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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3785/2022

ATAS/969/2023 du 11.12.2023 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3785/2022 ATAS/969/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 11 décembre 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1966, mère de deux enfants majeurs, remariée en 2013 et divorcée en 2019, est titulaire de certificats fédéraux de capacité d’esthéticienne, d’employée de commerce et d'un diplôme de coach-conseil de l’Institut de Relooking International (France).

b. Elle a travaillé depuis 1983 d’abord pour diverses banques genevoises, puis comme esthéticienne et conseillère en image indépendante, secrétaire-comptable, assistante administrative et esthéticienne-formatrice dans une école, gérante salariée d’un institut de beauté, puis dans le domaine du « relooking ».

B. a. Le 16 octobre 2014, elle a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), en y invoquant une atteinte lombaire (L5 sacralisée congénitale).

b. Dans un rapport transmis à l’OAI le 18 novembre 2014, la docteure B______, spécialiste FMH en médecine générale, a retenu le diagnostic incapacitant de lombalgies basses. Elle a relaté que l’assurée présentait une raideur lombaire, des douleurs à la palpation et une compression des apophyses lombaires L4-L5. Celle-ci souffrait de limitations fonctionnelles relatives au port de charges, aux mouvements de flexion antérieurs du tronc, et aux bras de levier en traction lombaire, qui l’empêchaient d’exercer des soins esthétiques complets. Une incapacité de travail de 50% était attestée dès le 1er septembre 2014.

c. La BALOISE, assurance perte de gain, a diligenté une expertise auprès du docteur C______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne générale. Dans son rapport du 25 juin 2015, ce médecin a retenu les diagnostics de lombalgies chroniques avec discopathies étagées prédominant en L4-L5, de lupus érythémateux avec antécédents d’atteinte cutanée et articulaire, sans traitement ni signe clinique. Il a également fait état d’un diagnostic anamnestique d'état dépressif.

Au vu du tableau clinique et radiologique, il estimait la capacité de travail à 0% dans l’activité d’esthéticienne, qui impliquait le maintien de la position debout en semi-flexion antérieure, mais à 50% « dès maintenant » dans l’activité exercée d’enseignement et de coaching en image. On pouvait espérer à terme une augmentation à 100% moyennant une physiothérapie plus active, avec un grand risque toutefois que persistent des plaintes douloureuses sans substrat « très objectif ». Le pronostic était mauvais, vu la discordance entre les plaintes et les lésions radiologiques.

d. Le 22 septembre 2015, la docteure D______, du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a émis l’avis que l’état de santé n’était pas stabilisé mais, qu’en toute hypothèse, on pouvait retenir, dès le 1er septembre 2014, une capacité de travail de 0% dans l’activité d’esthéticienne mais de 50% dans une activité adaptée sans port de charges supérieures à 5 kg, mouvements répétitifs de la colonne lombaire, positions en porte-à-faux ou en semi-flexion antérieure.

e. Le 28 septembre 2015, la Dre B______ a confirmé une capacité de travail nulle comme esthéticienne mais de 50% dans une activité adaptée d’enseignement et de conseils ; l’état de santé était stable depuis fin août 2014. Elle a sollicité une aide financière pour une reconversion professionnelle.

f. Dans un rapport transmis à l’OAI le 28 octobre 2015, le professeur E______, médecin adjoint au département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a fait état d'un trouble dépressif récurrent et d'une addiction comportementale, sans répercussions sur la capacité de travail.

g. Le 30 octobre 2015, le docteur F______, médecin adjoint du service de rhumatologie des HUG, a rendu un rapport d’évaluation multidisciplinaire du dos, confirmant, lui aussi, une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée permettant l’alternance des positions, sans position en porte-à-faux ni port répété de charges. Une ergothérapie et la poursuite du suivi psychiatrique étaient préconisées.

h. Le 21 janvier 2015, la docteure G______, médecin au SMR, a indiqué que c'était depuis le mois de juin 2015 que l'assurée était capable d'exercer une activité à 50%, conformément à l'expertise du Dr C______.

i. L'OAI a fixé le degré d’invalidité, en 2014, à 37,1% sur la base d’un revenu sans invalidité de CHF 58'542.- et d’un revenu d’invalide de CHF 36'830.-, ce dernier étant fondé sur l'Enquête suisse sur la structure des salaires 2012 (ESS), avec un niveau de compétence 3, compte tenu d'un taux d'activité exigible de 50% et d’un abattement de 10%.

j. Par décision du 12 avril 2016, l’OAI a nié tout droit de l’assurée à des prestations. Il a retenu une capacité de travail nulle dans l’activité habituelle d’esthéticienne dès le 1er septembre 2014 mais de 50% dans toute activité adaptée aux limitations dès le 1er juin 2015 ; le degré d’invalidité de 37% était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité. Des mesures d’ordre professionnel ne se justifiaient pas.

k. L’assurée a recouru contre cette décision, en concluant à l’octroi d’au moins un trois quart de rente d’invalidité dès le 1er septembre 2015, subsidiairement à la mise en œuvre d’un reclassement. Elle a signalé qu’une aggravation de sa dépression l’empêchait désormais de travailler. Cette aggravation, apparemment postérieure à la décision querellée, serait prochainement investiguée. Elle a joint un rapport établi le 26 mai 2016 par le Prof. E______ : sa patiente avait investi le peu d’argent dont elle disposait et énormément d’efforts pour se réadapter par elle-même dans une activité d’enseignement spécialisé, laquelle ne lui permettait pas, en l’état, de subvenir à ses besoins essentiels. Sa capacité de gain lui paraissait donc nettement surévaluée. Dans ce contexte, il constatait une détérioration de la thymie de l’assurée, aujourd’hui dépressive, ce qui l’empêchait de travailler. À terme, c’était l’ensemble du projet qui lui paraissait menacé, à supposer qu’il soit viable.

l. Par arrêt du 29 août 2016 (ATAS/683/2016), la chambre de céans a fixé le degré d’invalidité de l’assurée à 47% et dit qu’elle avait, en conséquence, droit à un quart de rente d’invalidité dès le 1er septembre 2015. Elle a retenu un revenu d’invalide fondé sur l’ESS 2012, avec un niveau de compétence 2.

m. Le 1er novembre 2016, l’assurée a déposé une demande de mesures professionnelles et le 3 novembre 2016 l’OAI a indiqué qu’il n’y donnerait pas suite, dès lors que sa précédente demande était toujours « en instruction suite à l’arrêt de la Cour de justice du 29 août 2016 ».

n. Par décision du 6 mars 2017, l’OAI a alloué à l’assurée un quart de rente d’invalidité dès le 1er septembre 2015.

o. Le 20 février 2019, l’assurée a subi une intervention chirurgicale (by-pass gastrique).

p. Dès le 30 novembre 2019, une révision du dossier a été ouverte.

q. Dans le questionnaire pour la révision de la rente du 20 avril 2020, l’assurée a indiqué travailler pour H______ à un taux de 70%.

r. Le 7 mai 2020, le docteur I______, spécialiste FMH en médecine du travail, pneumologie et médecine interne générale, a attesté d’un suivi depuis le 20 juillet 2018 et d’une chirurgie bariatrique en 2019, ainsi que de douleurs dorsales stables.

s. Le 28 mai 2020, le docteur J______, spécialiste en traitement interventionnel de la douleur à la clinique de la douleur, a attesté de douleurs lombaires et d’une dénervation par radiofréquence avec une amélioration importante des douleurs. La capacité de travail restait inchangée.

t. Le 17 décembre 2020, le SMR a constaté que l’amélioration survenue en mai 2019 était insuffisante pour augmenter la capacité de travail et suggéré une révision dans une année.

u. Le 20 février 2021, l’assurée a écrit à l’OAI qu’elle avait été licenciée pour fin février 2021 et que son état de santé s’était aggravé psychologiquement et physiquement depuis février 2020. Elle avait travaillé en dernier lieu comme gérante d’une bijouterie à un taux de 80%, activité qu’elle n’avait assumé que durant deux semaines (cf. note téléphonique de l’OAI du 22 avril 2021).

v. Le 5 mai 2021, le Dr J______ a attesté d’une recrudescence des lombalgies, en crises aigües. Le 6 mai 2021, le Dr I______ a indiqué une perte de 27 kilos et l’absence de restrictions par rapport à sa prise en charge ; le 21 janvier 2021, il avait constaté une aggravation des douleurs dorsales. Le 9 juillet 2021, le Prof. E______, dorénavant médecin chef au département de psychiatrie du centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques. La capacité de travail était de 20% depuis février 2021, en supposant une amélioration de l’humeur. Le 6 janvier 2022, le Prof. E______ a confirmé une capacité de travail de 20%.

w. À la demande de l’OAI, le K______ (ci-après : K______) a rendu une expertise bidisciplinaire (docteurs L______, spécialiste FMH en rhumatologie, et M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie) le 12 août 2022. Ils ont posé les diagnostics de syndrome lombovertébral et discopathie postérieure lombaire L3-L4, L4-L5, L5‑S1. Il n’y avait pas de diagnostic psychiatrique. La capacité de travail était de 50%.

x. Le 29 août 2022, le SMR a retenu, sur la base de l’expertise précitée, une capacité de travail de l’assurée de 50% depuis le 1er juin 2015.

y. Par décision du 18 octobre 2022, l’OAI a maintenu le quart de rente d’invalidité de l’assurée.

C. a. Le 15 novembre 2022, l’assurée a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation, l’expertise du K______ ne tenant pas compte de son état dépressif chronique. Elle a produit un rapport du 14 novembre 2022 du Prof. E______, lequel contestait certains points du rapport du Dr M______.

b. Le 12 décembre 2022, l’OAI a conclu au rejet du recours, en se référant à un avis du SMR du 22 novembre 2022, selon lequel le rapport du Prof. E______ n’apportait pas de nouvel élément médical objectif permettant de modifier son appréciation.

c. Le 13 février 2023, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. La recourante a précisé qu’elle allait prochainement consulter un nouveau psychiatre, le docteur N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

d. Le 14 février 2023, à la demande de la chambre de céans, l’OAI a versé au dossier l’enregistrement de l’expertise du K______ du 12 août 2022.

e. À la demande de la chambre de céans, le Prof. E______ a donné des renseignements complémentaires le 15 mars 2023. Il suivait l’assurée depuis le 2 février 2012. Il a posé les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel modéré à sévère sans symptômes psychotiques (6A71) - (péjoration avec dernier épisode persistant depuis février 2021) ; trouble de la sexualité compulsive (6C72) ; difficulté de la personnalité (QE50.7) ; au plan somatique (voir avec les autres intervenants) ; syndrome lombovertébral (douloureux, invalidant et plus difficile à traiter du fait des conséquences de la chirurgie bariatrique) ; status post chirurgie bariatrique ; lupus. Depuis 2021, l’humeur dépressive était présente sans période de rémission et les capacités d’adaptation étaient fortement réduites. Du 1er février au 31 mars 2021, elle était totalement incapable de travailler, puis incapable de travailler à un taux de 80%, puis totalement incapable de travailler depuis le 1er février 2023. Il était en désaccord avec l’expertise du Dr M______.

f. Le 28 mars 2023, le SMR a confirmé la valeur probante de l’expertise du Dr M______ et l’OAI a, le 4 avril 2023, persisté dans ses précédentes conclusions.

g. Le 4 avril 2023, l’assurée a indiqué qu’elle avait finalement consulté Madame O______, psychologue FSP, ainsi que la docteure P______, spécialiste FMH en anesthésiologie et hypnose médicale, pour des séances d’autohypnose.

h. Le 20 avril 2023, Madame O______ a relevé que les douleurs handicapaient l’assurée de manière quotidienne et que son état psychique se fragilisait, de sorte qu’elle était totalement incapable de travailler.

i. Par ordonnance du 1er juin 2023, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire psychiatrique confiée à la docteure Q______ spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

j. Le 25 septembre 2023, la Dre Q______ a rendu son rapport d’expertise. Elle a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques, depuis fin 2011, début 2012, péjoré depuis février 2021, avec des limitations fonctionnelles de trouble de l’attention, de la concentration, une aboulie, une anhédonie, de l’irritabilité, des ruminations anxiodépressives quasiment constantes avec une tendance à s’isoler, une thymie triste avec beaucoup de pleurs, une perte d’appétit et des troubles du sommeil avec une fatigue le matin. La capacité de travail était nulle dans toute activité.

k. Le 12 octobre 2023, le SMR a contesté le diagnostic de trouble dépressif récurrent sévère ainsi que les limitations sévères dans les activités quotidiennes et relevé que l’examen clinique de l’experte judiciaire montrait une probable aggravation de l’état de santé de l’assurée par rapport à l’examen clinique du Dr M______ ; l’analyse des indicateurs n’avait pas été effectuée. Les conclusions de l’expertise judiciaire ne pouvaient être suivies.

l. Le 20 octobre 2023, l’OAI a conclu à l’absence de valeur probante de l’expertise judiciaire.

m. Le 17 novembre 2023, l’assurée a critiqué le rapport du SMR du 12 octobre 2023, en faisant valoir qu’elle était suivie depuis le 1er mars 2023 par une psychologue et depuis le 24 août 2023 par un psychiatre, qu’elle avait pris un traitement médicamenteux pendant 10 ans après une multitude d’essais et que, depuis son opération de by-pass, elle peinait à trouver un traitement médicamenteux efficace contre la dépression et les douleurs, ce qui avait aggravé son état ; la docteure R______, spécialiste FMH en médecine interne, avait voulu l’hospitaliser mais elle avait refusé ; enfin, le SMR ne pouvait décréter qu’elle devait être à la charge financière de ses enfants, plutôt qu’à celle des assurances sociales.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence). En l’occurrence, le droit à la rente de la recourante est né antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que l’ancien droit reste applicable.

1.3 Le délai de recours est de 30 jours. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 et 56 à 61 LPGA).

2.             Est litigieux le droit de la recourante à une rente d’invalidité supérieure à un quart, singulièrement la question d’une aggravation de son état de santé depuis le 12 avril 2016, date de la dernière décision de l’intimé.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 1er LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c). L’art. 28 al. 2 LAI dispose que l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

3.3 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraine une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.              

4.1 Selon l’art. 17 al. 1 LPGA, toute prestation durable accordée en vertu d’une décision entrée en force est, d’office ou sur demande, augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée si les circonstances dont dépendait son octroi changement notablement.

4.2 Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

4.3 Selon l’art. 88a al. 1 RAI, si la capacité de gain de l’assuré ou sa capacité d’accomplir les travaux habituels se dégrade, ou si son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’aggrave, ce changement est déterminant pour l’accroissement du droit aux prestations dès qu’il a duré trois mois sans interruption notable. L’art. 29bis est toutefois applicable par analogie.

5.              

5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

5.3 L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.  Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.  Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.  Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-     Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.             Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

6.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

6.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

6.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références). 

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.             En l’occurrence, l’intimé s’est fondé sur l’expertise bidisciplinaire du SEM pour rendre sa décision de maintien du quart de rente d’invalidité de la recourante.

Du point de vue rhumatologique, l’expertise du Dr L______ a conclu à des diagnostics de syndrome lombovertébral et discopathie postérieure lombaire L3‑L4, L4-L5, L5-S1 incapacitants à hauteur de 50%. Cette expertise n’est pas contestée par la recourante.

Celle-ci conteste en revanche le volet psychiatrique de l’expertise effectuée par le Dr M______. Compte tenu des avis totalement divergents de l’expert M______ et du psychiatre traitant de la recourante, s’agissant tant des diagnostics posés que des limitations fonctionnelles retenues, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire psychiatrique, en soulignant également que l’expertise du Dr M______ était superficielle, se limitant à retranscrire les réponses de la recourante à une liste de questions, sans réelle analyse des informations récoltées.

8.1 Fondée sur toutes les pièces du dossier, ainsi que deux entretiens avec la recourante, des renseignements demandés au psychiatre et à la psychologue traitants ainsi qu’un dosage sanguin, comprenant une anamnèse complète, la description d’une journée-type, du status clinique et des constatations objectives, posant un diagnostic et des limitations fonctionnelles clairs, avec une analyse des indicateurs jurisprudentiels et comprenant une appréciation convaincante de la capacité de travail de la recourante, le rapport d’expertise de la Dre Q______ répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

L’experte judiciaire conclut à une aggravation de l’état de santé psychique de la recourante depuis février 2021 et à un diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, sans symptômes psychotiques, totalement incapacitant.

8.2 Les critiques émises par l’intimé, à la suite du SMR, à l’encontre du rapport d’expertise judiciaire ne sont pas à même de mettre en doute la valeur probante de celui‑ci.

8.2.1 Le SMR conteste la présence d’un trouble dépressif sévère, au motif que la description ne correspond pas à un tel trouble.

8.2.1.1.    Il relève tout d’abord que la recourante n’a pas modifié son traitement antidépresseur depuis des années et que celui-ci est d’un taux infrathérapeutique.

À cet égard, l’experte judiciaire indique que la recourante a bénéficié, en 2019, d’un by‑pass gastrique, lequel diminue l’absorption des médicaments et nutriments en général, comme le relevait la littérature médicale. Le SMR n’a pas contesté ce fait mais l’a ignoré dans son analyse. Or l’experte judiciaire a déduit du dosage sanguin effectué que la recourante prenait bien son traitement, mais que le dosage était légèrement inférieur aux marges thérapeutiques en raison de la malabsorption. On ne saurait, dans ces conditions, retenir que la recourante prend un traitement médicamenteux à des doses infrathérapeutiques.

S’agissant du choix du traitement médicamenteux, l’experte relève que la recourante a toujours été compliante et souligne qu’elle a bénéficié et bénéficie encore de plusieurs essais et propositions médicamenteuses (de nombreux psychotropes et d’associations entre plusieurs traitements) pour traiter les acutisations de son trouble dépressif récurrent. Les traitements suivis correspondent aux guidelines psychiatriques actuelles pour le traitement du trouble dépressif récurrent. L’experte judiciaire a pris la peine de demander des renseignements complémentaires au psychiatre traitant de la recourante (entre 2012 et début 2023), le Prof. E______, lequel a précisé, le 27 juillet 2023, que la recourante avait pris un traitement de Fluctine ainsi que des antidépresseurs sérotoninergiques, puis de la Pregabaline et du Cymbalta, tous cessés en raison d’effets secondaires indésirables. Le Bupropion était mieux toléré et son dosage était adapté pour contrôler les épisodes dépressifs. La recourante était compliante et n’hésitait pas à réadapter les dosages du traitement, si besoin était. Le Prof. E______ relève que le traitement a permis jusqu’en février 2020 de maintenir une capacité de travail, ce que le SMR semble ignorer. Par ailleurs, il souligne aussi que ce traitement a permis globalement une réduction du nombre, de la fréquence et de la durée des épisodes dépressifs, avec une bonne réponse (rapport du Prof. E______ du 14 novembre 2022). Le SMR semble critiquer le choix du traitement médicamenteux, mais ne se prononce pas sur les explications fournies par le Prof. E______, lesquelles font état d’une importante difficulté à trouver un traitement efficace et toléré par la recourante. À cet égard, celle-ci a encore précisé dans sa dernière écriture qu’elle était en recherche d’un traitement médicamenteux adéquat, en collaboration avec le docteur S______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, son psychiatre depuis août 2023, et que celui-ci, en raison de l’opération de by-pass, lui avait proposé un traitement ne passant pas par son intestin, lequel avait été un échec.

Le SMR n’explique ainsi pas sur quels éléments il se fonde pour affirmer que la recourante n’a pas modifié son traitement antidépresseur depuis des années, ce d’autant que le Prof. E______ mentionne qu’il a introduit, récemment, un essai thérapeutique de Pregabaline et de Cymbalta et que la recourante est en recherche d’un nouveau traitement adéquat avec le Dr S______. Au contraire, l’analyse de l’experte judiciaire démontre que la recourante, compliante, a tenté plusieurs traitements médicamenteux, parfois même en association.

8.2.1.2.    Ensuite, le SMR souligne que le suivi psychiatrique de la recourante est effectué par téléphone depuis plusieurs années et que seul un suivi psychologique est en cours depuis mars 2023.

Sur ce dernier point, le SMR prend en compte, à tort, des faits survenus postérieurement à la décision litigieuse du 18 octobre 2022, la recourante ayant eu un suivi régulier avec le Prof. E______ jusqu’à début 2023. Cela dit, la recourante a expliqué, lors de l’audience de comparution personnelle du 13 février 2023, qu’elle souhaitait, début 2023, changer de psychiatre traitant, qu’elle avait contacté un Dr T______ qui n’avait pas pu l’accepter comme patiente et qu’elle avait un rendez-vous avec le Dr N______ le 23 février 2023 ; le suivi a finalement repris avec une psychologue, Madame O______, en mars 2023, avec le maintien d’une prescription médicamenteuse par la Dre R______, médecin traitante, et un suivi avec un nouveau psychiatre, le Dr S______, était prévu dès août 2023, comme Madame O______ l’a confirmé dans son courriel du 16 août 2023, en particulier pour entamer des démarches inhérentes à la médication. Par courrier du 17 novembre 2023, la recourante a confirmé un suivi psychiatrique débuté en août 2023 avec le Dr S______.

Il apparait ainsi que la recourante, dès la cessation de son suivi avec le Prof. E______, a activement recherché un autre thérapeute, notamment en contactant les Drs T______ et N______ ; elle n’a finalement pu débuter qu’un suivi psychologique en mars 2023, mais dès août 2023, soit seulement quatre mois plus tard, un rendez-vous s’est tenu avec un psychiatre, le Dr S______, notamment pour s’occuper du traitement médicamenteux, étant relevé que celui-ci n’a pas cessé, la Dre R______ ayant repris les prescriptions médicamenteuses dès la cessation du suivi par le Prof. E______. Madame O______ a d’ailleurs souligné que la recourante cherchait désespérément un soutien au moment où elle l’avait reçue, pour la première fois, en mars 2023. Dans ces conditions, on ne saurait, comme le fait le SMR, minimiser le suivi psychiatrique de la recourante ; enfin, un suivi psychiatrique par téléphone n’est mentionné ni par le Prof. E______ ni par Madame O______. Il ressort uniquement de l’expertise du Dr M______ qu’après un suivi de 10 ans auprès du Prof. E______, les consultations avaient lieu « désormais » par téléphone. Le suivi avec le Prof. E______ ayant débuté en février 2012, il faut en conclure que, si ce mode de traitement était confirmé, il n’aurait été pratiqué qu’entre mars 2022 et janvier 2023, ce qui n’est pas déterminant. Au demeurant, il convient de constater que la recourante a été prise en charge régulièrement et, selon l’experte judiciaire, conformément aux guidelines psychiatriques, depuis l’année 2012.

8.2.1.3.    Le SMR relève encore que la recourante n’a pas été hospitalisée en unité psychiatrique et n’a pas d’idées noires ou suicidaires.

L’experte judiciaire a retenu un trouble dépressif récurrent sévère (F33.2), en se fondant sur les critères de la CIM-10. Elle relève que la recourante présente une humeur dépressive, une diminution de l’intérêt et du plaisir et une augmentation de la fatigabilité (ce qui correspond aux trois critères exigés du critère B de F32.0), associées à six autres symptômes, soit une diminution de la concentration et de l’attention, une diminution de la confiance en soi, des idées de culpabilité ou de dévalorisation, une attitude morose et un pessimiste face à l’avenir, une perturbation du sommeil, une diminution de l’appétit (ce qui correspond, à tout le moins, à cinq critères C de F32.0). Un total de huit symptômes, exigés pour un épisode dépressif sévère, est ainsi réalisé. En particulier, le SMR n’explique pas en quoi l’absence d’idées suicidaires aboutirait à exclure le diagnostic de trouble dépressif récurrent sévère, tout comme l’absence d’une hospitalisation en unité psychiatrique. À cet égard, la recourante a indiqué que la Dre R______ lui avait proposé une hospitalisation qu’elle avait refusée ; vu l’absence de pertinence de ce critère dans l’évaluation du diagnostic, il est renoncé à requérir de la Dre R______ une confirmation de ce fait.

8.2.1.4.    Le SMR souligne que les plaintes de la recourante sont très subjectives.

S’agissant des plaintes, on peine à comprendre la critique du SMR, dès lors que, par essence, les plaintes sont subjectives.

À cet égard, la recourante a fait part d’une aggravation de ses douleurs et de la dépression. Elle a décrit des difficultés à suivre la télévision, des discussions, à lire et à garder le fil de ses propos. Ces difficultés ont été objectivées par l’experte judiciaire qui a constaté des troubles de l’attention et de la concentration ; l’assurée pleure beaucoup, avec une thymie triste et dépressive en général, ce que l’experte judiciaire a observé en entretien ; elle mentionne une tendance à s’isoler, de la fatigue, une anhédonie, une perte d’intérêt, une aboulie, une apathie avec un sentiment de désespoir et de découragement liés à ses lombalgies et son incapacité de travail.

Or, la plupart de ces plaintes correspondent aux critères pris en compte dans le cadre de l’évaluation du diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (CIM-10 - F33.2), de sorte que l’on peine à comprendre la remarque du SMR qui semble estimer que les plaintes de la recourante ne sont pas pertinentes.

8.2.1.5.    Le SMR relève encore que les ruminations de la recourante sont plutôt liées à des soucis extra-médicaux (problèmes financiers, absence de travail). À cet égard, le SMR n’explique pas en quoi des ruminations ne pourraient être prises en compte que si elles se rapportent à des soucis médicaux, ce d’autant que la CIM‑10, lorsqu’elle fait des ruminations un critère pertinent - comme c’est le cas pour la dysthymie (F34.1) - précise qu’il s’agit de ruminations sur le passé et non pas en lien avec des soucis médicaux. De surcroit, les ruminations ne sont pas spécifiquement citées par la CIM-10 dans les critères pertinents du trouble dépressif récurrent sévère (F33.2). Au surplus, contrairement à l’avis du SMR, l’experte judiciaire a relevé que la recourante présente des ruminations non seulement à propos de ses problèmes financiers mais aussi de sa situation de santé (expertise judiciaire pp. 7-8). Lorsqu’elle analyse le discours de la recourante, l’experte judiciaire constate que reviennent rapidement des ruminations autour du sentiment d’être victime de sa situation de santé (expertise judiciaire p. 8). Au surplus, l’expertise du Dr M______ relève aussi que la recourante, dans le chapitre des indications faites spontanément, mentionne des douleurs chroniques et des phénomènes algiques, ce qui souligne le fait que la recourante est préoccupée en premier lieu par son état de santé. Dans ces conditions, le SMR ne convainc pas lorsqu’il estime que les ruminations sont plutôt liées à des soucis extra-médicaux et, quoi qu’il en soit, n’explique pas la pertinence de cette constatation, dans le cadre de la contestation du diagnostic posé par l’experte judiciaire.

8.2.1.6.    Le SMR souligne que les limitations des déplacements et des contacts sociaux semblent plutôt liées à des douleurs. À nouveau, on peine à comprendre la pertinence de cette remarque. En toute hypothèse, si la recourante est en effet limitée dans ses déplacements à cause de ses douleurs, aggravées depuis le confinement dû à la pandémie de Covid-19, le lien social de la recourante est clairement limité, comme l’a souligné l’experte judiciaire, en raison des troubles psychiques (perte d’élan vital, difficulté à initier les activités, aboulie générale, thymie basse, trouble de la concentration et de l’attention - expertise judiciaire pp. 10 et 12).

Cette remarque du SMR, alléguée à l’appui de la contestation du diagnostic retenu par l’experte judiciaire, n’est ainsi pas déterminante.

8.2.1.7.    Au demeurant, le diagnostic posé par l’experte judiciaire est motivé et convaincant.

8.2.2 Le SMR relève que la recourante n’est pas sévèrement limitée dans les activités de la vie quotidienne car elle peut faire quelques courses, ses lessives et l’administratif à son rythme, se faire à manger, garder des contacts sociaux quotidiennement et peut se déplacer en voiture.

Cette description ne reflète cependant pas celle faite par l’experte judiciaire, laquelle relève que la recourante passe souvent l’entièreté de ses journées sur son canapé à téléphoner à ses amis, en pleurant et en ruminant sur ses difficultés ; elle ne sort plus son chien ; elle prend des repas froids ; c’est seulement les bons jours lorsque le moral est meilleur qu’elle peut faire une petite lessive ; elle peut faire de petites courses en voiture et suivre un cours de pilates (expertise judiciaire p. 6). La symptomatologie dépressive l’empêche grandement de s’occuper de la gestion du quotidien. La perte d’élan vital, la difficulté à initier les activités, une aboulie générale, une thymie basse et des troubles de l’attention et de la concentration rendent difficiles les activités ménagères, la vie sociale et la gestion de l’administratif et du courrier (expertise judiciaire p. 10). Les tâches ménagères sont, dans l’ensemble, assurées par le fils de la recourante (sols, poussière, aspirateur, ainsi qu’une aide pour les courses - expertise judiciaire p. 12). Les possibilités de gestion au quotidien sont fortement limitées (expertise judiciaire pp. 16 et 19).

Au demeurant, il apparait que la recourante est considérablement limitée dans la gestion de son quotidien. Par ailleurs, même si elle est à même d’assurer quelques tâches ménagères légères (repas froids, courses légères, petite lessive), cette capacité réduite n’est pas contradictoire avec le diagnostic retenu par l’experte judiciaire.

8.2.3 Le SMR estime que l’experte judiciaire ne donne pas d’explication précise sur son désaccord avec les conclusions du Dr M______ et n’explique pas pourquoi celui-ci retient un examen clinique psychiatrique normal.

8.2.3.1.    S’agissant de ce dernier point, l’experte judiciaire a relevé qu’elle n’était pas d’accord avec l’expertise du Dr M______ dès lors que la recourante présentait, au moment de son propre examen clinique, les critères d’un épisode dépressif sévère et que la péjoration de son trouble dépressif récurrent datait de plus de deux ans (expertise judiciaire pp. 19-20), précisément depuis février 2021 (expertise judiciaire p. 15). Ce faisant, l’experte judiciaire estime que la recourante ne pouvait que présenter, au jour de l’examen clinique du Dr M______ du 29 juin 2022, une symptomatologie comparable à celle constatée en juillet 2023 lors de son propre examen clinique. Par ailleurs, l’experte judiciaire a relevé que cette aggravation avait été attestée en temps réel par le Prof. E______, lequel avait établi, depuis février 2021, un arrêt de travail total et mentionné une péjoration de la thymie et une augmentation de l’anxiété (expertise judiciaire p. 15). Elle relève ainsi que le tableau présent en février 2021 était très semblable au tableau actuel (expertise judiciaire p. 9). Ces éléments permettent de comprendre que la recourante s’écarte de l’analyse du Dr M______ et la conteste, en estimant que celui-ci n’a pas pris en compte les éléments pertinents. Au surplus, on voit mal comment l’experte judiciaire pourrait expliquer d’une autre manière pourquoi, d’une part, le Dr M______ a retenu un examen clinique normal, d’autre part, son désaccord avec les conclusions de ce médecin.

8.2.3.2.    S’agissant de l’examen clinique normal retenu par le Dr M______, son analyse n’est quoi qu’il en soit pas convaincante. En effet, le Dr M______ mentionne que la recourante signale des déficiences mnésiques, une baisse de la concentration, un état thymique congruent aux douleurs, lesquelles sont chroniques et importantes, de l’asthénie, des manifestations anxieuses quant à son avenir et son état algique (expertise du K______ pp. 41 ss). Il décrit une journée-type dont les activités sont très limitées (expertise du K______ p. 45). Or, le status psychiatrique du Dr M______ ne retient aucune limitation, sans que celui-ci ne se prononce sur la discordance entre ce constat et les autres éléments ressortant de l’expertise, soit les explications fournies par la recourante, le présence de douleurs ‑ objectivées par l’expertise du Dr L______ et reconnues partiellement incapacitantes - en lien avec l’état thymique, la journée-type pauvre en activités, voire encore un aspect jovial de surface (la recourante estimant, sans que cela n’ait fait l’objet d’une analyse par le Dr M______, qu’elle est un clown triste). Il ressort également de l’enregistrement de l’expertise du Dr M______ que la recourante souligne que sa mémoire est « de pire en pire », que la concentration est un drame, car lorsqu’elle avait commencé une formation, elle n’arrivait pas à lire une page d’une traite et qu’elle devait s’y reprendre à 15 fois (enregistrement de l’expertise du Dr M______, 8ème minute et 16 secondes et 8ème minute et 52 secondes). Or, le Dr M______ se contente d’exclure des difficultés d’attention et de concentration, en écartant une hypovigilance (expertise du K______ p. 47). Le Dr M______ minimise les atteintes au moral de la recourante et emphase ses envies, intérêts et plaisirs, dès lors que celle-ci mentionne qu’elle est très capable d’être triste, qu’elle est à l’affût de moments de joie (enregistrement de l’expertise du Dr M______, 9ème minute et 30 secondes) et qu’elle présente, le soir, du désespoir (enregistrement de l’expertise du Dr M______, 10ème minute et 12 secondes). De plus, le Dr M______ indique qu’il n’y a pas eu de pleurs (expertise du Dr M______ p. 47). Or, la recourante, après avoir dit qu’elle aimerait revoir arriver sa vie d’avant, se met à pleurer (enregistrement de l’expertise du Dr M______, 4ème minute et 37 secondes). Cette mention erronée jette un doute sérieux sur la manière dont le Dr M______ a analysé l’état psychique de la recourante. Enfin, l’enregistrement de l’expertise menée par le Dr M______ fait apparaitre qu’une simple liste de questions a été posée par l’expert à la recourante, sans approfondissement ni analyse. En particulier, le Dr M______ ne fait aucune analyse des traumatismes du passé qu’il cite (décès du père par noyade alors qu’il cherchait à sauver ses enfants, abandon de la recourante par ses parents de substitution, anorexie, présence d’une mère mythomane et inversion des rôles familiaux, ainsi que plusieurs abus sexuels durant l’adolescence) laquelle aurait permis de comprendre pourquoi ceux-ci n’auraient, selon le Dr M______, aucune conséquence sur l’état de santé psychique de la recourante.

Au surplus, on peut douter de la pertinence de certaines conclusions du Dr M______, lequel estime que la recourante est joviale et souriante et qu’elle se projette dans une activité de formatrice pour adultes à temps partiel (expertise du K______ p. 47), alors même qu’il souligne aussi que la recourante mentionne un état thymique congruent aux manifestations algiques, lesquelles sont chroniques, importantes (dorsalgies) et se sont aggravées depuis la fermeture de son institut (expertise du K______ pp. 40, 41 et 42) et qu’elle estime qu’elle doit faire le deuil de la personne qu’elle était, en relevant qu’elle se voit comme un clown triste (expertise du K______ pp. 40 et 43). Par ailleurs, le Dr L______ relève, contrairement au Dr M______ - et alors même que son examen clinique a eu lieu le même jour que celui du Dr M______ -, que la recourante déclare qu’elle aimerait reprendre un travail mais qu’actuellement cela lui est difficile en raison des limitations physiques qu’elle subit (expertise du K______ p. 28) et que, s’agissant de la perception de son avenir, notamment en lien avec une activité professionnelle, la recourante répond qu’elle ne sait pas, car elle n’arrive, pour l’instant, pas à se projeter (expertise du K______ p. 29).

8.2.4 Le SMR constate des différences entre l’examen clinique du Dr M______, le 29 juin 2022 (et non pas juin 2021 comme indiqué par le SMR), et celui de l’experte judiciaire, en juillet 2023, et en conclut que l’état de santé de la recourante s’est probablement aggravé après l’examen clinique du Dr M______.

À cet égard, il convient de rappeler que l’experte judiciaire a considéré, après analyse du dossier et prise en compte de l’avis du psychiatre traitant, que l’état de santé de la recourante s’était aggravé en février 2021 et que cette aggravation persistait au jour de son examen clinique. Aucune amélioration significative de l’état de santé ne ressort du dossier de la recourante entre février 2021 et juin 2022, date de l’examen clinique du Dr M______.

Si des fluctuations d’humeur ont été relevées chez la recourante par le Prof. E______ (rapport du Prof. E______ du 14 novembre 2022), y compris un trouble dépressif récurrent oscillant entre une gravité modérée à sévère (rapport du Prof. E______ du 27 juillet 2023), une péjoration de l’état de santé est bien attestée depuis février 2021 (rapport du Prof. E______ du 15 mars 2023) et aucune rémission totale du trouble psychique n’est relevée, en particulier en juin 2022 lors de l’examen par le Dr M______, le Prof. E______ excluant même toute rémission depuis 2021, en relevant que, depuis cette dernière date, les capacités d’adaptation de la recourante sont fortement réduites, altérant à la fois sa capacité à travailler, à faire face aux stress, à gérer les stress interpersonnels et à investir durablement des loisirs (rapport du Prof. E______ du 15 mars 2023). En revanche, il a expliqué que la recourante pouvait, lors d’un entretien, apparaitre euthymique en raison de la fluctuation de son humeur, sans que cela ne soit en contradiction avec la présence d’un épisode dépressif sévère (rapport du Prof. E______ du 15 mars 2023).

Au demeurant, la conclusion du SMR quant à une amélioration de l’état de santé de la recourante n’est pas convaincante.

8.2.5 Le SMR reproche à l’experte judiciaire un défaut d’analyse des indicateurs jurisprudentiels.

À cet égard, l’experte judiciaire a répondu aux questions de la mission d’expertise en lien avec les indicateurs précités. Elle a posé un diagnostic de trouble psychique sévère et retenu un tableau cohérent, sans atypies, sans discordance entre les plaintes et le comportement, ni entre les limitations alléguées et les activités de la vie quotidienne, avec une limitation du niveau d’activités uniforme dans tous les domaines, soit un niveau d’activité sociale faible et de la vie quotidienne très faible. Elle a considéré qu’il n’y avait pas de trouble de la personnalité ; la recourante était authentique, sans exagération des symptômes ni de simulation ; elle disposait de certaines ressources, cependant faibles, lui permettant d’avoir certaines activités du quotidien, de suivre une psychothérapie, de bénéficier d’un soutien moral et de l’aide de proches ; enfin, elle était compliante au traitement. Contrairement à l’avis du SMR, le diagnostic motivé par l’experte judiciaire permet de confirmer un trouble psychique d’un degré de gravité sévère, avec des comorbidités somatiques, partiellement incapacitantes, attestées par l’expertise rhumatologique. Plusieurs traitements, suivis par la recourante, compliante à ceux-ci, ont été testés et le sont encore. La recourante est bien suivie par un psychiatre et l’a été de façon continue jusqu’à janvier 2023, soit au-delà de la date de la décision litigieuse. Si la recourante a certaines ressources, l’experte judiciaire a indiqué qu’elles étaient faibles et il faut en déduire qu’elles ne sont pas à même de permettre à la recourante de recouvrer une capacité de travail, comme souligné par l’experte judiciaire. Enfin, le fait que la recourante ait suivi quelques formations lui permettant, selon le SMR, de rebondir professionnellement, n’est pertinent que si la recourante possède des ressources suffisantes pour exercer une activité, ce que l’experte judiciaire a exclu, de sorte que cet argument n’est pas pertinent.

8.2.6 Pour toutes ces raisons, l’expertise du Dr M______ n’est pas probante et c’est à tort que l’intimé retient, sur la base de celle-ci, une absence de tout trouble psychique et estime que l’examen par l’experte judiciaire témoignerait uniquement d’une aggravation, à ce moment-là, de l’état de santé de la recourante.

Au demeurant, il convient d’écarter l’expertise du Dr M______, non probante, et de suivre les conclusions de l’expertise judiciaire.

8.3 Partant, la recourante doit être reconnue totalement incapable de travailler depuis février 2021, date de l’aggravation de son état de santé, de sorte qu’elle a droit à une rente entière d’invalidité. En application de l’art 88 RAI, ce droit est ouvert depuis le 1er mai 2021.

9.             Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparait peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entrainer la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

En l’occurrence, vu l’absence totale de valeur probante de l’expertise du Dr M______, les frais de l’expertise judiciaire, en CHF 7'932.24, seront mis à la charge de l’intimé.

10.         Le recours est admis, la décision litigieuse annulée et il est dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mai 2021.

La recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 18 octobre 2022.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité depuis le 1er mai 2021.

5.        Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 7'932.24, selon facture du 26 septembre 2023 de la Dre Q______ à charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le