Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/820/2023 du 26.10.2023 ( PC ) , REJETE
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/967/2023 ATAS/820/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 26 octobre 2023 Chambre 5 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1933, est bénéficiaire, depuis plusieurs années, de prestations complémentaires fédérales et cantonales.![endif]>![if>
b. Régulièrement, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) a rappelé à la recourante son devoir d’informer spontanément le SPC de tout changement dans sa situation financière. ![endif]>![if>
c. Par décision sur opposition, non contestée, du 25 novembre 2020, le SPC a demandé à l’assurée le remboursement d’un montant de CHF 114'952.- pour des prestations perçues à tort, entre le 1er juin 2012 et le 30 mai 2019, et a confirmé sa décision du 2 décembre 2019 établissant son droit à des prestations dès le 1er janvier 2020. La demande de remboursement faisait suite à la découverte d’un bien immobilier sis à Lima (Pérou), dont l’assurée était propriétaire pour moitié et qu’elle n’avait jamais déclaré. Le bien avait été découvert par le SPC sur la base de justificatifs transmis en mai 2018 et en avril 2019. Dès lors, le SPC avait pris en compte, de manière rétroactive sur sept ans, cet élément de fortune méconnu, ce qui avait abouti à la demande de remboursement du trop-perçu. Le SPC avait établi une estimation du bien immobilier, ainsi que de son revenu et avait mis à jour le montant de la fortune mobilière ainsi que des prestations périodiques qui étaient versées mensuellement par l’assurée à ses filles, à titre d’aide à l’entretien. La prise en compte de tous ces éléments et les nouveaux calculs que cela avait entraînés, aboutissait à la demande de remboursement du montant de CHF 114'952.-.![endif]>![if>
d. En date du 19 novembre 2021, l’assurée a informé le SPC qu’elle venait d’apprendre que son époux, co-propriétaire à hauteur de 50% du bien immobilier sis à Lima, était décédé en date du 25 mai 2020 et qu’il avait laissé un testament. Elle souhaitait donc se rendre au Pérou pour assister à la lecture du testament et faire valoir ses droits sur la maison familiale. Dans cette optique, elle souhaitait que le SPC patiente, avant de recouvrer le montant que l’assurée lui devait au regard de la décision sur opposition, non contestée, du 25 novembre 2020. ![endif]>![if>
e. Dans sa réponse du 21 novembre 2021, le SPC a demandé à l’assurée de lui faire parvenir, dans un délai de trois mois, les documents prouvant les mesures prises pour la mise en vente du bien immobilier situé au Pérou, faute de quoi le SPC se verrait contraint d’engager une procédure de poursuite, afin de recouvrer le montant dû de CHF 114'952.-.![endif]>![if>
f. Par courrier du 21 février 2022, l’assurée a informé le SPC qu’en raison de la pandémie COVID-19, l’administration péruvienne était fortement ralentie si bien que la lecture du testament n’avait pu avoir lieu que le 12 janvier 2022 ; elle attendait la délivrance d’un document établissant ses droits sur la maison familiale, aux côtés des autres héritiers. Elle sollicitait un délai supplémentaire en vue du « processus de vente de ma part de copropriété ».![endif]>![if>
B. a. En date du 11 novembre 2022, le SPC a rendu une décision de prestations complémentaires établissant un droit rétroactif du 1er novembre au 30 novembre 2022 puis un droit à venir, dès le 2 décembre 2022. Dans le plan de calcul des « prestations complémentaires dites favorables » était inclus un montant de CHF 111’486.95 au titre de la fortune immobilière, ainsi qu’un montant de CHF 3’340.95 au titre du produit du bien immobilier sis à Lima. La décision précisait qu’en application du nouveau droit, le SPC avait calculé les prestations aussi bien en application de l’ancien droit, qu’en application des nouvelles dispositions. L’application de l’ancien droit étant plus favorable à l’assurée que les nouvelles dispositions, la décision était donc fondée sur l’application du droit en vigueur avant le 1er janvier 2021.![endif]>![if>
b. Par courrier du 18 novembre 2022, l’assurée a demandé au SPC de lui fixer un rendez-vous afin d’avoir un entretien.![endif]>![if>
c. Par décision du 6 décembre 2022, le SPC a calculé les prestations auxquelles avait droit l’assurée pour l’année 2023 et a constaté que, selon le calcul effectué en appliquant les nouvelles dispositions, son droit aux prestations serait supprimé, raison pour laquelle le SPC appliquait les anciennes dispositions en vigueur avant le 1er janvier 2021. L’attention de l’assurée était toutefois attirée sur le fait qu’à l’issue du délai de trois ans, c’est-à-dire dès le 1er janvier 2024, si la situation de l’assurée restait inchangée, elle perdrait son droit à des prestations complémentaires, en application du nouveau droit. Dans la feuille de calcul faisant partie intégrante de la décision, le SPC avait tenu compte, à nouveau, de la fortune immobilière à hauteur de CHF 111’486.95 et du produit de la fortune, soit le revenu du bien immobilier, à hauteur de CHF 3’340.95.![endif]>![if>
d. Par courrier du 9 décembre 2022, l’assurée s’est opposée à la décision du 11 novembre 2022 au motif que sa situation financière avait changé car, selon le testament laissé par feu son mari, elle était usufruitière de la maison familiale et non pas copropriétaire ; de ce fait, aussi bien le montant de la fortune immobilière que le produit de cette fortune immobilière devaient être corrigés.![endif]>![if>
e. Par courrier du 6 janvier 2023, l’assurée s’est opposé à la décision du 6 décembre 2022 pour les mêmes motifs, à savoir que les calculs devaient être modifiés et tenir compte de sa situation d’usufruitière et non pas de copropriétaire, raison pour laquelle le montant de la fortune immobilière et le produit de la fortune immobilière devaient être corrigés dans les feuilles de calcul.![endif]>![if>
f. En date du 3 février 2023, l’assurée a transmis au SPC une copie du testament ainsi qu’une traduction de ce dernier, accompagnée d’un avis de droit d’une Étude d’avocats péruvienne, concernant les droits de l’assurée au regard du droit péruvien et divers extraits de l’équivalent du registre foncier péruvien.![endif]>![if>
g. Par décision sur opposition du 10 février 2023, le SPC a pris position, aussi bien sur l’opposition à la décision du 11 novembre 2022 que sur celle concernant la décision du 6 décembre 2022. Il a partiellement admis les oppositions. En se fondant sur les documents transmis par l’assurée, le SPC a considéré que l’assurée était copropriétaire à hauteur de 50%, avec son époux, du bien immobilier sis au Pérou. Au décès de l’époux, intervenu le 25 mai 2020, l’assurée s’était retrouvée copropriétaire du bien immobilier au côté de huit héritiers. En application du droit péruvien, la part de copropriété à laquelle avait droit l’assurée était de 50%, soit sa quote-part avant le décès, à laquelle s’additionnait la quote-part concernant ses droits en tant qu’héritière, soit 1/9 de 50%. Au total, l’assurée était ainsi copropriétaire à hauteur de 55.5% du bien immobilier, qui était estimé en 2022 à CHF 148’680.59, soit une valeur vénale de CHF 82’518. 28 correspondant à 55.5% du tout, avec une valeur locative de CHF 3’713.32 et des frais d’entretien de CHF 742.66. Pour l’année 2023, en raison de la diminution du taux de conversion USD/CHF, la valeur vénale du bien était estimée à CHF 137’236.50, la part de copropriété à hauteur de 55.5% aboutissait au montant de CHF 76’166.26, avec une valeur locative de CHF 3’427.48 et des frais d’entretien à hauteur de CHF 685.50. Le SPC expliquait s’être fondé sur les droits que pouvait faire valoir l’assurée, au regard des dispositions légales péruviennes et non pas sur la répartition [erronée] qu’avait prévue le de cujus dans son testament. Il était encore mentionné que, si l’assurée avait décidé, avec l’accord des autres héritiers, de procéder à une autre répartition des parts, qui ne correspondait pas à ce à quoi elle pouvait prétendre légalement, cela ne liait pas le SPC. En conclusion, les arriérés de prestations complémentaires, pour la période allant du 1er novembre 2022 au 28 février 2023, s’élevaient mensuellement à CHF 1'792.-, et les prestations dues dès le 1er mars 2023 s’élevaient mensuellement à CHF 2’394.-. Le SPC informait encore l’assurée que, compte tenu de la dette qui était ouverte auprès du service, les arriérés étaient retenus jusqu’à ce que les modalités de remboursement du montant dû par l’assurée, suite à la décision du 25 novembre 2020, soit CHF 114'952.-, soient établies. ![endif]>![if>
h. Par courrier du 27 février 2023 adressé au SPC, l’assurée a confirmé qu’elle avait été surprise de la répartition arbitraire que feu son mari avait faite dans son testament et avait consulté un avocat, qui lui avait dit que l’annulation du testament était possible, au terme d’un processus long et coûteux. Les autres héritiers et elle-même n’étaient pas d’accord avec la répartition faite dans le testament, mais n’avaient pas souhaité le contester, notamment du fait que l’assurée était âgée et que les autres copropriétaires étaient, pour la plupart, déjà à la retraite, avec un âge moyen proche de 70 ans. L’assurée concluait en demandant que le SPC lui confirmât que les prestations complémentaires seraient reconduites en 2024.![endif]>![if>
i. Par courrier du 8 mars 2023, le SPC a demandé des clarifications quant à la teneur du courrier du 27 février 2023, et notamment la confirmation qu’il s’agissait d’un recours contre la décision sur opposition du 10 février 2023, auquel cas il serait transmis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : la chambre de céans). ![endif]>![if>
C. a. Par acte posté le 17 mars 2023, l’assurée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 10 février 2023 auprès de la chambre de céans. Elle a répété les arguments qu’elle avait déjà fait valoir devant le SPC, notamment qu’en raison de ses faibles ressources financières, de son âge et du fait que le bien immobilier et les tribunaux compétents se trouvaient au Pérou, elle avait décidé de ne pas s’opposer au testament. Pour ces motifs, elle considérait n’avoir pas renoncé volontairement à un élément de fortune et concluait à l’annulation de la décision sur opposition et à ce qu’il soit dit que son droit aux prestations complémentaires devait être calculé sans tenir compte du bien immobilier sis à Lima.![endif]>![if>
b. La chambre de céans a interpellé la recourante, en l’informant que selon le relevé de suivi des envois de La Poste qui lui avait été communiqué, son recours était tardif. Il était fixé un délai au 12 mai 2023 pour faire valoir ses arguments, et notamment les éventuelles circonstances qui l’avaient empêchée d’agir dans le délai légal de 30 jours.![endif]>![if>
c. Par courrier du 28 avril 2023, la recourante a fait valoir que le relevé de La Poste produit par le SPC était inexact dès lors que la décision sur opposition qui était mentionnée portait un autre numéro et concernait un autre destinataire. Au regard du numéro de la décision concernée, cette dernière lui avait été notifiée le 15 février 2023, ce qui entraînait que son recours, posté le 17 mars 2023, n’était pas tardif et ne devait pas être déclaré irrecevable. Était joint en annexe un relevé de La Poste qui montrait que la décision la concernant avait été distribuée au guichet le 15 février 2023.![endif]>![if>
d. Par réponse du 13 avril 2023, le SPC a confirmé la position exprimée dans la décision querellée et a considéré que la recourante n’invoquait, dans son écriture, aucun nouvel argument, ni n’apportait de nouveaux éléments susceptibles de conduire le SPC à une appréciation différente du cas, raison pour laquelle ce dernier concluait au rejet du recours.![endif]>![if>
e. Par courrier du 9 mai 2023, le SPC a confirmé qu’après vérification, la décision querellée avait bien été notifiée à la recourante en date du 15 février 2023, comme le soutenait cette dernière.![endif]>![if>
f. Invitée à répliquer, la recourante a fait valoir, par le truchement de sa fille munie d’une procuration, qu’elle était actuellement au Pérou afin d’accélérer les procédures administratives pour le paiement de sa pension de veuve.![endif]>![if>
g. Par observations spontanées du 12 juillet 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans des documents concernant le versement de sa pension de veuve à titre rétroactif.![endif]>![if>
h. Par courrier du 21 août 2023, le SPC s’est déterminé sur la rente de la sécurité sociale péruvienne que la recourante allait apercevoir et a informé la chambre de céans que cette rente ne faisait pas l’objet du litige et que le SPC rendrait, en temps utile, une nouvelle décision tenant compte de la rente en question.![endif]>![if>
i. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.![endif]>![if>
j. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.![endif]>![if>
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).
Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
3. La modification du 22 mars 2019 de la LPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585).
Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des prestations complémentaires entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.
En l’occurrence, les calculs effectués par le SPC selon le droit applicable dès le 1er janvier 2021 entraînent une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle, de sorte que les dispositions applicables seront citées dans leur ancienne teneur.
4. Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] et art. 43 LPCC).
Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).
5. Le litige porte sur le montant et le calcul des prestations complémentaires, en particulier sur la prise en compte dans le calcul du SPC, des montants correspondant à des biens auxquels l’assurée a renoncé.
6. Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 aLPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a aLPC.
Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 aLPC). L’art. 9 al. 1er aLPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les revenus déterminants comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g aLPC).
Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 aLPCC).
7. Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références ; ATF 134 I 65 consid. 3.2 et les références ; ATF 131 V 329 consid. 4.2 et les références).
Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références).
Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives. La question de savoir si la renonciation à un élément de fortune en accomplissement d'un devoir moral constitue un dessaisissement de fortune au sens de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC, a été laissée ouverte (ATF 131 V 329 consid. 4.2 à 4.4).
Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Ainsi, la date à laquelle le dessaisissement a été accompli n'a, en principe, aucune importance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_667/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.3 et les références).
Le Tribunal fédéral a précisé qu’un usage normal de la fortune - en l’occurrence CHF 14’490.- en une année pour des dépenses d’habillement, de loisirs et d’ameublement - n’était pas concerné par la question du dessaisissement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.3). A fortiori, une utilisation du patrimoine afin de couvrir les besoins vitaux ne saurait être considérée comme un dessaisissement (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, ch. 98 ad art. 11 aLPC et les références). Par ailleurs, le Tribunal fédéral a également considéré qu’il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2022 du 17 mai 2022 consid. 3.1 et les références). En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés (cf. ATF 146 V 306 consid. 2.3.1 et les références), ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et - sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC - de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).
8. Selon l'art. 17a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g aLPC) est réduite chaque année de 10 000 francs (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).
Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette disposition à la loi et à la constitution (ATF 118 V 150 consid. 3c/cc).
Conformément à cette disposition, il faut qu'une année civile entière au moins se soit écoulée entre le moment où l'assuré a renoncé à des parts de fortune et le premier amortissement de fortune (Ralph JÖHL, Die Ergänzungsleistung und ihre Berechnung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, p. 1816 n. 247).
9. Selon l'art. 17 aOPC/AVS-AI, la fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l’impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque des immeubles ne servent pas d’habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (al. 4). En cas de dessaisissement d’un immeuble, à titre onéreux ou gratuit, est déterminante la valeur vénale pour savoir s’il y a renonciation à des parts de fortune au sens de l’art. 11 al. 1 let. g, aLPC. La valeur vénale n’est pas applicable si, légalement, il existe un droit d’acquérir l’immeuble à une valeur inférieure (al. 5). En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer uniformément la valeur de répartition déterminante pour les répartitions intercantonales (al. 6).
En vertu de l'art. 17 al. 5 aOPC-AVS/AI, édicté sur la base de la délégation de compétence prévue à l'art. 3a al. 7 let. b aLPC, en cas de dessaisissement d'un immeuble, à titre onéreux ou gratuit, est déterminante la valeur vénale pour savoir s'il y a renonciation à des parts de fortune au sens de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC ; la valeur vénale n'est pas applicable si, légalement, il existe un droit d'acquérir l'immeuble à une valeur inférieure. En lieu et place de la valeur vénale, les cantons peuvent appliquer uniformément la valeur de répartition déterminante pour les répartitions intercantonales (art. 17 al. 6 aOPC/AVS-AI). Selon la jurisprudence, lorsque le canton a fait usage de cette faculté, on ne peut en principe s'en écarter que si cette estimation se révèle abusive ou aboutit à un résultat choquant (arrêt du Tribunal fédéral 8C_591/2008 du 31 juillet 2009 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral P 55/01 du 8 avril 2002 consid. 3 et les références).
La valeur vénale d'un immeuble doit reposer sur une valeur officielle ou une valeur reconnue comme telle ; au besoin, elle sera établie au moyen d'une estimation. Afin de respecter l'égalité de traitement, l'administration des prestations complémentaires doit toujours mandater le même service officiel pour calculer la valeur vénale d'un immeuble. C'est la valeur au moment du dessaisissement qui est déterminante (arrêt du Tribunal fédéral P 9/04 du 7 avril 2004 consid. 3.2 et les références). Un montant de 4,5% de la valeur vénale retenu à titre de valeur locative ou de rendement de l'immeuble n'est pas excessif (arrêt du Tribunal fédéral P 57/05 du 29 août 2006).
S'agissant d'un bien immobilier situé à l'étranger, la jurisprudence admet la possibilité de déterminer sa valeur en se référant à un rapport d'expertise réalisée à l'étranger s'il n'est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2018 du 16 avril 2019 consid. 7.2). Le montant de la valeur locative du bien immobilier qui doit en principe être pris en considération à titre de loyer lorsque celui-ci est vide – alors même qu'une location serait possible – est le loyer qui est usuellement pratiqué dans la région ou, autrement dit, un loyer conforme à la loi du marché (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2018 du 16 avril 2019 consid. 7.2).
10. Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).
11. Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier ; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b ; ATF 108 V 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).
12. En l’espèce, la recourante allègue que la valeur vénale de l’immeuble sis à Lima ainsi que le produit de cet immeuble ne doivent pas être pris en compte par le SPC dès lors que, même si elle était légalement copropriétaire de l’immeuble à 50% et héritière à hauteur de 5,5%, soit au total copropriétaire à hauteur de 55,5%, elle a renoncé à ses droits pour éviter une procédure longue et coûteuse, en annulation du testament.
De son côté, le SPC considère qu’en renonçant à faire valoir ses droits, la recourante a renoncé volontairement à un élément de fortune et au revenu produit par cette fortune, de telle sorte qu’il s’agit d’un dessaisissement et que la fortune et les revenus auxquels la recourante a renoncés doivent être réintégrés de manière hypothétique dans son patrimoine et pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires.
12.1 La jurisprudence concernant le dessaisissement est claire ; elle prévoit qu’il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références).
Dans le cas présent, il est établi et admis par la recourante que cette dernière a renoncé volontairement - et sans contrepartie - à ses droits sur l’immeuble sis à Lima, soit une quote-part de copropriété de 50%, à laquelle s’additionne une part d’héritage correspondant à 5.5% du solde de la copropriété, soit au total une part de copropriété de 55.5% sur l’immeuble, correspondant également à un droit de 55.5% sur les revenus de l’immeuble.
À cet égard, l’avis de droit de l’Étude d’avocats péruvienne « Iura lex abogados & asociados », du 20 janvier 2023, produit par la recourante, confirme, ch. 2, p. 4, que chaque copropriétaire peut disposer librement de ses parts et de ses droits sur le bien et peut ainsi les vendre à des tiers (traduction libre) « Cada copropietario puede disponer libremente de sus acciones y derechos que tienen sobre el inmueble, es decir, que cada copropietario puede vender sus acciones y derechos a une tercera persona ».
Pour justifier sa renonciation à sa part de fortune et à son droit sur le produit de la fortune, la recourante a fait valoir qu’elle aurait dû entamer une procédure longue et coûteuse en annulation du testament ; néanmoins, elle n’apporte aucun élément permettant de considérer qu’une telle procédure eût été disproportionnée et qu’on ne pouvait pas raisonnablement l’exiger d’elle, ce d’autant moins que la recourante s’est à nouveau rendue au Pérou en juillet 2023 pour faire valoir ses droits sur la pension de veuve, ce qui démontre qu’en dépit de son âge, elle est disposée à voyager et à défendre ses intérêts.
12.2 Par ailleurs, ni le montant de l’estimation de la valeur vénale de l’immeuble, ni le calcul du produit de ce dernier ne sont contestés par la recourante. En l’état du dossier, il n’existe aucun élément susceptible de mettre en doute les montants retenus par le SPC pour estimer la valeur vénale de l’immeuble, en se fondant sur les documents établissant la « valor construccion » transmis par le recourante, et qui a appliqué les méthodes de calcul fixées par la jurisprudence, pour fixer le rendement de ce dernier et les frais d’entretien.
Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante a volontairement renoncé à un élément de fortune et au revenu de ce dernier sans que cela soit justifié.
13. Partant, la décision du SPC ne prête pas le flanc à la critique et la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.
14. S’agissant de la pension qui doit être servie par la sécurité sociale péruvienne en faveur de l’assurée, il sied de rappeler qu’en procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent en principe être examinés et jugés que les rapports juridiques à propos desquels l’autorité administrative compétente s’est prononcée préalablement d’une manière qui la lie sous la forme d’une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l’objet de la contestation qui peut être déféré en justice par la voie d’un recours. Le juge n’entre donc pas en matière, sauf exception, sur des conclusions qui vont au-delà de l’objet de la contestation (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 et les références).
Comme le souligne le SPC, cet élément est un fait nouveau qui est venu s’intercaler dans la procédure et qui n’a pas encore fait l’objet d’une décision du SPC, raison pour laquelle la chambre de céans n’entrera pas en matière sur cette question.
15. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.![endif]>![if>
Au fond :
2. Le rejette.![endif]>![if>
3. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
4. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le