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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4283/2022

ATAS/948/2023 du 30.11.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4283/2022 ATAS/948/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 novembre 2023

Chambre 3

 

En la cause

Madame A______

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

 

A. a. Le 12 octobre 2012, la société B______ SA (ci-après : la société), active dans le domaine de l’hygiène, a été inscrite au registre du commerce (ci-après : RC).

b. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en ______ 1957, en a été la fondatrice et l’administratrice unique avec signature individuelle du 12 octobre 2012 au 30 mai 2013, date à compter de laquelle elle a été remplacée dans ses fonctions par Monsieur C______, jusqu’au 7 novembre 2017. Monsieur D______, unique associé gérant de la fiduciaire E______ Sàrl (ci-après : la fiduciaire) a succédé à M. C______, avant de laisser à nouveau la place à M. C______, le 11 juillet 2019.

c. Le 7 mars 2013, l’assurée s’est annoncée à l’assurance-chômage et a été indemnisée jusqu’en mars 2015.

d. Le 15 juin 2015, la société a déposé une demande d’allocation de retour en emploi (ARE) concernant l’assurée.

e. En juillet 2015, à la requête du Service des emplois de solidarité, l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a ouvert une enquête afin de clarifier la question du domicile effectif de l’intéressée.

Cette enquête a été sollicitée en raison des faits suivants : l’intéressée avait annoncé être domiciliée au 1______, à Genève, adresse correspondant également à celle de la société qui souhaitait l’engager au bénéfice d’une ARE et ce, alors que, selon le registre de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), l’assurée était alors annoncée comme domiciliée à Meyrin, chez une certaine Madame F______ et qu’elle figurait par ailleurs dans l’annuaire téléphonique français avec une adresse à Cruseilles, en France et que l’adresse électronique fournie à l’assurance-chômage correspondait à un abonnement français.

L’enquête a permis d’établir que :

-          l’assurée avait travaillé à Genève de juin 2004 à août 2012 au bénéfice d’un permis frontalier ;

-          elle était propriétaire d’une maison à Cruseilles depuis le 24 août 2005, louée à un tiers ;

-          elle s’était domiciliée, le 1er septembre 2012, au 2______, à Genève, chez un certain Monsieur G______ et avait obtenu un permis de type B ;

-          elle s’était annoncée à l’assurance-chômage le 7 mars 2013 ;

-          le 11 octobre 2013, elle avait annoncé à l’OCPM un domicile à Meyrin, chez Mme F______, alors même que cette adresse ne figurait pas dans son dossier à l’assurance-chômage ;

-          en mars 2015, l’assurée avait loué un appartement à Cruseilles, en France ;

-          le 1er avril 2015, le dossier chômage de l’assurée avait été fermé, son droit aux indemnités ayant été épuisé ;

-          le 15 juin 2015, la société avait déposé une demande d’ARE pour l’assurée, étant précisé que cette dernière avait indiqué pour adresse la même que celle de la société (1______, à Genève), soit la même qu’elle avait indiqué pour obtenir les indemnités de chômage, à laquelle elle n’avait pourtant jamais vécu ;

-          l’assurée utilisait la voiture de son compagnon, Monsieur H______, domicilié en France.

B. a. Le 20 septembre 2016, l’assurée s’est annoncée à l’assurance-chômage et a sollicité le versement de l’indemnité à compter du 21 octobre 2016. Elle a alors indiqué être domiciliée au 3______, à Genève et avoir travaillé, du 1er juillet 2015 au 20 octobre 2016, pour la société et avoir été licenciée pour raisons économiques.

b. Son droit a été reconnu dès cette date et des indemnités journalières lui ont été versées par la Caisse cantonale de chômage (ci-après : la caisse), du 21 octobre 2016 au 3 novembre 2017.

C. a. Le 20 décembre 2018, l’assurée s’est annoncée à l’assurance-chômage et a sollicité l’octroi de l’indemnité à partir du 1er janvier 2019. Elle a une nouvelle fois indiqué être domiciliée au 3______ et avoir travaillé pour la société du 6 novembre 2017 au 31 décembre 2018, avant d’être licenciée pour raisons économiques.

b. Au printemps 2019, l’OCE a ouvert une nouvelle enquête afin de clarifier la question du domicile effectif de l’assurée, motivée par le fait que l’assurée était domiciliée à la même adresse qu’une succursale de son ex-employeur (la société).

L’enquête a permis d’établir que :

-          l’assurée s’était domiciliée au 3______, le 1er août 2015 ;

-          que cette adresse correspondait à un appartement de deux pièces ;

-          que l’assurée avait par ailleurs fondé, en octobre 2012, la société, dont elle avait été administratrice avec signature individuelle jusqu’au 30 mai 2013 ;

-          qu’en mars 2013, l’assurée s’était annoncée à l’assurance-chômage en indiquant pour adresse la même que celle de la société qui l’avait licenciée ;

-          que, fin 2018, elle avait sollicité à nouveau l’indemnité de chômage en donnant pour adresse la même que celle de la société qui l’avait licenciée ;

-          qu’entendue par l’enquêteur en date du 9 mars 2019, l’assurée n’avait pu fournir d’explications claires, de sorte qu’il avait été convenu de procéder à une visite domiciliaire et que rendez-vous a été pris pour ce faire ;

-          que le jour dit pour la visite en question, l’assurée attendait l’enquêteur dans l’allée, alléguant qu’elle ne pouvait entrer chez elle car elle sous-louait son appartement depuis février 2018, ajoutant qu’elle aurait dû récupérer son logement le 1er août 2018, mais que sa sous-locataire refusait de le quitter, bien que ne payant plus le loyer depuis plusieurs mois ;

-          qu’elle a allégué que, pour sa part, elle louait un appartement sis à Cruseilles depuis 2017, où elle logeait depuis lors, mais qu’il lui arrivait également de loger chez un ami à Chêne-Bourg, dont elle ne souhaitait divulguer ni le nom, ni l’adresse (cf. déclaration du 25 mars 2019).

c. Du registre de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM), il ressort que l’assurée a été officiellement domiciliée au 3______, à Genève, du 1er août 2015 au 1er septembre 2020.

d. Par décision du 11 juin 2019, confirmée sur opposition le 26 août 2019, la caisse, considérant que l’assurée ne remplissait pas la condition du domicile et que de nombreux éléments donnaient à penser qu’elle avait continué à occuper au sein de la société une position assimilable à celle d’un employeur, lui a nié le droit à l’indemnité à compter de janvier 2019.

D. a. Par ailleurs, s’agissant de la période d’indemnisation du 21 octobre 2016 au 3 novembre 2017, la caisse, par décision du 29 août 2019, a considéré, aux vu des éléments recueillis, que l’assurée ne remplissait pas non plus les conditions d’octroi de l’indemnité. En effet, durant la période considérée, elle avait été domiciliée en France. De plus, elle devait être considérée comme occupant une position assimilable à celle d’un employeur. En conséquence, la caisse lui a réclamé la restitution des prestations versées à tort, soit un montant total de CHF 44'682.55.

b. Le 7 septembre 2019, l’assurée s’est opposée à cette décision en alléguant que sa résidence principale avait toujours été au 3______, qu’elle avait toujours travaillé en Suisse, mais que, née à Cruseilles, elle avait l’habitude d’y passer le week-end, dans sa résidence secondaire.

c. Du registre de l’OCPM, il ressort que, le 1er septembre 2020, l’assurée a transféré son domicile de la 3______, au 4______, à Genève, chez une certaine Madame I______.

d.   Par décision du 3 décembre 2020, la caisse a rejeté l’opposition.

e. Le 17 décembre 2020, dans un courrier adressé à la caisse, l’assurée a allégué avoir conservé, durant toute sa carrière, un appartement principal en Suisse et une résidence secondaire en France, où toute sa famille vivait. Elle avait été employée par la société, qui n’avait pu la garder, vu ses difficultés financières. Elle était dans l’incapacité de rembourser le montant réclamé.

f. L’OCE, considérant ce courrier comme une demande de remise de l'obligation de restituer le montant réclamé, l'a rejetée par décision du 28 avril 2021, confirmée sur opposition le 14 septembre 2021, au motif que la condition de la bonne foi n’était pas remplie.

E. a. Le 6 octobre 2021, l’assurée a contesté, auprès de l’OCE, la décision sur opposition précitée, en s’étonnant qu’aucune suite n’ait été donnée à son courrier du 17 décembre 2020. Elle a ensuite réaffirmé que toute sa vie sociale se déroulait à Genève, où elle résidait.

b. En date du 8 octobre 2021, l’OCE a transmis à la Cour de céans, comme objet de sa compétence, le courrier de l’assurée du 6 octobre 2021.

c. Du registre de l’OCPM, il ressort que, le 3 janvier 2022, l’assurée a quitté la Suisse pour la France.

d. Le 23 décembre 2022, la Cour de céans a annulé la décision sur opposition du 14 septembre 2021 portant sur la remise de l’obligation de restituer (ATAS/1185/2022).

En effet, la Cour a constaté que, dans son courrier du 17 décembre 2020 adressé à la caisse dans le délai de recours contre la décision du 3 décembre 2020, l’assurée avait certes évoqué sa situation financière difficile et l'impossibilité de rembourser le montant énoncé, mais également contesté le caractère indu des prestations qui lui avaient été allouées (en alléguant avoir conservé sa résidence principale en Suisse et avoir été employée de la société, au sein de laquelle elle admettait néanmoins avoir joué, en raison de son savoir et de ses compétences, un rôle important). C’était donc à tort que ce courrier du 17 décembre 2020 avait été considéré comme valant uniquement demande de remise, puisqu’il comportait également – et avant tout – un recours contre la décision sur opposition du 3 décembre 2020. Il aurait donc dû être transmis à la Cour de céans comme objet de sa compétence. Au lieu de quoi, l’OCE avait statué – prématurément – sur la demande de remise.

F. a. Une procédure a été ouverte devant la Cour de céans sous le numéro de cause A/4283/2022 suite au recours interjeté par l’assurée le 17 décembre 2020 contre la décision sur opposition du 3 décembre 2020 portant sur la restitution des prestations litigieuses (ATAS/1185/2022).

b. Invitée à se déterminer sur ce recours, la caisse, dans sa réponse du 16 février 2023, a conclu à son rejet.

c. Les courriers adressés par la Cour de céans à la recourante au 46, place de l’Église à Cruseilles, lui sont revenus en retour.

d. En conséquence de quoi, la Cour de céans a informé la recourante par une parution dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci‑après : FAO) du 20 février 2023, qu’un courrier lui était destiné, qu’elle était invitée à venir récupérer, ce qu’elle n’a jamais fait.

c. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, bien qu’adressé à une autorité incompétente (la caisse de chômage), le recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée du 29 août 2019 de nier rétroactivement à la recourante le droit à l’indemnité de chômage pour la période du 21 octobre 2016 au 3 novembre 2017 – aux motifs qu’elle avait conservé une position assimilable à celle d’un employeur et avait transféré son domicile en France – et de lui réclamer la restitution des montants versés durant ce laps de temps.

4.             Il convient en premier lieu d’examiner si les conditions de la restitution étaient réunies.

4.1 En vertu de l'art. 25 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

Depuis le 1er janvier 2021, le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 2 1ère phr. LPGA dans sa nouvelle teneur dès cette date).

Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer prévue par l'art. 25 al. 1 LPGA implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1er et 2 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

4.2 Les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais relatif et absolu de péremption, qui doivent être examinés d'office (arrêt du Tribunal fédéral 8C_535/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2). Le délai de péremption absolu de cinq ans commence à courir à la date du versement effectif de la prestation. Il met un point final à un rapport d'obligation entre l'assurance et le débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2009 du 14 décembre 2009 consid. 3.2).

4.3 En l’occurrence, les conditions de la restitution sont réalisées, dès lors que la découverte du fait que l’assurée ne logeait en réalité pas à l’adresse indiquée dans sa demande de prestations et qu’elle aurait conservé une position assimilable à celle de l’employeur malgré sa radiation au RC sont des faits nouveaux importants justifiant la révision au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA.

L’intimée a par ailleurs agi dans le délai légal puisqu’elle a rendu sa décision de restitution moins d’une année après la réception du rapport d’enquête de l’OCE et moins de cinq ans après le versement des prestations litigieuses.

5.             Le premier motif invoqué par l’intimée à l’appui de sa décision est l’absence de domicile en Suisse.

5.1 En vertu de l’art. 8 al. 1 LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il est sans emploi ou partiellement sans emploi (let. a), s’il a subi une perte de travail à prendre en considération (let. b), s’il est domicilié en Suisse (let. c), s’il a achevé sa scolarité obligatoire, s’il n’a pas encore atteint l’âge donnant droit à une rente AVS et ne touche pas de rente de vieillesse de l’AVS (let. d), s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (let. e), s’il est apte au placement (let. f) et s’il satisfait aux exigences du contrôle (let. g). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2).

Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; ATF 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d'État à l'économie (ci‑après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin LACI IC.

Selon la jurisprudence, la notion de domicile au sens de la LACI ne correspond pas à celle du droit civil (art. 23ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), mais bien plutôt à celle de la résidence habituelle (cf. circulaire du SECO) sur l’indemnité de chômage (IC), état janvier 2007, B 136 dont la teneur n’a pas changé dans les directives de 2013 ; voir aussi les textes allemands et italiens de l’art. 8 al. 1er let. c LACI : « in der Schweiz wohnt », « risiede in Svizzera » ; ATF non publié 8C_270/2007 du 7 décembre 2007, consid. 2.1). Sont ainsi exigées, selon cette disposition légale, la résidence effective en Suisse, ainsi que l’intention de conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles (ATF 125 V 469 consid. 5).

L’entrée en vigueur de la LPGA n’a pas modifié cette pratique, dès lors que la notion de domicile inscrite à l’art. 13 al. 1er LPGA ne trouve pas application en matière d’assurance-chômage et ce, même si la LACI ne contient de dérogation expresse qu’à l’égard des étrangers habitant en Suisse (ATAS/726/2008 consid. 4). En particulier, le principe prévu par l’art. 24 al. 1er CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créée un nouveau, n’entre pas en ligne de compte pour l’application de l’art. 8 al. 1 let. c LACI (ATF non publié C 121/02 du 9 avril 2003 consid. 2.2).

Pour avoir droit à l'indemnité, l'assuré doit remplir cette condition du « domicile » en Suisse non seulement à l'ouverture du délai-cadre mais pendant tout le temps où il touche l'indemnité (Gustavo SCARTAZZINI, Marc HURZELER, Bundessozial-versicherungsrecht, 4ème éd., 2012, p. 599, n. 59 et les références citées). Cette exigence essentielle est l’expression de l’interdiction de l’exportation des indemnités de chômage, principe instauré pour prévenir les abus. Ce dernier terme doit être compris en ce sens que la vérification et les conditions du droit aux prestations, en particulier l’existence d’une situation de chômage, est rendue plus difficile lorsque l’assuré réside à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 du 26 mai 2003, consid. 1.1 ; Thomas NUSSBAUMER in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, vol. XIV, 2ème éd., 2007, p. 2233, n. 180).

Dans la mesure où la résidence suppose un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits, l’occupation d’un studio une à deux fois par semaine – le reste du temps étant passé à l’étranger – ne suffit pas à établir une résidence effective en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral C 226/02 précité ; Boris RUBIN, Assurance-chômage, 2ème éd., 2006, p. 173). De même un séjour tout à fait éphémère ou de pur hasard, ainsi qu’un pied‑à‑terre destiné uniquement à la recherche d’un emploi, ne sont pas assimilables à une résidence. Cela étant, un séjour prolongé et permanent n’est pas indispensable (arrêt du Tribunal fédéral 8C_270/2007 précité consid. 2.2 et 3.1). Si tel n’était pas le cas, certaines personnes se trouveraient dépourvues de résidence et, partant, privées de domicile (Boris RUBIN, ibidem). Ainsi, en cas de séjour tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre, la résidence est là où les liens sont les plus forts (ATF 87 II 7 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral C 153/03 du 22 septembre 2003). Le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse et d’y payer ses impôts n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger (arrêt du Tribunal fédéral C 149/01 du 13 mars 2002 consid. 3).

Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que l’assuré, qui loge une partie de la semaine à Genève dans un pied-à-terre de dimensions modestes ne lui permettant pas d’accueillir sa famille, afin de conserver une adresse en Suisse pour bénéficier de la qualité de résident sur territoire helvétique, mais réside la plupart du temps en France voisine avec ses trois enfants qui y sont régulièrement scolarisés, dont il a la garde et sur lesquels il exerce l'autorité parentale, a le centre de ses intérêts personnels en France dès lors qu’il y bénéficie de diverses prestations sociales (revenu minimum d'insertion, allocation de soutien familial, aide au logement ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_777/2010 du 20 juin 2011). Dans un arrêt plus récent, le Tribunal fédéral a précisé qu’à lui seul, l’existence d’un centre de relations personnelles n’est pas déterminant. Il faut bien plutôt accorder un poids décisif au fait que la famille réside dans une villa en France (arrêt du Tribunal fédéral 8C_245/2016 du 19 janvier 2017 consid. 4.1).

Le domicile fiscal, le lieu où les papiers d’identité et autres documents officiels ont été déposés (déclaration d’arrivée), ainsi que d’éventuelles indications dans des documents officiels ou des décisions judiciaires ne sont que des indices permettant de déterminer le lieu du domicile (ATF 136 II 405 consid. 4.3, p. 410 ; arrêt du Tribunal fédéral du 13 mars 2002 [C 149/01]). Pour pouvoir localiser le centre des intérêts personnels, il convient notamment de chercher à savoir où se trouvent la famille, les amis, les activités professionnelles et sociales, le logement, le mobilier et les affaires personnelles. Une visite des lieux est parfois indispensable (art. 12 let. d de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021). Par ailleurs, le lieu où les enfants sont scolarisés joue un rôle. Le droit à des prestations sociales nécessite souvent d’être domicilié dans le pays qui les verse, de sorte que cet aspect doit également être pris en compte (DTA 2012 consid. 3.3, p. 74 ; Boris RUBIN, Commentaires sur la loi sur l’assurance-chômage, 2014, p. 78).

5.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références citées ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

5.3 En l’espèce, l’intimée, sur la base, notamment, du rapport d’enquête du service de l’OCE du 27 mars 2019, considère que, durant la période litigieuse – du 21 octobre 2016 au 3 novembre 2017, le domicile et le centre des intérêts de l’assurée se situait en France. Pour cette seule raison déjà, c’est à juste titre qu’elle lui a nié le droit aux indemnités et réclamé le remboursement de celles qui lui ont été versées à tort.

5.4 La recourante le conteste. Elle allègue avoir conservé, durant toute sa carrière, son logement principal en Suisse. Son logement de Cruseilles ne constituerait, selon elle, qu’une résidence secondaire.

Il ressort de l’extrait de l’OCPM que, s’agissant de la période litigieuse, la recourante était formellement domiciliée au 3______.

Cependant, comme exposé ci-avant, le fait d’avoir une adresse officielle en Suisse n’est pas déterminant si d’autres indices permettent de conclure à l’existence d’une résidence habituelle à l’étranger.

En l'occurrence, l'intimée doute de la réalité du domicile en Suisse de la recourante et on ne saurait le lui reprocher au vu des circonstances.

Il est en effet avéré que, lors de la visite domiciliaire fixée en mars 2019, l’assurée n’avait pas accès à l’appartement de deux pièces sis à la 3______, que celui-ci était occupé par quelqu’un d’autre. Elle a d’ailleurs reconnu qu’elle logeait dans un appartement loué par ses soins à Cruseilles depuis 2017 au moins. Or, c’est là que vit M. H______, son compagnon de longue date, dont elle utilise d’ailleurs le véhicule pour ses déplacements. Quant à l’allégation selon laquelle elle aurait également été hébergée, parfois, par un ami, à Chêne-Bourg, elle est invérifiable, l’assurée ayant refusé de donner plus de précisions à ce sujet.

Même s’ils ne concernent pas directement la période litigieuse, on relèvera que la recourante est coutumière du fait de fournir à l’assurance-chômage une adresse qu’elle n’occupe pas. Elle a procédé de la même manière en 2015, lors du dépôt de la demande d’ARE. Elle a alors annoncé être domiciliée au 30, rue Voltaire, à Genève, adresse correspondant à celle de la société qui souhaitait l’engager, alors que, selon le registre de l’OCPM, elle était supposée loger à Meyrin, chez Mme F______, et que d’autres éléments permettaient de douter de la réalité de son domicile en Suisse.

Sur la base de l’ensemble des éléments qui précèdent, il convient de retenir que c'est à juste titre que l'intimée a nié à la recourante le droit à l'indemnité pour la période litigieuse.

Le recours doit donc, pour ce motif déjà, être rejeté.

6.             Le second motif invoqué – par surabondance – par l’intimée pour nier à l’assurée le droit aux prestations a trait aux rapports que l’intéressée semble avoir conservé avec son employeur, au-delà de sa radiation du RC.

6.1 Selon l'art. 31 al. 3 LACI, n'ont pas droit à l'indemnité :

a. les travailleurs dont la réduction de l'horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l'horaire de travail n'est pas suffisamment contrôlable ;

b. le conjoint de l'employeur, occupé dans l'entreprise de celui-ci ;

c. les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise.

Le Tribunal fédéral a jugé que les exclusions de l'art. 31 al. 3 LACI s'appliquent par analogie à l'octroi de l'indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b).

6.2 L’art. 31 al. 3 let. c LACI vise à éviter les abus sous forme d’établissement par l’assuré lui-même des attestations nécessaires pour l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail, d’attestations de complaisance, d’influence sur la décision de réduire l’horaire de travail, alors qu’il est impossible de contrôler la perte de travail (ATF 122 V 270 consid. 3).

Ainsi, un travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur n’a pas droit à l’indemnité de chômage lorsque, bien que licencié par une entreprise, il continue à fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière prépondérante (ATF 123 V 234 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_719/2008 du 1er avril 2009 consid. 3.3). Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI.

Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de la clause d'exclusion de l'art. 31 al. 3 let. c LACI lorsque, dans un contexte économique difficile, ces personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social. Ce n'est pas l'abus avéré comme tel que la loi et la jurisprudence entendent sanctionner, mais le risque d'abus que représente le versement d'indemnités à un travailleur jouissant d'une situation comparable à celle d'un employeur ; il suffit qu'une continuité des activités soit possible pour que le droit doive être nié en raison d'un risque de contournement de la loi (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_108/2021 du 9 juillet 2021 consid. 3 et 8C_384/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3.1).

Selon la même jurisprudence, la situation est en revanche différente quand le salarié qui se trouve dans une position assimilable à celle de l'employeur quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre à une indemnité de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_384/2020 précité consid. 3.1).

6.3 Dans l’hypothèse où le chômeur occupe lui-même une position décisionnelle dans l’entreprise, il faut distinguer deux situations : lorsqu’il occupe une telle position du fait qu’il est membre du conseil d’administration ou d’un autre organe supérieur de direction de l’entreprise, il n’y a pas même lieu d’examiner la situation au regard des circonstances concrètes du cas, car il est alors réputé ex lege disposer d’un pouvoir déterminant au sein de cette dernière au sens de l’art. 31 al. 3 let. c LACI, appliqué par analogie à l’indemnité de chômage (ATF 122 V 270 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_171/2012 du 11 avril 2013 consid. 6.2 ; 8C_776/2011 du 14 novembre 2012 consid. 3.3 ; 8C_515/2007 du 8 avril 2008).

En revanche, lorsqu’il n’est pas formellement membre d’un organe supérieur de direction de l’entreprise, mais peut engager cette dernière, il s’impose de vérifier s’il a matériellement qualité d’organe dirigeant, compte tenu du pouvoir de décision dont il jouit effectivement, en fonction de la structure interne de l’entreprise, le seul fait qu’il soit autorisé à représenter cette dernière par sa signature et inscrit au RC n’étant pas en soi suffisant pour l’exclure du droit à l’indemnité de chômage (ATF 120 V 521 consid. 3).

Il n’y a plus de parallélisme de la perte de travail avec une réduction de l’horaire de travail – et partant plus d’application analogique possible de l’art. 31 al. 3 let. c LACI à l’indemnité de chômage – lorsque la personne qui occupe une position assimilable à celle d’un employeur quitte définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de cette dernière ou rompt définitivement tout lien avec l’entreprise qui continue d’exister (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 du 4 septembre 2018 consid. 5.1).

Il est également admis que les assurés occupant une position assimilable à celle d’un employeur et leur conjoint ont droit à l’indemnité de chômage s’ils se retrouvent au chômage après avoir été salariés d’une entreprise tierce (dans laquelle ils n’ont pas eu le statut de dirigeant), à la condition toutefois qu’ils l’aient été durant au moins six mois (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 171/03 du 31 mars 2004 consid. 2.3.2). Lorsqu’une telle durée d’emploi comme salarié sans position dirigeante dans une entreprise tierce a été atteinte, il faut admettre que le rapport de travail ouvrant le droit au chômage n’a pas constitué un masque à une réduction de l’horaire de travail (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 35 ad art. 10).

6.4 En l’espèce, s’il n’est pas contesté que la recourante n’a plus occupé formellement la position d’organe de la société depuis le 30 mai 2013, plusieurs éléments permettent de considérer qu’elle a néanmoins continué à exercer, de facto, une influence déterminante et continué à occuper matériellement une position d’organe dirigeant, jouissant d’un pouvoir de décision effectif, compte tenu de la structure interne de l’entreprise.

Il suffit, pour s’en persuader, de considérer le fait que la recourante a fondé la société en 2012, qu’elle en a toujours été la seule employée et animatrice, qu’elle a été « ré-engagée » par la société à l’issue de sa première période d’indemnisation par l’assurance-chômage, en juillet 2015, puis de la seconde période d’indemnisation, en novembre 2017 et que ses adresses officielles ont par deux fois coïncidé avec celle de la société. Les liens de la recourante avec la société ont ainsi perduré plusieurs années après sa radiation du RC.

Certes, la recourante a été formellement remplacée dans ses fonctions par M. C______ jusqu’au 7 novembre 2017, puis par M. D______, puis à nouveau par M. C______, à compter du 11 juillet 2019. Cela étant, comme le relève l’intimée, ces deux personnes sont inscrites dans de nombreuses sociétés en tant qu’administrateurs et agissent probablement à titre fiduciaire. Quant à l’ayant droit économique de la société, détenteur des actions, soit M. H______, il n’est autre que le compagnon de la recourante.

Bien que cette dernière se défende d’avoir le moindre pouvoir décisionnaire au sein de l’entreprise, force est de constater que celle-ci n’a jamais employé d’autre salarié. Qui plus est, c’est son numéro de téléphone portable personnel qui figure sur le site Internet, ce qui démontre clairement que c’est elle l’animatrice de l’entreprise.

De cette situation, découle manifestement un risque – plus que potentiel en l’occurrence – d’abus et une difficulté de contrôler la perte de travail.

Pour cette seconde raison, la décision de l’intimée de nier à la recourante le droit à l’indemnité apparaît bien fondée.

7.             Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours, manifestement infondé, est rejeté.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le