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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/403/2023

ATAS/660/2023 du 04.09.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/403/2023 ATAS/660/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 septembre 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

Représenté par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1964, de nationalité suisse, est titulaire d'un certificat fédéral de capacité d'employé de commerce et a en outre suivi une formation d'ingénieur du son. Il a travaillé pour divers employeurs, tant dans le domaine administratif, social que dans l'audio-visuel et est soutenu par l'Hospice général depuis 2015.

b. Le 7 juin 2022, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), mentionnant une dépression et une pancréatite chronique à titre d'atteintes à la santé. Il était suivi par la docteure B______, médecin praticien, pour ses problèmes digestifs, une hypertension et un état dépressif, et par le service de gastroentérologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour une pancréatite chronique. Il a joint à sa demande un certificat médical du 10 mars 2022 de la Dre B______ attestant d'une incapacité totale de travail dès la date précitée.

B. a. Le docteur C______, spécialiste FMH en gastroentérologie au sein des HUG, a attesté, dans un formulaire médical du 17 octobre 2022 à l'attention de l'OAI, que l'assuré souffrait d'une pancréatite chronique, laquelle avait une influence sur sa capacité de travail, en raison des douleurs et des insuffisances pancréatiques qu'elle engendrait. Il avait néanmoins jugé le recourant apte à reprendre son activité professionnelle à 80% dès le 24 septembre 2021, cette date correspondant à celle de la seule entrevue qu'il avait eue avec lui, mais s'interrogeait sur l'évolution de la capacité de travail depuis lors. L'assuré disposait aussi d'une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée à la date précitée. Ce dernier risquait par ailleurs de développer, entre autres, un diabète.

b. À son rapport du 17 octobre 2022, le Dr C______ a joint le compte-rendu de la consultation du 24 septembre 2021 (établi le 29 septembre 2021) faisant état de ce que l'assuré était porteur d'une pancréatite ancienne depuis 2007 et avait été hospitalisé en chirurgie viscérale le 29 juin 2021 en raison d'une poussée aigüe. À cette occasion, un pseudo-kyste nécrotique de 45 mm de diamètre avait été constaté, pouvant entraîner un retentissement bilio-pancréatique. L'imagerie du mois de septembre était rassurante, montrant une diminution du volume du kyste. L'examen clinique mettait en évidence une hypertrophie du foie gauche. Un sevrage alcoolique complet chez un patient ayant une consommation excessive était nécessaire.

c. Par projet de décision du 10 novembre 2022, l'OAI a indiqué vouloir rejeter la demande de prestations de l'assuré, celui-ci disposant d'une capacité de travail de 80% dans toute activité.

d. À défaut de contestation de l'assuré, l'OAI a rendu une décision comportant la même motivation, le 5 janvier 2023.

C. a. Le 6 février 2023, l'assuré, représenté par son conseil, a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) à l'encontre de la décision précitée. Il a préalablement conclu à ce qu'un délai lui soit accordé pour compléter son recours et, sur le fond, à l'annulation de la décision entreprise et à l'octroi en sa faveur d'une rente entière de l'assurance-invalidité ainsi qu'à des mesures professionnelles, sous suite de dépens.

Le recourant a joint à son recours le rapport du Dr C______ du 29 septembre 2021 ainsi que le formulaire médical adressé par l'OAI à la Dre B______ et rempli par ses soins, daté du 31 octobre 2022, qui ne figurait pas à son dossier.

Selon ce dernier rapport, la Dre B______ suivait le recourant à sa consultation depuis le 10 mars 2022 et attestait d'une incapacité totale de travail de sa part depuis cette date. Il souffrait des diagnostics incapacitants suivants : pancréatite chronique ancienne, diabète de type 2 (à la suite de la pancréatite), asthénie, douleurs épigastriques, état anxio-dépressif suite à la perte de son travail, consommation ancienne (chronique) d'alcool. La médecin a aussi relevé une baisse massive de la vision (provisoire), d'origine indéterminée, dans les antécédents médicaux du recourant, ainsi que, notamment, une polyneuropathie du membre inférieur droit à titre de diagnostic sans incidence sur la capacité de travail. L'évolution de l'état de santé du recourant avait été marquée par une perte de force et de poids, une asthénie, un état anxio-dépressif persistant suite au décès de sa mère et un manque de perspectives. Le status post pancréatite était sans complication à l'heure actuelle. S'agissant des limitations fonctionnelles, le recourant ne devait pas faire d'efforts physiques. Une réadaptation professionnelle était ainsi possible sous l'angle intellectuel, mais compliquée sous l'angle physique. Aux questions concernant précisément la capacité de travail, la Dre B______ a indiqué qu'elle ne pouvait se prononcer concernant l'activité habituelle et a renvoyé aux spécialistes concernant une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, tout en mentionnant que le recourant ne pouvait actuellement pas travailler du tout.

b. Le 15 février 2023, le recourant a été mis au bénéfice de l'assistance juridique, avec effet au 6 février 2023.

c. Dans son complément de recours du 8 mars 2023, le recourant a fait valoir que l'intimé s'était fondé uniquement sur le rapport médical du Dr C______ du 17 octobre 2022 pour établir sa capacité de travail, alors que ce médecin ne l'avait vu qu'une seule fois, qu'il n'avait pas répondu de manière complète aux questions de l'intimé et que son état de santé avait évolué depuis 2021. Le Dr C______ ne disposait ainsi pas de tous les éléments pertinents, ignorant que le risque de diabète de type 2 qu'il suspectait en 2021 était apparu et qu'il souffrait dorénavant d'une baisse de la vision. En outre, le rapport de la Dre B______ du 31 octobre 2022 ne figurait pas dans son dossier médico-administratif. L'intimé avait ainsi instruit de manière lacunaire sa demande de prestations, de sorte que sa décision du 5 janvier 2023 devait être annulée et qu'il devait être invité à instruire à nouveau le cas.

d. Par mémoire de réponse du 30 mars 2023, l'intimé, se référant à un avis de son service médical régional (ci-après : SMR) du même jour, a sollicité que la chambre de céans demande à la Dre B______ une copie des examens complémentaires effectués en relation avec les diagnostics qu'elle retenait, notamment concernant un possible trouble de la vision, un diabète, une polyneuropathie des membres inférieurs et des troubles dépressifs, ainsi que le rapport d'hospitalisation aux HUG de 2021.

e. Sollicitée par la chambre de céans, la Dre B______ a répondu, le 24 avril 2023, qu'elle avait conseillé au recourant de prendre rendez-vous pour une électromyographie auprès d'un neurologue et l'avait encouragé à débuter un suivi auprès d'un psychiatre. Les examens effectués n'avaient pas permis de trouver l'origine du trouble de la vision, mais l'acuité visuelle du recourant s'était améliorée à l'heure actuelle. Elle a joint divers documents médicaux, soit notamment :

-          Une échographie de l'abdomen complet du 24 mars 2022 concluant à un status post-pancréatectomie partielle et sans collection décelable (sous réserve de la qualité limitée de l'examen), à une hépatopathie de surcharge sans lésion focale décelée ainsi qu'à une valeur de fibroscan compatible avec une fibrose modéré F1-F2 selon Metavir, et précisant qu'une corrélation avec les données d'une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) pancréatique serait souhaitable.

-          Les résultats des prélèvements sanguins du 16 mars 2023.

-          Le consilium pluridisciplinaire du centre hépatobiliaire et pancréatique des HUG du 29 juin 2021, mentionnant que le recourant a été hospitalisé en chirurgie viscérale en raison d'une pancréatite aigüe, compliquée dans un contexte de pancréatite chronique, que l'IRM réalisée le 25 juin 2021 ne montrait pas de lésion suspecte du pancréas, mais une collection de nécrose kystique organisée de la tête du pancréas mesurant 4.5 cm de diamètre, associée à des stigmates de pancréatite chronique, et qu'il fallait réaliser une nouvelle IRM à six semaines avec consultation d'un gastroentérologue.

-          Un rapport de consultation du service d'ophtalmologie des HUG du 27 avril 2021 faisant état d'une neuropathie optique toxique aigüe, associée à une baisse de quelques vitamines B2 et de vitamine A, et préconisant un contrôle au mois de juin 2021.

-          Une IRM cérébrale et orbitaire du 23 février 2021 dans les limites de la norme.

-          La lettre de sortie des HUG du 25 juillet 2017 suite à une hospitalisation du recourant du 4 au 21 juillet 2017 au sein de l'unité de médecine physique et réadaptation orthopédique à la suite d'un accident de la voie publique en scooter le 28 juin 2017 lui ayant causé diverses fractures et une entorse.

f. Par écriture du 15 mai 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, se référant sur le fond à l'avis médical rendu par le SMR également le 15 mai 2023. Selon cet avis, les tests sanguins du 16 mars 2023 parlaient pour un diabète ou une intolérance au glucose, stabilisés, et les tests hépatiques étaient perturbés. Le reste des documents datait de 2021 et de 2022 et était déjà présent au dossier AI du recourant, de sorte qu'aucun nouvel élément médical ne permettait de revoir les conclusions du Dr C______, le diabète/intolérance au glucose étant stabilisés et l'acuité visuelle améliorée.

g. Le 2 juin 2023, le recourant a souligné que sa médecin traitante avait posé comme diagnostics avec répercussion sur la capacité de travail des troubles non pris en compte par l'intimé, soit une asthénie, des douleurs épigastriques, et un état anxio-dépressif, qu'elle avait rappelés dans son rapport du 24 avril 2023. L'échographie de l'abdomen réalisée en mars 2022 parlait de plus en faveur d'une fibrose modérée F1-F2 selon Metavir, alors que l'appréciation du Dr C______ se fondait sur une situation médicale de 2021 et ne prenait pas en compte les nouveaux diagnostics apparus depuis (diabète de type 2, fibrose modérée, état anxio-dépressif et baisse de vision, améliorée). L'intimé ne s'était pas non plus prononcé sur les critiques émises dans le recours à l'encontre du rapport du Dr C______ du 17 octobre 2022.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée porte sur le refus de prestations de l'assurance-invalidité dont le droit serait né postérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu du fait que le 5 février 2023 était un dimanche, le recours est recevable (cf. art. 38 al. 3 LPGA et 17 al. 3 LPA sur la computation des délais).

6.             De jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 130 V 130 consid. 2.1). Même s'il a été rendu postérieurement à la date déterminante, un rapport médical doit cependant être pris en considération, dans la mesure où il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2).

7.             Le litige porte sur le droit du recourant à des prestations de l'assurance-invalidité, singulièrement sur la question de savoir si l'intimé a suffisamment instruit le cas sous l'angle médical avant de rendre sa décision du 5 janvier 2023.

8.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

9.              

9.1 A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Une rente n'est pas octroyée tant que toutes les possibilités de réadaptation au sens de l'art. 8 al. 1bis et 1ter n'ont pas été épuisées (art. 28 al. 1bis LAI).

9.2 Selon la jurisprudence, si l'assuré peut prétendre à des prestations de l'assurance-invalidité, l'allocation d'une rente d'invalidité à l'issue du délai d'attente (cf. art. 28 al. 1 LAI) n'entre en considération que si l'intéressé n'est pas, ou pas encore, susceptible d'être réadapté professionnellement en raison de son état de santé (principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente ; ATF 121 V 190 consid. 4c). La preuve de l'absence de capacité de réadaptation comme condition à l'octroi d'une rente d'invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante. Dans les autres cas, une rente de l'assurance-invalidité ne peut être allouée avec effet rétroactif que si les mesures d'instruction destinées à démontrer que l'assuré est susceptible d'être réadapté ont révélé que celui-ci ne l'était pas (ATF 121 V 190 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2 et les références). 

10.          

10.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

10.2 Aux termes de l'art. 54a al. 2 LAI, les services médicaux régionaux sont à la disposition des offices AI pour l'évaluation des conditions médicales du droit aux prestations. À teneur de l'art. 49 al. 1 RAI, ils sont libres dans le choix de la méthode d’examen appropriée, dans le cadre de leurs compétences médicales et des directives spécialisées de portée générale de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS).

Le ch. 3056 de la circulaire sur la procédure dans l'assurance-invalidité éditée par l'OFAS énonce, qu'en principe, l’office AI demande les informations médicales ou le rapport médical au médecin qui a traité l’assuré en dernier lieu pour l’affection annoncée.

10.3 Selon l’art. 54a LAI, les services médicaux régionaux établissent en outre les capacités fonctionnelles de l’assuré qui sont déterminantes pour l’assurance-invalidité en vertu de l’art. 6 LPGA, pour l’exercice d’une activité lucrative raisonnablement exigible ou pour l’accomplissement des travaux habituels (al. 3).

Lors de la détermination des capacités fonctionnelles, la capacité de travail attestée médicalement pour l’activité exercée jusque-là et pour les activités adaptées est évaluée et justifiée en tenant compte, qualitativement et quantitativement, de toutes les ressources et limitations physiques, mentales et psychiques (art. 49 al. 1bis RAI).

Les limitations dues à l’atteinte à la santé au sens étroit, à savoir les restrictions à l’exercice d’une activité lucrative au sens de l’art. 8 LPGA de nature quantitative et qualitative, dues à l’invalidité et médicalement établies, doivent systématiquement être prises en compte pour l’appréciation de la capacité fonctionnelle. Il s’agit là de l’estimation du temps de présence médicalement justifié d’une part (capacités fonctionnelles quantitatives, par ex. en nombre d’heures par jour) et des capacités fonctionnelles qualitatives durant ce temps de présence d’autre part (limitation de la charge de travail, limitations qualitatives, travail plus lent par rapport à une personne en bonne santé, etc.). En règle générale, ces deux composantes sont ensuite combinées pour obtenir une appréciation globale en pourcentage de la capacité de travail, autrement dit des capacités fonctionnelles. Ainsi, par exemple, une productivité réduite pendant le temps de présence exigible ou un besoin de pauses plus fréquentes doivent être systématiquement déduits lors de l’indication de la capacité fonctionnelle résiduelle. Cela permet également de tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la capacité de travail attestée par un médecin donne des indications sur l’effort pouvant être effectivement exigé, mais pas sur la présence éventuelle sur le lieu de travail. Dans certaines circonstances, il peut être nécessaire de demander des renseignements auprès du médecin traitant afin que le SMR puisse établir une évaluation globale et compréhensible de la capacité fonctionnelle résiduelle, qui tienne compte de tous les facteurs médicaux influents [OFAS, Dispositions d’exécution relatives à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Développement continu de l’AI), rapport explicatif (après la procédure de consultation) du 3 novembre 2021, ad art. 49 al. 1bis, p. 60].

11.         Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

11.1 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

11.2 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

12.          

12.1 Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur, qui prend les mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (cf. art. 43 al. 1 LPGA). Le devoir d'instruction s'étend jusqu'à ce que les faits nécessaires à l'examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (arrêt 8C_364/2007 du 19 novembre 2007 consid. 3.2). Dans la conduite de la procédure, l'assureur dispose d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne la nécessité, l'étendue et l'adéquation de recueillir des données médicales (arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2012 du 12 juin 2013 consid. 4.1).

L'assureur n'a pas à épuiser toutes les possibilités d'investigations, s'il estime, par une appréciation anticipée des preuves fournies par les investigations auxquelles il a déjà procédé, que certains faits présentent le degré de preuve requis par les circonstances et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation. À l'inverse, l'assureur ne peut renoncer à mettre en œuvre des mesures d'instruction complémentaires, lorsqu'il apparaît, sur la base du dossier ou des allégations de la personne assurée, que les faits pertinents n'ont pas été établis de manière correcte et complète ou qu'il existe des contradictions insurmontables (Jacques Olivier PIGUET, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 12 ad art. 43 LPGA).

12.2 Selon la jurisprudence (DTA 2001 p. 169), le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l’administration pour complément d’instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à l’administration, lorsqu’il a pour but d’établir l’état de fait, ne viole ni le principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni la maxime inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un renvoi constitue en soi un déni de justice (par exemple, lorsque, en raison des circonstances, seule une expertise judiciaire ou une autre mesure probatoire judiciaire serait propre à établir l’état de fait), ou si un renvoi apparaît disproportionné dans le cas particulier (RAMA 1993 n° U 170 p. 136). À l’inverse, le renvoi à l’administration apparaît en général justifié si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (voir RAMA 1986 n° K 665 p. 87). Un renvoi reste possible notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_646/2010 du 23 février 2011 consid. 4).

13.          

13.1 En l'occurrence, lors du prononcé de la décision du 5 janvier 2023, l'intimé avait pour seuls documents médicaux à sa disposition le formulaire du 17 octobre 2022 que lui avait retourné le Dr C______, accompagné du compte-rendu de la consultation du 24 septembre 2021, ainsi que le certificat d'incapacité totale de travail délivré par la Dre B______ le 10 mars 2022, annexé à la demande de prestations.

Or, dans son rapport du 17 octobre 2022, le Dr C______ avait certes mentionné que le recourant pouvait travailler à hauteur de 80% dans son activité habituelle depuis le 24 septembre 2021 et dans une activité adaptée, mais il s'était aussi interrogé sur l'évolution de la capacité de travail depuis lors et avait précisé qu'il ne pouvait non plus juger de l'évolution de l'état de santé du recourant, ne l'ayant vu qu'à une seule reprise. S'il est certes vrai que son interrogation quant à la capacité de travail a été émise dans la rubrique spécifique afférente à l'activité habituelle, et non dans celle relative à une activité adaptée, le fait que le médecin relevait qu'il ne suivait plus le recourant et ne l'avait vu qu'à une reprise, dans un contexte de maladie évolutive, notamment de risque de développer un diabète, devait inciter l'intimé à clarifier la capacité de travail du recourant au jour du dépôt de la demande, plus de huit mois après.

De plus, bien que l'intimé avait sollicité la Dre B______, le formulaire que celle‑ci a complété, qui porte la date du 31 octobre 2022, ne figurait pas au dossier, pour une raison inconnue. Le rapport de cette praticienne apparaissait néanmoins décisif afin de se prononcer sur le cas, dans la mesure où il s'agissait de la médecin traitante du recourant au moment du dépôt de la demande, qu'elle lui avait délivré un certificat d'incapacité totale de travail le 10 mars 2022 et que les troubles du recourant ne se limitaient pas à la pancréatite, mais recouvraient aussi d'autres affections, dont une dépression, mentionnée expressément dans la demande de prestations en tant qu'atteinte à la santé. Le recourant avait par ailleurs précisé que la Dre B______ le suivait pour des problèmes digestifs, une hypertension et un état dépressif.

L'intimé ne pouvait donc se satisfaire de la réponse du 17 octobre 2022 du Dr C______ qui ne s'était prononcé que sous l'angle gastroentérologique, outre que celle-ci laissait en elle-même subsister des doutes quant à la capacité de travail du recourant en lien avec sa pancréatite chronique. L'intimé devait au contraire élucider si les autres affections figurant au dossier avaient une répercussion sur le droit aux prestations du recourant.

Il peut par ailleurs être reproché à l'intimé, une fois en possession du rapport du Dr C______, d'avoir rendu un projet de décision, puis une décision définitive, sans requérir le point de vue du SMR, alors qu'il revient à ce dernier d'évaluer les conditions médicales du droit aux prestations et d'établir les capacités fonctionnelles de l'assuré.

Au vu de ce qui précède, il doit être retenu que l'intimé n'avait pas suffisamment instruit le cas avant de rendre la décision litigieuse.

13.2 Le fait que, dans le cadre du présent recours, des informations médicales supplémentaires ont été recueillies et que le SMR a eu la possibilité de se prononcer sur l'ensemble des pièces versées au dossier ne permet pas de pallier au manque d'instruction du cas.

En effet, lorsque le SMR affirme qu'il conviendrait de suivre l'avis du Dr C______ concluant à une capacité de travail de 80% du recourant car il n'existerait à ce jour aucun élément médical objectif nouveau, les documents transmis dans le cadre du recours datant de 2021 et 2022 et figurant déjà au dossier, il se méprend. Contrairement à ce que soutient le SMR, les documents communiqués par le recourant et sa médecin traitante – qui sont bien antérieurs au prononcé de la décision (hormis les résultats des prélèvements sanguins du 16 mars 2023) et qui doivent donc être pris en considération dans le cadre de l'instruction de la demande – n'apparaissaient pas dans le dossier AI.

Par ailleurs, le SMR ne s'est pas prononcé sur les ambiguïtés des réponses du Dr C______ concernant la question, pourtant centrale, de la capacité de travail du recourant en raison de sa pancréatite chronique. Il n'a pas non plus discuté de l'avis de la Dre B______ figurant dans son rapport du 31 octobre 2022 qui, bien que renvoyant aux spécialistes, disait néanmoins que le recourant ne pouvait plus travailler, en tous les cas actuellement, et qui lui avait délivré un certificat d'incapacité totale de travail le 10 mars 2022. Le SMR n'a en outre pas pris en considération l'échographie de l'abdomen du 24 mars 2022 concluant à une fibrose modérée F1-F2 selon Metavir et les résultats perturbés des tests hépatiques. À aucun moment, l'intimé ou le SMR ne se sont non plus interrogés sur les éventuelles limitations psychiques du recourant, alors même que ce dernier mentionnait, dans sa demande de prestations, une dépression à titre d'atteinte à sa santé et que la Dre B______ faisait figurer l'état anxio-dépressif dans les diagnostics avec effet sur la capacité de travail.

De plus, l'avis du SMR du 15 mai 2023 ne respecte pas les exigences légales concernant la détermination des capacités fonctionnelles du recourant au sens des art. 54a al. 3 LAI et 49 al. 1bis RAI.

13.3 En définitive, ni l'instruction menée par l'intimé dans le cadre de l'examen du droit aux prestations, ni l'avis du SMR du 15 mai 2023, ne permettent à la chambre de céans de vérifier si c'est à juste titre qu'une capacité de travail de 80% dans toute activité a été imputée au recourant et de savoir quelles sont ses capacités fonctionnelles réelles.

Dans la mesure où l'instruction du cas par l'intimé paraît lacunaire, il n'y a pas lieu, à ce stade de la procédure, d'ordonner une expertise judiciaire, mais il se justifie de lui renvoyer la cause pour qu'il évalue, avec le concours du SMR, l'invalidité du recourant en prenant en considération toutes ses affections et en déterminant celles qui sont incapacitantes, sur la base des renseignements actualisés qui devront être recueillis auprès des médecins traitants à ce propos. Dans le cadre du renvoi, le SMR devra par ailleurs déterminer les capacités fonctionnelles du recourant conformément aux dispositions légales.

Enfin, ce renvoi devra aussi permettre à l'intimé de clarifier quelle était l'activité habituelle du recourant avant son atteinte à la santé (les premiers symptômes de pancréatite remontant à 2007), afin de permettre aux médecins de se prononcer en toute connaissance de cause sur la capacité de travail du recourant dans celle-ci, et de faire une éventuelle distinction avec la capacité de travail dans une activité adaptée.

14.         Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision du 5 janvier 2023 sera annulée. Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]). Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d’un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimé du 5 janvier 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le