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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3352/2022

ATAS/477/2023 du 21.06.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 31.08.2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3352/2022 ATAS/477/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 juin 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

représentée par Me Hervé CRAUSAZ, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1981, mariée et mère de six enfants.

B. a. Le 23 août 2012, elle a demandé les prestations de l’assurance-invalidité à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l’intimé).

b. Le docteur B______, psychiatre, a indiqué à l'OAI, dans un rapport du 30 août 2012, que l'assurée était incapable de travailler depuis novembre 2010, en raison d'une anxiété généralisée avec crises de panique. Il a précisé, le 10 septembre 2012, que lorsqu’elle était en crise de panique, sa capacité de travail (activités ménagères ou autres) diminuait d'au moins 80% et que le reste du temps, sa capacité était d'environ 70%.

c. À la demande de l’OAI, le docteur C______, spécialiste FMH en psychiatrie et physiothérapie, a expertisé l’assurée. Dans son rapport du 21 juin 2013, il a posé les diagnostics, avec effet sur la capacité de travail, de trouble d'anxiété généralisé depuis 2008 et, sans effet sur la capacité de travail, de trouble panique sans agoraphobie depuis 2002 et de trouble de la personnalité non spécifié (traits histrioniques et évitants). Il en résultait un besoin d'être constamment rassurée cristallisé et sévère. Le trouble de l'anxiété généralisé se caractérisait par des manifestations physiques paroxystiques sur fond d'anxiété permanente. Le fonctionnement de l'assurée était vécu, subjectivement, comme très handicapant. D'après son récit, son fonctionnement variait considérablement selon qu'elle était seule ou accompagnée (et donc rassurée), en particulier par son mari (qui agissait en tant qu'objet contre-phobique). De manière générale, sa capacité de travail en dehors du domicile paraissait très limitée, voire inexistante. En ce qui concernait sa capacité comme ménagère, elle avait une difficulté modérée à poursuivre les activités habituelles et coutumières de la vie quotidienne, les activités récréatives et communautaires et/ou les relations personnelles en raison du trouble anxieux. Ainsi, elle pouvait accomplir les tâches domestiques et ménagères, dans la mesure où elle était accompagnée et donc rassurée. Les limitations en relation avec les troubles constatés étaient de 100% dans un travail en dehors du foyer et de 50% dans le travail comme ménagère. Il n'y avait pas de diminution de rendement.

d. Le 10 juin 2013, le Dr B______ a indiqué au Dr C______ qu’il estimait le taux d'invalidité de l’assurée à au moins 78%, retenant notamment une limitation de 100% dans la tenue du ménage, l'entretien du logement, les achats, la lessive et l'entretien des vêtements.

e. Selon un rapport d’enquête ménagère du 31 mars 2014, les empêchements de l’assurée étaient de 41%, en tenant compte de 20% d'exigibilité pour son époux, qui travaillait actuellement comme indépendant.

f. Par projet de décision du 13 mai 2014, l'OAI a octroyé à l'assurée un quart de rente d’invalidité dès le 1er février 2013, soit six mois après le dépôt de la demande de prestations, dès lors qu'il ressortait de l'enquête ménagère que ses empêchements étaient de de 41%.

g. Le 13 juin 2014, l'assurée a contesté ce projet de décision, faisant valoir que sa situation médicale et ses conséquences au niveau des tâches ménagères avaient été mal estimées et que l’OAI aurait dû s’en tenir aux conclusions claires de l'expertise du Dr C______ et écarter celles de l'enquête ménagère. Elle concluait à l'octroi d'au moins une demi-rente invalidité.

h. Le 3 septembre 2014, l’enquêtrice a indiqué à l'OAI que l'assurée n'avait pas amené d'élément nouveau dans son opposition susceptible de changer son évaluation.

i. Par décision du 16 octobre 2014, l'OAI a octroyé à l'assurée un quart de rente ordinaire dès le 1er février 2013.

j. L'assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant principalement à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité dès le 1er février 2013, sous suite de frais et dépens.

k. Sur demande de la chambre de céans, le Dr C______ a précisé, le 12 novembre 2015, qu'il avait conclu dans son expertise que les limitations en relation avec les troubles constatés étaient de 50% dans le travail comme ménagère, en tenant compte de l'aide exigible de la famille de l'expertisée. Au moment de l'expertise, son époux était au chômage et s'occupait donc d'un grand nombre de tâches ménagères.

l. Par arrêt du 28 janvier 2016 (ATAS/77/2016), la chambre de céans a dit que l’assurée avait droit à une demi-rente d’invalidité dès le 1er février 2013, en se fondant sur un rapport d’expertise établi par le Dr C______, après avoir constaté que ses conclusions ne concordaient pas avec celles de l’enquête ménagère du 24 mars 2014 et que l’évaluation du taux d’empêchement à 78% par le Dr B______ ne remettait pas sérieusement en cause les conclusions de l’expert, car elle était contredite par les pièces du dossier.

C. a. Le 15 avril 2016, l’assurée a demandé l’augmentation de sa rente d’invalidité à l’OAI, ayant souffert d’une hernie ombilicale incarcérée à la suite de la naissance de son sixième enfant. Une intervention chirurgicale ratée avait détérioré son anxiété générale et diminué sa capacité d’accomplir ses travaux habituels.

b. Dans un rapport d’expertise du 11 novembre 2021, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a conclu que l’auto et l’hétéro anamnèses faisaient mention d’une nette aggravation de l’état anxieux de l’assurée depuis mars-avril 2015, dans le contexte d’une sixième grossesse non désirée et suivie de graves complications somatiques, avec des séquelles encore actuelles sous forme de douleurs abdominales et de saignements anaux récurrents.

C’était les symptômes anxieux (anxiété généralisée, agoraphobie et troubles paniques) qui étaient au premier plan et qui étaient aggravés par un trouble de personnalité, qui péjorait les capacités adaptatives de l’assurée. L’intensité des symptômes s’était aggravée, avec l’apparition de symptômes somatiques en 2015, envahissant complètement le quotidien de l’assurée. Ainsi, si en 2013 une capacité de 50% avait été retenue pour les tâches ménagères, celle-ci était de 20% depuis 2015.

c. Le 22 septembre 2021, le Dr B______ a estimé qu’une activité adaptée de 15 heures par semaine au maximum pouvait être exigée de l’assurée, avec un taux d’exigibilité de son époux de 10%, en tenant compte du fait qu’outre la prise en charge de ses propres parents vieillissants, celui-ci devait s’occuper de ses six enfants et de son épouse.

d. Le 22 novembre 2021, le SMR a proposé de suivre les conclusions de l’expert et retenu que l’assurée était incapable à 80% dans l’activité de ménagère, dès le 1er avril 2015.

e. Un mandat d’enquête ménagère a été émis le 22 novembre 2021.

f. Le 31 janvier 2022, l’assurée a fait valoir qu’une enquête ménagère était inutile, puisque la valeur probante d’une expertise psychiatrique était supérieure à une telle enquête, dans le cas de troubles psychiatriques.

g. Dans un rapport d’enquête du 13 juin 2022, établi sur dossier, il est conclu que les empêchements pondérés étaient de 80% sans exigibilité et de 50% avec une exigibilité de 30% pour l’époux de l’assurée.

h. Par projet de décision du 29 juin 2022, l’OAI a reconnu une aggravation de l’état de santé de l’assurée depuis avril 2015 et retenu un degré d’invalidité de 50%, qui lui donnait droit à une demi-rente, qu’elle percevait déjà.

i. Par décision du 9 septembre 2022, l’OAI a confirmé sa position.

D. a. Le 12 octobre 2022, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre de céans, concluant à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 15 avril 2016, en faisant valoir qu’il apparaissait très clairement à la lecture de l’expertise de la Dre D______ et des annexes de celle-ci que l’intimé était en possession de tous les éléments nécessaires pour lui octroyer une rente entière d’invalidité.

b. Le 8 novembre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours. Ce n’était qu’en cas de divergence entre les résultats de l’enquête sur le ménage et les constatations d’ordre médical relatives à la capacité d’accomplir les travaux habituels, que celle-ci avait en général plus de poids que l’enquête à domicile. En l’espèce, il n’y en avait pas.

En ce qui concernait l’aide apportée par la famille de la recourante, celle-ci était exigible dans une mesure plus large que l’on pourrait attendre si l’assurée ne présentait pas d’atteintes à la santé, soit entre 30 et 40% sur l’ensemble des activités (ATF 130 V 93 consid. 3.3 et arrêt du Tribunal fédéral I 257/04 du 17 mars 2005).

On ne pouvait pas, comme le faisait la recourante, retenir uniquement le taux d’incapacité de travail retenu par l’expert pour fixer le taux d’invalidité, sans tenir compte de la pondération des activités, ni de l’aide des proches. C’était à juste titre que l’intimé avait fixé le taux d’invalidité de la recourante non sur le taux d’incapacité de travail retenu par l’expert, mais sur la base des conclusions de l’enquête.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai qui lui a été octroyé pour le faire.

d. L’époux de la recourante a été entendu par la chambre de céans le 10 mai 2023. Son conseil a demandé que l’experte précise si le taux de capacité qu'elle avait retenu prenait en compte l'exigibilité de l’époux de la recourante, ce qui était le cas selon lui, et dans le cas contraire, quel taux elle retenait.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, le litige porte sur le droit à l’augmentation du droit à la rente de la recourante dès le 15 avril 2016, en raison d’une aggravation de son état de santé qui serait survenue antérieurement au 31 décembre 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.              

4.1 L’art. 17 al. 1er LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Il convient ici de relever que l’entrée en vigueur de l’art. 17 LPGA, le 1er janvier 2003, n’a pas apporté de modification aux principes jurisprudentiels développés sous le régime de l’ancien art. 41 LAI, de sorte que ceux-ci demeurent applicables par analogie (ATF 130 V 343 consid. 3.5).

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s'améliore grâce à une accoutumance ou à une adaptation au handicap (ATF 141 V 9 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2015 consid. 4.1). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3; ATF 112 V 371 consid. 2b; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références). Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2).

Si les conditions de la révision sont données, les prestations sont, conformément à l’art. 17 al. 1 LPGA, modifiées pour l’avenir dans le sens exigé par le nouveau degré d’invalidité. Chaque loi spéciale peut fixer le point de départ de la modification ou encore exclure une révision en s’écartant de la LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 806/04 du 15 mars 2005 consid. 2.2.).

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, le point de départ d’une modification du droit aux prestations est fixé avec précision. En cas de modification de la capacité de gain, la rente doit être supprimée ou réduite avec effet immédiat si la modification paraît durable et par conséquent stable (première phrase de l'art. 88a al. 1 RAI); on attendra en revanche trois mois au cas où le caractère évolutif de l'atteinte à la santé, notamment la possibilité d'une aggravation, ne permettrait pas un jugement immédiat (phr. 2 de la disposition; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 666/81 du 30 mars 1983 consid. 3, in RCC 1984 p. 137 s.). En règle générale, pour examiner s'il y a lieu de réduire ou de supprimer la rente immédiatement ou après trois mois, il faut examiner pour le futur si l'amélioration de la capacité de gain peut être considérée comme durable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_32/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1).

En vertu de l’art. 88bis al. 1 RAI, l’augmentation de la rente prend effet, si la révision est demandée par l’assuré, au plus tôt dès le mois où cette demande est présentée (let. a), si la révision a lieu d’office, dès le mois pour lequel celle-ci avait été prévue (let. b).

En vertu de l’art. 88bis al. 2 RAI, la diminution ou la suppression de la rente prend effet, au plus tôt le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision (let. a), ou rétroactivement à la date où elle a cessé de correspondre aux droits de l’assuré, s’il se l’est fait attribuer irrégulièrement ou s’il a manqué, à un moment donné, à l’obligation de renseigner qui lui incombe raisonnablement selon l’art. 77.

4.2  

4.2.1 Le taux d’invalidité pour les assurés qui accomplissent des travaux habituels à plein temps est déterminé au moyen de la méthode de comparaison des types d’activités prévue à l’art. 28a al. 2 LAI. La limitation ainsi obtenue est pondérée au moyen de la différence entre le taux d’occupation de l’activité lucrative et une activité à plein temps. Le taux d’invalidité total est obtenu en additionnant les deux taux d’invalidité pondérés (cf. Ralph LEUENBERGER, Gisela MAURO, Changements dans la méthode mixte, in Sécurité sociale/CHSS n° 1/2018 p. 45).

Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

L'évaluation de l'invalidité des assurés pour la part qu'ils consacrent à leurs travaux habituels nécessite l'établissement d'une liste des activités que la personne assurée exerçait avant la survenance de son invalidité, ou qu'elle exercerait sans elle, qu'il y a lieu de comparer ensuite à l'ensemble des tâches que l'on peut encore raisonnablement exiger d'elle, malgré son invalidité, après d'éventuelles mesures de réadaptation. Pour ce faire, l'administration procède à une enquête sur place et fixe l'ampleur de la limitation dans chaque domaine entrant en considération. En vertu du principe général de l'obligation de diminuer le dommage, l'assuré qui n'accomplit plus que difficilement ou avec un investissement temporel beaucoup plus important certains travaux ménagers en raison de son handicap doit en premier lieu organiser son travail et demander l'aide de ses proches dans une mesure convenable. La jurisprudence pose comme critère que l'aide ne saurait constituer une charge excessive du seul fait qu'elle va au-delà du soutien que l'on peut attendre de manière habituelle sans atteinte à la santé. En ce sens, la reconnaissance d'une atteinte à la santé invalidante n'entre en ligne de compte que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies le sont par des tiers contre rémunération ou par des proches et qu'elles constituent à l'égard de ces derniers un manque à gagner ou une charge disproportionnée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_191/2021 du 25 novembre 2021 consid. 6.2.2 et les références).

4.2.2 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 140 V 543 consid. 3.2.1 et ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 publié dans VSI 2003 p. 221; arrêt du Tribunal fédéral 9C_625/2017 du 26 mars 2018 consid. 6.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

4.2.3 En présence de troubles d'ordre psychique, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile. Une telle priorité de principe est justifiée par le fait qu'il est souvent difficile pour la personne chargée de l'enquête à domicile de reconnaître et d'apprécier l'ampleur de l'atteinte psychique et les empêchements en résultant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.1 et la référence).

4.2.4 Il existe dans l'assurance-invalidité - ainsi que dans les autres assurances sociales - un principe général selon lequel l'assuré qui demande des prestations doit d'abord entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 et les références ; 140 V 267 consid. 5.2.1 et les références). Dans le cas d'une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l'obligation d'organiser son travail et de solliciter l'aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l'invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L'aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l'évaluation de l'invalidité de l'assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s'attendre sans atteinte à la santé. Il s'agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d'assurance ne devait être octroyée (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l'aide des membres de la famille ne serait plus possible. L'aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.1 et les références).

Toutefois, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de la famille l'accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu'il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l'exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2 ; 133 V 504 consid. 4.2). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d'obtenir concrètement de l'aide de la part d'un tiers n'est pas décisive dans le cadre de l'évaluation de son obligation de réduire le dommage. Ce qui est déterminant, c'est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir des prestations d'assurance. Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers - par exemple son conjoint [art. 159 al. 2 et 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210)] ou ses enfants (art. 272 CC) - sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3.2 et les références).

Le Tribunal fédéral a récemment confirmé qu'il n'y a pas de motif de revenir sur le principe de l'obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 du 25 avril 2023 consid. 5.3 et les références).

Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a retenu une exigibilité de 32.5% pour un conjoint économiquement inactif entièrement valide et une fille majeure étudiante (ATAS/518/2021 du 27 mai 2021 consid. 16) ; 29.45 % pour un mari entièrement invalide et un fils majeur économiquement actif (ATAS/748/2020 du 8 septembre 2020 consid. 14) ; 27.6 % pour un seul conjoint pleinement valide exerçant une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_65/2020 du 29 avril 2020 consid. 5) ; 30% pour un époux et deux enfants majeurs (ATAS/358/2018 du 25 avril 2018 consid. 18) ; 26.5% pour une fille majeure étudiante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_666/2016 du 23 janvier 2017 consid. 5.2.2 [et ATAS/696/2016 du 25 août 2016 consid. 12b]) ; entre 12.9% et 18.55% pour un ménage comportant toujours au minimum une personne majeure économiquement inactive autre que l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_785/2014 du 30 septembre 2015 consid. 3.3).

4.3  

4.3.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

4.3.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

En principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

4.4 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

5.             En l’espèce, les parties ne contestent pas la valeur probante de l’expertise de la Dre D______, qui répond aux réquisits lui permettant de se voir reconnaître une telle valeur. Celle-ci a évalué les empêchements de la recourante dans le ménage à 80%, en retenant une aggravation de son état psychique dès mars-avril 2015. Cette conclusion n’entre pas en contradiction avec le rapport d’enquête ménagère du 13 juin 2022, qui prend également en compte des empêchements de 80%, sans exigibilité, sur la base de l’expertise.

Après avoir fixé la capacité à effectuer les travaux ménagers de la recourante à 20%, l’experte D______ a évoqué l’exigibilité de son époux et constaté qu’il était en charge de la quasi-totalité des tâches ménagères et de l’éducation des enfants, en sus de son travail, depuis 2014-2015. Il ne lui semblait pas admissible d’exiger de sa part une aide supérieure à celle qu’il apportait déjà dans les faits à l’assurée depuis 2015. L’experte n’a ainsi manifestement pas déduit des empêchements de la recourante la part des travaux ménagers exigible de son mari, qu’elle n’a d’ailleurs pas quantifiée, se contentant de dire qu’elle n’avait pas évolué depuis 2015.

Il y a donc lieu de déduire du taux d’empêchements établi par l’experte, le taux d’exigibilité de l’époux déjà retenu précédemment, puisqu’il n’a pas changé.

Dans ses rapports, le Dr C______ a pris en compte mais pas fixé le taux d’exigibilité du mari de la recourante,

Le Dr B______ n’avait pas non plus fixé le taux d’exigibilité du mari de la recourante dans son rapport du 10 juin 2013.

Il y a dès lors lieu de se référer au taux de 20% qui avait été déterminé lors de l’enquête économique sur le ménage du 31 mars 2014, en tenant compte du fait que l’époux de la recourante avait une activité indépendante et des charges familiales lourdes. Ce taux est plus favorable à la recourante que celui fixé dans la dernière enquête ménagère du 13 juin 2022 et inférieur à celui retenu généralement pour l’aide d’un époux valide.

Il faut observer à ce stade que si, selon la jurisprudence, l’appréciation médicale a plus de poids que l’enquête à domicile pour évaluer la capacité d'accomplir les travaux habituels en cas d’atteinte psychique, puisqu’il s’agit d'apprécier l'ampleur de cette atteinte psychique et les empêchements en résultant, la situation est différente pour fixer l’exigibilité de la participation des proches aux travaux ménagers. En effet, cette question ne dépend d’une appréciation médicale, de sorte que l’enquête à domicile est plus probante à ce sujet.

Il en résulte qu’il ne se justifie pas de donner suite à la demande de la recourante de faire compléter le rapport d’expertise sur la question de l’exigibilité de son époux.

En conséquence, le taux global des empêchements, en tenant compte de l’exigibilité du mari de la recourante, est de 60% (80% moins 20%) depuis mars-avril 2015, et non de 50% comme l’a retenu l’intimé dans la décision querellée. Cela ouvre à la recourante le droit à un trois quarts de rente (art. 28 al. 2 LAI), dès le 1er avril 2016, soit le premier jour du mois lors duquel elle demandé la révision de sa rente.

6.             Le recours sera ainsi partiellement admis, la décision querellée annulée et il sera dit que la recourante a droit à un trois quarts de rente d’invalidité dès le 1er avril 2016.

La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un conseil, une indemnité de CHF 2'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision rendue le 9 septembre 2022 par l’intimé.

4.        Dit que la recourante a droit à un trois quarts de rente d’invalidité dès le 1er avril 2016.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'000.- à la charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le