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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1954/2022

ATAS/1010/2023 du 18.12.2023 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1954/2022 ATAS/1010/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 décembre 2023

Chambre 1

 

En la cause

A______

représenté par Me Martin AHLSTROM, avocat

recourant

 

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant) a été l’administrateur de B______ SA (ci-après : la société) du 8 décembre 2017 au 22 octobre 2020.

b. Monsieur C______ a été l’administrateur président de la société du 8 décembre 2017 au 22 octobre 2020.

c. La société a été dissoute pour suite de faillite le 11 novembre 2021. La faillite a été suspendue faute d’actifs le 9 décembre 2021 et clôturée le 12 janvier 2022. Partant, la société a été radiée d’office le 19 janvier 2022.

B. a. Par décision du 8 avril 2022, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse ou l’intimée) a invité l’intéressé à lui verser sous 30 jours la somme de CHF 41'695.- représentant le dommage consécutif au non payement des cotisations paritaires dues et exigibles lors de sa prise de fonction et celles échues au cours de son mandat, ainsi que les frais et intérêts moratoires y relatifs. Ce montant qui concernait les années 2018 et 2019 n’avait pas pu être récupéré auprès de la société dans le cadre de la procédure de faillite. La caisse précisait que M. C______ était solidairement responsable du dommage avec l’intéressé à hauteur de CHF 29'279.50.

b. L’intéressé s’est opposé à cette décision le 6 mai 2022, par l’intermédiaire de son avocat, estimant ne pas être tenu d’un quelconque dédommagement. Il a indiqué se charger uniquement des travaux sur les chantiers et n’avoir aucune compétence en matière de comptabilité et d’assurances sociales, de sorte qu’il ne pouvait avoir agi ni intentionnellement, ni par négligence grave. C’était M. C______ qui se chargeait de la compatibilité et des décomptes AVS. Par ailleurs, l’intéressé a également expliqué que les déclarations salariales ne correspondaient pas à la réalité, vu que la société n’avait que deux employés. Il suspectait ainsi M. C______ d’avoir déclaré des employés qui n’avaient jamais travaillé dans la société.

c. Le 11 mai 2022, la caisse a rejeté l’opposition et confirmé les termes de sa décision du 8 avril 2022. La qualité d’administrateur inscrit au registre du commerce faisait incontestablement de l’intéressé un organe de la société susceptible d’endosser la responsabilité du dommage encouru par la caisse. Le fait d’invoquer qu’il n’avait jamais participé à la gestion de la société et qu’il n’avait aucune connaissance des obligations découlant des lois en matière d’assurances sociales ne le libérait pas de sa responsabilité, mais démontrait bien plutôt l’existence d’une négligence grave.

C. a. L’intéressé a recouru contre cette décision le 13 juin 2022, concluant à son annulation avec suite de dépens. Il a repris les griefs soulevés dans le cadre de son opposition, soulignant que les déclarations salariales produites pour les années 2018 et 2019 ne correspondaient pas à la réalité, M. C______ ayant déclaré une série d’employés qui n’avaient jamais travaillé pour la société.

b. La caisse a répondu le 12 juillet 2022, concluant au rejet du recours. Elle a rappelé que les contrats conclus entre les différents responsables d’une société ne lui étaient pas opposables. Il était incontestable que le recourant avait joué le rôle « d’homme de paille, de prête nom » qui n’avait à aucun moment rempli ses obligations d’administrateur. Il n’avait pas même pris contact avec la caisse, que ce soit pour prendre des informations sur le paiement des cotisations, ou pour discuter de plans de remboursement afin de surmonter la phase difficile traversée par la société.

c. Le 16 mai 2023, la chambre de céans a requis de l’intimée des explications et pièces complémentaires nécessaires à établir les différents postes du dommage et leur montant précis.

d. Le 27 juin 2023, l’intimée a indiqué, pièces à l’appui :

-          Que M. C______ avait fait l’objet d’une décision du 8 avril 2022 portant sur la réparation d’un dommage à hauteur de CHF 29'279.50, montant dont il était solidairement responsable avec le recourant. La décision était entrée en force.

-          Que la masse salariale 2018 correspondait à celle détaillée dans la facture rectificative du 30 avril 2020 adressée à la société, cette décision modifiait celle du 27 février 2019 pour y intégrer un salaire qui avait été oublié précédemment.

La caisse renonçait pour le surplus – à l’encontre du recourant et pour autant qu’elle obtienne gain de cause sur le reste – à la réparation du dommage consécutif au non-paiement des cotisations découlant de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07), y compris les intérêts moratoires et frais.

e. Le recourant ne s’étant pas déterminé sur ces pièces, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence matérielle pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter d'un recours contre une décision d’indemnisation fondée sur l’art. 52 LAVS.

La société faillie avait son siège à Genève. La chambre de céans est donc également compétente à raison du lieu pour connaître des litiges faisant l’objet de la présente procédure.

1.3 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89l) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAVS contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAVS).

1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA – E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             L'objet du litige porte sur la responsabilité du recourant pour le dommage subi par l'intimée du fait du défaut de paiement des cotisations sociales par la société dont il était l’administrateur durant les années 2018 et 2019.

3.             L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et suivants du règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS - RS 831.101), prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi (ATF 118 V 193 consid. 2a et les références).

4.             L'art. 52 LAVS régissant la responsabilité de l'employeur a été modifié le 1er janvier 2020. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c'est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d'espèce, et la loi sera citée dans son ancienne version.

En vertu de l'art. a52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3).

Le délai de prescription de cinq ans prévu à l'art. a52 LAVS débute au moment où survient le dommage. Le dommage ne naît pas dès l'exigibilité des cotisations (Ueli KIESER, Rechtsprechung zur AHV, 3ème éd., n. 116 ad art. 52), mais dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées pour des motifs juridiques ou des motifs de fait (ATF 126 V 443 consid. 3a).

En effet, le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b et les références).

Ainsi en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement, le dommage subi par la caisse est réputé survenu le jour de la faillite. Le jour de la survenance du dommage marque celui de la naissance de la créance en réparation (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Les délais prévus par l'art. a52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription et non plus de péremption, ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts. Le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2). Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, chaque acte judiciaire des parties suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 du Code des obligations [CO - RS 220). La notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement, tout en ayant à l'esprit la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 4.2). Sont des actes judiciaires les déclarations des parties consignées dans le dossier ou au procès-verbal. Elles doivent être de nature formelle et leur existence doit pouvoir être déterminée sans difficulté (ATF 123 III 213 consid. 6a).

5.              

5.1 Selon la jurisprudence, les personnes qui sont légalement ou formellement organes d'une personne morale entrent en principe toujours en considération en tant que responsables subsidiaires aux conditions de l'art. 52 LAVS. Le Tribunal fédéral a ainsi reconnu la responsabilité non seulement des membres du conseil d'administration, mais également celle de l'organe de révision d'une société anonyme, du directeur d'une société anonyme disposant du droit de signature individuelle, du gérant d'une société à responsabilité limitée ainsi que du président, du directeur financier ou du gérant d'une association sportive (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1086/2009 du 15 juillet 2010 consid. 4.2.1).

Pour que l'organe, formel ou de fait, soit tenu de réparer le dommage causé à la caisse de compensation en raison du non-paiement des cotisations sociales, il faut que les conditions de l'art. 52 al. 1er LAVS soient réalisées, ce qui suppose que l'organe ait violé intentionnellement ou par une négligence grave les devoirs qui lui incombaient et qu'il existe un lien de causalité adéquate entre le manquement qui lui est imputable et le préjudice subi.

5.2  

5.2.1 La négligence grave mentionnée à l'art. 52 al. 1er LAVS est admise très largement par la jurisprudence. Se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui ne respecte pas la diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie. Dans le cas d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention que la société doit accorder, en tant qu'employeur, au respect des prescriptions de droit public sur le paiement des cotisations d'assurances sociales. Les mêmes exigences s'imposent également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (arrêt du Tribunal fédéral 4C_31/2006 du 4 mai 2006 consid. 4.6). La haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion est une attribution intransmissible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO (arrêt du Tribunal fédéral 9C_839/2016 du 4 juillet 2017 consid. 5.2).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1 in SJ 2005 I 272). Il en va de même lorsque, en raison de la répartition interne des fonctions administratives, il incombe en premier lieu à certains administrateurs de veiller au paiement des cotisations (arrêts du Tribunal fédéral 9C_961/2012 du 18 mars 2013 consid. 4.2 et 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.3 et les références, arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 40/05 du 29 novembre 2005 consid. 4). Les autres administrateurs n'en sont pas moins tenus de s'enquérir de la situation et de prendre les mesures nécessaires en cas de retard dans le paiement des cotisations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 262/03 du 14 octobre 2004
consid. 4.2). Le fait que les organes n'aient pas eux-mêmes la compétence de procéder aux versements n'est pas déterminant (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 77/03 du 18 janvier 2005 consid. 6.4).

Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195
consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1 consid. 5b). Tel est le cas d'un homme de paille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2015 du 31 mai 2016 consid. 3.3). Notre Haute Cour a en outre eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises qu'un administrateur ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances H 87/04 du 22 juin 2005 consid. 5.2.2, H 234/00 du 27 avril 2001 consid. 5d et H 225/00 du 13 février 2001 consid. 3c). La jurisprudence s'est également montrée constante lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité d'administrateurs qui allèguent avoir été exclus de la gestion d'une société et qui s'en sont accommodés sans autre forme de procès (arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2015 du 31 mai 2016 consid. 3.3).

Les administrateurs d'une société qui se trouve dans une situation financière désastreuse et qui parent au plus pressé, en réglant les dettes les plus urgentes à l'exception des cotisations sociales, dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable, commettent une négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Pour déterminer s'il y a eu négligence grave, il convient de procéder à l'appréciation de l'ensemble des circonstances du cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_817/2008 du 15 janvier 2009 consid. 3.4). La négligence doit être appréciée d'autant plus sévèrement que la structure de l'entreprise est petite et que le nombre de personnes à surveiller est faible (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 65/01 du 13 mai 2002 consid. 5). Dans une petite entreprise à la structure simple, on exigera d'un administrateur unique qu'il garde une vue d'ensemble sur toutes les affaires essentielles de la société quand bien même certaines prérogatives sont assumées par d'autres personnes. Il ne peut déléguer sa responsabilité d'administrateur unique à des tiers (ATF 112 V 1 consid. 2b).

5.2.2 La survenance d'un dommage ne suffit pas à conclure à une faute qualifiée au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS. Toutefois, la caisse de compensation qui subit un dommage du fait d'une violation des prescriptions peut partir du principe que l'employeur ou ses organes ont transgressé ces prescriptions de manière intentionnelle ou par négligence grave, lorsqu'il n'existe pas d'indication plaidant en faveur de la licéité de leur comportement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_228/2008 du 5 février 2009 consid. 4.2.1). Ainsi, il existe une présomption d'une faute qualifiée de l'employeur ou de ses organes, ce qui implique un devoir de collaborer accru de la personne recherchée sur ce point. L'employeur et ses organes doivent ainsi procéder aux offres de preuve nécessaires pour exclure une intention ou une négligence grave (arrêt du Tribunal fédéral 9C_325/2010 du 10 décembre 2010 consid. 4.1).

5.3 En ce qui concerne la causalité adéquate, la jurisprudence admet en règle générale un tel lien entre l'inaction de l'organe et le non-paiement des cotisations.

Il n'y a pas de lien de causalité lorsque même un comportement conforme au droit n'aurait pas empêché la survenance du dommage (Felix FREY / Hans-Jakob MOSIMANN / Susanne BOLLINGER [éd.], AHVG-IVG, 2018, n. 20 ad art. 52 LAVS ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 77/03 du 18 janvier 2005 consid. 6.5).

Au plan temporel, un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement des cotisations qui sont venues à échéance et qui auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté ses fonctions (ATF 134 V 401 consid. 5.1). Ce n'est ainsi pas la date de la radiation de ses pouvoirs au registre du commerce qui est déterminante, pour autant que la personne concernée n'ait plus été en mesure d'exercer une influence sur la marche des affaires après sa démission et qu'elle n'ait plus perçu de jetons de présence pour sa position d'administrateur (ATF 126 V 61 consid. 4a). Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui n'ont déployé leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration (arrêt du Tribunal fédéral 9C_716/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.3.2 et les références).

S'agissant des cotisations qui auraient dû être payées avant l'entrée en fonction de l'organe recherché, sa responsabilité est admise s'il existe un lien de causalité entre ses agissements et le dommage (Ueli KIESER, Alters- und Hinterlassenen-versicherung in Soziale Sicherheit, SBVR 3ème éd., 2016, p. 1329 n. 451). Ainsi, le nouveau membre du conseil ne répond pas du dommage déjà subi par la caisse de compensation avant son entrée en fonction. Celui qui devient directeur d'une société anonyme déjà insolvable n'est pas responsable d'un dommage qu'il n'a pas contribué à causer (ATF 119 V 401 consid. 4c).

5.4 Le dommage selon l'art. 52 LAVS comprend les cotisations impayées dues selon la LAVS, la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20) (dont l'art. 66 LAI renvoie à l'art. 52 LAVS), la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG - RS 834.1) (dont l'art. 21 al. 2 renvoie à l'art. 52 LAVS), la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA – RS 836.1) (dont l'art. 25 al. 3 renvoie à l'art. 52 LAVS), la loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam - RS 836.2) (dont l'art. 25 let. c renvoie à l'art. 52 LAVS), et la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0) (dont l'art. 6 renvoie à la LAVS).

Le dommage comprend aussi bien la propre cotisation de l'employeur que celle du salarié. La créance en réparation de la caisse englobe également les intérêts moratoires dus en vertu de l'art. 26 al. 1 LPGA en lien avec l'art. 41bis RAVS jusqu'à la délivrance d'un acte de défaut de biens en cas de poursuite par voie de saisie, les contributions aux frais d'administration des caisses de compensation (art. 69 al. 1 LAVS), les frais de sommation (art. 34a al. 2 RAVS) et les frais de poursuite (Mélanie FRETZ, La responsabilité selon l'art. 52 LAVS : une comparaison avec les art. 78 LPGA et 52 LPP, REAS 2009 p. 240).

5.5 Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (OFAS, Directives sur la perception des cotisations - DP, état au 1er janvier 2023, no 8017 ; ATF 121 III 382 consid. 3/bb). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

S'agissant des cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07), par arrêt du 30 janvier 2020, la chambre de céans a jugé qu’il n’existait pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations précitées (ATAS/79/2020).

L’art. 11A LAMat, entré en vigueur le 1er février 2023, prévoit désormais que l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage au fonds cantonal de compensation de l’assurance-maternité ou à la caisse de compensation AVS est tenu de le réparer. L’article 52 LAVS s’applique par analogie.

En cas de changement de règles de droit, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence), étant précisé que le juge n'a pas à prendre en considération les modifications de droit postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 148 V 21 consid. 5.3 et la référence).

Dans la mesure où la décision litigieuse a été rendue avant le 1er février 2023, le droit applicable reste celui qui était en vigueur jusqu'au 31 janvier 2023.

6.              

6.1 En l’espèce, les prétentions de l’intimée ne sont pas prescrites, la caisse ayant adressé au recourant sa décision sur ce point le 8 avril 2022, soit quelques mois après que la société a été dissoute pour suite de faillite, le 11 novembre 2021, puis radiée le 19 janvier 2022.

Le recourant ne conteste pas – à juste titre – avoir été organe formel de la société pendant la période déterminante pour laquelle il est recherché.

6.2 Son argumentation consiste essentiellement à invoquer le fait qu'il n'aurait en pratique pas géré la société. Il parlait peu français et s’occupait uniquement de la gestion sur les chantiers. Le tâches comptables et administratives incombaient ainsi, d’accord entre les deux administrateurs, uniquement à M. C______. Cette répartition se justifiait d’autant plus que ce dernier était l’administrateur président, maîtrisait parfaitement le français ainsi que les ressorts comptables nécessaires au paiement des salaires et au prélèvement des charges sociales.

Or, comme cela ressort de la jurisprudence ci-dessus, le fait de ne pas exercer la surveillance en matière de règlement des cotisations qui lui incombe en qualité d’administrateur relève précisément d'une négligence grave au sens de la loi, engageant sa responsabilité. On notera que dans le cas concret, une surveillance était d'autant plus exigible que la société ne comptait que deux administrateurs durant la période déterminante, chacun avec signature individuelle et avait un faible nombre d'employés. Le recourant ne saurait pas non plus se dédouaner de ses obligations de contrôle et de surveillance en faisant état de sa méconnaissance et de son absence de compétences en comptabilité et assurances sociales. Quant à la répartition interne à la société des tâches administratives, outre qu’elle n’est nullement démontrée, elle est de toute manière sans pertinence dans le cas d’espèce. S'agissant d'un (prétendu) accord auquel l'intimée n'est pas partie, il ne saurait l'engager (res inter alios acta). Le contenu de cette convention, si tant est qu’elle existe, n'aurait ainsi aucun effet libératoire (cf. dans une situation similaire arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 209/00 du 28 avril 2003 consid. 7.2.2). Tout au plus ouvrirait-elle la voie à une possible action civile à l’encontre de son ancien associé.

Dans ces circonstances, qu’elle soit intentionnelle ou par négligence, la faute du recourant ne peut qu’être considérée comme grave. C’est d’autant plus le cas que, comme le relève l’intimée à juste titre, il n’a jamais pris contact avec elle afin de s’enquérir de la situation ou essayer de trouver un arrangement de paiement durant les phases délicates traversées par la société. Une telle passivité est incompatible avec les responsabilité d’un administrateur.

6.3 Dans un second argument, le recourant explique que les déclarations salariales produites ne correspondraient pas à la réalité dans la mesure où M. C______ aurait déclaré une série d’employés qui n’ont jamais travaillé pour la société, laquelle employait uniquement deux salariés. Ce grief qui porte sur l’ampleur du dommage n’est pas argumenté, encore moins documenté. Le recourant, assisté d’un avocat, n’indique pas quelles seraient les personnes figurant nommément dans le décompte de la caisse qui n’auraient jamais travaillé pour la société, ni ne soumet une quelconque réquisition de preuve à cette égard. En outre, ces montants ont fait l’objet de factures régulières adressées à la société (en particulier la facture finale rectificative pour 2018, datée du 30 avril 2020) auxquelles le recourant n’a jamais fait opposition.

Au vu de ces éléments, ce grief doit également être rejeté.

6.4 Pour le surplus, il est établi à satisfaction de droit, au vu notamment des pièces produites par l’intimée que la somme de CHF 41'695.- représente bien le dommage consécutif au non payement des cotisations paritaires dues et exigibles lors de la prise de fonction du recourant et celles échues au cours de son mandat, ainsi que les frais et intérêts moratoires y relatifs. Le recourant ne soulève d’ailleurs aucun grief à cet égard en dehors de celui relatif au nombre d’employés de la société qui vient d’être écarté.

6.5 Cela étant, bien que le recourant n’a pas soulevé ce point, la chambre de céans a attiré l’attention de l’intimée sur le fait que jusqu’au 31 janvier 2023, elle ne disposait pas d’une base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat (cf. ATAS/79/2020). L’intimée en a pris note et a indiqué, dans le cadre de ses dernières observations versées à la procédure, qu’elle renonçait à cette partie du dommage ainsi qu’aux intérêts moratoires et frais y relatifs.

La chambre de céans n’étant pas en mesure de calculer ce poste (essentiellement les frais), elle renvoie la cause à l’intimée pour se prononcer uniquement sur cette question et rendre une nouvelle décision identique à celle du 11 mai 2022, sous réserve du fait que seront déduites du dommage les cotisations LAMat, ainsi que les frais et intérêts y relatifs. Les autres postes du dommage tels qu’établis dans la décision entreprise sont en revanche confirmés par le présent arrêt.

7.             Dans la mesure où le recours n’est que très marginalement admis, qui plus est pour un motif non invoqué par le recourant, il se justifie de lui octroyer des dépens réduits à hauteur de CHF 300.- (art. 61 al. 1 let. d et g LPGA).

8.             Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet très partiellement au sens des considérants.

3.        Renvoie la cause à l’intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

4.        Condamne l’intimée à verser la somme de CHF 300.- au recourant à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le