Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1035/2023

ATAS/1019/2023 du 20.12.2023 ( AI ) , AUTRE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1035/2023 ATAS/1019/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 décembre 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______
représenté par Me Jacques ROULET, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né en 1974 en Gambie, où il a suivi sa scolarité jusqu’à l’âge de 15 ans avant de travailler dans le chargement et déchargement de camions. Il s’est établi en Suisse en 1998, où il a travaillé dans le secteur de la construction. Il est père de deux enfants, dont l’aînée, B______, est née en ______ 2002.

b. L’assuré a été engagé en qualité d’aide-foreur dès juillet 2007.

c. Le 31 octobre 2018, l’assuré a subi un accident sur un chantier, lors duquel son membre inférieur gauche a été écrasé par une grue, ce qui a conduit à son amputation à la mi-cuisse.

Il a été en incapacité de travail totale dès cette date. Les suites de cet accident ont été prises en charge par la SUVA, assurance-accidents.

d. Le 7 mars 2019, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

e. L’assuré a séjourné à la clinique romande de réadaptation (CRR) du 5 février au 27 mars 2020. À l’issue de son séjour, les médecins ont retenu les limitations fonctionnelles suivantes : pas de port de charges au-delà de 10-12.5 kg, ni de positions accroupi et à genoux, pas d’utilisation répétée d'escaliers ou d'échelles, ni déplacements prolongés en terrains irréguliers ainsi que sur de fortes pentes. La situation était stabilisée du point de vue médical. Une activité adaptée était possible à 50 % à partir de la reprise des mesures professionnelles qui seraient mises en places par l’OAI, puis devrait être réévaluée.

Durant le séjour de l’assuré, une évaluation de ses capacités professionnelles a également eu lieu. Dans leur rapport du 3 avril 2022, les spécialistes de la CRR ont noté en préambule qu’en matière d’informatique, ses connaissances leur paraissaient basiques, même pour des recherches sur internet. Il avait évoqué la réinsertion dans le domaine du dessin technique que l’OAI lui avait suggérée. Il n'entrevoyait aucun autre champ professionnel, en partie par manque de connaissances. Cette piste avait dès lors été testée aux ateliers. Les évaluations démontraient des lacunes dans l'utilisation des outils informatiques, de la difficulté en lien avec la vision spatiale et dans la maîtrise des notions mathématiques même de base, ce qui pourrait le pénaliser dans ce domaine. L’assuré avait dû dessiner des plans de pièces simples sur le logiciel AutoCad. Sa vitesse d’exécution était très lente. Il comprenait les consignes simples, lorsque celles-ci étaient détaillées et transmises lentement. Il lui manquait de sérieuses notions d'informatique de base (utilisation de la souris, du clavier, des actions d'impression et d'enregistrement de documents), des connaissances techniques du bâtiment (notions de maçonnerie, vocabulaire spécifique du domaine du chantier), et des connaissances même simples et élémentaires du logiciel de dessin assisté. D'autres domaines avaient dès lors été explorés, et les professions suivantes étaient envisagées au terme de la mesure : magasinier-cariste, ouvrier en électronique, employé de production, employé en conditionnement, ouvrier en montage et en assemblage léger.

f. À la suite d’un entretien avec l’assuré en date du 24 juin 2020, l’OAI a retenu qu’une formation de dessin technique était compatible avec son état de santé et lui permettrait d'envisager « une plus grande appréciation de ses capacités au terme du reclassement ».

g. L’école ASIMCO (architecture, simulation informatique, assistance à la construction) a adressé une proposition de formation à l’OAI le 8 juillet 2020. Elle a noté que l’assuré avait une bonne connaissance des aspects techniques de sa profession, mais n’avait pas un niveau suffisant sur les logiciels de dessin automatisé des installations techniques (BIM & MEP). L’école avait relevé lors du bilan des lacunes sur des aspects liés à la gestion de projet. Plusieurs pistes s'ouvraient : technicien-dessinateur BIM-MEP en bureau technique du bâtiment ou métreur-chiffreur BIM en entreprise des bâtiments et travaux publics. Pour aboutir à un profil adapté aux exigences, il était nécessaire que la maîtrise du dessin assisté par ordinateur soit renforcée significativement et que la maîtrise des outils spécifiques au dessin d'installations techniques et de gestion des relevés soit acquise. L’école proposait d’inscrire l’assuré aux formations Revit-BIM niveaux 1 et 2, et Revit-MEP niveau 1, pour devenir dessinateur-modeleur BIM & MEP. Le cours « Métreur BIM », destiné aux architectes, ingénieurs, techniciens du bâtiment et toute personne appelée à établir des devis et soumissions et à gérer le contrôle des coûts et d'exécution du chantier lui permettrait d'acquérir, par le biais d'exercices pratiques, la maîtrise de la gestion administrative d’un bureau d'architectes ou d'ingénieurs, de la conception du projet au suivi de l'exécution des travaux. Enfin, un stage en entreprise de deux mois au moins semblait le meilleur moyen pour que cet assuré puisse mettre en œuvre ses nouvelles connaissances. Le cursus proposé permettrait à l'assuré d'obtenir les certificats des modules « REVIT BIM & MEP » et « Planification-Gestion-Projets-Soumissions », le certificat de formation continue avec mention de la spécialisation « Métreur-BIM » et « Dessinateur-modeleur BIM & MEP » et une attestation de stage d'un bureau d'architectes ou technique reconnu.

h. L’OAI a octroyé à l’assuré un reclassement professionnel du 24 août 2020 au 31 décembre 2021 en tant que dessinateur BIM-MEP et métreur BIM, qu’il a par la suite prolongé jusqu’au 30 avril 2022.

i. Selon une évaluation de l’ASIMCO du 16 février 2021, l’acquisition des compétences et l’autonomie étaient insuffisantes. L’assuré avançait très lentement et il avait pris beaucoup de retard dans la formation.

j. Selon un courriel de l’ASIMCO du 22 mars 2022, l’enseignant responsable de l’assuré indiquait que celui-ci avançait convenablement sans trop de difficultés. L’école cherchait une place de stage.

L’ASIMCO a délivré les attestations suivantes à l’assuré :

-          attestation de suivi du cours d’Autocad Niveau 1 Conception et modélisation 2D et 3D (96 heures) du 18 décembre 2020 

-          attestation de suivi du cours de Revit Niveau 2 Autodesk Revit Architecture BIM (160 heures) du 20 mai 2021 

-          attestation de suivi du cours de métrage BIM / 4D / 5D (160 heures) du 23 juillet 2021

-          attestation de suivi du cours de planification, gestion et soumissions (96 heures) du 1er novembre 2021

-          attestation de suivi du cours de Revit BIM Structure (96 heures) du 29 avril 2022.

k. Dans un rapport du 31 mai 2022, l’OAI a noté que les mesures de reclassement étaient terminées, tout en relevant que l’ASIMCO n’avait pas trouvé de place de stage. L’assuré avait acquis les connaissances nécessaires pour trouver un emploi. Il a procédé au calcul du degré d'invalidité.

Sans invalidité, l’assuré aurait perçu un salaire de CHF 70'720.- en 2018 selon son employeur, soit CHF 71'909.- une fois indexé. S’agissant du revenu avec invalidité, l’OAI s’est fondé sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) de 2018, Lignes 69-75 (activités techniques), niveau de compétence 2. Il a précisé s’être référé au niveau 2 en raison de certaines difficultés de l’assuré, bien que la formation suivie permette d'envisage un niveau de compétence élevé. Cela correspondait à un revenu annuel de CHF 79'578.-, soit CHF 39'789.- à 50 % une fois indexé à 2021 et adapté à la durée normale de travail de 41.6 heures dans ce domaine. Le taux d'invalidité était de 45 %.

l. Le 14 juin 2022, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision refusant d’autres mesures professionnelles et octroyant une rente d’invalidité basée sur un degré d'invalidité de 100 % depuis le 1er octobre 2019, et un quart de rente basé sur un degré d'invalidité de 45 % dès le 1er juin 2020, sous réserve des indemnités journalières perçues.

m. L’assuré ayant requis une mesure d’aide au placement, l’OAI a indiqué suspendre la procédure de décision sur le droit à la rente le 12 août 2022. Il a mis en œuvre une mesure de coaching confiée à un spécialiste de la réinsertion, puis une mesure de soutien lors de la recherche d’un emploi adapté du 1er au 30 novembre 2022 auprès des Établissements publics pour l’intégration (ÉPI). Il a versé des indemnités journalières jusqu’à cette date.

n. Dans leur rapport du 12 janvier 2023, les ÉPI ont retenu que l’assuré ne disposait pas des prérequis dans l'activité de métreur/dessinateur BIM, soit la pratique bureautique, les connaissances du métrage et des soumissions. Son implication dans sa réinsertion et sa capacité à mettre en avant sa motivation n'étaient pas suffisantes pour décrocher une place de stage, au-delà du défaut de prérequis. Les exigences minimales des entreprises, même pour un stagiaire, semblaient bien plus élevées que celles attestées par les certificats de l’assuré. Soixante-cinq entreprises avaient été démarchées. Une réponse positive avait été reçue mais était conditionnée à une formation spécifique sur un logiciel que l’assuré n’avait pas. Les ÉPI avaient réussi à organiser un entretien avec une entreprise, dont le responsable avait cependant indiqué que le niveau de connaissances de l’assuré était plus bas que les exigences générales du métier de métreur et de dessinateur.

o. Le 17 janvier 2023, l’assuré s’est déterminé sur le projet de décision de rente. Il a contesté le taux d'invalidité de 45 %. Il a également contesté le revenu d’invalidité, retenant que le salaire statistique d'une personne présentant un niveau de compétence 1 dans une activité de services administratifs, comprenant la profession de dessinateur en bâtiment, s’élevait à CHF 27'474.- par an pour un taux de 50 %. De plus, un abattement de 15 % devait être appliqué au vu de son âge, de son manque d’expérience et de son handicap majeur, lequel réduisait considérablement ses chances de trouver un emploi, ce qui abaissait le salaire d'invalide à CHF 23'353.-. La perte de gain était dès lors de 68 %, ce qui donnait droit à trois quarts de rente.

p. Le 14 février 2023, l’OAI a rendu trois décisions, la première allouant à l’assuré une rente entière du 1er octobre 2019 au 31 mai 2020, assortie de deux rentes complémentaires pour enfant, la deuxième lui octroyant un quart de rente du 1er juin au 30 novembre 2020, assorti de deux rentes complémentaires pour enfants, et la troisième prévoyant le versement d’un quart de rente dès décembre 2022, assorti d’une rente pour son fils cadet.

Le droit au quart de rente dès le 1er juin 2020 était basé sur un degré d'invalidité de 45 %, sous réserve des indemnités journalières perçues. L’OAI a retenu que d’autres mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires.

B. a. Par écriture unique du 20 mars 2023, l’assuré a interjeté recours contre les trois décisions de l’OAI. Il a conclu, sous suite de dépens, à leur annulation ; ceci fait, à ce qu’il soit dit et constaté qu’il présentait un taux d'invalidité de 61 % dès le 1er juin 2020 et avait droit à trois quarts de rente dès cette date ; à ce qu’il soit dit que sa fille majeure, B______, avait droit à une rente pour enfant à compter du 10 septembre 2020 ; et subsidiairement au renvoi à l’intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il a souligné que malgré sa motivation, il n’était pas parvenu à trouver un stage. Il ne contestait ni la capacité résiduelle de travail de 50 % retenue, ni le salaire sans invalidité de CHF 71'909.- S’agissant du revenu avec invalidité, il a reproché à l’OAI de s’être référé à l’ESS de 2018 plutôt que de 2020. En raison de ses limitations physiques, il ne pourrait plus exercer dans le secteur de la production, et il convenait de déterminer son salaire avec invalidité sur la base des statistiques du secteur 3 relatif aux services. Il n’était cependant pas cantonné au seul exercice de l'activité dans laquelle il avait été reclassé, d'autant plus qu’il n’avait aucune expérience dans ce domaine et ne paraissait pas suffisamment qualifié pour y exercer au vu des conclusions des ÉPI. Le revenu avec invalidité devait être ainsi fondé sur la base de la ligne Total pour le secteur 3, niveau de compétence 2. Ce revenu était de CHF 5'478.-. Les hommes exerçant une activité à temps partiel percevaient statistiquement un revenu de 4 % inférieur à celui réalisé dans un emploi à temps plein. Son manque d’expérience et ses limitations fonctionnelles justifiaient un abattement supplémentaire de 15 %. Le revenu d’invalide était ainsi à plein temps de CHF 4'438.- et de CHF 4'615.- après adaptation à la durée normale de travail, et de CHF 2'307.- compte tenu de la capacité de travail de 50 %. Aussi, son taux d'invalidité était de 61 %, et il avait droit à trois quarts de rente dès le 1er juin 2020. Il avait en outre droit à une rente pour ses enfants. Sa fille, bien que majeure, poursuivait ses études et était âgée de moins de 25 ans.

La chambre de céans a enregistré les recours contre les décisions de l’intimé sous les numéros de cause A/1035/2023, A/1036/2023 et A/1038/2023.

b. Par décision du 3 avril 2023, la Vice-présidente du Tribunal civil a rejeté la requête d’assistance juridique du recourant.

c. Par écriture du 30 mars 2023, le recourant a requis l'interpellation du centre de formation professionnelle technique, afin que l'attestation de formation de sa fille aînée soit versée à la procédure.

d. Par écritures du 18 avril 2023, l’intimé a conclu à l’irrecevabilité des recours, les décisions ayant été envoyées par pli simple et reçues le 16 février 2023. Les mémoires de recours, reçus par la chambre de céans le 22 mars 2023, étaient tardifs. Elle a pour le surplus requis la jonction des causes.

e. Le recourant s’est déterminé sur la recevabilité des recours le 4 mai 2023. Ceux-ci avaient été remis à un bureau de poste le 20 mars 2023, comme l’attestait le relevé Track and trace qu’il a produit.

f. À réception de cette écriture, l’intimé a confirmé ses conclusions quant à l’irrecevabilité du recours, affirmant ne pas être en mesure de « confirmer la notification des recours au 20 mars 2023 », en s’étonnant qu’« aucune indication du timbre postal » ne soit mentionnée sur les recours.

g. Par ordonnance du 7 juin 2023, la chambre de céans a joint les procédures A/1036/2023 et A/1038/2023 à la cause A/1035/2023 sous ce dernier numéro.

h. Dans sa réponse du 19 juillet 2023, l’intimé a affirmé que le niveau 2 de compétence retenu correspondait aux connaissances acquises par le recourant dans le cadre de sa formation chez ASIMCO. Les limitations fonctionnelles avaient déjà été prises en compte dans la capacité de travail et ne pouvaient s'appliquer en plus dans le cadre de la réduction. De plus, tout nouveau travail allait de pair avec une période d'apprentissage, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d’admettre un abattement à ce titre. Pour le surplus, l’intimé s’est rallié à la détermination de la Caisse genevoise de compensation (ci-après : la caisse) du 18 juillet 2023, qu’il a produite.

Dans cette écriture, la caisse a noté que la rente de la fille du recourant avait été versée jusqu’au 30 novembre 2020. Le Tribunal de première instance, par ordonnance du 29 novembre 2022, après avoir constaté que le recourant et son épouse vivaient séparés, avait confié la garde de leur fils cadet à sa mère. Celle-ci avait revendiqué le versement en ses mains des rentes complémentaires à la rente du recourant pour ses enfants, comme le prévoyaient les dispositions réglementaires. La caisse avait ainsi par deux décisions du 23 mai 2023 ordonné le versement des rentes complémentaires pour les enfants du recourant en mains de leur mère à compter du mois de décembre 2022 pour leur fille, et du mois de mai 2023 pour leur fils. La conclusion du recourant concernant la rente de sa fille était sans objet. Le recourant n’ayant jamais informé la caisse qu'il était séparé de son épouse et que les enfants vivaient avec celle-ci depuis septembre 2021, elle l'invitait à lui faire parvenir les preuves de ses contributions à l'entretien de ses enfants de septembre 2021 à novembre 2022 pour leur fille, et jusqu'à avril 2023 pour leur fils. La caisse statuerait ensuite par décision séparée sur la question de savoir si les rentes des enfants pour cette période revenaient au recourant ou devaient être versées en mains de leur mère.

La caisse a produit les pièces fondant sa position.

i. Dans sa réplique du 17 août 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a pris acte de la réponse de la caisse et de l’octroi d’une rente à sa fille majeure, de sorte que sa conclusion à cet égard était sans objet. Il a répété qu’il n’était pas en mesure de trouver un poste dans le secteur retenu par l’intimé pour fixer le revenu d’invalide et a répété qu’un abattement de 19 % devait être appliqué à celui-ci.

j. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimé le 18 août 2023.

k. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

 

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             S’agissant de la recevabilité des recours, les décisions attaquées ont été reçues le 16 février 2023. Le délai de recours de 30 jours a ainsi commencé à courir le 17 février, conformément à l’art. 38 al. 1 LPGA, applicable par renvoi de l’art. 60 al. 2 LPGA. Il a échu le samedi 18 mars 2023, de sorte qu’il a été reporté au premier jour ouvrable suivant en vertu de l’art. 38 al. 3 LPGA, soit le lundi 20 mars 2023.

Le recourant ayant produit le récépissé de dépôt de son envoi auprès de la Poste à cette date (cf. art. 39 al. 1 LPGA), les recours ne sont pas tardifs.

Cependant, s’agissant du recours dirigé contre la décision allouant une rente entière d’invalidité assortie de rentes complémentaires pour enfant du 1er octobre 2019 au 31 mai 2020, sa recevabilité est douteuse. En effet, la qualité pour recourir – qui est une condition de recevabilité du recours (Jean METRAL in Commentaire romand LPGA, nn. 1 et 11 ad art. 59) – suppose conformément à l’art. 59 LPGA que le recourant ait un intérêt digne d'être protégé à ce que la décision soit annulée ou modifiée. L'intérêt digne de protection consiste en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant ou, en d'autres termes, dans le fait d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. L'intérêt doit être direct et concret (ATF 130 V 196 consid. 3). Dans la mesure où la décision portant sur la période d’octobre 2019 à mai 2020 alloue au recourant les prestations maximales prévues par la loi, celui-ci ne contestant du reste que la détermination de son taux d’invalidité dès le 1er juin 2020, le recours contre cette première décision est irrecevable faute d’intérêt à son admission.

Les recours contre les deux autres décisions du 14 février 2023 sont en revanche recevables.

4.             Le litige porte sur le degré d’invalidité du recourant dès le 1er juin 2020.

Le droit à la rente complémentaire pour la fille aînée du recourant n’est plus litigieux.

S’agissant des modalités du versement de la rente – notamment le point de savoir si les rentes complémentaires destinées aux enfants doivent être versées au recourant ou en mains de la mère des enfants –, on rappellera que le versement des rentes fait partie des attributions des caisses de compensation selon l’art. 60 al. 1 let. c LAI, et que la Caisse a en l’espèce annoncé qu’elle rendrait une décision à ce sujet ultérieurement. Ce point ne fait ainsi pas non plus partie du litige.            

5.             Il convient en préambule de rappeler ce qui suit au sujet du droit applicable.

5.1 En vertu de l’art. 28 LAI dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (let. c) (al. 1). L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins (al. 2).

L’art. 29 LAI dispose que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (al. 1). Le droit ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22 (al. 2).

Conformément au principe selon lequel la réadaptation prime la rente, ancré à l’art. 28 al. 1 let. a LAI, le droit à la rente ne peut en principe naître que lorsque toutes les possibilités de réadaptation, dont les mesures de réinsertion, ont été épuisées. Le fait que les mesures de réadaptation n’aient été que partiellement, voire pas du tout efficaces, est sans incidence sur cet état de fait. Néanmoins, avant ce moment, un droit (temporaire) à la rente peut exceptionnellement naître si l’assuré n’était pas ou pas encore apte à la réadaptation (ATF 148 V 397 consid. 6.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_380/2021 du 31 janvier 2022 consid. 5.1).

5.2 La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans ce cadre, le système des quarts de rente jusque-là applicable a été remplacé par un système linéaire de rentes (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [Développement continu de l'assurance-invalidité], FF 2017 2442). L’art. 28b LAI, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, dispose que la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69 %, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70 %, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). La lettre b des dispositions transitoires relatives à cette modification prévoit notamment que pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de ladite modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à cette date, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (al. 1). La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA si l’application de l’art. 28b de la loi se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction (al. 2). Le Message précise que la quotité de la rente est calculée conformément au nouveau système si son taux d’invalidité a subi une modification d’au moins 5 points de pourcentage (FF 2017 2504). On rappellera ici que l’art. 17 LPGA régissant la révision du droit à la rente en cas de modification du taux d’invalidité s’applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.3.1).

5.3 Selon la jurisprudence, lorsque la décision dont est recours a été rendue après le 1er janvier 2022, il y a lieu conformément aux principes de droit intertemporel généralement applicables (cf. sur ce point ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) de déterminer en vertu du droit applicable jusqu’au 31 décembre 2021 si un droit à la rente est né avant cette date. Lorsque le droit à la rente est né après cette date, le nouveau droit est applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2).

5.4 En l’espèce, le droit à la rente est né une année après le début de l’incapacité de travail totale que l’accident a entraînée, soit en octobre 2019, le recourant n’étant à l’expiration de ce délai de carence pas encore apte à la réadaptation.

Partant, l’ancien droit reste applicable, sous réserve d’une modification du degré d’invalidité de cinq points de pourcentage au moins après le 1er janvier 2022 (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2), dont la chambre de céans examinera ci-après si elle est survenue.

6.             L’art. 16 LPGA prévoit que, pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation. Il s'agit là de la méthode dite de comparaison des revenus, qu'il convient d'appliquer aux assurés exerçant une activité lucrative (ATF 128 V 29 consid. 1). Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient en principe de se placer au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 128 V 174 consid. 4a).

6.1 Le revenu sans invalidité se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce que l’intéressé aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant s’il était en bonne santé (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à sa santé, en tenant compte de l’évolution des salaires. En effet, selon l’expérience générale, la dernière activité aurait été poursuivie sans atteinte à la santé. Les exceptions à ce principe doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2).

6.2 Pour déterminer le revenu d'invalide de l'assuré, il faut en l'absence d'un revenu effectivement réalisé se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b). Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’intéressé. Ainsi, lorsque la personne assurée a suivi avec succès des mesures de réadaptation dans une nouvelle profession, le revenu d’invalide doit en principe être déterminé selon le salaire conforme aux usages professionnels dans ce métier (Margit MOSER-SZELESS in Commentaire romand LPGA, n. 30 ad art. 16 LPGA). Lorsque le salaire d’invalide est fondé sur les statistiques, il convient généralement d’appliquer les données les plus récentes disponibles (ATF 143 V 295 consid. 2.3 et 4.1.3). Depuis la 10ème édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle. Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques ou manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs, les cadres de direction et les gérants, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement de données et les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt du Tribunal fédéral 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 2.3 et les références). Le revenu tiré d'activités simples et répétitives (niveau 4 jusqu'à l'ESS 2010 et niveau 1 dès l'ESS 2012) est une valeur statistique qui s'applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1). La notion de marché équilibré du travail est une notion théorique et abstraite qui sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l'assurance-chômage et ceux qui relèvent de l'assurance-invalidité. Elle implique, d'une part, un certain équilibre entre l'offre et la demande de main d'œuvre et, d'autre part, un marché du travail structuré de telle sorte qu'il offre un éventail d'emplois diversifiés, tant au regard des exigences professionnelles et intellectuelles qu'au niveau des sollicitations physiques. Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question de savoir si un assuré peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail sur un marché où les places de travail disponibles correspondent à l'offre de main d'œuvre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2018 du 5 octobre 2018 consid. 6.2 et les références).

6.3 Il y a lieu de procéder à une réduction des salaires statistiques lorsqu'il résulte de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité ou catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation) que le revenu que pourrait réaliser l'assuré en mettant en valeur sa capacité résiduelle de travail est inférieur à la moyenne. Un abattement global maximal de 25 % permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b). L'abattement ne peut résulter de déductions distinctes pour des facteurs séparés à prendre en considération. Une telle fragmentation n'est pas compatible avec une évaluation globale des effets des empêchements sur le revenu d'invalide qui suppose un examen des facteurs considérés dans leur ensemble et non pas une addition schématique de pourcentages (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.2). Il n'est pas justifié de quantifier séparément chacun des facteurs de réduction entrant en ligne de compte et de les additionner, car on perdrait ainsi de vue les effets réciproques (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb).

6.3.1 Savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières liées au handicap de la personne ou d'autres facteurs est une question de droit. L'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue en revanche une question relevant du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2016 du 28 décembre 2016 consid. 5.2). Il y a excès ou abus du pouvoir d’appréciation si l'autorité cantonale a retenu des critères inappropriés, n'a pas tenu compte de circonstances pertinentes, n'a pas procédé à un examen complet des circonstances pertinentes ou n'a pas usé de critères objectifs (ATF 130 III 176 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

6.3.2 Les tribunaux cantonaux des assurances au sens de l'art. 57 LPGA, qui constituent l'autorité de recours ordinaire dans la très grande majorité des cas relevant des assurances sociales, doivent disposer d'un pouvoir d'examen identique à celui du Tribunal administratif fédéral, et ce notamment au regard du principe constitutionnel de l'égalité de traitement de tous les assurés. Cela s'impose d'autant plus que le domaine des assurances sociales comprend de nombreuses situations – dont l’abattement sur le revenu d'invalide en matière d'assurance-invalidité constitue un exemple flagrant – dans lesquelles l'administration dispose d'une marge d'appréciation importante, dont l'application doit pouvoir être contrôlée par l'autorité de recours de première instance (ATF 137 V 71 consid. 5.2). Contrairement au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, celui de l'autorité judiciaire de première instance n'est ainsi pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (Angemessenheitskontrolle). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité a adoptée dans un cas concret dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. À cet égard, le juge des assurances sociales ne peut sans motif pertinent substituer sa propre appréciation à celle de l'administration. Il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_690/2016 du 27 avril 2017 consid. 3.2 et 9C_855/2014 du 7 août 2015 consid. 4.2 et 4.3).

7.             En l’espèce, la chambre de céans retient ce qui suit.

7.1 Il n’y a pas lieu de revenir sur l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès octobre 2019, comme on l’a vu.

En ce qui concerne la période courant dès juin 2022, les médecins de la CRR ont admis une capacité de travail à 50 % dès mars 2022, ce que les parties ne contestent pas.

C’est à juste titre que l’intimé a tenu compte de cette amélioration dès juin 2020, soit trois mois plus tard. En effet, aux termes de l’art. 88a al. 1 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201), si la capacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré s’améliore ou que son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’atténue, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

On ne saurait toutefois se rallier au degré d’invalidité retenu dès cette date par l’intimé.

7.1.1 Au sujet du revenu sans invalidité, même si le recourant ne le conteste pas, on note que l’intimé s’est fondé sur un salaire de CHF 70'720.- en 2018, ce qui actualisé à 2021 représente CHF 71'909.-. En premier lieu, on comprend difficilement pourquoi l’intimé se réfère à un revenu indexé à 2021 pour le droit à la rente dès juin 2020. De plus, selon les informations communiquées par l’employeur à l’assureur-accidents le 12 février 2020, le salaire sans invalidité en 2020 se serait élevé à CHF 5'600.- par mois, plus CHF 466.65 correspondant à la part du 13ème salaire, ce qui représente au total CHF 72'799.80. Il convient de retenir ces chiffres, plus récents, plutôt que ceux indiqués dans le rapport de l’employeur adressé à l’OAI le 26 mars 2019.

7.1.2 Quant au revenu d’invalide, l’intimé l’a fixé en référence au revenu statistique tiré d’une activité de niveau 2 exercée dans le dessin technique correspondant aux lignes 69-75 de l’ESS 2018. Or, en juin 2020, les mesures de reclassement n’avaient pas encore eu lieu, de sorte qu’il est indubitablement erroné de tenir compte d’aptitudes professionnelles que le recourant n’avait pas acquises. Celui-ci n’ayant eu aucune formation professionnelle certifiée avant son accident, il convient d’appliquer la valeur statistique correspondant à des activités simples et répétitives, qui selon la jurisprudence recouvre des postes adaptés aux limitations fonctionnelles. L’ESS 2020 ayant été publiée en 2022, soit avant que l’intimé ne statue, c’est à cette version qu’il faut se référer. Elle révèle un revenu mensuel de CHF 5'261.- par mois pour un homme (TA1_skill_level, Ligne Total, niveau 1), soit CHF 63'132.- par an, et CHF 65'815.11 une fois adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures. Compte tenu d’une capacité de travail de 50 %, le revenu d’invalide est de CHF 32'907.50.

S’agissant de l’abattement, la position de l’intimé est insoutenable en tant qu’il affirme que les limitations fonctionnelles ont été prises en compte dans la capacité de travail. En effet, les limitations fonctionnelles décrites par les médecins de la CRR, dont la pertinence n’est pas contestée, ne se limitent pas à la réduction de la capacité de travail mais ont des répercussions dans la mise en valeur de la capacité résiduelle de travail. Or, selon la jurisprudence, il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d'une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels ; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 5.3). En outre, le travail à temps partiel peut, selon les statistiques, être synonyme d'une perte de salaire pour les travailleurs de sexe masculin (arrêt du Tribunal fédéral 9C_18/2022 du 9 novembre 2022 consid. 3.2 et les références). Par ailleurs, l’intimé ne s’est absolument pas prononcé sur les autres critères, fût-ce pour les écarter. On relèvera cependant à ce sujet que le manque d'expérience d'un assuré dans une nouvelle profession ne constitue pas un facteur susceptible de jouer un rôle significatif sur ses perspectives salariales, lorsque les activités adaptées envisagées simples et répétitives, de niveau de compétence 1, ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_131/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2). S'agissant du critère des années de service, son incidence est moins élevée lorsque le profil d'exigences est bas. Ce paramètre n'est pas pertinent s'agissant des activités de niveau 1 de l'ESS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_874/2014 du 2 septembre 2015 consid. 3.3.2 et les références). Quant à l’âge, la jurisprudence retient que les emplois non qualifiés (qui correspondent à ceux du niveau de compétence 1) sont, en règle générale, disponibles indépendamment de l'âge d’un assuré sur un marché du travail équilibré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_559/2022 du 21 mars 2023 consid. 4.2.3).

En ne procédant pas à un examen complet des circonstances et en ne tenant pas compte des critères pertinents, l’intimé a commis un abus de son pouvoir d’appréciation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 6.2.2), si bien que la chambre de céans est fondée à apprécier l’abattement elle-même. Au vu des limitations fonctionnelles importantes et du travail à temps partiel, il se justifie d’appliquer une réduction de 15 % au revenu d’invalide, ce qui le réduit à CHF 27'971.40.

7.1.3 La comparaison des revenus avant et après invalidité aboutit à un degré d’invalidité de 61.58 %, ce qui ouvre le droit à trois quarts de rente dès le 1er juin 2020.

7.2 L’intimé ayant mis un terme aux mesures d’ordre professionnel au 30 novembre 2022, il y a lieu de vérifier le degré d’invalidité dès le 1er décembre 2022.

En préambule, il faut souligner que le droit aux mesures de réadaptation – dont fait partie le reclassement octroyé par l’intimé – est subordonné notamment au caractère approprié de ces mesures pour atteindre le but de la réadaptation visé (ATF 139 V 399 consid. 5.4). En l’espèce, l’intimé ne s’est guère prononcé sur ce point. En effet, on trouve uniquement au dossier deux notes d’entretiens téléphoniques de la SUVA avec l’intimé des 29 août et 28 octobre 2019, selon lesquelles celui-ci avait rencontré le recourant et lui avait proposé de voir un institut en vue d’une orientation technique comme le dessin industriel, au vu de ses limitations dans les déplacements, et relatant que le recourant avait rencontré le responsable de l’école et était motivé par la formation. L’intimé ne semble pas avoir procédé à une analyse, même succincte, du point de savoir si une formation technique de cet ordre était adaptée aux compétences, aux capacités et aux acquis du recourant, dont l’anamnèse professionnelle ne laisse pourtant pas supposer de connaissances informatiques notamment. De plus, l’évaluation approfondie des capacités du recourant par la CRR a écarté la piste de la réinsertion dans le domaine du dessin technique, notamment au vu de ses très faibles notions en informatique, pour proposer d’autres orientations mieux adaptées à ses aptitudes. Nonobstant cette évaluation détaillée et convaincante, l’intimé a mis en œuvre le reclassement, et il appert que le recourant a rencontré des difficultés dans cette formation. On note d’une part que les attestations de suivi de formation figurant au dossier ne correspondent pas à celles énumérées dans le projet de reclassement établi par l’ASIMCO le 8 juillet 2020. Au vu des pièces, il semble en particulier que le recourant ne dispose pas des certificats des modules « REVIT BIM & MEP » et « Planification – Gestion – Projets – Soumissions » faisant pourtant partie du plan de formation. De plus, cette formation devait selon la proposition de l’ASIMCO inclure un stage. Or, le recourant n’est pas parvenu à décrocher un tel stage, malgré l’appui d’un coach puis des ÉPI, et les entreprises démarchées dans ce cadre ont souligné l’insuffisance de ses aptitudes techniques. Au vu de ces éléments, on ne peut que constater l’échec des mesures de réadaptation. En effet, même sur un marché du travail équilibré, on ne peut raisonnablement envisager qu’un employeur engage une personne dont les compétences techniques n’atteignent pas celles qui sont attendues d’un stagiaire et qui ne dispose pas des prérequis pour cette profession tels que décrits par l’ASIMCO dans sa proposition.

Partant, on ne saurait retenir un revenu d’invalide fondé sur un salaire correspondant à un niveau 2 dans une activité de dessin technique puisque le recourant ne dispose pas des compétences et qualifications nécessaires pour exercer une telle profession. Le revenu après invalidité dès décembre 2022 doit dès lors continuer à être fixé en référence à celui réalisable dans des activités simples et répétitives (Ligne Total, niveau 1 de l’ESS).

Le degré d’invalidité du recourant ne subit ainsi pas de changement après le 30 novembre 2022, mais reste de 61.58 %, de sorte que celui-ci conserve un droit à trois quarts de rente après cette date.

8.             Le recours est admis.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d’octroi de prestations de l’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), l’intimé supporte l’émolument de CHF 200.-.

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours contre la décision octroyant une rente d’invalidité du 1er octobre 2019 au 31 mai 2020 irrecevable.

2.        Déclare le recours contre les autres décisions de l’intimé du 14 février 2023 recevables.

Au fond :

3.        Admet les recours portant sur le droit aux prestations dès le 1er juin 2020.

4.        Annule les décisions de l’intimé relatives au degré d’invalidité dès cette date.

5.        Dit que le recourant a droit à trois quarts de rente dès le 1er juin 2020.

6.        Condamne l’intimé à verser au recourant une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le