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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2280/2023

ATAS/586/2023 du 07.08.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2280/2023 ATAS/586/2023

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 7 août 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______, enfant mineur, agissant par sa mère, B______

représenté par Me Jacques EMERY, avocat

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. Par décision du 5 juin 2023, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a réduit, à un degré de gravité faible, l’allocation pour impotent de l’enfant A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 2010 et représenté par sa mère, Madame B______ (ci-après : la mère ou la représentante légale). L’OAI a considéré que l’état de l’assuré, qui souffre de troubles du spectre autistique, s’était amélioré, de telle sorte qu’il n’avait besoin désormais d’une aide régulière importante d’autrui que pour accomplir deux actes ordinaires de la vie, à savoir faire sa toilette et se déplacer et entretenir des contacts avec autrui.

B. a. Par acte de son mandataire posté le 6 juillet 2023, la représentante légale de l’assuré a interjeté recours contre la décision du 5 juin 2023, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en concluant, préalablement, de manière incidente, à ce que la restitution de l’effet suspensif soit ordonnée et principalement, sur le fond, à ce que la décision querellée soit annulée.

b. Par réponse du 18 juillet 2023, l'OAI s'est opposé à l'octroi de l'effet suspensif et par complément du 20 juillet 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours en se fondant, notamment, sur les rapports d’enquête à domicile du 16 février 2015 et du 20 février 2023, et en constatant notamment que, selon le rapport d’enquête du 20 février 2023, l’assuré avait fait de gros progrès dans son autonomie et qu’il n’avait besoin d’aide que pour deux actes ordinaires de la vie, soit faire sa toilette et se déplacer et qu’il pouvait être laissé seul pendant une durée d’au moins 45 mn.

c. Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur demande de restitution de l’effet suspensif.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le recourant, en sollicitant l’annulation de la décision litigieuse, a formé une demande de restitution de l’effet suspensif à son recours.

3.              

3.1 À teneur de l’art. 49 al. 5 LPGA, dans sa décision, l’assureur peut priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Ces principes s’appliquent également aux décisions sur opposition (cf. art. 52 al. 4 LPGA entré en vigueur le 1er janvier 2021).

Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 [LPC – RS 831.30] dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver de l’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2ème phrase LPGA).

3.2 Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par l’art. 49 al. 5 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA. 

3.3 Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération ; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée ; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4 ; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_ 846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

4.             En l’espèce, l’OAI se fonde sur le rapport d’enquête effectué au domicile de la famille, en date du 20 février 2023, dont il ressort que l’assuré n’a pas besoin d’aide pour se vêtir et se dévêtir, ni pour se lever, s’asseoir, se coucher, ni pour manger, ni pour aller aux toilettes, mais en revanche pour se laver, se brosser les dents et prendre une douche ainsi que pour se déplacer à l’extérieur et entretenir des contacts sociaux. Selon le rapport médical du 26 novembre 2022 de la docteure C______, spécialiste FMH en pédiatrie et médecin traitant de l’assuré, ce dernier n’aurait plus besoin de l’aide d’un tiers pour accomplir les actes ordinaires de la vie, mais il ne serait pas autonome dans ses activités et aurait besoin d’une surveillance personnelle permanente. Le médecin précise encore que l’assuré souffre d’une gestion difficile de ses émotions avec crises importantes et d’un besoin d’être systématiquement recadré car il est facilement dispersé.

Au vu des éléments qui ressortent du rapport d’enquête, il apparaît que l’autonomie de l’assuré s’est développée et que ce dernier n’a plus besoin d’aide que pour deux actes de la vie courante alors qu’à teneur du précédent rapport d’enquête, il avait besoin de l’aide d’autrui pour quatre actes ordinaires. Selon le médecin traitant, l’assuré n’a plus besoin d’un tiers pour accomplir les actes ordinaires de la vie tout en manquant d’autonomie dans ses activités et en ayant besoin d’une surveillance personnelle permanente.

Les conclusions du médecin traitant sont ambiguës dès lors qu’il reconnaît que l’assuré n’a plus besoin d’aide tout en relevant qu’il manque d’autonomie dans ses activités et aurait besoin d’une surveillance personnelle permanente, alors même que ce dernier point n’est pas développé. Il est, certes, mentionné le besoin de systématiquement recadrer l’assuré, qui gère difficilement ses émotions et a des crises importantes, mais on ne saurait en déduire que cela implique le besoin d’une surveillance personnelle permanente.

À l’appui de son recours, la représentante légale de l’assuré ne produit pas de rapport médical complémentaire pouvant confirmer ses allégations, si ce n’est une attestation de son ophtalmologue, qui ne se prononce pas sur l’objet du litige.

5.             Dans ces circonstances, les chances de succès du recourant sur le fond ne paraissent pas évidentes à première vue. Dès lors, l’intérêt de l’intimé à l’exécution immédiate de la décision faisant l’objet du recours l’emporte sur celui du recourant à ce que son allocation d’impotent ne soit pas diminuée. L’issue de la procédure étant incertaine, il existe un risque important qu’il ne puisse pas rembourser les prestations qui lui seraient versées à tort par l’intimé pendant la procédure.

6.             Partant, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter la demande de restitution de l’effet suspensif.

7.             La suite de la procédure est réservée.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA

1.        Rejette la demande de restitution de l’effet suspensif.

2.        Réserve la suite de la procédure.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le