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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4265/2022

ATAS/631/2023 du 23.08.2023 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4265/2022 ATAS/631/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 août 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

SWICA ASSURANCE-MALADIE SA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1994, est assuré auprès de SWICA assurance-maladie SA (ci-après : l’assurance ou l’intimée) pour l’assurance obligatoire des soins (ci-après : AOS) depuis le 1er janvier 2022.

b. Par courrier du 12 juillet 2022, le docteur B______, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique s’est adressé à l’assurance pour l’informer de ce que l’assuré présentait une gynécomastie bilatérale asymétrique vraie. Le chirurgien préconisait une mastectomie bilatérale permettant d’exciser l’ensemble des glandes mammaires et de symétriser le thorax. Il sollicitait la prise en charge de cette intervention au titre de l’AOS.

Le Dr B______ joignait à son courrier un rapport du 28 juin 2022 du docteur C______, spécialiste en radiologie, relatif à une imagerie par ultrason de la paroi thoracique/mammaire de l’assuré. Le radiologue y relevait la présence d’un noyau glandulaire relativement étendu des deux côtés (3.2 cm de diamètre transverse et 2.5 cm de diamètre craniocaudal à droite, respectivement 3.4 et 3.1 cm à gauche), discrètement asymétrique en faveur de la gauche. Il soulignait une discordance entre le caractère discret de l’asymétrie et le ressenti de l’assuré.

c. Le 22 juillet 2022, l’assurance a informé le Dr B______ de ce que la prise en charge de l’opération était refusée, son médecin-conseil ayant considéré que « les conséquences de cette intervention peu ciblée n’étaient [ne sont] pas suffisamment importantes pour avoir valeur de maladie ».

d. Le 9 août 2022, le Dr B______ a fait part à l’assurance de son étonnement face au refus de prise en charge de la mastectomie et a sollicité des explications quant à ses motifs. Son patient, en excellente santé habituelle, sans antécédent majeur ni adiposité, présentait des glandes de plus de 3.5 cm de diamètre de chaque côté, soit la taille d’une prune. Il s’agissait d’une gynécomastie vraie bilatérale, importante et symptomatique, soit une pathologie pour laquelle les mastectomies s’avéraient salvatrices.

e. L’assurance ayant persisté dans sa position le 17 août 2022, le Dr B______ a dès le lendemain demandé une nouvelle fois que les raisons du refus de prise en charge lui soit expliquées.

f. Suite à un entretien téléphonique entre le chirurgien traitant et le médecin-conseil de l’assurance, celle-ci a motivé par écrit, le 1er septembre 2022 les raisons du refus de prise en charge, soit :

-          La gynécomastie n’était pas visible sur les photos ;

-          Selon l’échographie, l’épaisseur de la glande était millimétrique, soit 3 mm à droite et 4 mm à gauche; le diamètre se situait autour de 3 et 3.5 cm des deux côtés, ce qui confirmait la situation illustrée par les photos ;

-          Les plaintes se limitaient à une hypersensibilité des mamelons variable, sans syndrome douloureux et sans limitation fonctionnelle dans la vie quotidienne. Ces symptômes n’avaient pas une gravité suffisante pour avoir valeur de maladie.

g. Le 14 septembre 2022, l’assuré a écrit à l’assurance que la gynécomastie dont il souffrait avait un impact sur sa vie quotidienne. La sensibilité anormale de ses tétons le dérangeait fréquemment tant la journée que la nuit, y compris dans sa vie sexuelle. En outre, des sécrétions blanchâtres l’avaient déjà mis dans l’embarras et avaient été à l’origine de moqueries et de remises en question de sa virilité. À ces symptômes physiques s’en ajoutaient d’autres, à caractère psychologique. Son estime de soi était affectée et il ressentait une gêne tant en public qu’en privé, notamment lorsque son entourage lui faisait remarquer que ses aréoles étaient visibles à travers ses vêtements.

h. Par décision du 23 septembre 2022, l’assurance a formalisé sa position précédente, considérant que les symptômes n’avaient pas une gravité suffisante pour avoir valeur de maladie.

i. Le 16 octobre 2022, l’assuré a formé opposition contre cette décision, réitérant sa demande de prise en charge pour les motifs avancés dans son courrier du 14 septembre 2021.

j. Par décision sur opposition du 18 novembre 2022, l’assurance a maintenu son refus de prendre en charge l’intervention sollicitée. Deux médecins du service de son médecin-conseil avaient examiné les photographies et constaté que la gynécomastie n’était pas visible, ce qui était confirmé par l’échographie qui laissait apparaître une épaisseur millimétrique (3 mm à droite et 4 mm à gauche) de la glande. Le Dr B______ avait en outre indiqué lors de son entretien téléphonique avec le médecin conseil que le patient ne présentait pas de syndrome douloureux, mais uniquement une hypersensibilité variable des mamelons. Quant à la souffrance psychique secondaire, elle n’avait pas justifié de traitement particulier. Enfin, selon les médecins-conseils, il n’y avait pas de caractère défigurant ni de troubles fonctionnels dus à l’atteinte.

B. a. L’assuré a recouru contre cette décision le 14 décembre 2022, concluant à son annulation et à la prise en charge de la mastectomie bilatérale. Outre les arguments soulevés dans ses précédents écrits, il a relevé que contrairement à ce que l’intimée soutenait, il suivait un traitement psychothérapeutique depuis le 3 juin 2022 afin de faire face à sa souffrance psychique.

b. Dans sa réponse du 13 janvier 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours. Outre les éléments déjà évoqués dans sa décision sur opposition, elle relevait notamment que le traitement psychothérapeutique avait uniquement débuté le 3 juin 2022, qu’il n’avait jamais été invoqué par le Dr B______ dans le cadre de sa demande de prise en charge de la mastectomie et que rien n’indiquait qu’il fût en lien avec l’atteinte gynécomastie alléguée.

c. Le 3 février 2023, le recourant a indiqué que le fait que le lien entre son traitement psychothérapeutique et sa demande de prise en charge ne soit pas manifeste ne constituait pas un motif de refus. Il ne concevait pas d’éventer les raisons de son suivi du seul fait que l’intimée avait affirmé que la gynécomastie n’avait nécessité aucune thérapie d’ordre médical.

d. Le 1er mars 2023, le recourant a produit un certificat du 27 février 2023 de Madame D______, psychologue. Elle attestait suivre l’intéressé en psychothérapie depuis le 3 juin 2022, la démarche étant « notamment en lien avec l’apparence de ses aréoles ».

Le recourant a indiqué consulter Mme D______ depuis 2021 dans le cabinet de la docteure E______. Il concluait son courrier en sollicitant une deuxième expertise par un chirurgien.

e. Le 24 mars 2023, l’intimée a relevé que l’attestation succincte de Mme D______ ne posait aucun diagnostic, impliquait que la démarche thérapeutique visait également d’autres pathologies et n’était guère pertinente. Pour le surplus, il ressortait des décomptes de l’ancien assureur AOS que le recourant avait déjà suivi des traitements auprès d’autres psychiatres en 2017, 2018 et 2019, sans qu’il ne soit établi que ces thérapies étaient principalement en lien avec l’apparence de ses alvéoles. Cela paraissait d’ailleurs d’autant moins vraisemblable que le Dr B______ qui avait procédé à la demande de prise en charge de la mastectomie n’avait jamais fait état de troubles psychiques se rapportant à la gynécomastie.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours du 28 janvier 2019 contre la décision sur opposition du 10 décembre 2018 est recevable.

3.             Le litige porte sur le droit du recourant à la prise en charge des frais liés à une mastectomie bilatérale au titre de l'assurance obligatoire des soins.

4.              

4.1 Conformément à l'art. 1a al. 2 let. a LAMal, l'assurance-maladie sociale alloue des prestations en cas de maladie (art. 3 LPGA).

En vertu de l’art. 25 LAMal, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1).

Selon l’art. 3 al. 1 LPGA, est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.

La notion de maladie suppose, d'une part, une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique dans le sens d'un état physique, psychique ou mental qui s'écarte de la norme et, d'autre part, la nécessité d'un examen ou d'un traitement médical. La notion de maladie est une notion juridique qui ne se recoupe pas nécessairement avec la définition médicale de la maladie (ATF 124 V 118
consid. 3b s et les références). Pour qu'une altération de la santé ou un dysfonctionnement du corps humain soient considérés comme une maladie au sens juridique, il faut qu'ils aient valeur de maladie (« Krankheitswert ») ou, en d'autres termes, atteignent une certaine ampleur ou intensité et rendent nécessaires des soins médicaux ou provoquent une incapacité de travail (arrêts du Tribunal fédéral 9C_552/2018 du 21 décembre 2018, consid. 5.2, 9C_465/2010 du 6 décembre 2010 consid. 4.1).

Les défauts esthétiques en tant que conséquence d'une maladie ou d'un accident n'ont pas valeur de maladie. La jurisprudence reconnaît cependant que l'assurance obligatoire des soins est tenue de prendre en charge un traitement chirurgical lorsque, servant à l'élimination d'une atteinte secondaire due à la maladie ou à un accident, il permet de corriger des altérations externes de certaines parties du corps - en particulier le visage - visibles et spécialement sensibles sur le plan esthétique ; aussi longtemps que subsiste une imperfection de ce genre due à la maladie ou à un accident, ayant une certaine ampleur et à laquelle une opération de chirurgie esthétique peut remédier, l'assurance doit assumer les frais de cette intervention, à condition qu'elle eût à répondre également des suites immédiates de l'accident ou de la maladie. Il faut également réserver les situations où l'altération, sans être visible ou particulièrement sensible ou même sans être grave, provoque des douleurs ou des limitations fonctionnelles qui ont clairement valeur de maladie. Il en est ainsi des cicatrices qui provoquent d'importantes douleurs ou qui limitent sensiblement la mobilité (ATF 134 V 83 consid. 3.2 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_552/2018 consid. 3.2, 9C_465/2010 consid. 4.2).

4.2 Dans un arrêt du 8 juin 2018, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal de Fribourg (arrêt 608 2017 40) a jugé le cas d’un assuré qui, souffrant de gynécomastie algique entraînant une sensibilité exacerbée de la poitrine ainsi que des douleurs en cas de contact, requérait la prise en charge d'une mastectomie totale de la glande mammaire gauche puis droite, réalisée à l’âge de 20 ans. Elle a constaté que la présence d'une atteinte ayant valeur de maladie n’était que peu/mal documentée, l'accent étant porté sur les douleurs, soit un élément éminemment subjectif, sans que l'origine de celles-ci, respectivement de la gynécomastie, ne soit réellement investiguée. Cela étant, même en admettant que l'atteinte subie constituait une maladie, les conditions d'une prise en charge devraient être réfutées sous un autre angle. En effet, les médecins traitants s’étaient très rapidement orientés vers une intervention chirurgicale, alors même que d'autres options entraient manifestement en ligne de compte. Elle a notamment relevé que la gynécomastie pouvait avoir différentes origines et que plusieurs options thérapeutiques étaient ouvertes, notamment l'application de crèmes spécifiques. Selon la littérature médicale, en cas de gynécomastie de la puberté persistante, nouvelle ou en l'absence d'étiologie claire, un bilan biologique complémentaire était recommandé. Celui-ci porte sur les éléments suivants: testostérone, estradiol, hormone lutéinisante (LH) et β-hCG. Il était ainsi surprenant de constater que, sur la base d'une première consultation et principalement à la lumière des déclarations de l'assuré, le généraliste traitant avait immédiatement adressé l’assuré à un confrère spécialiste en chirurgie, et que ce dernier avait confirmé la nécessité d'une opération. Sans dénier le fait que l’intervention avait permis de résorber les douleurs de l’assuré, il n'en demeurait pas moins qu'elle aurait dû être précédée d'examens plus approfondis et/ou de l'évaluation préalable d'alternatives thérapeutiques. Ainsi que le relevait le médecin-conseil, l'unique examen de laboratoire effectué (contrôle du taux HCG) avait pour finalité de détecter un éventuel cancer. Or, s'il se justifiait effectivement d'écarter un tel diagnostic, il aurait convenu de s'assurer que d'autres éléments ne pouvaient pas entrer en ligne de compte pour expliquer la persistance des douleurs. La Cour cantonale a également noté que l'examen radiologique réalisé ne retenait qu'une gynécomastie à gauche. Globalement, la présence de douleurs persistantes dans le cadre d'une gynécomastie banale aurait dû inciter les médecins à envisager d'autres possibilités. Partant, elle a jugé que l'assurance était fondée à refuser la prise en charge des interventions litigieuses, auxquelles il avait été procédé sans que l'assuré n'obtienne l'aval préalable de l'assurance et sans que ses médecins n'aient évalué l'existence d'alternatives tout aussi efficaces et vraisemblablement plus économiques. Enfin, une prise en charge sous l'angle de la correction d'un défaut esthétique ne paraissait pas défendable, la présence d'un défaut esthétique susceptible d'avoir une conséquence psychique n'était pas rendue vraisemblable et l'invocation (tardive) de difficultés psychologiques n'était corroborée par aucun suivi spécialisé (thérapie et/ou médicaments).

5.             La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir. L'appréciation des données médicales revêt ainsi une importance d'autant plus grande dans ce contexte.

Selon le principe de la libre appréciation des preuves, le juge apprécie librement les preuves médicales qu'il a recueillies, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle qu'en soit la provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. S'il existe des avis contradictoires, il ne peut trancher l'affaire sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion plutôt qu'une autre. En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et qu'enfin, les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.244/05 du 3 mai 2006 consid. 2.1). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 – Cst ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 a Cst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

7.             En l’espèce, il convient d’examiner en premier lieu si l’atteinte à la santé alléguée par le recourant a valeur de maladie au sens juridique du terme (et non pas au sens médical pur, cf. ATF 124 V 118, consid 3b), notamment si elle atteint l’ampleur ou l’intensité nécessaire à cette qualification (cf. 9C_465/2010).

Dans sa demande initiale de prise en charge du 12 juillet 2022, le Dr B______ justifie la mastectomie bilatérale par le fait que le recourant présente une gynécomastie bilatérale se manifestant par des glandes mammaires asymétriques, de 6 à 7 cm de diamètre à gauche et de 5 à 6 cm à droite. Le chirurgien explique que l’intéressé est gêné par la situation et présente des phénomènes itératifs d’hypersensibilité « lors des changements de temps et de pression atmosphérique ». À l’appui de ses dires, il joint cinq photographies du torse du patient prises sous divers angles et un rapport du Dr C______ relatif à une imagerie par ultrason. Celui-ci fait état de noyaux glandulaires nettement moins étendus que ce qui est avancé par le chirurgien traitant et d’une épaisseur de 3 mm à droite et 4 mm à gauche. L’asymétrie entre les deux côtés y est en outre décrite comme discrète et « potentiellement discordante avec l’asymétrie ressentie » par le recourant.

Au vu de ces éléments, force est de constater que d’un point de vue strictement médical, l’existence d’une atteinte à la santé ayant valeur de maladie n’est que peu documentée.

Sous l’angle esthétique tout d’abord, il ressort des cinq photos du torse, prises sous différents angles, qu’un éventuel défaut est difficilement perceptible. Comme relevé par les médecins-conseils de l’intimée, l’apparence et la taille des mamelons ne s’écartent pas sensiblement de la norme. Quant à l’asymétrie, elle n’est pas visible sur les images. Même à l’ultrason, le radiologue souligne la discrétion de cette asymétrie, relevant d’ailleurs la discordance entre la faible ampleur de la différence et le ressenti de l’assuré.

Des limitations fonctionnelles d’ordre physique et revêtant une certaine intensité ne sont pas davantage démontrées. Le recourant ne fait pas mention de douleurs, mais uniquement de gênes et d’hypersensibilité au niveau des aréoles et des mamelons. En outre, selon le chirurgien traitant celle-ci se manifestent « lors des changements de temps et de pression atmosphérique ». Quant aux sécrétions blanchâtres dont le recourant fait état à une seule reprise, suite au refus initial de prise en charge par l’assurance, elles ne sont pas documentées et le médecin traitant ne les mentionne pas.

Enfin, aucune atteinte à la santé psychique n’est évoquée par le médecin traitant, que ce soit dans la demande initiale ou dans ses courriels subséquents adressés à l’intimée. Suite au refus de prise en charge, le recourant explique que l’apparence de ses aréoles affecte son estime de soi et occasionne une gêne et un désagrément aussi bien en privé qu’en public et qu’il lui est par exemple pénible que son entourage lui fasse remarquer que ses aréoles sont visibles à travers ses vêtements. Au stade du recours, il produit cependant uniquement à l’appui de ses dires une brève attestation de sa psychologue traitante qui confirme qu’elle suit bien l’intéressé en psychothérapie depuis le 3 juin 2022, la démarche psychothérapeutique étant « notamment en lien avec l’apparence de ses aréoles ». Le recourant indique pour le surplus ne pas se voir « éventer les raisons pour lesquelles il suit [je suis] un traitement psychothérapeutique ». Dans ces circonstances, on ne peut retenir une atteinte à la santé psychique ayant valeur de maladie.

Il ressort de ces éléments qu’en l’état, l’altération tissulaire dont est affecté la poitrine du recourant (et qui est établie) n’atteint pas une ampleur ou une intensité nécessitant objectivement un examen ou un traitement médical. Les gênes alléguées, que ce soit sous l’angle physique, psychique et/ou esthétique ne revêtent en effet pas une incidence fonctionnelle suffisante pour que la pathologie se voie juridiquement reconnaître valeur de maladie. Elles reposent en outre essentiellement sur les seules considérations subjectives du recourant, ne permettant pas de les considérer comme avérées.

Pour le surplus, aucun des documents médicaux produits par le recourant ne permettant de mettre en doute la fiabilité et la validité des conclusions des médecins-conseils de l’intimée, il n’y a pas lieu de procéder à des investigations complémentaires. Aussi n'est-il pas nécessaire, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), de mettre en œuvre une expertise judiciaire.

8.             Eu égard à ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision du 18 novembre 2022 confirmée.

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA-GE).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le