. 3.2).
On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du
17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assuré, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).
2.6 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).
L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).
Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral I 733/06 du 16 juillet 2007).
Il existe dans l'assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références ; ATF 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).
Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; ATF 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers - par exemple son conjoint (art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC ‑ RS 210]) ou ses enfants (art. 272 CC) - sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références).
Le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu'il n'y a pas de motif de revenir sur le principe de l'obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références).
2.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).
3. Dans la décision entreprise, l’intimé a révisé le droit à la rente de la recourante, en raison du diagnostic d’hernie discale posé en octobre 2022, qui constituait une modification notable et durable de son état de santé. Dans la mesure où elle présentait une incapacité de travail totale dans la sphère professionnelle, le degré d’invalidité de la recourante est passé de 50% à 66%. S’agissant de ses atteintes à la santé, et se ralliant à l’avis du SMR du 16 février 2024, l’intimé a retenu les diagnostics incapacitants de status post-adénocarcinome de l’estomac, avec dumping syndrome et malaises hypoglycémiques, syndrome fémoro-patellaire, lombalisation de S1, status post-opération hernie discale L4-L5 avec bonne évolution clinique, tendinopathies fessiers bilatérale, cervicalgies communes sur troubles dégénératifs, vessie hyperactive et acouphènes. Ces atteintes entrainaient les limitations fonctionnelles suivantes : malaises post prandiaux précoces associés à des malaises hypoglycémiques à distance des repas, pas d’escaliers ni de marche ni position debout, prolongée, pas de port de charges, alternance des positions, pas de mouvements en porte à faux du rachis, pas de travail des membres supérieurs au-dessus de l’horizontale, pas de travail en hauteur (malaises).
Dans un premier argument, la recourante fait valoir que son dernier taux d’activité était de 80%, et non de 50% comme retenu par l’intimé. Par cet argument, l’intéressée conteste implicitement le statut mixte retenu par l’OAI. Il ressort toutefois du dossier que ce statut, comprenant une part de 50% dans la sphère professionnelle et une part de 50% dans la sphère ménagère, résulte de la première enquête ménagère du 31 janvier 2012. Selon l’enquêtrice, l’assurée avait indiqué n’avoir jamais travaillé à plein temps et avoir complètement arrêté à la naissance de ses deux enfants. Elle avait été placée pour un travail au musée d’histoire naturel à mi-temps en 2008, travail qu’elle n’avait fait que pendant cinq semaines car cela lui occasionnait trop de douleurs dans le dos. Depuis cette activité, elle n’avait fait aucune démarche pour retrouver un emploi. L’enquête ménagère du 27 mars 2018 confirme que l’intéressée ne travaille plus depuis très longtemps et qu’elle a été retenue active à 50%. Il ne ressort dès lors pas de ces documents que, sans atteinte à sa santé, elle aurait exercé une activité à un taux de 80%. On ne trouve en particulier aucune déclaration de l’intéressée dans ce sens. Au contraire, il ressort de l’expertise interdisciplinaire du 23 octobre 2009 que la recourante souhaitait travailler à 50% « dans les bureaux ».
Il ressort certes des pièces produites par la recourante dans le cadre de son opposition au projet de décision de l’intimé qu’elle a été engagée le 1er juillet 2001 en qualité de réceptionniste à 80% pour le compte de l’entreprise B______. Il ressort toutefois du dossier, en particulier de l’extrait de compte individuel, de l’expertise interdisciplinaire du 23 octobre 2009 et du curriculum vitae de l’intéressée, que cette activité n’a duré que six mois, soit jusqu’à fin décembre 2001. Cette seule activité ne suffit dès lors pas à retenir que, sans invalidité, elle aurait exercé une activité à 80%. En effet, depuis cette date, il ne ressort pas du dossier que l’intéressée ait exercé, ni cherché un emploi au taux de 80%, étant précisé que les pièces au dossier ne permettent pas de mettre en évidence une incapacité de travail durable depuis fin décembre 2001, une incapacité de travail déterminante n’étant pas rendue vraisemblable avant 2010 (expertise CEMEDEX). Selon les pièces au dossier, elle aurait effectué des stages en 2002 et 2003, période durant laquelle elle a touché des indemnités de chômage. De 1997 (année durant laquelle l’enfant cadet a atteint l’âge de scolarité obligatoire) à ce jour, hormis l’activité précitée exercée de juillet à décembre 2001, les revenus indiqués dans l’extrait de compte individuel de la recourante ne permettent pas de retenir un taux de 80%. Depuis 2005, l’intéressée est inscrite comme personne sans activité lucrative, alors qu’elle n’était pas encore atteinte dans sa santé, à tout le moins de manière durable et déterminante. Son dernier emploi concerne une activité exercée à un taux de 50% en 2008 et le dossier ne contient aucune recherche d’emploi depuis cette date. Force est ainsi de constater qu’il n’est pas établi que, sans atteinte à sa santé, la recourante aurait exercé une activité à 80%.
Dans ces conditions, le statut mixte comprenant une part professionnelle de 50% et une part ménagère de 50%, admis par l’intimé dans le cadre de la procédure, peut être confirmé.
Pour le reste, la recourante conteste le taux de rente de 66% retenu par l’intimé, faisant valoir qu’il lui « est impossible de travailler ». Force est toutefois de constater que l’intimé a retenu une incapacité totale de travail dans toute activité depuis le 11 octobre 2022. Il n’est ainsi pas contesté que la recourante présente depuis cette date un degré d’invalidité total dans la sphère professionnelle. S’agissant des empêchements dans la sphère ménagère, l’enquête économique du 27 mars 2018 ne peut être confirmée dès lors qu’elle se fonde sur une situation médicale différente, ce que reconnaît d’ailleurs l’intimé. En effet, depuis la mise en œuvre de cette enquête, l’intéressée a subi une hernie discale et les diagnostics de tendinopathies fessiers bilatérale, de cervicalgies communes sur troubles dégénératifs, de vessie hyperactive et d’acouphènes se sont ajoutés à ses atteintes précédentes. Elle présente également davantage de limitations fonctionnelles, en particulier l’alternance des positions, les mouvements en porte à faux du rachis et le travail des membres supérieurs au-dessus de l’horizontale.
Dans ces conditions, et quand bien même la recourante ne voit pas l’intérêt de cette mesure, il apparaît justifié de mettre en œuvre une nouvelle enquête ménagère afin de déterminer quelles tâches peuvent encore être raisonnablement exigées d’elle, compte tenu de l’évolution de son état de santé. L’intimé conclut d’ailleurs au renvoi de la cause pour instruction complémentaire.
Il convient en conséquence de renvoyer la cause à l’intimé afin qu’il ordonne une nouvelle enquête économique sur le ménage, tenant compte des diagnostics et des limitations fonctionnelles précités, et réévalue les empêchements de la recourante.
Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l’intimé afin qu’il diligente une nouvelle enquête économique sur le ménage. L’intimé procédera ensuite au calcul du degré d’invalidité de la recourante, dans une nouvelle décision.
4. La recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).
******
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision litigieuse et renvoie la cause à l’OAI, dans le sens des considérants.
4. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’OAI.
5. Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Sylvie CARDINAUX |
| La présidente
Eleanor McGREGOR |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le