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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3651/2021

ATAS/588/2023 du 10.08.2023 ( PC ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3651/2021 ATAS/588/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 août 2023

Chambre 3

 

En la cause

Madame A______
représentée par Maître Andres MARTINEZ

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire), à laquelle une rente d’invalidité a été octroyée en 1995, bénéficie également des prestations servies par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC).

b. Par décision du 11 mai 2021, le SPC, après avoir procédé à un nouveau calcul de prestations tenant compte d’un loyer de CHF 9'450.- en lieu et place de CHF 15'900.-, vu la cohabitation de la bénéficiaire avec un certain Monsieur B______, a réclamé à la bénéficiaire le remboursement d’un montant de CHF 2'920.-, correspondant aux prestations versées à tort pour la période du 1er novembre 2020 au 31 mai 2021.

Le SPC a en effet considéré, sur la base de divers documents produits par M. B______ auprès de l’office des poursuites (ci-après : l’OP) – et transmis par ce dernier au SPC en février 2021 –, que cette personne a résidé chez la bénéficiaire à tout le moins depuis novembre 2020. Il s’agit des documents suivants :

-          des quittances concernant des paiements de CHF 600.-/mois pour les mois de novembre et décembre 2020 et janvier 2021, signées par M. B______ et la bénéficiaire ;

-          une procuration conférée le 5 janvier 2021 par M. B______ à la bénéficiaire pour le représenter auprès de l’OP ;

-          une procuration conférée le 5 février 2021 par M. B______ à la bénéficiaire pour le représenter auprès de la Banque cantonale de Genève (ci-après : BCGE) ;

-          une annonce de changement tardif d’adresse de M. B______ à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) concernant une domiciliation officielle chez la bénéficiaire dès le 10 août 2021.

c. Par décision du 22 septembre 2021, le SPC a partiellement admis l’opposition de la bénéficiaire, en ce sens qu’il a ramené le montant à rembourser de CHF 2'920.- à CHF 1'930.-.

Concernant la période débutant en janvier 2021, le SPC a retenu le calcul des prestations valable sur la base du droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, celui-ci se révélant plus favorable à la bénéficiaire que le calcul effectué sur la base du droit entré en vigueur le 1er janvier 2021. Ce sont ces nouveaux plans de calcul qui ont permis de réduire le montant réclamé à CHF 1'930.-.

Le SPC a également précisé qu’il se déterminerait par décision séparée sur la demande de remise de l’obligation de restituer d’ores et déjà formulée par l’intéressée.

B. a. Par écriture du 25 octobre 2021, la bénéficiaire a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant à ce qu’il soit constaté qu’elle habite seule et à ce que le montant de ses prestations complémentaires soit maintenu à CHF 2'824.- par mois, comme précédemment, en tenant compte d’un loyer de CHF 15'900.- et non de CHF 9'450.-.

La recourante s’étonne de n’avoir jamais été questionnée par le SPC au sujet de sa situation.

Elle conteste avoir partagé son logement avec M. B______, dont elle explique que, traversant une période difficile, il lui a demandé de pouvoir inscrire son adresse comme domicile afin d’y recevoir son courrier. À aucun moment, il n’a vécu avec elle.

À l’appui de son recours, la bénéficiaire produit, notamment, un écrit signé de M. B______, daté du 29 septembre 2021, dans lequel il affirme ne pas loger chez elle mais y recevoir simplement son courrier.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 18 novembre 2021, a conclu au rejet du recours.

En substance, il soutient que les déclarations de la recourante sont contredites par les documents qui lui ont été transmis par l’OP (pièce 28). Il relève également que la pièce n° 6 produite par la recourante à l’appui de son recours est illisible.

c. Le 20 décembre 2021, la recourante a persisté à alléguer vivre seule. À la demande de la Cour de céans, elle a produit une liste de témoins pouvant appuyer ses dires.

d. Une audience d’enquêtes s’est tenue en date du 30 août 2022.

e. Entendu à titre de témoin, M. B______ a expliqué qu’il connaît la recourante de longue date : ils ont fait connaissance dans des manifestations, il y a quelques années.

En 2020, il a été victime d'un accident durant l'été. Suite à une chute, il a fait une septicémie qui a conduit à la perte de l'une de ses jambes. Il a été hospitalisé environ une année jusqu'en août 2021, aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), puis à Beau-Séjour.

Les HUG devaient lui faire parvenir des documents. Il devait également rester joignable pour l’OP auquel il devait rendre des comptes. Il lui fallait donc une adresse. Or, avant son accident, il était sans domicile fixe. C'est dans ces circonstances qu’il a demandé à la recourante de pouvoir se domicilier chez elle formellement.

À sa sortie d'hôpital, il s’est rendu chez sa sœur, qui l'aidait déjà beaucoup auparavant. Il dit avoir d'abord vécu dans une annexe de sa maison. Il pouvait ainsi bénéficier de son aide ainsi que de celle de son neveu.

Depuis février 2022, le témoin est locataire d'une maison dans le même village que sa sœur, en France, à C______. C'est plus facile pour lui du point de vue de la mobilité. Il avait dans un premier temps indiqué aux HUG l'adresse de sa sœur, mais cela n'a pas suivi. En lieu et place, ils envoyaient son courrier à son ancienne adresse (avant qu’il ne se retrouve sans domicile), c'est-à-dire chez la mère de son ancienne compagne, qui avait déménagé. Le courrier se perdait. C'est aussi pour cela qu’il a sollicité l’aide de la recourante.

Le témoin a affirmé n’avoir jamais logé chez la recourante, pas un seul jour.

f. Entendue à son tour à titre de témoin, Madame D______, domiciliée à la même adresse que M. B______, à C______, a expliqué être sa compagne depuis huit ans.

Elle a affirmé avoir perdu, début 2019, l’appartement dans lequel ils vivaient tous deux. Ils ont alors déménagé chez sa mère, à Onex. Ils ont dormi dans le salon de son petit appartement durant quelques mois.

Par la suite, ils ont pu s’installer en France, dans la maison qu’ils occupent aujourd'hui. Après avoir indiqué que c’était en octobre 2019, le témoin a corrigé sa version et affirmé que cela remontait plutôt à 2018.

Questionnée sur le séjour de M. B______ chez sa sœur, le témoin a répondu que c’était possible, mais qu’elle ne se souvenait plus quand.

Elle a expliqué qu’elle et M. B______ sont tous deux signataires du bail de la maison qu’ils occupent.

Selon elle, M. B______ n'a jamais vécu chez la recourante, qu’elle connaît depuis des années.

Le témoin a allégué que s’ils n’ont pas fait dévier le courrier chez sa mère, c'est parce que cette dernière a quitté son appartement peu après leur départ pour aller s'établir à E______.

g. Madame F______, amie de la recourante également entendue par la Cour de céans, a témoigné que la bénéficiaire vit seule dans son appartement de 5 pièces, situé au huitième étage d’un immeuble avec ascenseur, où elle va lui rendre visite environ deux à trois fois par mois. Elle a indiqué ne pas connaître M. B______.

h. Madame G______, autre amie de la recourante (qui est la marraine de sa fille), a témoigné dans le même sens. Elle a indiqué lui rendre visite deux à trois fois par mois.

i. Monsieur H______, ancien compagnon et désormais ami de la recourante, a également témoigné que cette dernière vit seule.

j. Lors de la comparution personnelle suivant les enquêtes, l’intimé a demandé si les attestations fournies à l’OP avaient pour objectif d’induire celui-ci en erreur.

Ce à quoi la recourante a répondu qu’elle avait signé ces attestations pour aider M. B______, qu’elle ne s’en souvenait pas vraiment, mais qu’elle était en tout cas certaine de n’avoir jamais touché aucun montant à titre de loyer de sa part et de n’avoir jamais hébergé personne durant ces trois dernières années, en dehors de son chien. Un appartement de cinq pièces est trop grand pour elle, mais elle a cherché à déménager, sans succès.

La recourante dit n’avoir permis à personne, en dehors de M. B______, d'utiliser son adresse durant ces trois dernières années. Elle a découvert que, par le passé, une amie l'avait fait à son insu.

Questionnée sur l’identité de Monsieur I______, la recourante a répondu qu’il s’agit du fils de son ex-mari, qui est donc également le demi-frère de son fils, avec qui il vit. Elle a admis qu’il utilise lui aussi son adresse depuis mai 2020 et que son fils a vécu chez elle et utilisé son adresse jusqu'en mai 2020. I______ ne pouvait pas utiliser l'adresse de son frère, car c'est un immeuble subventionné.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles M. I______ était allé vivre chez son frère plutôt que chez elle, la recourante a rétorqué que ce n’est pas son fils et qu’elle n’a donc pas à l'assumer ; ils n’ont pas de lien de parenté.

k. À l’issue des audiences d’enquêtes, il a été convenu que la Cour de céans interrogerait l’OP pour obtenir le procès-verbal, pour autant qu’il en existât un, de l’entretien concernant M. B______ en janvier 2021, ainsi que la copie des avis de saisie ou actes de défaut de biens éventuels.

l. Le 23 novembre 2022, l’OP a communiqué à la Cour de céans, notamment :

-          divers actes de défaut de biens concernant la recourante, mais également M. B______, domicilié chez celle-ci,

-          des procès-verbaux de saisie sur salaire et rente de troisième pilier concernant M. B______,

-          un protocole d’audition du débiteur (représenté par la recourante) établi le 8 février 2021, indiquant à titre d’adresse principale celle de la recourante, mentionnant que l’intéressé vivait en colocation (mais sans retenir de montant de loyer), que la titulaire du bail était une certaine Madame J______,

-          une procuration établie le 5 février 2021 par M. B______ en faveur de la recourante afin que celle-ci puisse échanger des informations avec sa banque durant son hospitalisation (cette procuration porte le timbre des HUG),

-          une procuration similaire datée du même jour permettant à la recourante d’échanger des informations et de suivre le dossier de M. B______ auprès de l’OP durant son hospitalisation,

-          un document intitulé « preuve de paiement novembre 2020 » signé tant de M. B______ que de la recourante, dans lequel M. B______ atteste avoir payé en date du 1er novembre 2020 la somme de CHF 600.- à la recourante,

-          des documents similaires établis pour les mois de décembre 2020, et janvier 2021.

m. Le 3 octobre 2022, la recourante a produit :

-          un contrat de bail pour la période du 1er novembre 2019 au 31 octobre 2022, concernant une maison sise à C______, signé devant notaire par Mme J______ (nom de jeune fille de Mme D______) et M. B______ le 15 octobre 2019 ;

-          un document daté du 15 décembre 2020 indiquant que M. B______ a été admis aux soins intensifs pour une décompensation cardiaque et une insuffisance rénale aigüe ;

-          un autre dont il ressort que M. B______ a séjourné aux HUG du 2 février au 23 juillet 2021.

n. Par écriture du 23 décembre 2022, la recourante a répété qu’elle n’a jamais reçu d’argent de M. B______ à titre de loyer. Elle a affirmé ne pas avoir apposé sa signature sur les reçus figurant à la procédure.

o. Par écriture du 5 janvier 2023, le SPC s’en est rapporté à justice.

p. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA.

4.             Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20] ; art. 43 LPCC).

5.             Le litige porte sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a requis de la recourante la restitution de CHF 1'930.-, correspondant aux prestations versées en trop du 1er novembre 2020 au 31 mai 2021, plus particulièrement sur celle de savoir si c'est à juste titre que le SPC a considéré que sa bénéficiaire avait partagé son logement avec une tierce personne durant cette période et comptabilisé dans ses calculs le loyer proportionnellement au nombre d’habitants.

6.             S'agissant des prestations complémentaires (PC) fédérales, l’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Les dépenses reconnues comprennent notamment, pour les personnes vivant à domicile, un montant de base destiné à la couverture des besoins vitaux et le montant du loyer d’un appartement et les frais accessoires y relatifs.

Sur le plan cantonal, ont droit aux PC les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution (art. 5 al. 1 LPCC), il en va de même des dépenses déductibles (art. 6 LPCC).

En vertu de l’art. 16c de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI - RS 831.301), lorsque des appartements sont aussi occupés par des personnes non comprises dans le calcul des PC, le loyer doit être réparti entre toutes les personnes. Les parts de loyer des personnes non comprises dans le calcul des PC ne sont pas prises en compte lors du calcul de la prestation complémentaire annuelle (al. 1). En principe, le montant du loyer est réparti à parts égales entre toutes les personnes (al. 2).

Selon la jurisprudence, le critère déterminant est le logement commun, indépendamment du fait de savoir s'il y a bail commun ou si l'un des occupants paie seul le loyer. Aussi, lorsque plusieurs personnes occupent le même foyer ou font ménage commun, il y a lieu de partager à parts égales le loyer pris en compte dans le calcul des PC (ATF 127 V 10ss). Cette règle vise à empêcher le financement indirect de personnes non comprises dans le calcul des PC. En conséquence, peu importe la répartition réelle du paiement du loyer entre les personnes partageant le foyer.

7.             Les décisions de PC peuvent être modifiées avec effet ex tunc lorsque sont réalisées les conditions présidant à la révocation, par son auteur, d’une décision administrative.

7.1 L’art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA énonce que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Le droit de demander la restitution s’éteint un an dès le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

L’obligation de restituer les PC indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas subordonnées à une violation de l’obligation de renseigner. Il s’agit en effet simplement de rétablir l’ordre légal après la découverte d’un fait nouveau (ATF 122 V 134).

L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références ; ATF 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références ; ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références).

7.2 Au plan cantonal, c’est l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC qui prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

L'art. 14 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 (RPCC-AVS/AI - J 4 25.03) précise que le SPC doit demander la restitution des prestations indûment touchées au bénéficiaire.

7.3 En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 25 al. 2 1ère phrase aLPGA prévoyait que le droit de demander la restitution s’éteignait un an après le moment où l’institution d’assurance avait eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

L’application du nouveau délai de péremption aux créances déjà nées et devenues exigibles sous l’empire de l’ancien droit est admise, dans la mesure où la péremption était déjà prévue sous l’ancien droit et que les créances ne sont pas encore périmées au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Si, au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle disposition, le délai de péremption relatif ou absolu en vertu de l’art. 25 al. 2 aLPGA a déjà expiré et que la créance est déjà périmée, celle-ci reste périmée (OFAS, Lettre circulaire AI n° 406, du 22 décembre 2020, modifiée le 31 mars 2021 et les références).

Étant donné que, d'un point de vue temporel, les règles de droit déterminantes sont en principe celles qui s'appliquent lors de l'accomplissement des faits entraînant des conséquences juridiques et que, par ailleurs, le juge se base, en principe, sur les faits survenus jusqu'au moment où la décision litigieuse a été rendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_193/2021 du 31 mars 2022 consid. 2.2 et les références), c’est l’art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020 qui est applicable dans le cas présent.

Les délais de l’art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (ATF 146 V 217 consid. 2.1 et les références ; ATF 142 V 20 consid. 3.2.2 et les références). Contrairement à la prescription, la péremption prévue à l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut être ni suspendue, ni interrompue, et lorsque s’accomplit l’acte conservatoire que prescrit la loi, comme la prise d’une décision (ATF 119 V 431 consid. 3c), le délai se trouve sauvegardé une fois pour toutes (ATF 138 V 74 consid. 5.2 et les références). En tant qu'il s'agit de délais de péremption, l’administration est déchue de son droit si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 134 V 353 consid. 3.1 et les références).

8.             Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. aussi ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.         En l'espèce, la question litigieuse est de déterminer si la recourante a bel et bien partagé son logement avec M. B______ durant la période litigieuse, soit du 1er novembre 2020 au 31 mai 2021, ainsi que peuvent le faire penser les documents transmis à l’intimé par l’OP.

La recourante conteste avoir jamais partagé son logement avec M. B______, ce que ce dernier confirme, ainsi que d’autres témoins, tous amis de la recourante. Cette dernière va jusqu’à contester l’authenticité de sa signature, apposée sur les trois quittances de CHF 600.- produites à l’OP.

La Cour de céans relèvera nombre d’incohérences dans les propos de la recourante et de M. B______. Ainsi, ce dernier affirme s’être rendu chez sa sœur à sa sortie d’hôpital, fin 2021, alors que sa compagne semble avoir oublié ce fait. On se demande d’ailleurs pour quelles raisons il se serait rendu chez sa sœur plutôt que chez sa compagne. M. B______ dit être titulaire, avec sa compagne, depuis février 2022, d’un bail concernant une maison en France. La date de 2022 semble corroborée par le fait que sa compagne, Mme D______, a quitté officiellement Genève le 16 avril 2022 seulement. Pourtant, le bail produit par la recourante concernant le bien immobilier sis en France a été signé en octobre 2019 déjà.

Quant aux allégations de la recourante selon lesquelles elle ne serait pas la signataire des trois reçus fournis à l’OP, elles ne convainquent pas, dans la mesure où la signature apposée sur ces documents est en tous points identique à celle figurant sur sa carte d’identité. Qui plus est, on rappellera qu’à l’époque où ces reçus ont été transmis à l’OP, c’est la recourante elle-même qui représentait M. B______. Elle ne pouvait donc manquer d’en avoir eu connaissance.

Il semble probable que lesdites quittances, comme le supposait le représentant de l’intimé en audience, ont été établies afin de servir les intérêts de M. B______ auprès de l’OP.

Enfin, ainsi que l’a relevé l’intimé, M. I______ est formellement domicilié chez la recourante et ce, depuis le 1er janvier 2020, selon le registre de l’OCPM alors, qu’à la question de savoir si elle avait autorisé quelqu’un d’autre que M. B______ à utiliser son adresse, l’intéressée a d’abord répondu avec aplomb par la négative.

La recourante semble ainsi faire peu de cas des obligations qui lui incombent de tenir le SPC informé de chaque modification de sa situation, de la responsabilité qui est la sienne lorsqu’elle signe des attestations et de la présomption de véracité attachée aux informations ressortant des registres publics. Il lui incombe de faire preuve d’un peu plus de discernement dans la gestion de ses affaires administratives et de ne pas autoriser tout un chacun à utiliser son adresse s’il n’y loge pas réellement, étant rappelé que l’intéressée a des comptes à rendre au SPC s’agissant du calcul des prestations qui lui sont allouées.

Cela étant, il n’en demeure pas moins qu’il est dûment établi par pièces et non contestable qu’en décembre 2020, M. B______ a été hospitalisé en urgence et qu’il l’est resté, aux HUG puis à Beau-Séjour, à tout le moins jusqu’à fin juillet 2021, ce qui recouvre quasiment la période litigieuse.

Dans ces conditions, la décision de procéder à un recalcul du droit aux prestations en tenant compte d'un loyer proportionnel de novembre 2020 à mai 2021 au motif que la recourante aurait partagé son logement avec M. B______ durant cette période apparaît injustifiée.

La recourante est néanmoins invitée à régulariser sa situation et celle de son beau-fils auprès de l’OCPM, étant rappelé qu’il est loisible à l’intimé de procéder à des enquêtes pour vérifier si sa bénéficiaire partage ou non son logement.

Le recours est admis et la décision litigieuse annulée.

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule les décisions des 11 mai et 22 septembre 2021.

4.         Condamne l’intimé à verser à la recourante la somme de CHF 1’800.- à titre de participation à ses frais et dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le