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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/996/2023

ATAS/90/2024 du 13.02.2024 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/996/2023 ATAS/90/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 13 février 2024

Chambre 2

 

En la cause

Monsieur A______
représenté par ASSUAS Association suisse des assurés, mandataire

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Le 29 septembre 2016, Madame B______ (ci-après : la bénéficiaire), née le ______ 1925, domiciliée dans le canton de Genève, a rempli une demande de prestations complémentaires (ci-après : PC) – fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC).

b. À la suite de cette demande, le service des prestations complémentaires (ci‑après : SPC) a accordé des PC à la bénéficiaire dès le 1er septembre 2016, par décision du 24 janvier 2017.

B. a. Par courrier du 27 décembre 2017, Me C______, avocat et notaire, mandaté par la bénéficiaire, a informé le SPC que sa mandante avait présenté sa situation financière de manière incomplète tant envers le fisc qu'envers lui-même et qu'elle souhaitait désormais régulariser sa situation. Sa fortune s'élevait à plus de CHF 200'000.- pour les années 2015 et 2016.

b. Par décision du 31 janvier 2018, le SPC a sollicité le remboursement des PC, subsides d'assurance-maladie et frais de maladie versés depuis le 1er septembre 2016, à hauteur de CHF 42'868.-, constatant l'absence de droit à de telles prestations compte tenu de la fortune de la bénéficiaire.

c. Faisant suite à une demande de renseignements du SPC, le conseil de la bénéficiaire a indiqué, le 27 juillet 2018, que les valeurs bancaires déposées auprès de la banque UBS appartenaient à trois personnes, à savoir la bénéficiaire, sa sœur, Madame D______, et son neveu, Monsieur A______ (ci‑après : l'intéressé ou le recourant). Selon les explications fournies, la bénéficiaire disposait d'une part de 49.22% du compte UBS en euros et d'une part de 62.45% du compte UBS en francs suisses.

d. Le 19 octobre 2018, Me C______ a précisé qu'originairement le compte en francs suisses était au nom de Madame D______ et avait été transformé en un compte/dépôt joint au début de l'année 2013. Le compte en euros avait pour sa part été alimenté la première fois en 2015, à la suite de la vente de titres en euros. Les valeurs non déclarées concernaient une relation bancaire avec l'UBS (un compte en francs suisses, un autre en euros, et un dépôt de titres). La bénéficiaire, sa sœur et l'intéressé avaient transféré leurs valeurs non déclarées sur le compte/dépôt joint en 2013. Les deux comptes UBS en francs suisses et en euros avaient été fermés en 2018 et les avoirs transférés sur les comptes individuels des bénéficiaires, les titres ayant déjà été vendus plusieurs années auparavant.

e. Le 23 décembre 2020, la bénéficiaire a rempli une nouvelle demande de PC, laquelle a été reçue le lendemain par le SPC. S'agissant de sa fortune mobilière, elle a mentionné être titulaire de deux comptes auprès de la BCGE, pourvus d'avoirs de CHF 126'632.40, respectivement 6'946.50 et a transmis les extraits de comptes bancaires attestant de ces montants au 31 décembre 2019. Elle a en outre produit une attestation de l'établissement médico-social (ci-après : EMS) dans lequel elle logeait indiquant un prix de pension de CHF 233.- par jour et une contribution aux coûts des soins de CHF 8.- par jour.

f. Le 24 mai 2021, l'intéressé a transmis au SPC des pièces complémentaires faisant notamment apparaître que le compte joint et celui en euros auprès de l'UBS avaient été clôturés le 13 septembre 2018, leurs avoirs ayant été répartis entre la bénéficiaire, l'intéressé et Madame D______. La bénéficiaire avait reçu CHF 195'017.85, respectivement EUR 9'920.68 dans ce cadre.

g. Par décision du 6 septembre 2021, le SPC a refusé à la bénéficiaire tout droit à des PC, au motif que sa fortune effective cumulée avec les biens dessaisis dépassait le seuil de CHF 100'000.- prévu par la loi.

h. L'opposition formée le 1er octobre 2021 par l'intéressé pour le compte de la bénéficiaire a été rejetée par décision du 4 novembre 2021 du SPC, laquelle a fait l'objet d'un recours devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en date 3 décembre 2021.

i. La bénéficiaire est décédée le 16 janvier 2022. L'intéressé est son unique héritier.

j. Dans la cadre de la procédure devant la chambre de céans continuée par l'intéressé, ce dernier a produit la preuve de l'envoi de la demande de PC le 23 décembre 2020 par pli A+, et sa réception le lendemain par le SPC.

k. Le SPC a ainsi reconnu que ladite demande avait bien été réceptionnée le 24 décembre 2020, de sorte que le droit aux PC était né sous l'ancien droit qui ne connaissait pas les seuils de fortune nette et qui, plus favorable, devait s'appliquer.

l. Par arrêt du 20 décembre 2022 (ATAS/1135/2022), la chambre de céans a pris acte, pour valoir jugement, de la transaction intervenue entre les parties, à teneur de laquelle la décision sur opposition rendue le 4 novembre 2021 par le SPC était annulée et la cause renvoyée à celui-ci pour instruction et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

m. Par décision du 7 février 2023, le SPC a établi des plans de calculs en exécution de l'arrêt de la chambre de céans du 20 décembre 2022, sur la base de l'ancien et du nouveau droit. L'application des nouvelles dispositions légales étant défavorable, il a indiqué appliquer l'ancien droit qui était en vigueur avant le 1er janvier 2021. Au terme du calcul selon l'ancien droit, la bénéficiaire avait droit à un rétroactif de CHF 15'415.- de PC (CHF 15'415.- à titre de PCF et CHF 0.- à titre de PCC), pour la période du 1er décembre 2020 au 31 décembre 2021. S'agissant des voies de droit, les plans de calculs mentionnent qu'une opposition peut être élevée à leur encontre, tandis que la décision du 7 février 2023 à laquelle ils sont joints mentionne la voie du recours auprès de la chambre de céans.

n. Par courrier du 10 mars 2023 adressé au SPC, l'intéressé, sous la plume de son mandataire (ASSUAS), a indiqué que les calculs contenus dans la décision du 7 février 2023 n'étaient pas compréhensibles. La décision n'était pas suffisamment motivée pour être contestée utilement. Au 1er décembre 2020, la bénéficiaire disposait d'une fortune de 68'128.60 et, dans la décision sur opposition du 4 novembre 2021, le SPC retenait une fortune de CHF 71'166.- au 31 décembre 2020, soit largement inférieure aux CHF 133'579.- pris en considération dans la nouvelle décision. L'intéressé ne comprenait par ailleurs pas la logique concernant les biens dessaisis. Il concluait ainsi à ce que la décision du 7 février 2023 soit annulée, à ce que le SPC rende une explication compréhensible à l'égard des montants retenus dans la décision querellée, à ce que les biens dessaisis de CHF 81'237.- soient supprimés, à ce qu'il soit dit que la fortune de la bénéficiaire s'élèvait à CHF 68'128.60 au 1er décembre 2020, subsidiairement, à ce qu'il puisse consulter le dossier, et à toute mesure probatoire utile.

C. a. Le 17 mars 2023, le SPC a transmis la lettre de l'intéressé du 10 mars 2023 à la chambre de céans pour objet de sa compétence et celle-ci a été enregistrée comme un recours.

b. Par mémoire-réponse du 11 avril 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours, relevant que les montants de fortune qu'il avait pris en considération correspondaient aux pièces fournies par la bénéficiaire et devaient donc être confirmés. Concernant les biens dessaisis, selon les avis de taxation, la fortune de la bénéficiaire avait baissé entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2020, ce qui l'avait conduit à tenir compte de trois dessaisissements qui devaient être confirmés, puisqu'il n'était pas démontré que les dépenses excédant ce qui pouvait être reconnu pour l'entretien de base et le prix de la pension avaient été effectuées suite à une contre-prestation adéquate.

c. Dans sa réplique du 9 mai 2023, le recourant a souligné que le courrier du 10 mars 2023 adressé à l'intimé était un courrier simple, ayant pour seul but de comprendre la décision du 7 février 2023, par lequel il avait requis une explication compréhensible et suffisamment motivée à l'égard des montants retenus, afin qu'il puisse les contester utilement. Sur le fond, le recourant a fait valoir que les dessaisissements variaient d'un document à l'autre, qu'entre 2016 et 2019 la bénéficiaire devait assumer seule ses frais d'EMS, d'assurance-maladie et d'impôts car elle ne bénéficiait pas de PC, et a indiqué que la répartition des montants intervenue entre la bénéficiaire et deux autres membres de sa famille à la clôture d'un compte bancaire ne constituait pas un acte de dessaisissement car ces biens provenaient de la succession de feu son frère, dont elle n'était héritière que pour 49.22%. Le recourant a ainsi conclu à l'annulation de la décision entreprise, à ce que l'intimé rende une décision compréhensible concernant les montants retenus dans sa décision du 7 février 2023, à ce que le dessaisissement soit supprimé à hauteur de CHF 81'237.- et à ce qu'il soit dit que la fortune de la bénéficiaire s'élevait au 1er décembre 2020 à CHF 68'128.60.

d. Le 19 septembre 2023, la chambre de céans a requis que le recourant lui transmette une copie de tous les documents et renseignements utiles permettant de retracer les mouvements de fortune de la bénéficiaire depuis le décès de son frère. Les documents suivants étaient en particulier requis : testament du frère de la bénéficiaire, déclarations d'impôt de la bénéficiaire, à défaut avis de taxation fiscale, depuis l'année précédant le décès du précité jusqu'en 2021 et extraits mensuels de tous les comptes de la bénéficiaire pour la même période.

e. Par courrier du 28 novembre 2023, le recourant a produit un récapitulatif établi par Me C______ le 11 décembre 2017 concernant les avoirs non déclarés de la bénéficiaire auprès de l'intimé et de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC), la dénonciation spontanée de la bénéficiaire du 27 décembre 2017 auprès de l'AFC, des relevés bancaires de la bénéficiaire, et a précisé qu'il ne disposait pas du testament de feu son oncle, décédé le 20 février 1994. Il était par ailleurs toujours en attente des avis de taxation fiscale de la bénéficiaire de la part de l'AFC, qui lui avait expliqué qu'ils ne pourraient porter que sur une période de dix ans.

f. Par écriture du 8 décembre 2023, le SPC a persisté dans ses conclusions, les pièces produites par le recourant ne lui permettant pas de revoir sa position. Il a au surplus produit le tableau ayant été établi dans le cadre du prononcé de la décision du 6 septembre 2021 détaillant de quelle façon les biens dessaisis avaient été fixés et a précisé ses calculs à cet égard.

g. Le 9 janvier 2024, le recourant a produit les déclarations d'impôt remplies par la bénéficiaire de 2012 à 2021 et soutenu que les mouvements de comptes de l'année 2020 démontraient qu'elle avait uniquement procédé à des dépenses concernant ses besoins vitaux.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence matérielle pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Aux termes de l'art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton du domicile de l'assuré ou d'une autre partie au moment du dépôt du recours.

Cette norme est seule applicable pour régler la compétence des tribunaux cantonaux des assurances en matière de prestations complémentaires, la LPC ne contenant aucune disposition réglant différemment la question (ATF 143 V 363 consid. 3).

En cas de contestations portant sur des prestations, la compétence à raison du lieu se détermine en principe d'après le domicile de la personne assurée. Le domicile d'une autre partie n'est déterminant que s'il n'existe pas de rattachement au domicile de la personne assurée (ATF 139 V 170).

Les notions d'assuré ou d'autre partie, au sens de l'art. 58 al. 1 LPGA, doivent être interprétées à la lumière de leur signification légale en fonction du domaine de prestations concerné (ATF 143 V 363 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_489/2022 du 27 avril 2023 consid. 3.2.1).

En matière de prestations complémentaires, reste compétent le tribunal cantonal des assurances du domicile du bénéficiaire pour la période pour laquelle le droit aux prestations existe concrètement, même en cas de décès de celui-ci, ses héritiers n'ayant qu'un droit dérivé, issu du décès (ATF 143 V 363 consid. 5.3 et la référence).

1.3 En l'occurrence, la compétence territoriale de la chambre de céans doit être admise dans la mesure où le recourant ne dispose que d'un droit dérivé aux prestations complémentaires, en tant qu'héritier de la bénéficiaire, personne assurée au sens de l'art. 58 al. 1 LPGA, qui avait son domicile à Genève.

1.4 La chambre de céans est par conséquent compétente ratione materiae et ratione loci pour statuer sur le recours.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux PCF à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de PCC, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             La modification du 22 mars 2019 de la LPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585).

Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

Dans la mesure où la bénéficiaire avait déposé sa demande de PC antérieurement au 1er janvier 2021, le nouveau droit serait ainsi applicable pour autant qu’il n’entraîne pas, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à celle-ci.

La question de savoir si le nouveau ou l'ancien droit doit être appliqué en l'occurrence après le 1er janvier 2021 revient ainsi à déterminer si la bénéficiaire aurait eu droit à des PC en vertu de l'ancien et du nouveau droit, respectivement à comparer le montant desdites prestations, étant relevé que dans la décision querellée l'intimé a appliqué l'ancien droit, considérant que la bénéficiaire disposait, au moment du dépôt de sa demande de PC, d'une fortune supérieure à la limite de CHF 100'000.- prévue par l'art. 9a al. 1 let. a LPC dans sa version en vigueur dès le 1er janvier 2021.

Comme il sera vu ci-après, cette question demeurera ouverte dans le cadre du présent recours.

5.             Il convient en premier lieu d'examiner la recevabilité du recours.

5.1 L'art. 59 LPGA accorde la qualité pour recourir à quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d'être protégé à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Un arriéré de prestations d'assurance, pour une période antérieure au décès de l'assuré, tombe dans la masse successorale. Chaque héritier a ainsi qualité pour recourir contre une décision relative à ces prestations (Jean MÉTRAL, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 29 ad art. 59 LPGA).

5.2 Étant le seul héritier de la bénéficiaire et le calcul de l'arriéré de PC portant en grande partie sur une période antérieure au décès de la bénéficiaire, la qualité pour recourir du recourant doit par conséquent être admise.

5.3 S'agissant de la décision objet du présent recours, il sied de relever qu'à la suite de l'arrêt du 20 décembre 2022 (ATAS/1135/2022) l'intimé a derechef rendu, le 7 février 2023, une décision mentionnant comme voie de droit le recours auprès de la chambre de céans, tandis que les plans de calcul annexés (qui portent eux-mêmes l'intitulé de « décision de prestations complémentaires ») indiquent la voie de l'opposition. L'intimé a par ailleurs transmis d'office l'écriture du 10 mars 2023 du recourant à la chambre de céans, considérant qu'il s'agissait d'un recours et non d'une opposition.

Nonobstant la question – pouvant rester indécise – de savoir si la décision querellée équivaut à une décision initiale ou sur opposition, la chambre de céans, au vu de la solution adoptée, entrera en matière sur le recours, étant relevé que le délai de recours de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]) a été respecté.

6.             Le litige porte sur le montant et le calcul des prestations complémentaires accordées rétroactivement à la bénéficiaire, en particulier sur le montant de sa fortune et la prise en compte de biens dessaisis.

7.              

7.1  

7.1.1 En vertu du droit fédéral applicable jusqu'au 31 décembre 2020, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS), conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

Les PCF se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les revenus déterminants comprennent notamment les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l'AVS et de l'assurance-invalidité (art. 11 al. 1 let. d LPC), un dixième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules (art. 11 al. 1 let. c LPC) et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC). Pour les personnes vivant dans un home ou dans un hôpital, les cantons peuvent fixer le montant de la fortune qui sera pris en compte en dérogeant à l’art. 11 al. 1 let. c LPC. Les cantons sont autorisés à augmenter, jusqu’à concurrence d’un cinquième, ce montant (art. 11 al. 2 LPC). Le canton de Genève a fait usage de cette possibilité puisqu'il a prévu, à l'art. 2 al. 2 LPFC, que la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, après déduction des franchises prévues par l'art. 11 al. 1 let. c LPC.

Le droit à une prestation complémentaire annuelle prend naissance le premier jour du mois au cours duquel la demande est déposée, pour autant que toutes les conditions légales soient remplies (art. 12 al. 1 LPC).

7.1.2 Les dispositions précitées n'ont pas connu de modifications avec l'entrée en vigueur de la réforme des PC au 1er janvier 2021, mis à part les art. 11 al. 1 let. g LPC (abrogé) et 9 al. 1 LPC (modifié dans le sens que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants : la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale [let. a] ; 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d LPC [let. b]).

La réforme des PC a de plus introduit un nouvel art. 11a LPC remplaçant l'ancien art. 11 al. 1 let. g LPC, relatif à la renonciation à des revenus ou parts de fortune. Conformément à celui-ci, les parts de fortune auxquelles l'ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate doivent être prises en compte dans les revenus déterminants comme s'il n'y avait pas renoncé (al. 2). Un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d'un droit à une rente de survivant de l'AVS ou à une rente de l'AI, plus de 10% de la fortune est dépensée par année sans qu'un motif important ne le justifie, étant précisé que si la fortune est inférieure ou égale à CHF 100'00.-, la limite est de CHF 10'000.- par année, et que le Conseil fédéral règle les modalités, en définissant en particulier la notion de « motif important » (art. 11a al. 3 LPC). L'al. 3 s'applique aux bénéficiaires d'une rente de vieillesse de l'AVS également pour les dix années qui précèdent la naissance du droit à la rente (art. 11a al. 4 LPC) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 4.2). Selon l'al. 3 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l'art. 11a al. 3 et 4 LPC ne s'applique qu'à la fortune qui a été dépensée après l'entrée en vigueur de la présente modification (al. 3).

Le nouveau droit en vigueur dès le 1er janvier 2021 a par ailleurs introduit des seuils de fortune nette à ne pas dépasser afin de pouvoir prétendre aux PCF. Une personne seule doit ainsi disposer d'une fortune nette inférieure à CHF 100'000.-, étant précisé que les parts de fortune visées à l'art. 11a al. 2 à 4 font partie de la fortune (art. 9a al. 1 let. a et al. 3 LPC).

7.2 Ont droit aux PCC les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, dont le fait que les PCF sont ajoutées au revenu déterminant et le fait que la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par l'art. 11 al. 1 let. c LPC (art. 5 let. a et c LPCC).

Dans un récent arrêt de principe, la chambre de céans, procédant à une interprétation de la LPCC, a retenu qu’en l’absence d’une révision législative de la LPCC suite à la réforme de la LPC, les nouveaux seuils d’entrée liés à la fortune prévus à l’art. 9a al. 1 LPC étaient également applicables, depuis le 1er janvier 2021, à l’octroi des PCC du fait du renvoi général qu'opère la LPCC à la LPC et du silence de la loi cantonale à ce sujet (ATAS/521/2023 du 29 juin 2023).

Le droit à une prestation prend par ailleurs naissance le premier jour du mois où la demande est déposée et où sont remplies toutes les conditions légales auxquelles il est subordonné (art. 18 al. 1 LPCC).

8.             Selon l'art. 23 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), dont la teneur n'a pas été modifiée par la dernière réforme des PC, sont pris en compte en règle générale pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle, les revenus déterminants obtenus au cours de l’année civile précédente et l’état de la fortune le 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie. Pour les assurés dont la fortune et les revenus déterminants à prendre en compte au sens de la LPC peuvent être établis à l’aide d’une taxation fiscale, les organes cantonaux d’exécution sont autorisés à retenir, comme période de calcul, celle sur laquelle se fonde la dernière taxation fiscale, si aucune modification de la situation économique de l’assuré n’est intervenue entre-temps (al. 2). Si la personne qui sollicite l’octroi d’une prestation complémentaire annuelle peut rendre vraisemblable que, durant la période pour laquelle elle demande la prestation, ses revenus déterminants seront notablement inférieurs à ceux qu’elle avait obtenus au cours de la période servant de base de calcul conformément à l’al. 1 ou 2, ce sont les revenus déterminants probables, convertis en revenu annuel, et la fortune existant à la date à laquelle le droit à la prestation complémentaire annuelle prend naissance, qui sont déterminants (al. 4).

Il résulte de la teneur de l'art. 23 al. 1, 3 et 4 OPC-AVS/AI que la volonté du législateur est qu'il soit tenu compte autant que possible du revenu effectivement réalisé par le bénéficiaire des prestations durant la période pendant laquelle les prestations sont versées. Le principe général de la prise en compte des revenus obtenus au cours de l'année civile précédente a manifestement été institué pour faciliter la tâche de l'administration et est fondé sur la présomption que les revenus de la personne seront les mêmes pendant l'année suivante. S'il est rendu vraisemblable qu'ils seront notablement inférieurs à ceux que la personne a obtenus au cours de la période servant de base de calcul, ce sont les revenus déterminants probables, convertis en revenus annuels, qui seront déterminants, selon ce que prévoit l'art. 23 al. 4 OPC-AVS/AI (ATAS/385/2015 du 1er juin 2015 consid. 5b).

La prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée notamment lors de chaque modification de la rente de l'AVS ou de l’assurance-invalidité et lorsque les dépenses reconnues, les revenus déterminants et la fortune subissent une diminution ou une augmentation pour une durée qui sera vraisemblablement longue (art. 25 al. 1 let. b et c OPC-AVS/AI). Suite à une diminution de la fortune, un nouveau calcul de la prestation complémentaire annuelle ne peut être effectué qu’une fois par an (art. 25 al. 3 OPC-AVS/AI). La réforme du 22 mars 2019 de la LPC entrée en vigueur le 1er janvier 2021 n'a pas apporté de modification à cette disposition.

Au niveau cantonal, l'art. 9 LPCC énonce que pour la fixation de la prestation sont déterminantes les rentes, pensions et autres prestations périodiques de l'année civile en cours ainsi que la fortune au 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est demandée (al. 1) ; en cas de modification importante des ressources ou de la fortune du bénéficiaire, la prestation est fixée conformément à la situation nouvelle (al. 3).

9.             Selon la jurisprudence, il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références ; 134 I 65 consid. 3.2 et les références ; 131 V 329 consid. 4.2 et les références).

Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1).

Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives (ATF 131 V 329 consid. 4.2 à 4.4).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Ainsi, la date à laquelle le dessaisissement a été accompli n'a, en principe, aucune importance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_667/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.3 et les références).

Le Tribunal fédéral a précisé qu’un usage normal de la fortune – en l’occurrence CHF 14’490.- en une année pour des dépenses d’habillement, de loisirs et d’ameublement – n’était pas concerné par la question du dessaisissement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.3). A fortiori, une utilisation du patrimoine afin de couvrir les besoins vitaux ne saurait être considérée comme un dessaisissement (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, ch. 98 ad art. 11 aLPC et les références). Par ailleurs, le Tribunal fédéral a également considéré qu’il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2022 du 17 mai 2022 consid. 3.1 et les références). En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés (cf. ATF 146 V 306 consid. 2.3.1 et les références), ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et – sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC – de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).

Pour que l'on puisse admettre qu'une renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement, il faut que soit établie une corrélation directe entre cette renonciation et la contre-prestation considérée comme équivalente. Cela implique nécessairement un rapport de connexité temporelle étroit entre l'acte de dessaisissement proprement dit et l'acquisition de la contre-valeur correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2014 du 7 avril 2014 consid. 3.1 et la référence).

10.         Selon l'art. 17a OPC-AVS/AI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, la part de fortune dessaisie à prendre en compte au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC alors en vigueur est réduite chaque année de CHF 10'000 (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette disposition à la loi et à la constitution (ATF 118 V 150 consid. 3c/cc).

Conformément à cette disposition, il faut qu'une année civile entière au moins se soit écoulée entre le moment où l'assuré a renoncé à des parts de fortune et le premier amortissement de fortune (Ralph JÖHL, Die Ergänzungsleistung und ihre Berechnung in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, p. 1816 n. 247).

L'art. 17e al. 1 OPC-AVS/AI, entré en vigueur le 1er janvier 2021, prévoit également que le montant de la fortune qui a fait l'objet d'un dessaisissement au sens de l'art. 11a al. 2 et 3 LPC et qui doit être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire est réduit chaque année de CHF 10'000.-.

11.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

12.          

12.1 En l'espèce, dans sa décision du 7 février 2023, l'intimé, appliquant pour l'ensemble de la période de versement des prestations l'ancien droit qui ne prévoyait pas des seuils de fortune nette, a tenu compte tant de l'épargne de la bénéficiaire que de biens dessaisis afin de calculer son droit aux PC.

Bien que le recourant n'élève pas de grief à cet égard, il convient en premier lieu de déterminer si c'est à bon droit que l'ancien droit a été appliqué après le 1er janvier 2021, la soumission des prestations servies durant le mois de décembre 2020 à l'ancien droit n'étant du reste pas contesté ni critiquable. À cet égard, il sied d'examiner si le nouveau droit excluait réellement le versement de prestations, en ce sens que la limite de fortune nette de CHF 100'000.- introduite par le nouvel art. 9a al. 1 let. a LPC aurait été dépassée.

12.2 Dans le plan de calcul concernant la période du 1er janvier 2021 au 30 septembre 2021, l'intimé a tenu compte d'une épargne de la bénéficiaire de CHF 71'166.15 et de biens dessaisis de CHF 94'795.-. Dès le 1er octobre 2021, l'épargne a été abaissée à CHF 33'355.25 et, dès janvier 2022, les biens dessaisis ont été fixés à CHF 84'795.-.

La seule épargne de la bénéficiaire étant inférieure au seuil de CHF 100'000.- durant les années 2021 et 2022, il est nécessaire d'examiner si c'est à bon droit que l'intimé a tenu compte de biens dessaisis à hauteur de CHF 94'795.-, respectivement de CHF 84'795.- pour le mois de janvier 2022.

Selon les explications fournies par l'intimé dans son écriture du 8 décembre 2023 et la feuille de calcul annexée, il a retenu que la bénéficiaire s'était dessaisie de trois montants de fortune, de CHF 62'784.- en 2018, de CHF 28'453.- en 2019 et de CHF 23'558.- en 2020, en procédant à une comparaison entre la diminution d'une année à l'autre de l'épargne de la bénéficiaire – telle qu'elle résulte des avis de taxation fiscale établis par l'AFC après la dénonciation des éléments de fortune non déclarés au fisc à la fin de l'année 2017 (cf. pièce 9 du dossier de l'intimé, avis de taxation fiscale établis entre 2018 et 2021) – avec ses revenus et ses dépenses reconnues. Dès l'année 2018, un montant de biens dessaisis est retenu, la diminution de la fortune étant supérieure à la différence entre les revenus de la bénéficiaire et ses besoins reconnus. Par ailleurs, dès le 1er décembre 2020, un montant annuel de CHF 10'000.- a été admis à titre d'amortissement, aboutissant ainsi aux montants de biens dessaisis de CHF 94'795.- en 2021 et CHF 84'795.- en 2022 pris en compte dans la décision du 7 février 2023.

Au vu de ce qui précède, la problématique des biens dessaisis est circonscrite aux années 2018 à 2020 et ne concerne pas les mouvements des comptes UBS ou, plus généralement, le partage de la succession du frère de la bénéficiaire.

12.3 La chambre de céans observe que le calcul auquel a procédé l'intimé est fictif, car basé sur la comparaison entre la diminution annuelle de fortune et les besoins de la bénéficiaire reconnus forfaitairement, ainsi que ses revenus. L'intimé n'a en particulier pas examiné les mouvements de comptes de la bénéficiaire, ni n'a concrètement déterminé ses besoins courants, puisqu'il a retenu à ce titre un « montant forfait entretien usuel admis » (lequel, selon une brève note, tiendrait néanmoins compte dès 2016 du prix de la pension en EMS). Il a ainsi selon toute vraisemblance appliqué la méthode prescrite par les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC, ch. 3532.09 ss dans la version en vigueur au 1er janvier 2021).

Les DPC prévoient à ce titre que si le bénéficiaire de PC et les membres de sa famille ne disposaient pas de revenus suffisants pendant les années où la fortune a diminué, le montant du dessaisissement de fortune correspond à la différence entre la diminution non justifiée de la fortune et la part de la fortune dépensée pour son entretien usuel. Le revenu est considéré comme suffisant s’il est supérieur à un montant forfaitaire applicable pour l’entretien usuel, et insuffisant s’il est inférieur à ce montant. Le montant forfaitaire pour l’entretien usuel est déterminé en multipliant le montant destiné à la couverture des besoins vitaux pour les personnes seules tel que défini à l’annexe 5.1 par le facteur correspondant tel que défini à l’annexe 8 (ch. 3532.10, 3532.11 et 3532.12 DPC).

Cependant, conformément au ch. 3532.09 DPC et à la jurisprudence développée en matière de dessaisissement (consid. 9 ci-dessus), ce n'est que si le bénéficiaire de PC ne peut prouver l'utilisation qu'il a faite de sa fortune que l'on peut retenir un dessaisissement de fortune.

Or, en l'occurrence, l'intégralité des dépenses auxquelles a procédé la bénéficiaire dès 2017 (soit dès l'année précédant le premier dessaisissement de fortune retenu) est documentée dans les extraits de comptes produits et il apparaît qu'elle a eu des charges importantes, consistant essentiellement en le paiement de ses frais d'EMS, en le remboursement de sa dette de CHF 42'868.- envers l'intimé et de celle envers l'AFC, en sus du paiement de ses frais d'assurance-maladie qu'elle assumait déjà depuis plusieurs années.

De plus, l'écriture du 8 décembre 2023 de l'intimé a clarifié le fait qu'il avait admis les montants de fortune de la bénéficiaire déclarés au fisc après la dénonciation spontanée réalisée à la fin de l'année 2017 et il ne prétend plus (contrairement à ce qu'il laissait entendre dans la décision sur opposition du 4 novembre 2021) que cette dernière aurait procédé à un dessaisissement de biens, en ce sens qu'elle n'aurait pas reçu le montant correct des avoirs lui revenant dans le cadre de la succession de son frère ou se serait, à la suite de celle-ci, défait d'une partie de son héritage. À défaut de prise en compte d'éventuels biens dessaisis dans le cadre de cette succession, les mesures d'instruction sollicitées par la chambre de céans le 19 septembre 2023, auxquelles il n'a pas encore été donné suite, n'apparaissent ainsi plus nécessaires.

En définitive, la chambre de céans ne peut souscrire à l'appréciation de l'intimé lorsqu'il retient la présence de biens dessaisis dès l'année 2018. Dans la mesure où les extraits de comptes de la bénéficiaire ont été produits et permettent de retracer tous les débits dès 2017, l'intimé n'était pas en droit de tenir compte de biens dessaisis pour cette période, les dépenses de la bénéficiaire – bien qu'importantes – étant systématiquement réalisées en contrepartie d'une contre-prestation équivalente (soit, essentiellement, le paiement de l'assurance-maladie, de l'arriéré de PC et d'impôts et des frais d'EMS).

12.4 Dans la mesure où aucun bien dessaisi ne peut être pris en compte, il sied de constater que la fortune nette de la bénéficiaire ne dépassait pas CHF 100'000.- au 1er janvier 2021 de sorte que, contrairement à ce qu'a retenu l'intimé, le seuil prévu par l'art. 9a al. 1 LPC en vigueur dès cette date n'était pas atteint. Il suit de là que l'application du nouveau droit n'excluait pas en tant que tel le versement de PC à la bénéficiaire.

12.5 Par ailleurs, s'agissant du droit aux PC pour la période du 1er au 31 décembre 2020, l'intimé a tenu compte d'une épargne de la bénéficiaire de CHF 133'579.- et de biens dessaisis de CHF 81'237.-.

Pour les mêmes raisons qu'évoquées supra, la prise en compte de biens dessaisis doit être refusée.

Quant au montant de l'épargne pris en considération, il correspond à la fortune déclarée auprès de l'AFC au 31 décembre 2019, en application de l'art. 23 al. 1 OPC-AVS/AI. Or, dans la mesure où le droit aux PC naît dès le 1er décembre 2020 (cf. art. 12 LPC et 18 al. 1 LPCC), soit près d'une année après, et dans la mesure où la fortune de la bénéficiaire a considérablement baissé entre le 1er janvier et le 1er décembre 2020 compte tenu du fait qu'elle assumait seule toute ses dépenses, notamment ses frais d'EMS, il se justifie en l'espèce de prendre en compte la fortune existant à la date du 1er décembre 2020, en application des art. 23 al. 4 OPC-AVS/AI et 9 al. 3 LPCC. Ceci correspond en effet mieux à la volonté du législateur qui estimait pertinent de tenir compte autant que possible du revenu effectivement réalisé par le bénéficiaire des prestations durant la période pendant laquelle celles-ci sont versées (ATAS/385/2015 du 1er juin 2015 consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral P 52/02 du 12 juin 2003 consid. 5.1).

Au 1er décembre 2020, l'épargne de la bénéficiaire s'élevait à CHF 75'075.10 (CHF 68'128.60 sur le compte privé auprès de la BCGE [pièce 4 recourant] et CHF 6'946.50 sur le compte BCGE épargne [pièces 6 et 12 du dossier de l'intimé]).

13.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 7 février 2023 sera annulée.

La cause sera renvoyée à l'intimé, afin qu'il calcule le montant des PC dues en application de l'ancien droit pour le mois de décembre 2020 en prenant en compte une fortune de CHF 75'075.80 et qu'il procède à une comparaison des montants de PC à verser en application du nouveau et de l'ancien droit pour la période du 1er janvier 2021 au 31 janvier 2022, afin de déterminer le droit le plus favorable applicable. Dans les deux cas, l'intimé devra faire abstraction des biens dessaisis et du produit hypothétique de ceux-ci qui avaient été retenus dans la décision du 7 février 2023. À la suite de ces calculs, l'intimé devra rendre une nouvelle décision qui pourra, cas échéant, faire l'objet d'une opposition de la part du recourant.

14.         Le recourant obtenant gain de cause pour l'essentiel, une indemnité de CHF 2'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimé du 7 février 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision, dans le sens des considérants.

5.        Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF ‑ RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le