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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2757/2021

ATAS/537/2023 du 30.06.2023 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 02.11.2023, IRRECEVABLE, 9C_666/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2757/2021 ATAS/537/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représentée par Me Pierre-Bernard PETITAT, avocat

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1971, divorcée, mère d’un enfant né en 2010, originaire du Maroc, citoyenne suisse depuis 1996, a exercé en Suisse une activité de serveuse-vendeuse à 100% dans une chocolaterie, du 9 avril au 27 août 2001, et a été employée, du 15 juillet au 15 octobre 2003, par B______.

b. L’assurée a déposé le 25 juillet 2014 une demande de prestations d’invalidité en raison d’une dépression, en mentionnant une incapacité de travail totale depuis 2003.

B. a. Les 19 septembre 2014 et 10 septembre 2015, la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’un suivi depuis mars 2009 et d’un trouble dépressif récurrent depuis 1996 avec une capacité de travail nulle depuis 2014 et un état psychique actuel permettant d’envisager une activité professionnelle à 50% dans une activité adaptée, dès septembre 2014. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : thymie fluctuante, fragilité narcissique et sensibilité aux stress environnementaux pouvant engendrer angoisse et tension psychique, troubles de l’attention et de la concentration, troubles de la mémoire de fixation et troubles légers du sommeil.

b. Les 2 février et 26 juin 2015, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté d’un suivi depuis 2005 et d’un état dépressif majeur avec somatisations multiples. L’assurée présentait aussi des gonalgies chroniques. La capacité de travail était nulle depuis 2003 mais une reprise de travail progressive (à 50%) était souhaitable (domaine de la couture ou d’aide de cuisine).

c. A la demande de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et Madame F______, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP, ont rendu le 19 décembre 2016 un rapport d’expertise, posant le diagnostic incapacitant de trouble anxieux et dépressif mixte dès l’année 2000. La capacité de travail était de 50% dans l’activité habituelle pour encore une année, puis de 100%.

d. Le 9 février 2017, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a estimé que l’assurée était totalement incapable de travailler de 2004 à août 2014 et capable de travailler à 50% dans toute activité dès septembre 2014.

e. Le 7 mars 2017, l’OAI a retenu un statut d’active de l’assurée.

f. Du 20 novembre 2017 au 25 février 2018, l’assurée a bénéficié d’un réentrainement au travail auprès de PRO entreprise sociale privée (PRO). Le rapport d’évaluation de PRO, du 20 mars 2018, mentionne beaucoup d’absences de l’assurée (justifiées par son état de santé) et une impossibilité d’augmenter son taux d’activité.

Du 9 avril au 1er juillet 2018, l’assurée a suivi un deuxième réentrainement au travail. Le rapport d’évaluation de PRO, du 3 juillet 2018, mentionne un faible taux de présence empêchant une progression ; une prise en charge médicale devait être effectuée avant toute mesure d’ordre professionnel. Le 6 août 2014, le mandat de réadaptation a été clos.

g. Le 20 août 2018, le docteur G______, spécialiste FHM en médecine interne, immunologie et allergologie, a attesté d’eczéma, xérose cutanée et asthme ; la capacité de travail était de 100% hors contact avec les poussières de carton.

h. Le 13 septembre 2018, la docteure H______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, a attesté de gonalgies, cervicolombalgies chroniques dans le cadre d’un syndrome douloureux chronique diffus et suspicion de polyarthrite rhumatoïde, avec une capacité de travail de 100% dans un travail léger, avec alternance des positions.

i. Le 29 octobre 2018, la Dre C______ a attesté d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen, entrainant une capacité de travail nulle, sous réserve d’une activité en atelier protégé.

j. A la demande de l’OAI, le docteur I______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, et la docteure J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du SMR, ont rendu un rapport d’expertise le 22 août 2019 suite à l’examen de l’assurée du même mois, concluant à des diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de discrète gonarthrose droite avec enchondrome du fémur distal et ténosynovite de la gaine des péroniers. Du point de vue rhumatologique, la capacité de travail était totale dès 2003, dans une activité adaptée (pas de génuflexions répétées, pas de franchissement d’escabeau ou échelle, pas de franchissement régulier d’escaliers, pas de marche en terrain irrégulier, pas de position debout ou de marche de plus de 30 minutes et pas de travail en hauteur). Du point de vue psychiatrique, la capacité de travail était nulle dès le 1er mars 2009, de 50% dès le 1er septembre 2014 et de 100% dès le 1er janvier 2018.

k. Le 2 juillet 2020, le docteur K______, spécialiste FHM en chirurgie orthopédique, a attesté de douleurs aux genoux non incapacitantes et le docteur L______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur, a posé le diagnostic, le 24 juillet 2020, de tendinopathie de la patte d’oie non incapacitante.

l. Le 20 septembre 2020, le SMR a retenu une capacité de travail de 50% dès 2014 dans toute activité et de 100% dès le 1er janvier 2018 dans une activité adaptée, avec une capacité de travail nulle de juillet à novembre 2019 en raison d’une thrombose veineuse profonde. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas de position debout prolongée, pas de port de charges de plus de 5 kg de manière répétitive, pas de position à genoux et de montées et descentes d’escaliers à répétition.

m. Le 8 octobre 2020, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de la recourante à 55%, compte tenu d’une activité exigible de 50%, et ensuite à 10%, compte tenu d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée. Le revenu avant et après invalidité était identique et un abattement de 10% était appliqué sur celui-ci.

n. Par projet de décision du 14 octobre 2020 et décision du 23 juin 2021, l’OAI a alloué à la recourante une demi-rente d’invalidité du 1er janvier 2015 au 31 mars 2018, sur la base d’un degré d’invalidité de 55%.

C. a. Le 23 août 2021, l’assurée, représentée par un avocat, a recouru à l’encontre de la décision de l’OAI du 23 juin 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité au-delà du 31 mars 2018. C’était de façon arbitraire que l’intimé retenait une capacité de travail totale depuis le 1er janvier 2018 ; le rapport d’expertise du SMR n’était pas probant, compte tenu de l’échec de la mesure de réentrainement au travail et de l’avis de sa psychiatre traitante.

b. Le 20 septembre 2021, l’OAI a conclu au rejet du recours, au motif que l’expertise du SMR était probante.

c. Le 22 octobre 2021, la recourante a répliqué, en relevant que, selon un avis médical de la Dre C______, du 17 septembre 2021, sa capacité de travail était nulle depuis le 1er janvier 2018. Celle-ci a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques et de syndrome douloureux somatoforme persistant, avec une aggravation de l’état de santé depuis janvier 2018.

d. Le 4 novembre 2021, le SMR a estimé qu’il ne pouvait retenir le diagnostic d’épisode dépressif sévère, ni une incapacité de travail totale depuis janvier 2018.

e. Le 16 novembre 2021, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité.

f. Le 14 mars 2022, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle. La recourante a déclaré qu’elle souffrait de polyarthrite rhumatoïde, confirmée par le docteur M______, spécialiste FMH en rhumatologie.

g. Le 4 avril 2022, la recourante a persisté dans son recours et produit :

-        un rapport du Dr M______ du 28 juin 2019 excluant une polyarthrite rhumatoïde et relevant quelques lésions d’arthrose ;

-        un rapport de la Dre H______ du 31 mars 2022 attestant d’un syndrome douloureux chronique diffus et de l’absence de polyarthrite rhumatoïde ; elle ne pouvait pas se prononcer sur la capacité de travail de la recourante car elle l’avait très peu vue ; l’assurée ne pouvait effectuer un travail lourd et répétitif ; le problème était plutôt psychiatrique et social.

h. Le 29 avril 2022, la recourante a relevé que son état ne s’était pas amélioré depuis janvier 2018 et produit un rapport du 14 avril 2022 du Dr D______ posant les diagnostics de syndrome douloureux diffus, de gonalgie droite sur un enchondrome du fémur distal droit, de cellulite plantaire, de tendinopathies des deux épaules, de lombalgies et cervicalgies chroniques, de tendinite du poignet gauche, d’eczéma de contacts, de troubles digestifs, de rhino-sinusite chronique, d’hypercholestérolémie et surcharge pondérale, d’embolie pulmonaire en 2019, de douleurs thoraciques gauche atypique, de chondrite chronique, de syndrome Teitze, de migraine chronique, de cholécystectomie en 2019 et d’état dépressif majeur avec anxiété généralisée, aggravé depuis 2018. Une réinsertion à un taux de 50% restait envisageable.

i. Le 5 mai 2022, le SMR a observé que les atteintes décrites par le Dr D______ étaient connues des experts en 2019, hormis la tendinite du poignet gauche, laquelle était postérieure à la décision litigieuse.

j. Le 17 mai 2022, l’OAI a persisté dans ses conclusions.

k. A la demande de la chambre de céans, la Dre C______ a donné des renseignements complémentaires le 19 septembre 2022. Elle suivait l’assurée depuis 2009 ; son développement psychoaffectif avait été entravé et créait une position structurelle de dépendance à son entourage avec, en raison de deuil, séparation et conflits, l’apparition de dépression, somatisation et addictions ; elle avait souffert d’alcoolisme de l’âge de 25 ans à 38 ans, de dépression sévère à l’âge de 25 ans, 30 et 38 ans ; elle présentait un cortège de symptômes anxio-dépressifs chroniques, avec une forte composante somatique ; la reprise d’activité réactivait des angoisses ; il existait une instabilité psychique incompatible avec le marché du travail, la capacité de travail étant nulle, le stage chez PRO avait conduit à une incapacité d’effectuer même un stage en entreprise et la pandémie avait aggravé l’état de santé de l’assurée, qui cohabitait avec sa fille, atteinte d’un trouble envahissant du développement et de trouble du comportement ; elle n’était pas d’accord avec l’appréciation de la Dre J______ quant à une capacité de travail de 100% depuis janvier 2018.

l. Le 3 octobre 2022, le SMR a considéré qu’il ne pouvait suivre les conclusions de la Dre C______ et l’OAI s’est rallié le 4 octobre 2022 à cette appréciation.

m. Le 11 octobre 2022, l’assurée a observé que son état de santé somatique et psychique ne s’était pas amélioré le 1er janvier 2018 et a confirmé ses conclusions.

n. Par ordonnance du 7 mars 2023, la chambre de céans a confié une expertise judiciaire au docteur N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, en relevant que les avis des Dres C______ et J______ étaient diamétralement opposés.

o. Le Dr N______ a rendu son rapport d’expertise le 2 mai 2023, concluant à l’absence de diagnostic psychiatrique ; le status médical ne contenait pas d’élément de gravité renvoyant vers la notion de handicap ; il existait un fond thymique avec risque d’exacerbation des symptômes, non incapacitant. Il rejoignait les descriptions et les conclusions de la Dre J______.

p. Le 8 mai 2023, le SMR a maintenu ses conclusions, en relevant que l’expertise judiciaire confirmait l’avis de la Dre J______.

q. Le 15 mai 2023, l’OAI a persisté dans ses conclusions.

r. Le 8 juin 2023, la recourante a contesté la valeur probante du rapport d’expertise judiciaire et observé que l’expert ne se fondait pas sur une grille d’analyse pour évaluer le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant ; il n’y avait pas de test psychomoteur, ni de synthèse clinique de la psychopathologie et de son fonctionnement ; la description d’une journée-type était incomplète ; il ne motivait pas le diagnostic d’autres troubles dépressifs récurrents ; il ne se prononçait pas sur les traits de la personnalité.

s. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

1.2 Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité au-delà du 31 mars 2018.

7.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.              

8.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

8.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2  ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

8.3 L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.  Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.  Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.  Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

8.4 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

8.5 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

9.              

9.1 Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

9.2 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

9.3 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

10.          

10.1 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

10.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

10.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

11.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.         En l’occurrence, la chambre de céans a confié une expertise judiciaire psychiatrique au Dr N______ après avoir constaté que les avis des Dres J______ et C______ étaient diamétralement opposés, ce qui justifiait une instruction médicale complémentaire.

Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse, la description d’une journée-type, les plaintes de la recourante, un status clinique et un dosage sanguin, posant des diagnostics clairs avec une analyse de leur impact sur la capacité de travail de la recourante, le rapport d’expertise du Dr N______ répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

12.1 L’expert retient un diagnostic d’autres troubles dépressifs récurrents (F33.8) non incapacitants et considère que si un diagnostic de fibromyalgie ou trouble somatoforme douloureux était admis, il n’aurait pas d’influence non plus sur la capacité de travail. Les troubles diagnostiqués ne présentaient pas de critère de gravité. L’état de santé psychique de la recourante s’était amélioré avec l’évolution favorable de sa fille, décrite comme autonome et indépendante. Un trouble de la personnalité ne pouvait être évalué car il nécessitait des tests projectifs. Il en était de même des traits de la personnalité pathologique qui nécessiteraient un travail d’exploration psychique dans le temps. Cela dit, la recourante avait pu travailler durant plusieurs années, ce qui démontrait un caractère non-handicapant de son fonctionnement. Les éléments thymiques du passé, qui avaient été incapacitants, étaient en rémission et la recourante était totalement capable de travailler. Il rejoignait les constatations et conclusions de la Dre J______ mais pas celles de la Dre C______.

12.2 L’intimé estime que l’expertise judiciaire, qui confirme les conclusions de la Dre J______, est probante.

12.3 Quant à la recourante, elle en conteste la valeur probante ; elle relève que l’expert ne se fonde pas sur une grille d’analyse pour évaluer le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et qu’il cite une jurisprudence du Tribunal fédéral désuète ; il manque un test psychomoteur et une synthèse clinique de sa psychopathologie et de son fonctionnement ; la description de la journée-type n’est pas claire ; l’expert ne motive pas le diagnostic d’autres troubles dépressifs récurrents ; son rapport manque de clarté, de motivation et ne tient vraisemblablement pas compte de l’ensemble du dossier médical puisqu’il conclut à une pleine capacité de travail.

12.4 À cet égard, l’expert a, certes de façon un peu confuse, fait état des notions de somatisations et de troubles somatoformes, en citant divers articles de doctrine médicale et des jurisprudences du Tribunal fédéral ; toutefois, son rapport contient suffisamment d’éléments permettant l’analyse des indicateurs jurisprudentiels pertinents, pour retenir que les diagnostics d’autres troubles dépressifs récurrents et de fibromyalgie (diagnostics retenus par le Dr I______), voire de trouble somatoforme douloureux, ne sauraient entrainer une incapacité de travail.

12.4.1 On constate tout d’abord que le degré de gravité fonctionnel des autres troubles dépressifs récurrents n’est pas important au point de restreindre les capacités fonctionnelles de la recourante. En revanche, le degré fonctionnel de la fibromyalgie est suffisamment important, ce qui permet d’écarter des motifs d’exclusion ; en effet, l’expert a relevé des plaintes de douleurs intenses et souligné que la recourante ne donnait pas l’impression d’exagération ou de simulation ; le tableau clinique et le comportement de la recourante semblaient être cohérents et la description d’une journée-type corroborait les plaintes. Dans ces conditions, les indicateurs pertinents doivent être examinés.

12.4.2 S’agissant du traitement, l’expert a relevé que les dosages sanguins avaient montré des doses infrathérapeutiques de l’antidépresseur et du tranquillisant, ce qui est un élément plutôt en défaveur d’un signe de gravité, même si l’expert estime qu’il faudrait investiguer les raisons de ce résultat. En revanche, la recourante effectue un suivi psychothérapeutique sérieux auprès de la Dre C______ et a indiqué à l’expert qu’elle était demandeuse par rapport à tout traitement, ce qui est un signe positif d’engagement dans les traitements.

12.4.3 S’agissant des comorbidités, l’expert les exclut, le diagnostic d’autres troubles dépressifs récurrents ayant été jugé sans critère de gravité. Quant au complexe de personnalité, l’expert a estimé qu’il n’était pas en mesure d’analyser la présence d’un trouble de la personnalité et de traits de la personnalité pathologique. Cependant, il estime que la personnalité avec ses traits est créée lors de l’enfance et de l’adolescence et que l’adulte démarre sa vie autonome avec un fonctionnement défini. Or, la recourante avait pu travailler durant plusieurs années, effectuant diverses tâches, ce qui orientait vers un caractère non-handicapant de son fonctionnement. Cette constatation permet d’exclure la présence d’un complexe de personnalité chez la recourante qui aggraverait le tableau clinique et permet, au contraire, d’admettre la présence de ressources adaptatives suffisantes chez la recourante. En conséquence, il n’existe pas, en parallèle de l’état douloureux, de comorbidités ou un complexe de personnalité déterminants.

12.4.4 Concernant le contexte social, l’expert relève que l’environnement social autour de la recourante est de très mauvaise qualité, sans aucun soutien. La recourante a un lien lointain avec une de ses sœurs. Il relève cependant aussi que l’évolution de la fille de la recourante est favorable avec une autonomie et une indépendance ; c’est elle qui prend en charge les activités de la vie quotidienne (gestion du logement, courses, tâches ménagères) ; il convient ainsi de retenir que la recourante est isolée socialement, ce qui a été relevé par l’expert ; cependant, la fille de la recourante, devenue autonome, est un soutien et une ressource du point de vue de ce même contexte social.

12.4.5 S’agissant de la cohérence, l’expert l’a reconnue. Il a relevé que la recourante ne donnait pas l’impression d’exagération ou de simulation et qu’elle se disait limitée dans ses activités de la vie quotidienne par ses douleurs et déléguait les tâches du ménage à sa fille. Contrairement à l’avis de la recourante, la description de l’expert d’une journée-type est suffisamment précise, puisqu’elle permet de comprendre que la recourante se lève à 11h, n’effectue des tâches ménagères que lorsque ses douleurs le lui permettent et n’a aucune activité définie. Ce constat de cohérence de l’expert est cependant relativisé par le fait que la recourante, tout en lui précisant qu’elle serait capable de travailler à 100%, seulement en l’absence de douleurs, lui a mentionné que sa demande à l’intimé avait été faite dans un but de réinsertion professionnelle et « surtout pas dans un but de rente d’invalidité » (expertise judiciaire p. 8). Il apparait ainsi que la recourante elle-même semble estimer avoir des ressources nécessaires pour surmonter ses douleurs afin de récupérer une capacité de travail.

12.4.6 Au demeurant, le poids de la souffrance, s’il est reconnu chez la recourante par la présence d’un état douloureux d’une certaine intensité, n’est pas, après une analyse des éléments précités, d’une gravité telle qu’il limiterait de façon totale ou même partielle la capacité de la recourante à se réinsérer dans le marché du travail. Les critères de l’engagement dans les traitements, des comorbidités, du complexe de la personnalité, du contexte social et de la cohérence ne sont pas présents d’une façon suffisamment intense.

12.4.7 Enfin, la recourante n’explique pas en quoi un « test psychomoteur » serait pertinent, de sorte qu’on ne saurait reprocher à l’expert de ne pas avoir évalué cet aspect.

12.5 Au vu de ce qui précède, les conclusions de l’expertise judiciaire, lesquelles rejoignent celles de la Dre J______ doivent être suivies, soit une capacité de travail totale de la recourante dès le 1er janvier 2018. En effet, l’expert a précisé que la recourante avait présenté dans le passé des épisodes d’incapacité de travail, mais qu’il rejoignait les conclusions sur la capacité de travail de la Dre J______, laquelle a estimé que la recourante était totalement incapable de travailler dès le 1er mars 2009, incapable de travailler à 50% dès le 1er septembre 2014 et totalement capable de travailler dès le 1er janvier 2018.

13.         Du point de vue somatique, la recourante n’a pas spécifiquement contesté l’expertise du Dr I______ du 22 août 2019, concluant à une capacité de travail totale dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles (pas de position debout prolongée, pas de port de charge de plus de 5 kg de manière répétitive, pas de position à genoux et de montée et descente d’escaliers à répétition) à tout le moins depuis le 1er janvier 2018 (sous réserve d’une incapacité de travail totale de juillet à novembre 2019). En particulier, les rapports subséquents de ses médecins-traitants ne sont pas à même de mettre en doute les conclusions du Dr I______. En effet, le Dr M______ a exclu une polyarthrite rhumatoïde (avis du 28 juin 2019), la Dre H______ a considéré que le problème de la recourante était plutôt psychique et social (avis du 31 mars 2022) et le Dr D______ a fait état d’atteintes somatiques prises en compte par le Dr I______ (avis du 14 avril 2022). Dans ces conditions, les conclusions du Dr I______ peuvent être suivies.

14.         La recourante n’a pas formellement conclu à l’octroi de mesures de réadaptation. Elle a cependant précisé à l’expert judiciaire qu’elle souhaitait une aide à la réinsertion. En toute hypothèse, une mesure ne saurait lui être octroyée, dès lors qu’elle a déjà bénéficié d’un réentrainement au travail en 2018.

15.         En conséquence, la décision litigieuse, fondée sur les incapacités de travail précitées, ne peut qu’être confirmée et le recours rejeté.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner la recourante au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le