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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4006/2022

ATAS/1034/2023 du 21.12.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4006/2022 ATAS/1034/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 décembre 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER, avocate

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1979, est mariée depuis 1997 et mère de trois enfants, nés en ______ 1995, ______ 1997 et ______ 2007.

b. Originaire de Bosnie-Herzégovine, l’assurée est arrivée en Suisse en octobre 1999.

c. Depuis l’an 2000, l’assurée a travaillé en tant que femme de ménage, femme de chambre, gouvernante ou agente d’entretien auprès de plusieurs sociétés et hôtels.

d. Elle est incapable de travailler depuis le 12 janvier 2018, en raison principalement d’un état dépressif sévère suite à un épuisement professionnel.

e. L’assurée a été licenciée pour le 16 avril 2018.

f. Elle a toutefois repris une activité à 100% le 1er septembre 2018, avant de la réduire à 50% en janvier 2019.

B. a. Le 20 mai 2018, l’assurée a saisi l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) d’une demande de prestations en raison de l’atteinte précitée.

b. Dans le cadre de l’instruction de cette demande, l’OAI a recueilli plusieurs rapports, dont il ressort notamment ce qui suit :

-          dans son rapport du 8 mai 2018, le docteur B______, ancien chef de clinique responsable de la consultation pour victimes de la torture et de la guerre, aux Hôpitaux universitaires de Genève, a posé le diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail d’épisode dépressif sévère (épuisement professionnel) depuis le 9 janvier 2018 et celui, sans répercussion sur la capacité de travail, d’antécédent de thrombopénie très sévère en 2010. En raison de l’atteinte psychique, la capacité de travail était nulle, une reprise à 50% fin juillet puis à 100% selon évolution était toutefois envisageable.

-          À teneur du rapport du 20 juin 2018 relatif à l’évaluation psychiatrique du 6 juin 2018, établi à la demande de l’assurance perte de gain par la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, expert auprès du Centre d’Expertises Médicales (ci-après : CEMED), le diagnostic était celui de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1). L’assurée n’était pas apte à travailler en raison des limitations fonctionnelles consécutives à l’atteinte précitée, telles que la fatigue, le ralentissement et les troubles de la concentration. Vu toutefois l’amélioration de son état psychique depuis l’instauration d’un traitement médicamenteux, une reprise professionnelle dans un avenir proche était envisageable. L’experte rejoignait, par conséquent, le médecin traitant, qui envisageait une reprise progressive, dès la fin du mois de juillet 2018.

-          D’après une note téléphonique du 4 juillet 2018, une reprise à 100% était envisageable dès le 15 septembre 2018, selon la Dre C______.

-          À teneur du rapport destiné à l’OAI établi le 26 juillet 2018 par le Dr B______, les diagnostics étaient ceux d’état dépressif (F33.1), état de stress post-traumatique différé (F43.1) et lombalgies. Ils entraînaient une incapacité totale de travailler, à tout le moins jusqu’au 31 juillet 2018, étant précisé que les diagnostics psychiatriques avaient été posés en 1999 déjà, puis à nouveau en 2018, l’assurée ayant été suivie à son arrivée en raison d’un état de stress post-traumatique.

-          Dans son rapport du 15 octobre 2019, le docteur D______, généraliste FMH, a retenu les diagnostics d’état anxio-dépressif, état de stress post-traumatique et tendinite de la coiffe des rotateurs droite. Depuis janvier 2019, l’assurée avait repris une activité professionnelle à 50%. Pour le Dr D______, soit l’assurée devait pouvoir bénéficier d’une reconversion professionnelle pouvant lui permettre de reprendre une activité à 100%, soit une rente à 50% devait lui être octroyée.

-          Dans son rapport du 6 janvier 2020, la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a posé les diagnostics de dysthymie (F34.1), trouble anxieux-dépressif mixte (F41.2) et état de stress post-traumatique (F43.1), seuls les deux premiers diagnostics entraînant des répercussions sur la capacité de travail de l’assurée. Du point de vue psychiatrique, la capacité de travail de l’assurée était de 50 à 80%, l’état psychique n’étant pas stable.

-          Selon le rapport du Dr D______ du 8 juillet 2020, les diagnostics étaient toujours ceux déjà évoqués dans le rapport du 15 octobre 2019, celui de lombocruralgie L3 gauche sur nodule disco-ostéophytaire étant toutefois venu s’y ajouter. Cette nouvelle atteinte, aggravant la situation depuis octobre 2019, entraînait les limitations fonctionnelles suivantes : pas de position assise ou debout de longue durée, pas de port de charges excédant 2 kg, pas de flexion antérieure du tronc, pas de mouvements du bras droit en hauteur. Dans une activité adaptée à ces limitations fonctionnelles, la capacité de travail était entière.

-          Dans son rapport du 5 octobre 2020, la Dre E______ a expliqué que la situation était superposable à celle existant au mois de janvier 2020, avec capacité de travail de 50%.

c. L’OAI a soumis ces rapports à son service médical régional (ci-après : le SMR), lequel a considéré, dans un avis du 2 mars 2021, que l’atteinte principale était la lombocruralgie L3 gauche sur nodule disco-ostéophytaire et que la capacité de travail était entière, dès le mois de janvier 2019, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles suivantes : activité légère, sédentaire, principalement en position assise, permettant l’alternance des positions au gré de l’assurée, sans manipulations de charges lourdes de plus de 5 à 7 kg à répétition, sans position du rachis en porte-à-faux, activité à répartir harmonieusement sur cinq jours ouvrables.

d. Par projet de décision du 5 mars 2021, l’OAI a informé l’assurée qu’il entendait rejeter la demande de prestations, le degré d’invalidité étant nul après comparaison des revenus.

e. Par téléphone du 19 mars 2021, puis sous la plume de son conseil, par écriture du 23 avril 2021, l’assurée a contesté le projet de décision du 5 mars 2021, relevant que le dossier de l’OAI ne comportait qu’une expertise réalisée à la demande de l’assureur perte de gain en 2018. Depuis lors, son psychiatre traitant avait indiqué qu’une reprise à 100% était impossible et que seule une capacité de travail de 50% était envisageable. Quant au médecin traitant, il s’était exclusivement prononcé sur la capacité de travail du point de vue somatique et non sur le plan psychique. L’OAI ne tenait pas compte des limitations psychiques alors que trois diagnostics avaient été posés par un spécialiste. L’OAI ne pouvait ainsi se fonder, pour déterminer la capacité de travail, sur les conjectures faites par l’expert mandaté par l’assurance perte de gain, près de trois ans auparavant, alors que le médecin traitant était d’un avis contraire et qu’il avait motivé sa position.

f. Suite à cette opposition, l’OAI a, une nouvelle fois, saisi son SMR, lequel a, après avoir obtenu des informations complémentaires notamment du psychiatre traitant, préconisé une expertise bi-disciplinaire, rhumatologique et psychiatrique.

g. Ladite expertise a été confiée au centre d’expertises SMEX SA (ci-après : SMEX), soit pour lui à la docteure F______, spécialiste FMH en rhumatologie, et au docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, lesquels n’ont pas retenu de diagnostics incapacitants dans leur rapport du 16 juin 2022, la capacité de travail étant considérée comme entière. À titre de diagnostics sans répercussions sur la capacité de travail, les experts ont évoqué, sur le plan psychiatrique, un trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2) et, sur le plan somatique, des lombalgies communes, une possible chondropathie rotulienne bilatérale et une obésité avec IMC à 30,2 kg/m2. Du point de vue psychiatrique, l’expert a expliqué que le diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte décrivait une association de symptômes dépressifs et anxieux mineurs, largement répandus dans la population générale et n’ayant aucun impact sur la capacité de travail. Quant aux éléments constitutifs d’un état de stress post-traumatique, ils n’avaient pas été retrouvés. Il n’y avait, en effet, ni flash-back ni trouble du sommeil, ni cauchemars, ni comportement d’évitement, ni hypervigilance. L’expert psychiatre n’avait pas non plus retrouvé de conflit émotionnel ou de problèmes psychosociaux suffisamment importants, de sorte que les critères de la définition d’un syndrome douloureux somatoforme persistant n’étaient pas réalisés. Du point de vue rhumatologique, l’assurée présentait une lombalgie basse prédominant à gauche, d’allure mécanique. L’examen physique ne montrait pas de raideur lombaire ni de souffrance radiculaire. L’examen des genoux évoquait une chondropathie rotulienne bilatérale. L’obésité de l’assurée pouvait accentuer les lombalgies et gonalgies. La recherche des points de fibromyalgie était négative. La tendinopathie de la coiffe des rotateurs à droite n’était ni évoquée par l’assurée ni retrouvée à l’examen clinique. Les experts considéraient enfin que l’assurée amplifiait ses atteintes.

h. Par avis du 13 juillet 2022, le SMR a retenu que la capacité de travail de l’assurée était entière dans l’activité « de référence » depuis le 1er septembre 2018.

i. Par projet de décision du 15 août 2022, l’OAI a, une nouvelle fois, rejeté la demande de prestations, dès lors que l’incapacité de travail de l’assurée avait duré moins d’un an. Par ailleurs, étant donné que l’assurée avait recouvré une pleine capacité de travail dans son activité habituelle, des mesures d’ordre professionnel n’étaient pas indiquées.

j. Sous la plume de son conseil, l’assurée a contesté, par courrier du 16 septembre 2022, le projet de décision précité, relevant que seules des questions fermées lui avaient été posées lors de l’expertise psychiatrique. Elle sollicitait, par ailleurs, de pouvoir écouter les enregistrements de ses entretiens au SMEX.

k. L’OAI a octroyé à l’assurée les accès aux enregistrements.

l. Par décision du 21 octobre 2022, l’OAI a repris les termes de son projet du 15 août 2022 et a rejeté la demande de prestations, pour le motif évoqué précédemment, l’assurée n’ayant, au demeurant, pas complété son opposition.

m. Le 21 novembre 2022, les accès aux enregistrements ont à nouveau été remis à l’assurée, à sa demande.

C. a. Le 23 novembre 2022, sous la plume de son conseil, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 21 octobre 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant, sous suite de dépens, préalablement, à la transmission des enregistrements sonores des entretiens d’expertise psychiatrique et rhumatologique et à la réalisation d’une expertise bi-disciplinaire et, principalement, à l’annulation de la décision querellée et, cela fait, à la constatation de son droit à une demi-rente d’invalidité et de son droit à des mesures professionnelles. À l’appui de son recours, elle a notamment expliqué que si les accès aux enregistrements lui avaient bien été transmis, les codes de validation avaient expiré. Sur le fond, elle a considéré que l’expertise du SMEX comportait de nombreuses contradictions, qu’elle a décrites.

b. Dans sa réponse du 22 décembre 2022, l’OAI a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, considérant que la recourante avait pu s’exprimer librement lors de l’expertise, ce qui ressortait de l’anamnèse détaillée, laquelle retraçait son parcours. Les experts avaient bien entendu les plaintes de la recourante et ses doléances. Ils avaient, en outre, expliqué les raisons ayant conduit à leur décision de ne pas retenir d’atteintes incapacitantes.

c. Le 10 mars 2023, la recourante a produit sa réplique, après avoir pu entendre les enregistrements, et a critiqué l’expertise bi-disciplinaire sur plusieurs points. Elle a notamment considéré que les questions posées par l’expert rhumatologue ne lui permettaient pas de développer ses plaintes de manière suffisamment circonstanciée. Quant au volet psychiatrique, il ne prenait pas en compte certaines plaintes, qu’elle avait toutefois dûment formulées.

d. Par duplique du 30 mars 2023, l’intimé a relevé que la recourante avait elle-même expliqué qu’elle avait donné des réponses spontanées et détaillées sur son état actuel, de sorte qu’il était difficile de comprendre les critiques quant aux questions fermées. Par ailleurs, s’agissant de l’expertise rhumatologique, l’examen clinique effectué n’avait pas permis de confirmer les plaintes et douleurs alléguées par la recourante. S’agissant du volet psychiatrique, l’expert avait relevé l’absence de limitations uniformes dans tous les domaines de la vie, la recourante maintenant ses activités et ressources malgré son passé difficile.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

3.2 En l’occurrence, la décision litigieuse a, certes, été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, l’éventuel droit à la rente serait né avant le 31 décembre 2021.

Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

4.             Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimé de rejeter la demande de prestations de la recourante, singulièrement sur la valeur probante de l’expertise du SMEX.

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 1997, p. 8).

6.2  

6.2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

6.2.2 Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

6.2.3 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; ATF 145 V 215 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

6.3 La dysthymie est caractérisée selon la CIM-10 par un abaissement chronique de l'humeur, persistant au moins plusieurs années, mais dont la sévérité est insuffisante ou dont la durée des différents épisodes est trop brève pour justifier un diagnostic de trouble dépressif récurrent, sévère, moyen ou léger (F34.1).

Le trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2 CIM-10) est retenu quand le sujet présente à la fois des symptômes anxieux et des symptômes dépressifs, sans prédominance nette des uns ou des autres et sans que l'intensité des uns ou des autres soit suffisante pour justifier un diagnostic séparé. Quand des symptômes anxieux et dépressifs sont présents simultanément avec une intensité suffisante pour justifier des diagnostics séparés, les deux diagnostics doivent être notés et on ne fait pas un diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte.

Quant à l’état de stress post-traumatique (F43.1 CIM-10), il constitue une réponse différée ou prolongée à une situation ou à un événement stressant (de courte ou de longue durée), exceptionnellement menaçant ou catastrophique et qui provoquerait des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus. Des facteurs prédisposants, tels que certains traits de personnalité (par exemple compulsive, asthénique) ou des antécédents de type névrotique, peuvent favoriser la survenue du syndrome ou aggraver son évolution; ces facteurs ne sont pas toutefois nécessaires ou suffisants pour expliquer la survenue du syndrome. Les symptômes typiques comprennent la reviviscence répétée de l'événement traumatique, dans des souvenirs envahissants (« flashbacks »), des rêves ou des cauchemars ; ils surviennent dans un contexte durable d'anesthésie psychique « et d'émoussement émotionnel, de détachement par rapport aux autres, d'insensibilité à l'environnement, d'anhédonie et d'évitement des activités ou des situations pouvant réveiller le souvenir du traumatisme. Les symptômes précédents s'accompagnent habituellement d'un hyperéveil neuro-végétatif, avec hypervigilance, état de qui-vive » et insomnie, associés fréquemment à une anxiété, une dépression, ou une idéation suicidaire. La période séparant la survenue du traumatisme et celle du trouble peut varier de quelques semaines à quelques mois. L'évolution est fluctuante, mais se fait vers la guérison dans la plupart des cas. Dans certains cas, le trouble peut présenter une évolution chronique, durer de nombreuses années, et entraîner une modification durable de la personnalité (F62.0).

7.              

7.1 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-        Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-        Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

7.2 Selon la jurisprudence rendue jusque-là à propos des dépressions légères à moyennes, les maladies en question n'étaient considérées comme invalidantes que lorsqu'on pouvait apporter la preuve qu'elles étaient « résistantes à la thérapie » (ATF 140 V 193 consid 3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_841/2016 du 8 février 2017 consid. 3.1 et 9C_13/2016 du 14 avril 2016 consid. 4.2).

Dans l'ATF 143 V 409 consid. 4.2, le Tribunal fédéral a rappelé que le fait qu'une atteinte à la santé psychique puisse être influencée par un traitement ne suffit pas, à lui seul, pour nier le caractère invalidant de celle-ci; la question déterminante est en effet celle de savoir si la limitation établie médicalement empêche, d'un point de vue objectif, la personne assurée d'effectuer une prestation de travail. À cet égard, toutes les affections psychiques doivent en principe faire l'objet d'une procédure probatoire structurée au sens de l'ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Ainsi, le caractère invalidant des atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_142/2018 du 24 avril 2018 consid. 5.2).

Dans les cas où, au vu du dossier, il est vraisemblable qu'il n'y a qu'un léger trouble dépressif, qui ne peut déjà être considéré comme chronifié et qui n'est pas non plus associé à des comorbidités, aucune procédure de preuve structurée n'est généralement requise (arrêt du Tribunal fédéral 9C_14/2018 du 12 mars 2018 consid 2.1).

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable, en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

8.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.3.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.3.3 En application du principe de l'égalité des armes, l'assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance. Il s'agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d'un autre médecin mandaté par l'assuré. Ces avis n'ont pas valeur d'expertise et, d'expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l'assuré, afin de voir s'ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 8C_408/2014 et 8C_429/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.2). À noter, dans ce contexte, que le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral U 365/06 du 26 janvier 2007 consid. 4.1).

8.3.4 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

9.              

9.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

9.2 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel il appartient au juge d'établir d'office l'ensemble des faits déterminants pour la solution du litige et d'administrer, le cas échéant, les preuves nécessaires (cf. art. 43 al. 1 et 61 let. c LPGA). En principe, les parties ne supportent ni le fardeau de l'allégation ni celui de l'administration des preuves. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, soit le devoir de collaborer des parties, lequel comprend l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3 ; ATF 125 V 193 consid. 2). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3). Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

9.3 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

9.4 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3). Le renvoi à l’administration apparaît également justifié si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (voir RAMA 1986 n° K 665 p. 87). La récente jurisprudence du Tribunal fédéral prévoyant que la Cour ordonne une expertise au besoin ne saurait en effet permettre à l'assurance de se soustraire à son obligation d'instruire (ATF 137 V 210 ; cf. notamment ATAS/588/2013 du 11 juin 2013 ; ATAS/454/2013 du 2 mai 2013 ; ATAS/139/2013 du 6 février 2013).

10.          

10.1 En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la recourante, originaire de Bosnie-Herzégovine, a vécu les guerres de Yougoslavie dans les années 1990. Des soldats serbes ont notamment arrêté toute sa famille. Si la recourante, ses frères et sœurs ainsi que leur mère ont été relâchés, leur père a été emmené dans un camion, avant d’être tué. Son cadavre a été retrouvé en 1999. C’est pendant la guerre que la recourante s’est mariée à l’âge de 14 ans. Elle a été mère pour la première fois à 16 ans et pour la seconde fois, à 18 ans. Leur maison familiale a été brûlée et la famille a dû vivre, dans une chambre, dans une maison partagée avec d’autres.

La recourante est arrivée en Suisse en 1999 et un état de stress post-traumatique, ayant nécessité un suivi pendant deux ans, a été diagnostiqué à ce moment (cf. expertise du CEMED p. 7 ; rapports du Dr B______ des 8 mai et 26 juillet 2018). Son époux bénéficie d’une rente d’invalidité entière (invalidité de 73%) en raison de dorsalgies et de troubles psychiques. Il a également été suivi par le Dr B______ (cf. expertise du CEMED p. 7 et 8 notamment).

Selon sa psychiatre traitante, la recourante a une personnalité qui parvient à bien repousser les souvenirs traumatisants et à refouler les émotions tristes et douloureuses. Elle parvient alors à vivre avec ses souvenirs, mais selon les jours et selon les périodes, elle ne parvient plus à maintenir cette défense (cf. rapport de la Dre E______ du 5 juillet 2021).

Selon toute vraisemblance, dans ces phases où elle ne parvient plus à maintenir la défense, elle a développé plusieurs épisodes dépressifs et anxieux, et a revu le Dr B______. C’était le cas en 2011 (symptomatologie dépressive en lien avec son passé), en 2014 (problèmes professionnels et avec licenciement) et en 2018 (problèmes professionnels, plus particulièrement avec sa directrice ; cf. expertise du CEMED p. 3).

En particulier, suite à des problèmes relationnels avec sa directrice, la recourante a été totalement incapable de travailler, de janvier 2018 à fin août 2018, étant précisé qu’elle a été licenciée pour fin mai 2018. L’assurance perte de gain de son ex-employeur lui a versé les indemnités journalières. Afin de se prononcer sur la suite à donner au cas de la recourante, l’assurance perte de gain a mandaté la Dre C______ pour un examen psychiatrique. Cette dernière a alors retenu, dans son rapport du 20 juin 2018, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, tout en précisant que l’intensité avait vraisemblablement été plus sévère que celle observée lors de l’examen clinique. La psychiatre a également considéré que l’anxiété faisait partie du tableau et ne constituait pas un diagnostic spécifique. Si la recourante décrivait certes des cauchemars et des flash-backs, la Dre C______ ne retenait pas de diagnostic d’état de stress post-traumatique mais reconnaissait l’impact de ce passé douloureux sur la thymie de la recourante, considérant que celui-ci majorait l’intensité de l’état dépressif (expertise du CEMED p. 10).

La recourante a repris une activité professionnelle à 100% de septembre à décembre 2018, avant de réduire le taux d’activité à 50%. Les motifs ayant conduit à la réduction du taux d’activité semblent liés à l’état de santé de la recourante (réplique p. 4 ; rapport du Dr D______ du 15 octobre 2019), notamment en raison de la fatigue (expertise du SMEX p. 14 et rapport établi les 24 février et 23 mars 2020 suite entretien d’évaluation [IPT] avec l’OAI) et des douleurs (rapport établi les 24 février et 23 mars 2020 suite entretien d’évaluation [IPT] avec l’OAI).

Les médecins traitants consultés dans ce contexte ont alors posé les diagnostics d’état anxio-dépressif, état de stress post-traumatique et tendinite de la coiffe des rotateurs droite (cf. rapport du Dr D______ du 15 octobre 2019), dysthymie, trouble anxieux-dépressif mixte et état de stress post-traumatique (cf. rapport de la Dre E______ du 6 janvier 2020) ou encore de lombocruralgies L3 gauche sur nodule disco-ostéophytaire, en plus des diagnostics déjà posés le 15 octobre 2019 (cf. rapport du Dr D______ du 8 juillet 2020).

Depuis janvier 2019, la recourante travaille à 50%. Elle sollicite une demi-rente pour couvrir la perte de gain consécutive à l’incapacité de gain de 50%.

La question qui se pose est, dans ce contexte, celle de savoir si la capacité de travail de la recourante est effectivement de 50% pour des raisons médicales ou si elle est au contraire capable d’exercer une activité lucrative à 100%, que ce soit l’activité habituelle ou une activité adaptée. C’est pour trancher cette question que l’OAI a mandaté le SMEX pour une expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique.

C’est donc la valeur probante du rapport du SMEX du 16 juin 2022 qu’il convient d’examiner.

10.2 On peut, tout d’abord, constater que le rapport précité du 16 juin 2022 remplit plusieurs des exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d’un tel document. En effet, il contient une anamnèse, le résumé des pièces principales du dossier, les indications subjectives de la recourante, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas.

10.2.1 Sur le fond, le Dr G______, psychiatre, n’a pas retenu de diagnostics incapacitants du point de vue psychique. À titre de diagnostic non incapacitant, il a évoqué un trouble anxieux et dépressif mixte. Il a notamment expliqué qu’il s’agissait d’une association de symptômes dépressifs et anxieux mineurs, largement répandus dans la population générale et n’ayant aucun impact sur la capacité de travail. Il a, en outre, relevé que l’examen clinique ne retrouvait ni ralentissement psychomoteur, ni tristesse pathologique, ni trouble de la concentration ou de l’attention, ni fatigue ou fatigabilité, ni symptôme neurovégétatif en lien avec un état anxieux. Les éléments constitutifs d’un état de stress post-traumatique n’étaient pas non plus retrouvés. En effet, il n’y avait ni flashback, ni trouble du sommeil, ni cauchemar, ni comportement d’évitement, ni hypervigilance. Enfin, il n’avait pas retrouvé de conflit émotionnel ou de problèmes psychosociaux suffisamment importants pour être considérés comme la cause essentielle du trouble, de sorte que les critères du syndrome douloureux somatoforme n’étaient pas retrouvés.

L’expert psychiatre s’est également prononcé sur les rapports et expertises au dossier :

-          le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, posé dans l’expertise du 20 juin 2018, était vraisemblablement entré en rémission dès l’été 2018, ce qui était confirmé par le fait que la recourante avait choisi de travailler à 100% de septembre à fin décembre 2018 avant de négocier, elle-même, un emploi à 50%. La rémission de ce trouble était également confirmée par le fait que la recourante n’avait pas contesté l’arrêt des prestations de l’assurance perte de gain. De plus, il n’y avait pas eu de modification significative du traitement alors qu’un trouble dépressif incapacitant et résistant devrait entraîner une stratégie thérapeutique consistant à augmenter au maximum les doses de l’antidépresseur prescrit. En cas d’échec, il convenait de modifier le traitement.

-          Dans son rapport du 6 février 2020, la psychiatre traitante retenait comme diagnostics incapacitants une dysthymie et un trouble anxieux et dépressif mixte et comme diagnostic non incapacitant un état de stress post-traumatique. Cette dernière atteinte apparaissait généralement dans les six mois après la survenue des événements traumatisants. Or, la recourante avait pu fuir la guerre, s’installer dans une zone démilitarisée avant d’immigrer en Suisse, où elle avait travaillé pendant des années, tout en s’occupant de ses enfants. Elle avait souffert d’un épisode dépressif en 2014, pour lequel elle avait suivi un traitement pendant six mois avant d’arrêter tout suivi. Ce n’était qu’après un conflit avec sa directrice, en 2018, qu’elle avait repris le suivi psychiatrique. Par conséquent, les critères du syndrome de stress post-traumatique n’étaient pas réunis. En outre, la définition de la CIM-10 du trouble anxieux et dépressif mixte excluait la dépression anxieuse persistante ou dysthymie. En tout état, ces deux troubles présentaient une sévérité ou une durée qui n’était pas suffisante pour justifier un diagnostic d’épisode dépressif léger. En d’autres termes, ces diagnostics étaient légers, voire mineurs, et n’entraînaient pas de répercussions sur la capacité de travail. S’agissant de la capacité de travail, elle oscillait entre 50 et 80% alors que dans les deux autres rapports, datés des 5 octobre 2020 et 5 juillet 2021, elle était estimée à 50%, avec des diagnostics et traitements restés inchangés. Le trouble anxieux et dépressif mixte comportait des symptômes, dont l’intensité n’était pas suffisante pour justifier un diagnostic séparé de dysthymie ou de trouble anxieux caractérisé. La faible sévérité de ces troubles n’entraînait, par conséquent, pas d’impact sur la capacité de travail.

10.2.2 Quant à la Dre F______, rhumatologue, elle n’a retenu aucun diagnostic incapacitant. À titre de diagnostics sans répercussions sur la capacité de travail, elle a évoqué des lombalgies communes, une possible chondropathie rotulienne et une obésité avec IMC à 30,2 kg/m2. L’examen physique ne retrouvait pas de raideur lombaire, ni de signe de souffrance radiculaire. L’examen des genoux évoquait une chondropathie rotulienne. Par ailleurs, l’obésité pouvait accentuer les lombalgies et gonalgies. Enfin, les points fibromyalgiques étaient négatifs. Les atteintes précitées n’étaient pas incapacitantes dans l’activité de femme de chambre.

10.3  

10.3.1 Si les conclusions des médecins du SMEX paraissent, de prime abord, convaincantes, force est toutefois de constater qu’elles résultent de l’analyse d’un dossier et d’un examen clinique lacunaires.

En effet, il est établi que la recourante a été incapable de travailler du 12 janvier 2018 au 31 août 2018, ayant par ailleurs été licenciée pour le 31 mai 2018. Dans son rapport du 20 juin 2018, la dre C______, expert psychiatre, rejoignait l’avis du médecin traitant qui envisageait une reprise du travail progressive, dès le 1er août 2018. Elle nuançait, toutefois, cette reprise en considérant que, dans un premier temps, l’idéal serait d’effectuer des extras ponctuels (expertise du CEMED p. 11). Le pronostic était bon, mais du temps devait être laissé à l’assurée pour qu’elle puisse se stabiliser. Les limitations étaient alors encore trop importantes pour qu’elle puisse s’engager dans la recherche d’une activité professionnelle puis dans l’exercice de celle-ci (expertise du CEMED p. 12).

Force est de constater que rien dans ce rapport d’expertise ne permet de considérer que la recourante était médicalement apte à reprendre une activité professionnelle à 100%, à compter du 15 septembre 2018.

Une capacité de travail de 100%, à compter du 15 septembre 2018, ressort en revanche d’une note téléphonique du 4 juillet 2018. Cependant, dans la mesure où il s’agit d’un document purement interne, consignant certes les déclarations de l’expert psychiatre du CEMED, mais telles qu’elles ont été comprises, interprétées et résumées par le gestionnaire de l’assureur perte de gain (voir ATAS/166/2017 du 6 mars 2017 consid. 8 a/bb et ATAS/827/2014 du 30 juin 2014 consid. 10), ladite note ne saurait être prise en considération pour apprécier la date à partir de laquelle la recourante aurait recouvré une capacité de travail entière dans son activité habituelle, ce d’autant moins que la date en question semble résulter d’un accord entre la psychiatre et la gestionnaire de l’assurance perte de gain (« nous nous mettons d’accord sur une reprise à 100% au 15 septembre 2018).

Cela étant relevé, c’est le lieu de constater que, malgré tout, dès le 1er septembre 2018, la recourante a retrouvé une activité lucrative auprès de l’entreprise H______, activité qu’elle a exercée à 100% dans un premier temps, avant de la réduire à 50% dès le 1er janvier 2019. Cette reprise à 100% est due, selon la recourante, à des questions financières (cf. réplique du 10 mars 2023), étant donné qu’elle était la seule à travailler, l’époux ayant été mis au bénéfice d’une rente d’invalidité.

Elle s’était toutefois assez rapidement rendu compte qu’une telle charge de travail était impossible, vu son état de santé, raison pour laquelle elle avait demandé à son employeur de pouvoir baisser son taux d’occupation à 50% dès le mois de janvier 2019 (réplique p. 4). Les raisons de la diminution du taux d’activité ont été évoquées par le Dr D______, lequel a rappelé ce qui précède, dans son rapport du 15 octobre 2019, tout en concluant qu’« il apparaît donc que ce sont des motifs médicaux qui justifient ce taux d’activité de 50% » (rapport du 15 octobre 2019). La recourante a également donné quelques précisions sur son état de santé fin 2018. Ainsi, au cours de l’expertise du SMEX, elle a expliqué s’être sentie tellement fatiguée à l’époque qu’elle avait demandé à réduire son taux d’activité (expertise du SMEX p. 14). Lors de son entretien d’évaluation à l’OAI, la recourante a encore évoqué des douleurs au dos, en sus de la fatigue. Si elle essaie d’augmenter son taux d’activité, ses douleurs et les symptômes apparaissent, les douleurs physiques engendrant un épuisement (rapport établi les 24 février et 23 mars 2020 suite entretien d’évaluation [IPT] avec l’OAI).

À ce stade, la chambre de céans constate que les médecins traitants de la recourante n’ont jamais été interrogés sur la situation médicale de la recourante, au cours du dernier trimestre 2018, lorsqu’elle travaillait à 100%. Il en va de même de l’employeur actuel, qui n’a jamais été interrogé en lien avec l’activité professionnelle de la recourante. Or, il est question d’un arrêt de travail d’un mois en 2019 (expertise du SMEX p. 14). Cet aspect n’a toutefois pas été investigué plus avant. Aucune information n’a été demandée à ce propos, que ce soit à l’employeur actuel ou aux médecins traitants.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans peine à comprendre sur quelle base les experts du SMEX ont considéré que la recourante avait diminué son activité de sa propre initiative, laissant sous-entendre que cette décision aurait été prise par convenance personnelle et non en raison de son état de santé.

10.3.2 Sur le plan somatique, le Dr D______ a évoqué des lombocruralgies L3 sur nodule disco-ostéophytaire dans son rapport du 8 juillet 2020. Il a également mentionné une infiltration dans son rapport du 8 juillet 2020. Il est néanmoins insolite que le dossier soumis au SMEX ne comporte aucun rapport d’imagerie à ce propos, sachant que le terme « ostéophyte » décrit une excroissance osseuse et qu’une telle atteinte est de toute évidence objectivable. Il est tout aussi étonnant que le SMEX n’ait pas jugé nécessaire de soumettre la recourante à des examens radiologiques, en l’absence de tels examens réalisés par le passé. Les lombalgies ont, par ailleurs, nécessité une infiltration, mais aucune investigation à ce propos n’a été effectuée.

Les mêmes remarques peuvent être faites en lien avec le diagnostic de possible chondropathie rotulienne posé par l’expert radiologue. Il s’agit là d’une dégénérescence du cartilage de la rotule, visible par arthroscopie. Or, de tels examens auraient de toute évidence permis de poser un diagnostic précis au degré de la vraisemblance prépondérante et non d'évoquer une simple possibilité.

10.3.3 Dans son rapport, l’expert psychiatre a nié le diagnostic d’état de stress post-traumatique, considérant que les critères pour le poser n’étaient pas réalisés. En effet, une telle atteinte apparaissait généralement dans les six mois après la survenue des événements traumatisants. Or, la recourante avait pu fuir la guerre, s’installer dans une zone démilitarisée avant d’immigrer en Suisse, où elle avait travaillé pendant des années, tout en s’occupant de ses enfants. Elle avait souffert d’un épisode dépressif en 2014, pour lequel elle avait suivi un traitement pendant six mois avant d’arrêter tout suivi. Ce n’était qu’après un conflit avec sa directrice, en 2018, qu’elle avait repris le suivi psychiatrique.

De toute évidence, l’expert psychiatre n’a pas examiné en détail les pièces du dossier. S’il l’avait fait, il aurait constaté que la recourante était suivie, depuis son arrivée en Suisse en 1999, pour un état de stress post-traumatique (cf. rapport du Dr B______ du 26 juillet 2018 : « suivie à son arrivée pour un état de stress post-traumatique » ; rapport du Dr B______ du 8 mai 2018 : « suivie en 1999 pour état de stress post-traumatique pdt 2 ans, puis en 2014 pour état dépressif réactionnel » et « suivie à son arrivée en CH de 1999 à 2001, [l’assurée] a trouvé et conservé un travail régulier malgré des problèmes de santé physiques et psychologiques »).

Ainsi, le diagnostic d’état de stress post-traumatique était déjà évoqué en 1999 et n’a pas été nouvellement posé, suite à l’arrêt de travail de la recourante en janvier 2018.

Par ailleurs, la Dre E______ a expliqué, dans son rapport du 5 juillet 2021, que « chez beaucoup de personnes ayant vécu des traumatismes de guerre, avec le temps, il y a une recrudescence des souvenirs qui influencent leur état. [La recourante] a une personnalité qui parvient bien à repousser les souvenirs traumatisants et à refouler les émotions tristes. Elle parvient alors à vivre avec ses souvenirs mais il y a des jours, ou des périodes, pendant lesquels elle ne parvient plus à maintenir cette défense ».

À nouveau, les experts du SMEX n’ont pas demandé des informations complémentaires à ce propos et ils semblent être partis d’une prémisse erronée, à savoir que le diagnostic d’état de stress post-traumatique n’avait été posé que dans le cadre de l’arrêt de travail, dès janvier 2018.

10.3.4 S’y ajoute le fait que le rapport d’expertise du SMEX comporte plusieurs contradictions, sur des points importants. Ainsi, par exemple, selon l’expertise (p. 6), la recourante ne rapporterait pas de trouble du sommeil, alors qu’elle a elle-même décrit, dans le questionnaire de la personne assurée (annexe 2 de l’expertise) « j’ai des difficultés à m’endormir la nuit, je ressens beaucoup d’angoisses et avec le temps cela s’empire. De plus, j’ai des pensées du génocide de Srebrenica et de tout ce que j’ai vécu durant cette période ». Or, la fatigue est l’un des symptômes principaux évoqués par la recourante !

Enfin, la recourante reproche aux experts de ne pas avoir retranscrit, puis pris en considération plusieurs de ses déclarations, telles que la fatigue, les troubles du sommeil, des idées suicidaires, etc.

10.4 De son côté, l’intimé expose que les experts ont retenu l’absence de limitations uniformes dans tous les domaines de la vie, la recourante maintenant ses activités et ressources malgré son passé difficile.

De toute évidence, une telle argumentation ne saurait être suivie dans le cas de la recourante, car cela reviendrait à retenir contre elle son activité à temps partiel. En effet, dès l’instant où un assuré exerce une activité à temps partiel, c’est qu’il dispose de ressources suffisante pour surmonter son atteinte, à tout le moins jusqu’à un certain stade. Toutefois, dans un tel cas, se pose la question de savoir s’il dispose encore de suffisamment de ressources pour augmenter son taux d’activité à 100% ou si lesdites ressources sont en réalité épuisées par l’exercice d’une activité à temps partiel.

Or, l’expertise du SMEX ne répond pas à cette question.

Compte tenu des critiques qui précèdent, le rapport d’expertise du SMEX ne saurait fonder une base fiable pour se prononcer sur la capacité de travail de la recourante. En effet, pour pouvoir se prononcer sur la demande de prestations de la recourante, l’OAI aurait dû tout d’abord connaître les raisons pour lesquelles la recourante a réduit son activité de 100% à 50%. Selon les pièces du dossier et les explications de la recourante, cette réduction de l’activité aurait été effectuée en raison de l’état de santé de la recourante (fatigue et douleurs lombaires). Toutefois, cette question n’a pas été investiguée, par le biais de questions précises aux médecins traitants ou lors d’un entretien téléphonique avec eux, les médecins du SMEX s’étant limités à émettre des suppositions.

Force est ainsi de considérer que l’intimé a constaté les faits de manière sommaire, sur la base d’une expertise présentant des lacunes. Dans de telles circonstances, il n’appartient pas au juge de suppléer aux carences administratives, de sorte que le dossier sera renvoyé à l’intimé pour instruction complémentaire sous la forme d’une expertise. Il appartiendra alors aux experts de déterminer les motifs pour lesquels la recourante a réduit son taux d’activité à 50%, dès le mois de janvier 2019 et de se prononcer, le cas échant, sur l’évolution dans le temps de la capacité de travail.

11.         La recourante, qui obtient partiellement gain de cause et est assistée d’un mandataire professionnellement qualifié, a droit à des dépens, fixés à CHF 1'500.- (art. 61 let. g LPGA).

12.         La procédure en matière d'assurance-invalidité n'étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), un émolument de CHF 200.- est mis à la charge de l'intimé.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision de l’intimé du 21 octobre 2022.

3.        Renvoie la cause à l’intimé, pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 1'500.-, à titre de dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le