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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1858/2023

ATAS/879/2023 du 09.11.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1858/2023 ATAS/879/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 novembre 2023

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l’assuré), né en mai 1959, a travaillé en tant qu’opérateur informatique.

b. En janvier 2003, invoquant un décollement de la rétine gauche et une opération de la cataracte, l’assuré a déposé auprès de l'office cantonal de l'assurance‑invalidité (ci-après : l’OAI) une demande de mesures médicales, rejetée par décision du 12 mars 2003.

B. a. Le 12 août 2004, l’assuré, invoquant une cécité presque totale de l'œil gauche, a déposé auprès de l’OAI une demande de prestations.

b. L’OAI l’a rejetée par décision du 10 février 2005, au motif qu'il n'y avait aucune atteinte à la santé ayant valeur d'invalidité. L’assuré restait en mesure d'exercer son activité habituelle à plein temps et plein rendement.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant notamment permis de recueillir les éléments suivants :

-          un rapport du 30 septembre 2004, la docteure B______, médecin à la clinique d'ophtalmologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), faisant état d’une photo-émulsification de l'œil gauche en 2002 et d’un status après décollement de rétine récidivant à trois reprises entre 2000 et 2002 ; ce médecin estimait que des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées, car l’atteinte n’avait pas de répercussion sur l’activité d’opérateur informatique, qui restait exigible sans diminution de rendement ;

-          un courrier du 15 novembre 2004 de la Dre B______ qui, interrogée par l’OAI, a confirmé que l'activité d'opérateur en informatique restait possible à 100%, sous réserve de l'évolution de l'état de l’assuré, qui était à la recherche d’un emploi.

C. a. Le 19 mars 2010, invoquant toujours l’atteinte à son œil gauche, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations, que l’OAI a rejetée par décision du 17 septembre 2010 intitulée « refus d'entrée en matière », au motif que l’atteinte à la santé ne limitait pas la capacité de travail de l’assuré.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir notamment les éléments suivants :

-          un rapport rédigé le 10 juin 2010 par le docteur C______, médecin à la clinique d'ophtalmologie des HUG, expliquant que les décollements de rétine récidivants de l'œil gauche avaient conduit à la perte fonctionnelle de cet œil après sept opérations ; l’assuré, qui n’avait pas travaillé depuis quinze ans, était à la recherche d’un emploi en tant qu’informaticien ; d’un point de vue médical, cette activité était encore exigible et une reprise serait possible dès que l’assuré aurait retrouvé un poste ;

-          l’avis émis le 6 juin 2010 par le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), considérant que la capacité de travail de l’assuré, qui disposait d'une vision monoculaire, était totale dans toute activité ne nécessitant pas une vision binoculaire ;

-          un courrier de l’assuré relevant n’être titulaire d'aucun diplôme en tant qu'opérateur informaticien, sa seule formation en la matière ayant eu lieu en cours d'emploi ; il expliquait avoir travaillé jusqu'à son licenciement économique, fin 1991, et n'avoir plus retrouvé d'emploi depuis lors ; il faisait remarquer qu'au vu de l'évolution technique depuis 1991, il ne serait plus capable d'assumer une telle activité ; il ajoutait que son œil droit se fatiguait rapidement, car atteint d’une très forte myopie et d'une cataracte, ce qui risquait de dissuader tout employeur potentiel ; enfin, il alléguait s’occuper à plein temps de son père, âgé et totalement dépendant, depuis trois ans.

b. Saisie d’un recours de l’assuré, la Cour de céans l’a partiellement admis par arrêt du 28 avril 2011 (ATAS/416/2011), et a renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Avaient été versés à la procédure les éléments suivants :

-          un certificat médical établi le 17 septembre 2010 par la docteure D______, spécialiste FMH en ophtalmologie et ophtalmo‑chirurgie, qui suivait l’assuré depuis novembre 2007 et attestait d’une acuité visuelle de loin de 1.0 partiel avec -12.25 à l'œil droit ;

-          un courrier de la Dre D______ du 23 décembre 2010 précisant que son patient se plaignait d'un éblouissement au soleil, de difficultés à voir de près et de loin et de ne pouvoir regarder un film jusqu'à la fin à la télévision ; le médecin reprenait les explications déjà données dans son certificat du 17 septembre 2010 et retenait les diagnostics de perte de la fonction oculaire de l'œil gauche, de haute myopie bilatérale, de status après traitement laser rétinien des deux côtés, de status après six interventions (vitrectomies) pour décollements de rétine récidivants et mise en place d'huile de silicone dans la cavité vitréenne de l'œil gauche, d’aphakie post-opération de cataracte de l'œil gauche, d’hypertonie oculaire gauche traitée, d’ulcère cornéen profond à l'œil gauche sous surveillance et de photophobie ; selon le médecin, l'état de l’assuré ne pourrait aller qu’en s'aggravant ; la perte de la fonction oculaire à gauche était irréversible et l’ulcère cornéen profond pouvait conduire à une énucléation ; selon le médecin, l’assuré était incapable de se livrer à des travaux de précision, vu l'absence de vision binoculaire ; l’incapacité de travail était difficile à évaluer mais un taux de 50% ne paraissait pas exagéré ; la Dre D______ préconisait d’encourager l'assuré à trouver une activité adaptée à son état, c'est-à-dire non pénible physiquement, limitant considérablement le travail à l'écran et le travail de bureau (climatisation, poussière), ainsi que les activités en extérieur (vent, froid, pollution) ; l’atteinte était importante, durable et susceptible de complications ;

-          un courrier de la Dre D______ du 4 mars 2011 précisant que l'assuré ne pourrait exercer son activité habituelle qu'à raison de deux heures consécutives au maximum et qu’il en allait ainsi depuis le 29 janvier 2001.

Au vu de ces éléments, la Cour de céans a considéré qu’une aggravation de l’état de santé de l’assuré avait été rendue plausible, aggravation dont il ne pouvait cependant déterminer l’incidence sur la capacité de travail de l’intéressé. Dès lors, il appartenait à l’OAI d’instruire la question de manière approfondie, par exemple en réinterrogeant les médecins et en requérant la production de l'intégralité du dossier de l'assuré auprès de la clinique d’ophtalmologie, pour établir l'évolution de l’état de santé de l’intéressé depuis la décision rendue en février 2005, d’une part, déterminer quelles activités concrètes pourraient être considérées comme adaptées, d’autre part, et, enfin, si des mesures de réadaptation étaient indiquées.

c. Par décision du 18 août 2016, l’OAI a nié à l’assuré le droit à toute prestation, ajoutant que l’octroi de mesures de réadaptation ferait l’objet d’une décision séparée (sic).

Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction ayant permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-          deux courriers de la Dre D______ indiquant que l’aggravation de l’état de son patient par rapport aux constatations faites par la Dre B______ en septembre 2004 consistait en l’apparition, à gauche, d’un ulcère cornéen susceptible de complications ; selon ce médecin, un taux de travail de 50% dans l’activité d’opérateur en informatique « ne paraissait pas exagéré » et que l’incapacité de travail durable remontait au 29 janvier 2001 ;

-          un avis du SMR du 5 juillet 2011, rappelant que la Dre B______, en septembre 2004, avait quant à elle conclu à une pleine capacité de travail dans l’activité habituelle ; une aggravation de l’état de santé de l’assuré était admise mais une expertise ophtalmologique était nécessaire pour évaluer ses conséquences en termes de capacité de travail ;

-          le rapport d’expertise rendu en date du 28 février 2013 pars les docteurs E______ et F______, médecins à l’Hôpital ophtalmologique Jules-Gonin, concluant à une forte myopie (-12 dioptries) à l’œil droit et à une perte d’acuité visuelle de l’œil gauche ; la situation était stable, l’assuré voyait bien de l’œil droit avec ses lunettes ; sa vision était monoculaire ; étaient retenus à titre de diagnostics pour l’œil droit : une forte myopie, un status après laser rétinien périphérique et une cataracte débutante ; une légère hypertension oculaire avait été pour la première fois mesurée à l’œil droit, dont les experts ont préconisé qu’elle fasse l’objet d’un contrôle ; selon les experts, l’atteinte liée à la perte de l’œil gauche n’avait pas forcément de répercussion sur la capacité de travail ; celle-ci restait complète, tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée ; un suivi médical régulier était préconisé pour l’œil droit en raison de la tension oculaire ;

-          un rapport d’entretien de réadaptation du 8 octobre 2013, lors duquel l’assuré a indiqué préférer rester dans le domaine de l’informatique ;

-          un courrier du 14 novembre 2013 de la Dre D______ s’étonnant des conclusions des experts, arguant que son patient avait subi un « grave traumatisme psychologique et psychophysique » en raison des nombreuses interventions et traitements qu’il avait dû subir et de l’éventualité – toujours possible – de la perte de son œil unique ;

-          le rapport rendu en juillet 2014 par les Établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI), suite à un stage d’orientation professionnelle (du 27 janvier au 27 avril 2014) et à un stage pratique en entreprise (du 28 avril au 26 octobre 2014), concluant que les travaux fins et à forte contrainte visuelle devaient être évités ; l’assuré avait conservé de bonnes capacités scolaires et pouvait suivre une mise au courant en entreprise, avec des modules théoriques si nécessaire ; le stage en entreprise comme aide de bureau avait mis en évidence une qualité de travail méticuleuse et soignée ; dans les tâches simples et répétitives de confection de livrets, l’assuré avait atteint un rythme dans la norme après une période d’adaptation ; le travail demandé avait été accompli sans erreur, parfois ralenti par le souci de toujours rendre un travail de qualité ; l’activité d’aide de bureau était validée ; les orientations suivantes étaient retenues : aide de bureau, ouvrier d’usine ou de conditionnement léger, veilleur de nuit et préparateur de commandes.

d. Le 13 septembre 2016, l’assuré a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité en produisant un nouveau certificat de la Dre D______ du 2 septembre 2016.

Le médecin relatait que son patient se plaignait d’éblouissement au soleil, de difficultés à voir de près et de loin, de difficultés à traverser la rue et à regarder la télévision. Au status ophtalmologique du 13 avril 2016, l’acuité visuelle de loin était de 1.0 partiel avec -12.25. Les diagnostics étaient les suivants : perte de la fonction oculaire de l’œil gauche, haute myopie bilatérale, status après traitement laser rétinien des deux côtés. Un contrôle tous les quatre mois était nécessaire. En résumé, le recourant présentait un œil unique droit avec haute myopie.

e. La Cour de céans, par arrêt du 27 avril 2017 (ATAS/349/2017), a rejeté le recours de l’assuré.

La Cour a considéré que l’expertise des Drs E______ et F______ devait se voir reconnaître pleine valeur probante et qu’avec eux, il fallait retenir une pleine capacité de travail dans toute activité. Les conclusions des experts rejoignaient celles des Drs B______ et C______ et étaient également corroborées par les constats des EPI. L’avis de la Dre D______ était donc isolé. L’ophtalmologue de l’assuré semblait justifier sa divergence d’appréciation de la capacité de travail de son patient par le traumatisme psychologique qu’aurait subi celui-ci. Or, rien n’indiquait l’existence de troubles psychologiques ayant des répercussions sur la capacité de travail. Quant à la nécessité d’une surveillance médicale, elle n’était pas incompatible avec l’exercice d’une activité lucrative.

La Cour a rappelé que le fait que l’assuré souffre d’une atteinte à l’œil gauche – dont la gravité n’était pas niée – ne suffisait pas à conclure à une invalidité, seules les répercussions de l’atteinte sur la capacité de gain étant déterminantes.

D. a. Le 1er novembre 2021, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations, que l’OAI a rejetée par décision du 2 mai 2023, au motif que l’assuré avait conservé une pleine capacité de travail.

Cette décision a été rendue à l’issue d’une brève instruction ayant permis de recueillir notamment les éléments suivants :

-          un rapport de la Dre D______ du 16 février 2022, retenant les diagnostics suivants : absence de vision binoculaire en raison de la perte fonctionnelle de l’œil gauche, haute myopie bilatérale, glaucome chronique à angle ouvert traité à droite, status post-traitement laser rétinien des deux côtés, status après six interventions pour décollement de rétine récidivant et mise en place d’huile de silicone dans la cavité de l’œil gauche, aphakie post-opération de cataracte de l’œil gauche et ulcère cornéen profond de l’œil gauche ; sont mentionnées à titre de limitations fonctionnelles : une fluctuation visuelle, un éblouissement au soleil et de difficultés dans la vision de près et de loin ; l’ophtalmologue souligne que son patient n’est pas capable d’effectuer des travaux de précision ; elle ajoute qu’il lui est difficile d’évaluer sa capacité de travail, mais qu’un taux d’environ 50% ne lui « paraît pas exagéré » ;

-          un avis émis le 27 septembre 2022, par le SMR, constatant que les atteintes sont demeurées les mêmes et qu’une acuité visuelle de 1.0 corrigée n’empêche aucunement l’exercice d’une activité ne nécessitant pas de vision binoculaire.

b. Par écriture du 1er juin 2023, l’assuré a interjeté recours contre cette décision.

En substance, il rappelle qu’il est suivi depuis 1986, que, suite à plusieurs décollements de rétine, il a perdu la vision de l’œil gauche, que son œil droit est atteint d’une myopie importante et d’un glaucome, qu’il est l’objet d’un suivi régulier, à raison d’une fois tous les quatre mois et sous traitement médicamenteux quotidien.

Il estime que des mesures professionnelles sont indispensables car, compte tenu de sa vision restreinte, il lui est difficile de trouver un employeur prêt à l’engager.

Par ailleurs, son œil valide pourrait également souffrir de complications.

Enfin, il évoque un sentiment d’angoisse face à la perspective d’une cécité éventuelle.

c. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 29 juin 2023, a conclu au rejet du recours.

L’intimé constate qu’il n’y a pas de nouvelle atteinte à la santé et rappelle que les mesures de réadaptation sont réservées aux assurés invalides ou menacés d’invalidité, ce qui n’est pas le cas de l’assuré.

d. Dans sa réplique du 19 juillet 2023, l’assuré a persisté dans ses conclusions.

e. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 14 septembre 2023, lors de laquelle le recourant a confirmé que sa demande a pour seul objectif l'octroi de mesures professionnelles.

Il argue que la myopie de son œil droit évolue lentement, qu’il est limité en termes d’utilisation d’écrans et qu’il souhaite se voir reconnaître le status d’invalide pour faciliter sa réinsertion sur le marché du travail, puisque des places sont réservées aux invalides (sic). Il craint qu’un employeur potentiel sur le marché normal ne renonce à l’engager par crainte d’un « fort potentiel d'absentéisme ». En effet, il souffre d’un début de cataracte à l'œil droit, qui nécessitera sans doute une intervention dans le futur. Il se pourrait aussi qu’il souffre d’un décollement de rétine.

Pour le surplus, le recourant fait remarquer que, dans sa décision du 18 août 2016, l'OAI indiquait que l'octroi de mesures de réadaptation ferait l'objet d'une décision séparée qui ne lui a jamais été communiquée. Ce à quoi l’intimé a répondu qu’il s’agissait d’une regrettable erreur : cette décision n'aurait pas dû mentionner cela, puisque aucune invalidité n'était retenue.

f. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance‑invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI et de la LPGA du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201) dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

La réglementation légale concernant la révision et le réexamen de décisions ou de décisions sur opposition entrées en force (art. 53 LPGA) n'a pas été modifiée dans le cadre du développement de l'assurance-invalidité (ci-après : AI) susmentionné, raison pour laquelle aucune question de droit intertemporel ne se pose à cet égard (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2022 précité consid. 2.2.2).

En l’occurrence, la décision litigieuse a certes été rendue après le 1er janvier 2022. Toutefois, il n’est pas contesté que l’éventuelle modification des circonstances serait survenue avant cette date, conformément à l’art. 88a RAI. Par conséquent, les dispositions applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

5.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.             Le litige se limite au droit éventuel du recourant à des mesures professionnelles de l’AI. Dans la mesure où le droit aux prestations lui a été nié en dernier lieu par décision du 18 août 2016, faute d’atteinte à la santé invalidante, il y a donc lieu d’examiner si la situation du recourant s’est péjorée depuis lors au point de lui ouvrir droit à des mesures professionnelles.

7.              

7.1 Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande, après avoir nié le droit à une prestation (cf. art. 87 al. 3 RAI), l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 et les références ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 et les références ; ATF 130 V 71 consid. 3.2 et les références ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1 et les références). 

7.2 L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

7.3 Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 du 9 mars 2016 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

7.4 Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

8.              

8.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

8.2 L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins (art. 28 al. 2 LAI).

8.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 1997, p. 8).

9.              

9.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 125 V 261 consid. 4). La tâche du médecin dans le cadre d'une révision de la rente selon l'art. 17 LPGA consiste avant tout à établir l'existence ou non d'une amélioration de l'état de santé de l'assuré en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale avec la situation au moment de son examen (ATF 125 V 369 consid. 2).

9.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

9.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

10.          

10.1 Le 1er novembre 2021, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations. Ainsi que cela ressort de son recours et de son audition de comparution personnelle, son objectif est d’obtenir l’octroi de mesures professionnelles, dans la mesure où – pense-t-il, son état de santé est susceptible de dissuader tout employeur potentiel de l’engager. Il ajoute que son œil valide est susceptible de souffrir de complications dans le futur et évoque un sentiment d’angoisse face à l’éventualité d’une complète cécité.

10.2 L’intimé, constatant l’absence de nouvelle atteinte à la santé, a pour sa part rappelé que les mesures de réadaptation sont réservées aux assurés invalides ou menacés d’invalidité, ce qui n’est pas le cas du recourant.

10.3 Le litige se limite au droit éventuel du recourant à des mesures professionnelles de l’AI. Dans la mesure où le droit aux prestations lui a été nié en dernier lieu par décision du 18 août 2016, faute d’atteinte à la santé invalidante, il y a donc lieu d’examiner si la situation du recourant s’est péjorée depuis lors au point de lui ouvrir droit à des mesures professionnelles.

10.4 Tel n’est manifestement pas le cas.

En août 2016, date à laquelle l’intimé a examiné pour la dernière fois la situation et les conséquences de l’état de santé du recourant sur sa capacité de gain, les constats étaient les suivants : l’assuré présentait une forte myopie (-12 dioptries) à l’œil droit ; en janvier 2001, il avait subi un décollement de la rétine de l’œil gauche, opéré six fois, depuis 2002, l’œil gauche était aphake et l’assuré n’avait jamais récupéré son acuité visuelle à l’œil gauche ; l’assuré avait développé une hypertonie oculaire à gauche, traitée ; il y avait également eu décompensation cornéenne avec des calcifications à l’œil gauche ; depuis 2010, l’assuré souffrait d’un ulcère cornéen de l’œil gauche qui ne s’était jamais perforé. En 2013, les experts ont qualifié la situation de stable, sous traitement. Une légère hypertension oculaire avait été pour la première fois mesurée à l’œil droit, et devait faire l’objet d’un contrôle régulier, tous les quatre mois. Les experts ont conclu que, dans l’activité habituelle, l’atteinte liée à la perte de l’œil gauche n’avait pas de répercussion sur la capacité de travail.

À l’appui de sa nouvelle demande de prestations, le recourant produit un rapport de la Dre D______ du 16 février 2022, retenant les diagnostics suivants : absence de vision binoculaire en raison de la perte fonctionnelle de l’œil gauche, haute myopie bilatérale, glaucome chronique à angle ouvert traité à droite, status post-traitement laser rétinien des deux côtés, status après six interventions pour décollement de rétine récidivant et mise en place d’huile de silicone dans la cavité de l’œil gauche, aphakie post-opération de cataracte de l’œil gauche et ulcère cornéen profond de l’œil gauche.

Force est de constater que, sur le plan des diagnostics, la situation est rigoureusement la même que celle qui prévalait en 2016. Il en va de même des limitations fonctionnelles évoquées par l’ophtalmologue traitant (fluctuation visuelle, éblouissement au soleil et difficultés dans la vision de près et de loin ; impossibilité d’effectuer des travaux de précision), qui sont les mêmes que celles qu’elle évoquait déjà dans son rapport du 2 septembre 2016. À l’époque, l’ophtalmologue traitant évoquait déjà une capacité de travail de 50%. Or, la Cour de céans avait expressément écarté son avis en faisant remarquer que celui‑ci était isolé, les conclusions des experts étant convaincantes et corroborées par les constats des EPI.

La Cour de céans ne peut que répéter ce qu’elle expliquait déjà au recourant dans son arrêt du 27 avril 2017 : le seul fait qu’il présente une atteinte à l’œil gauche – dont la gravité n’est pas niée – ne suffit pas à conclure qu’il est invalide. En effet, conformément à la jurisprudence, une atteinte à la santé ne suffit pas à admettre l’existence d’une invalidité, seules ses répercussions sur la capacité de gain étant déterminantes. Or, les experts ont conclu, malgré l’existence de ladite atteinte, à une pleine et entière capacité de travail de l’assuré.

Dans la mesure où aucune aggravation n’est mise en évidence, le degré d’invalidité reste nul, de sorte que le droit à des mesures de réadaptation n’est pas ouvert. C’est donc à juste titre que l’intimé a rejeté la nouvelle demande de prestations.

On ajoutera que, si le recourant invoque une angoisse importante, rien au dossier n’indique qu’il est suivi sur le plan psychiatrique, ni même sous traitement médicamenteux de ce fait. Il n’y a dès lors pas lieu d’investiguer plus avant ce point.

11.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté comme manifestement infondé et le recourant sera condamné au paiement d'un émolument de CHF 500.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 500.- à la charge du recourant.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le