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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/148/2020

ATAS/496/2023 du 26.06.2023 ( LPP ) , REJETE

Recours TF déposé le 18.09.2023, rendu le 13.03.2024, REJETE, 9C_520/2023, 9C_497/2021
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/148/2020 ATAS/496/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

Représentée par Me Romolo MOLO, avocat

 

demanderesse

contre

 

AXA FONDATION LPP SUISSE ROMANDE

 

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la demanderesse), née le ______ 1963 au Portugal, mère de deux filles nées le ______ 1993, a travaillé dès le 1er avril 1997 en tant que femme de ménage auprès de la Fondation du centre B______ (ci-après : le centre B______ ou l’employeur). À ce titre, elle était affiliée, pour la prévoyance professionnelle, auprès de Winterthur Columna, devenue en 2008 AXA Fondation LPP (ci-après : la fondation ou la défenderesse).

b. En raison d’un accident survenu le 13 décembre 1999, au cours duquel elle a été blessée à la cheville droite, l’assurée est incapable de travailler, partiellement dans un premier temps, puis totalement depuis le 10 novembre 2000.

c. Le 21 janvier 2002, elle a déposé, auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI), une demande de prestations sous forme d’une rente ou d'un reclassement dans une nouvelle profession en raison d'une entorse grave du pied droit existant depuis le 13 décembre 1999.

Après instruction du dossier, l'OAI a accordé à l'assurée, par décision entrée en force du 9 janvier 2004, une rente entière d'invalidité à compter du 1er novembre 2001.

d. Suite à la décision précitée, l’assurée a demandé à la fondation l’octroi d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle.

Faute de réponse malgré les rappels et pièces transmises, l’assurée a saisi, le 18 avril 2005, le Tribunal cantonal des assurances sociales (TCAS), alors compétent, d’une demande tendant au paiement d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle tant obligatoire que surobligatoire, à partir du 1er novembre 2001.

Par arrêt du 6 mars 2006 (ATAS/217/2006), le TCAS a constaté que l’assurée avait droit à une rente d’invalidité et une rente d’enfant d’invalide pour chacune de ses filles et ce à partir du 10 novembre 2001 et a condamné la fondation à lui verser lesdites rentes.

Cet arrêt est entré en force faute de recours au Tribunal fédéral.

e. Dans le cadre d’une procédure de révision, l’OAI a notamment demandé au service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) puis au Bureau romand d'expertises médicales (ci-après: BREM) d'examiner l'assurée et d'effectuer une expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique.

Compte tenu notamment du rapport du BREM du 9 août 2010, l'OAI a, par décision du 26 novembre 2010, supprimé la rente entière d’invalidité de l’assurée avec effet au 1er février 2011 (premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision précitée, intervenue le 2 décembre 2010), au motif que son état de santé s’était amélioré depuis la décision initiale du 9 janvier 2004 et qu’elle pouvait actuellement exercer une activité lucrative à temps complet sur le marché équilibré du travail.

Sur recours, la chambre de céans puis le Tribunal fédéral ont confirmé la suppression de la rente (ATAS/1081/2011 du 16 novembre 2011, respectivement arrêt du Tribunal fédéral 9C_12/2012 du 20 juillet 2012).

f. Par courrier du 7 octobre 2013, la fondation a requis de l’assurée la restitution des prestations versées à tort depuis le 1er janvier 2011. Faute de remboursement, elle a requis la poursuite de l’assurée, laquelle a abouti à un acte de défaut de biens (poursuite n° 1______ – 2______du 16 novembre 2016)

B. a. Le 17 avril 2015, l’assurée a saisi l’OAI d’une nouvelle demande de prestations.

b. Dans le cadre de l’instruction de cette nouvelle demande, le SMR a notamment examiné l’assurée à deux reprises.

Se fondant sur les rapports du SMR établis suite à ces deux examens, l’OAI a, par décision entrée en force du 25 octobre 2019, mis l’assurée au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité du 1er octobre 2015 au 30 avril 2017, d’une rente entière du 1er mai 2017 au 31 décembre 2018 et à nouveau d’une demi-rente d’invalidité depuis le 1er janvier 2019.

c. Par courrier du 5 décembre 2019, l'assurée a requis de la fondation le versement d'une rente réglementaire de 50% dès le 1er décembre 2014, de 100% du 1er mai 2017 au 31 décembre 2018 et à nouveau de 50% dès le 1er janvier 2019. Dans ce même courrier, elle a également invoqué son droit à des rentes réglementaires entre le 1er août 2011 et le 30 novembre 2014, en compensation de toute créance détenue jusqu'au 30 novembre 2014.

C. a. Par acte du 14 janvier 2020, l’assurée, sous la plume de son conseil, a saisi la chambre de céans d’une action en paiement et en contestation (recte : constatation) négative de dette, dans laquelle elle a conclu, principalement, à ce que la fondation retire toute poursuite initiée à son encontre, et en particulier la poursuite n° 1______, que l’acte de défaut de biens 2______du 16 novembre 2016 lui soit restitué et qu’il soit constaté qu’elle n’a aucune dette à l’encontre de la défenderesse. La demanderesse a également conclu à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser une rente d’invalidité de la prévoyance obligatoire et surobligatoire de 50% à partir du 1er octobre 2015, de 100% dès le 1er mai 2017 et de 50% dès le 1er janvier 2019, soit CHF 21'322.- au moins, avec intérêts à 5% dès le 15 février 2018 (date moyenne).

La demanderesse a persisté dans ses conclusions par réplique du 18 août et par observations du 4 novembre 2020.

b. Dans sa réponse du 24 juin 2020, la défenderesse a demandé à la chambre de céans de ne pas entrer en matière sur l’action en constatation de l’existence ou de l’inexistence d’une dette et sur la restitution de l’acte de défaut de biens 2______du 16 novembre 2016 et de rejeter l’action pour le surplus, faute de lien de connexité tant matérielle que temporelle, après avoir exigé la production de l’entier du dossier constitué par l’OAI.

Elle a confirmé sa position dans sa duplique du 26 octobre 2020.

c. Les parties ont répondu, en date des 3 et 15 décembre 2020, à des questions complémentaires posées par la chambre de céans avant de se prononcer sur leurs réponses respectives par courriers des 3 et 8 février 2021.

d. Quant à la chambre de céans, elle a requis la transmission d’un extrait du compte individuel AVS de la recourante, document qu’elle a reçu le 1er avril 2021.

e. Par arrêt du 16 août 2021 (ATAS/813/2021), la chambre de céans a rejeté la demande en paiement considérant, en substance, s’agissant de la rente de la prévoyance obligatoire, que le lien de connexité temporelle avait été interrompu et, s’agissant de la rente de la prévoyance étendue, que la qualité d’assurée au jour de la survenance de la nouvelle incapacité de gain faisait défaut. En effet, l'incapacité de gain qui était née pendant qu'elle était encore assurée s'était terminée au plus tard en août 2010. Quant à la nouvelle incapacité de gain à compter du mois d'août 2011, elle avait débuté alors que la demanderesse n'était plus assurée auprès de la défenderesse.

f. Sur recours, le Tribunal fédéral a confirmé l’interruption du lien de connexité temporelle et par conséquent le refus de verser une rente de la prévoyance obligatoire. En revanche, il a annulé l’ATAS/813/2021 en tant que la chambre de céans y confirmait le refus de verser une rente étendue. En substance, le Tribunal fédéral a considéré que la question de la fin, respectivement du maintien des rapports de prévoyance plus étendue entre les parties, n'était pas claire. La cause a donc été renvoyée à la chambre de céans pour instruction complémentaire sur cette question (arrêt 9C_497/2022 du 3 octobre 2022 consid. 6.2).

g. Suite au renvoi, les parties se sont une nouvelle fois exprimées.

h. La demanderesse a considéré, dans son écriture du 25 novembre 2022, qu’elle n’avait jamais quitté le cercle des assurés de la défenderesse, comme cela avait été constaté par le Tribunal fédéral. En tous les cas, si elle avait su qu’elle était sortie du cercle des assurés, elle aurait demandé à pouvoir bénéficier de l’assurance individuelle. Par conséquent, que ce soit immédiatement, en raison du fait qu’elle n’était jamais sortie du cercle des assurés de l’assurance collective, ou par le biais de l’assurance individuelle, elle devait être mise au bénéfice d’une rente réglementaire.

i. Pour sa part, la défenderesse a rappelé, dans ses déterminations du 29 novembre 2022, qu’elle proposait une couverture de prévoyance enveloppante, de sorte que les articles réglementaires s’appliquaient tant à la part obligatoire qu’à la part surobligatoire et que la demanderesse avait quitté le cercle des assurés le 10 novembre 2000. Quant à l’assurance individuelle, elle était proposée par la Winterthur-Vie et non pas par elle-même.

j. Dans ses observations du 6 décembre 2022, la demanderesse a persisté dans ses précédents arguments et, à titre subsidiaire, pour le cas où la chambre de céans devait considérer qu’elle n’avait pas droit aux prestations de la prévoyance professionnelle plus étendue, elle a conclu à la constatation de la violation, par la défenderesse, de ses obligations réglementaires en ne transmettant pas l'avis de sortie avant le 30 septembre 2022, à la réserve d'une demande de dommage-intérêts du fait de cette omission et à la constatation qu'elle avait valablement exercé son droit de solliciter la conclusion d'une assurance individuelle couvrant les risques de décès et d'incapacité de gain (invalidité), au plus tard par courrier du 14 octobre 2022. Plus subsidiairement, la demanderesse a encore conclu à la constatation que la défenderesse avait violé ses obligations réglementaires en ne lui transmettant pas d'avis de sortie avant le 30 septembre 2022 et en omettant de l'informer quant au versement de la prestation de libre-passage. Encore plus subsidiairement, elle a conclu au transfert de sa prestation de sortie à l'institution supplétive, avec intérêts moratoires. Enfin, la demanderesse a également conclu à l'appel en cause d'AXA Vie SA et à la constatation qu'elle avait valablement exercé son droit de solliciter la conclusion d'une assurance individuelle couvrant les risques de décès et d'incapacité de gain (invalidité), au plus tard par courrier du 14 octobre 2022.

k. Par écritures des 31 janvier et 8 février 2023, la défenderesse, respectivement la demanderesse, ont persisté dans leurs précédentes écritures et conclusions.

l. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             La compétence de la chambre de céans et la recevabilité de la demande initiale du 14 janvier 2020 ont déjà été examinées et admises dans l’ATAS/813/2021 du 16 août 2021, si bien qu’on peut y renvoyer.

2.             Reste à examiner la recevabilité des conclusions nouvelles de la demanderesse, prises suite au renvoi de la cause, dans ses observations du 6 décembre 2022.

2.1 L’objet du litige devant la juridiction cantonale est déterminé par les conclusions de la demande introduite par l’assurée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.72/04 du 31 janvier 2006 consid. 1.1). C’est ainsi la partie qui déclenche l’ouverture de la procédure et détermine l’objet du litige (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2). Le juge n’est toutefois pas lié par les conclusions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).

2.2 Les arrêts du Tribunal fédéral acquièrent force de chose jugée le jour où ils sont prononcés (art. 61 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110 – LTF). Ils sont revêtus de l’autorité de chose jugée, ce qui signifie que le jugement lie les parties à la procédure ainsi que les autorités qui y ont pris part. En principe, seul le dispositif du jugement est revêtu de l’autorité de chose jugée. Toutefois, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb p. 354 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_741/2010 du 12 mai 2011 consid. 2.1).

D’après un principe applicable dans la procédure administrative en général, lorsqu’une autorité de recours statue par une décision de renvoi, l’autorité à laquelle la cause est renvoyée, de même que celle qui a rendu la décision sur recours sont tenues de se conformer aux instructions du jugement de renvoi. Ainsi, l’autorité inférieure doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit du jugement de renvoi. L’autorité inférieure voit donc sa latitude de jugement limitée par les motifs du jugement de renvoi, en ce sens qu’elle est liée par ce qui a été déjà définitivement tranché par l’autorité de recours, laquelle ne saurait, de son côté, revenir sur sa décision à l’occasion d’un recours subséquent (arrêt du Tribunal fédéral 9C_350/2011 du 3 janvier 2012, consid. 4.1). La règle doit toutefois s’apprécier à la lumière du principe selon lequel le Tribunal fédéral n’examine que les griefs dûment formulés devant lui. L’autorité précédente ne viole donc pas l’autorité de l’arrêt du Tribunal fédéral si elle fonde sa nouvelle décision sur un motif différent et non examiné dans son jugement précédent et au sujet duquel le Tribunal fédéral n’a pas eu l’occasion de s’exprimer (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb ; Jean-Maurice FRÉSARD in Commentaire de la LTF, 2ème éd. 2014, ad art. 61 LTF, n. 16).

3.             Dans le cas d’espèce, par acte du 14 janvier 2020, la demanderesse a saisi la chambre de céans d’une action en paiement et en contestation (recte constatation) négative de dette, dans laquelle elle a conclu à ce que la fondation retire toute poursuite initiée à son encontre, et en particulier la poursuite n° 1______, que l’acte de défaut de biens 2______du 16 novembre 2016 lui soit restitué et qu’il soit constaté qu’elle n’a aucune dette à l’encontre de la défenderesse. La demanderesse a également conclu à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser une rente d’invalidité de la prévoyance obligatoire et surobligatoire de 50% à partir du 1er octobre 2015, de 100% dès le 1er mai 2017 et de 50% dès le 1er janvier 2019, soit CHF 21'322.- au moins, avec intérêts à 5% dès le 15 février 2018 (date moyenne).

En d’autres termes, la demanderesse a limité le litige aux objets susmentionnés.

Dans son ATAS/813/2021 du 16 août 2021, la chambre de céans a rejeté la demande du 14 janvier 2020, dans la mesure de sa recevabilité.

La demanderesse a interjeté recours contre l’arrêt précité, concluant à ce que celui-ci soit annulé et à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser une rente d’invalidité de la prévoyance obligatoire et surobligatoire et à ce que la cause soit renvoyée à la chambre de céans pour qu’elle statue sur les conclusions liées à la poursuite n° 1______ et à l’acte de défaut de biens 2______du 16 novembre 2016.

Dans son arrêt 9C_497/2021 du 3 octobre 2022, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les conclusions en lien avec la poursuite et l’acte de défaut de biens susmentionnés (consid. 2). Il a en outre confirmé le rejet de la demande en tant qu’elle porte sur une rente d’invalidité de la prévoyance obligatoire (consid. 5.2 dernier paragraphe). En revanche, il a annulé l’ATAS/813/2021 précité en tant qu’il a rejeté la demande tendant au versement d’une rente d’invalidité de la prévoyance surobligatoire et a renvoyé la cause à la chambre de céans pour instruction complémentaire sur ce point.

Par conséquent, eu égard à ce qui précède, le litige porte désormais uniquement sur le point de savoir si la recourante peut prétendre à des prestations de la prévoyance surobligatoire. Toute autre conclusion est irrecevable, car dépassant l’objet du litige tel que circonscrit par la chambre de céans dans son ATAS/813/2021 du 16 août 2021 et par le Tribunal fédéral dans son arrêt 9C_497/2022 du 3 octobre 2022.

La demande d'appel en cause ainsi que les conclusions subsidiaires prises dans les écritures du 6 décembre 2022 et confirmées dans celles du 8 février 2023, doivent donc être déclarées irrecevables dès lors qu'elles dépassent l'objet du litige fixé par le Tribunal fédéral.

4.             Pour une meilleure compréhension du présent arrêt, il convient, à présent, de rappeler l'objet du litige.

4.1 La demanderesse était affiliée pour la prévoyance obligatoire et surobligatoire auprès de la défenderesse.

Suite à un accident survenu le 13 décembre 1999, elle a été incapable de travailler et une rente d’invalidité lui a été octroyée par l’OAI dès le 1er octobre 2001. En complément, elle a perçu une rente d’invalidité de la prévoyance obligatoire et surobligatoire, servie par la défenderesse dès le 10 novembre 2001 (cf. ATAS/217/2006 du 6 mars 2006).

En raison de l’amélioration de l’état de santé de la demanderesse et de l’existence d’une capacité de travail dans une activité adaptée, l’OAI a supprimé la rente d’invalidité avec effet au 1er février 2011, ce qui a été confirmé par la chambre de céans et par le Tribunal fédéral en date des 16 novembre 2011, respectivement du 20 juillet 2012 (ATAS/1081/2011 et arrêt 9C_12/2012).

De son côté le 7 octobre 2013, la défenderesse a également mis un terme au versement de la rente avec effet au 1er janvier 2011 et a réclamé la restitution des prestations versées à tort.

Le 17 avril 2015, la demanderesse a saisi l’OAI d’une nouvelle demande, laquelle a conduit à l’octroi d’une demi-rente d’invalidité du 1er octobre 2015 au 30 avril 2017, d’une rente entière du 1er mai 2017 au 31 décembre 2018 et à nouveau une demi-rente dès le 1er janvier 2019.

Par courrier du 5 décembre 2019, la demanderesse a invité la défenderesse à compléter la rente d’invalidité précitée par une rente de prévoyance obligatoire et surobligatoire puis elle a saisi la chambre de céans, en date du 14 janvier 2020, d’une demande en paiement dans ce sens, laquelle fait l’objet de la présente procédure.

4.2  

4.2.1 Dans son ATAS/813/2021 du 16 août 2021, la chambre de céans a considéré que pour que la défenderesse soit tenue de verser une rente d'invalidité à la demanderesse à compter du 1er octobre 2015, l'incapacité de travail causée par les troubles à l'origine de cette nouvelle invalidité devait avoir débuté à une époque où la demanderesse n'avait pas encore quitté le cercle des assurés de la défenderesse. À cet égard, la chambre de céans a relevé que, même s'il n'avait pas résilié le contrat de travail de manière formelle, l'employeur n'avait versé le salaire que jusqu'au 28 février 2001, de sorte que tant au regard de la LPP que durèglement des mesures de prévoyance en faveur du personnel de la fondation (ci-après : le règlement), la demanderesse ne percevait plus un salaire suffisant pour rester assurée auprès de la défenderesse au-delà du 31 mars 2001.

En d'autres termes, pour la chambre de céans, la demanderesse a quitté le cercle des assurés le 31 mars 2001 tant en ce qui concerne la prévoyance obligatoire que la prévoyance surobligatoire.

Examinant ensuite la problématique de la connexité matérielle et temporelle, la chambre de céans a considéré que de toutes les atteintes à la santé (au pied droit, au pied gauche, aux épaules, au genou droit, à la colonne vertébrale) ayant justifié l'octroi d'une rente d'invalidité dès le 1er octobre 2015, seule celle au pied droit s'était produite et avait engendré une incapacité de travail antérieurement au 31 mars 2001, soit pendant que la demanderesse était encore affiliée à la défenderesse. En d'autres termes, seule cette atteinte remplissait la condition du lien de connexité matérielle. En revanche, dans la mesure où, postérieurement à la suppression de la rente, cette atteinte n'avait justifié une incapacité de travail qu'entre le 25 septembre 2017 et le 24 septembre 2018, le lien de connexité temporelle avait de toute évidence été interrompu entre le mois d’août 2010 et le mois de juillet 2015 (recte : septembre 2017) s'agissant de l'atteinte au pied droit.

Par conséquent, la chambre de céans en a conclu que la demanderesse n'avait pas droit à des prestations de la part de la défenderesse pour l'invalidité au sens de la LPP ou du règlement, en raison de l'incapacité de gain dès le 1er août 2011.

4.2.2 La demanderesse a interjeté recours contre l'arrêt précité.

Dans son arrêt 9C_497/2021 du 3 octobre 2022, le Tribunal fédéral a confirmé, s'agissant de la prévoyance obligatoire, la sortie de la demanderesse du cercle des assurés le 31 mars 2001 et l'interruption du lien de connexité temporelle entre août 2010 et juillet 2015. Il a encore ajouté que dès lors que, selon les constatations de la chambre de céans, la demanderesse était incapable de travailler depuis novembre 2000, qu'elle avait ensuite perçu une rente entière de l'assurance-invalidité et de la prévoyance professionnelle à partir du novembre 2001 et qu'elle ne recevait donc plus de salaire, les rapports de travail avaient pris fin, si ce n'est par une résiliation formelle, du moins par actes concluants. Par ailleurs, après l'extinction du droit à la rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire au 31 décembre 2010, la demanderesse avait cessé d'être bénéficiaire de prestations de la part de la défenderesse et les rapports de prévoyance y afférents avaient cessé (cf. consid. 5.1 et 52).

En d'autres termes, le Tribunal fédéral a confirmé le refus de la défenderesse de verser une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire.

En revanche, s'agissant de la prévoyance surobligatoire, le Tribunal fédéral a considéré qu'en retenant que l'affiliation de la demanderesse avait pris fin au 31 août (recte : mars) 2001, la chambre de céans n'avait pas pris en considération que la demanderesse avait été mise au bénéfice d'une rente de la prévoyance professionnelle (obligatoire et surobligatoire) à partir du 1er novembre 2001, à la suite d'une incapacité de travail depuis novembre 2000, et qu'un cas d'assurance était dès lors survenu. Or, sous le titre « Sortie de l'institution de prévoyance », l'art. 6.1.1 du règlement prévoyait que « le salarié sort[ait] de l'institution de prévoyance lorsqu'il ne [satisfaisait] plus aux conditions d'admission figurant sous chiffre 2.1 et qu'aucun événement assuré [n'était] survenu, en particulier lors de la dissolution des rapports de travail ». Pour le Tribunal fédéral, à l'époque de la dissolution des rapports de travail, l'assurée présentait déjà une incapacité de travail déterminante. Dans ce contexte, notre Haute Cour a relevé que, directement interpellée sur « la date à laquelle la demanderesse [avait] quitté le cercle de vos assurés », la défenderesse avait répondu qu'à sa connaissance, la demanderesse « [n'avait] jamais quitté le cercle des assurés de la caisse de prévoyance (contrat 3______) », sans préciser toutefois à quel titre la demanderesse devait encore être considérée comme faisant partie du cercle de ses assurés, en particulier après la fin du versement de la rente d'invalidité dès le 1er janvier 2011. Le Tribunal fédéral a en outre considéré que le contrat n'ayant pas été produit, il n'était pas possible d'en examiner la nature, étant précisé que le règlement prévoyait qu'après la sortie, un salarié n'entrant pas au service d'un nouvel employeur pouvait conclure une assurance individuelle pour couvrir les risques de décès et d'invalidité (ch. 6.3.4 du règlement). La question de la fin respectivement du maintien des rapports de prévoyance plus étendue entre les parties n'était donc pas claire.

4.3 Suite au renvoi de la cause, les parties ont eu l'occasion de se prononcer sur les considérations du Tribunal fédéral et de faire valoir leurs positions respectives.

4.3.1 Pour sa part, la demanderesse est d'avis qu'elle n'a jamais quitté le cercle des assurés comme cela a été constaté, selon elle, par le Tribunal fédéral. Si tel avait été le cas, elle aurait dû recevoir une prestation de libre-passage assortie d'un taux d'intérêt majoré en cas de retard conformément à l'art. 6.2.3 du règlement (observations des 25 novembre et 6 décembre 2022), ajoutant encore qu'une éventuelle sortie n'aurait quoi qu'il en soit pas pu avoir lieu avant le 1er janvier 2011 (observations du 6 décembre 2022).

4.3.2 De son côté, la défenderesse a rappelé qu'elle proposait une couverture de prévoyance enveloppante, que ses dispositions réglementaires s'appliquaient tant à la part obligatoire que surobligatoire et que la date de sortie de la demanderesseétait le 10 novembre 2000 (observations des 29 novembre 2022 et 31 janvier 2023).

4.4 Eu égard à ce qui précède, la question litigieuse que la chambre de céans doit examiner, dans un premier temps, vu la formulation de l'art. 3.5.1 du règlement et l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_492/2021 du 3 octobre 2022, est celle de savoir quand la demanderesse est sortie du cercle des assurés de la défenderesse en ce qui concerne la prévoyance surobligatoire. En effet, seule une atteinte incapacitante née durant l'affiliation est susceptible d'entraîner le versement d'une rente d'invalidité surobligatoire.

5.              

5.1 Le système suisse de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité repose sur le principe des trois piliers (art. 111 Cst.). Les prestations du premier pilier (assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale et prestations complémentaires) doivent couvrir les besoins vitaux des personnes assurées de manière appropriée (art. 112 al. 2 let. b Cst.), alors que les prestations du deuxième pilier (prévoyance professionnelle) doivent permettre aux personnes assurées de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur (art. 113 al. 2 let. a Cst. ; voir également art. 1 al. 1 LPP). II incombe au troisième pilier (prévoyance individuelle) de compléter les mesures collectives des deux premiers piliers selon les besoins personnels.

Les institutions de prévoyance qui participent à l'application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP). Il leur est toutefois loisible de prévoir des prestations supérieures aux exigences minimales fixées dans la loi (art. 49 LPP ; Message à l'appui de la LPP, FF 1976 I 127 ch. 313 et 314 ; ATF 131 II 593 consid. 4.1 et les références).

5.2 La prévoyance professionnelle plus étendue englobe la prévoyance surobligatoire, sous-obligatoire et préobligatoire. Le régime surobligatoire permet d’assurer la part de salaire dépassant la limite supérieure du salaire coordonné au sens de l’art. 8 al. 1 LPP. La prévoyance sous-obligatoire, quant à elle, assure les parts de salaire inférieures au salaire minimum pour l'assurance obligatoire au sens de l'art. 7 al. 1 LPP. Enfin, la prévoyance préobligatoire concerne les prétentions acquises avant l’entrée en vigueur de la LPP (SCHNEIDER, in LPP et LFLP, 2020, n° 9-10 ad. art. 49 LPP).

5.3 En pratique, il existe trois modèles différents dans la prévoyance en faveur du personnel pour le traitement des prestations de prévoyance obligatoires et surobligatoires : l’institution de prévoyance enveloppante, l’institution de prévoyance splittée d’un point de vue organisationnel et l’institution de prévoyance splittée d’un point de vue juridique (SCHNEIDER, Das Modell der Versicherer mit Vollversicherung, in Schweizer Personalvorsorge [SVP] 5/2012 p. 45).

5.3.1 Les institutions dites enveloppantes peuvent définir librement le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation leur convenant dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP et le respect des principes d'égalité de traitement, de proportionnalité et d'interdiction de l'arbitraire. Concrètement, de telles institutions proposent de façon générale un plan unique de prestations qui inclut les prestations légales minimales et les améliore sans opérer de distinction entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_951/2015 du 29 septembre 2016 consid. 3.1). Afin de s'assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences légales minimales, autrement dit que la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP, l'institution de prévoyance est tenue de pouvoir procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP – soit le compte individuel de vieillesse prévu par l'art. 11 al. 1 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2 - RS 831.441.1) – et les prestations réglementaires (ATF 138 V 176 consid. 5.4). L'institution de prévoyance est tenue de verser les prestations légales minimales si celles-ci sont supérieures aux prestations réglementaires, conformément au principe d'imputation. Dans ce cadre, il n'est pas nécessaire de faire des calculs séparés pour les domaines obligatoire et surobligatoire, mais il convient de comparer les prétentions légales à celles de même nature prévues par le règlement pour une période identique (ATF 136 V 65 consid. 3.7).

5.3.2 Ce sont surtout les assureurs-vie qui appliquent le modèle de la prévoyance splittée sur le plan organisationnel dans le cadre d'une solution d'assurance complète. Dans ce modèle, les prestations obligatoires et surobligatoires sont définies séparément sur le plan organisationnel, avec des paramètres différents. L'ensemble des prestations réglementaires résulte de la somme des prestations obligatoires et surobligatoires.

5.3.3 La prévoyance juridiquement scindée existe sous la forme de deux institutions de prévoyance juridiquement indépendantes l'une de l'autre, en règle générale l'institution de prévoyance LPP d'une part et l'institution de prévoyance complémentaire ou pour cadres surobligatoire d'autre part. Les deux institutions de prévoyance sont des sujets de droit autonomes et une imputation réciproque des prestations ne peut pas avoir lieu.

6.              

6.1 Lorsqu'un employeur s'affilie à une institution pour la prévoyance de ses employés, trois relations juridiques distinctes coexistent :

-     Le contrat de travail de droit privé liant l'employé et l'employeur, fondé sur les art. 319 et ss CO.

-     La convention d'affiliation conclue entre l'employeur et l'institution de prévoyance, laquelle constitue un contrat sui generis au sens propre, pour la conclusion duquel il y a lieu d'appliquer les règles du droit des obligations (ATF 129 111 476 consid. 1.4 p. 478 et les références).

-     Enfin, l'assuré est lié à l'institution de prévoyance de par la loi en ce qui concerne les prestations obligatoires (RIEMER, Vorsorge-, Fürsorge- und Sparverträge der beruflichen Vorsorge, in Innominatverträge, Festgabe zum 60. Geburtstag von Walter R. SCHLUEP, 1988, p. 234) et, concernant les prestations surobligatoires, par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance, dont le règlement de prévoyance constitue le contrat préformé, savoir ses conditions générales, auxquelles l'assuré se soumet expressément ou par actes concluants (ATF 127 V 301, consid. 3a, voir également ATAS/703/2017 du 17 août 2017).

6.2 Le contrat de prévoyance (qui est donc un contrat innommé), dont le règlement constitue le contenu préformé, doit ainsi être interprété selon les règles générales sur l'interprétation des contrats (ATF 129 V 145 consid. 3.1, 127 V 301 consid. 3a).

Il y a lieu de rechercher, tout d'abord, la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO ; ATF 127 III 444 consid. 1b ; 135 III 410 consid. 32).

Lorsque cette intention ne peut être établie, il faut tenter de découvrir la volonté présumée des parties en interprétant leurs déclarations selon le sens que le destinataire de celles-ci pouvait et devait raisonnablement leur donner selon les règles de la bonne foi (principe de la confiance) (ATF 132 V 286 consid. 3.2.1 et les références ; ATF 129 III 118 consid. 2.5 ; ATF 126 III 388 consid. 9d ; ATF 122 V 142 consid. 4c ; ATF 122 III 106 consid. 5a ; ATF 121 III 118 consid. 4b/aa ; ATF 116 V 218 consid. 2).

Le libellé de la disposition concernée constitue le point de départ de toute interprétation ; ceci ne signifie cependant pas qu'une interprétation fondée sur d'autres critères ne doive avoir lieu que si la formulation est floue (ATF 127 III 444 consid. lb). L'interprétation d'une disposition réglementaire doit toujours tenir compte du but et de la systématique du règlement de prévoyance, du comportement des parties au moment de la conclusion du contrat, ainsi que des autres circonstances. Il faut de plus respecter la règle de l'interprétation conforme à la loi. Si le sens d'une disposition réglementaire est confus, il convient, dans le doute, d'opter pour l'interprétation conforme à la prescription légale dispositive applicable. Si l'une des parties souhaite déroger au droit dispositif, elle doit alors le formuler de manière suffisamment claire (ATF 122 III 118 consid. 2a).

7.              

7.1 Dans le cas d’espèce, c’est le règlement n° 3______/56 (voir la page de titre) qui énonce les conditions pour être assuré auprès de la défenderesse. C’est également ce règlement qui précise les prestations assurées et les conditions à remplir pour pouvoir en bénéficier, comme cela ressort de son art. 1.2.2, lequel prévoit que les droits et obligations de la fondation, de l’employeur et des salariés ou d’autres ayants droit sont fixés par le règlement en question.

A teneur de l’art. 3.5.1 du règlement, intitulé « prestations en cas d’incapacité de gain (invalidité) » en cas d’incapacité de gain avant l’âge de la retraite ou avant une éventuelle retraite anticipée, l'assuré est mis au bénéfice d'une rente d'invalidité (délai d'attente 24 mois) et la libération du paiement des contributions lui est accordée (délai d'attente 3 mois). Le droit à des prestations en cas d’incapacité de gain n’est acquis que si au moment de la survenance de l’incapacité de gain, le salarié était assuré conformément au règlement en question et à condition que la durée de l’incapacité de gain ait dépassé le délai d’attente.

7.2  

7.2.1 Selon l'art. 2.1.1 du règlement, sont admis dans l'institution de prévoyance tous les salariés dont le salaire annuel AVS est supérieur à la rente de vieillesse simple maximale de l'AVS, à condition que leur contrat de travail ait été conclu pour une durée illimitée ou pour une durée limitée dépassant 3 mois. Si un contrat de travail de durée limitée est prolongé au-delà de 3 mois, le salarié doit être admis dans l’institution de prévoyance.

La couverture débute le jour où le salarié remplit les conditions d'admission ausens des dispositions figurant sous chiffre 2.1 (début de l'assurance) et prend fin le jour où l'assuré sort de l'institution de prévoyance. Après la sortie, le salarié demeure assuré pour les risques de décès et d'incapacité de gain (invalidité) jusqu’à son entrée dans une nouvelle institution de prévoyance, au maximum toutefois pendant un mois (art. 2.2.1 du règlement).

Le salarié sort de l'institution de prévoyance lorsqu'il ne satisfait plus aux conditions d'admission figurant sous chiffre 2.1 et qu'aucun événement assuré n’est survenu, en particulier lors de la dissolution des rapports de travail (art. 6.1.1 du règlement).

Si le salaire annuel de base diminue temporairement par suite de maladie, d'accident, de chômage ou d'autres circonstances semblables, le salaire assuré continue d'être assuré au moins pour la durée de l'obligation légale de l'employeur de verser le salaire selon l'article 324a du code des obligations. Le salarié peut toutefois demander la réduction du salaire assuré (art. 2.3.8 du règlement)

7.3 La question qui se pose donc principalement est celle de savoir ce qu’il faut entendre par « événement assuré » au sens de l’art. 6.1.1 du règlement, notion sur laquelle les parties s’opposent, la demanderesse étant d’avis que cette notion vise l’incapacité de travail alors que pour la défenderesse, seule l’invalidité peut être considérée comme étant l’événement assuré.

Eu égard à l'absence de volonté concordante des parties, il convient de dégager le sens objectif de la clause litigieuse conformément au principe de la confiance.

Dans ce contexte, il faut tenir compte du but et de la systématique du règlement de prévoyance, du comportement des parties au moment de la conclusion du contrat, ainsi que des autres circonstances. Il faut également respecter la règle de l'interprétation conforme à la loi. En effet, si le sens d'une disposition réglementaire est confus, il convient, dans le doute, d'opter pour l'interprétation conforme à la prescription légale dispositive applicable. Si l'une des parties souhaite déroger au droit dispositif, elle doit alors le formuler de manière suffisamment claire (cf. consid. 6.2 supra).

7.3.1 Selon le dictionnaire de l'académie française, le terme « événement » désigne notamment « un fait important, d'un point de vue général ou particulier Quant à l'adjectif « assuré » il signifie « qui est l'objet d'une assurance », l'assurance étant définie par « le fait pour une compagnie, une société, une mutuelle, de garantir des personnes ou des biens par un contrat aux termes duquel elle s'engage à verser une indemnité en réparation de dommages éventuels ou encore comme le contrat par lequel on s'assure contre certains risques ».

Il convient de déterminer ce qui est assuré par le règlement.

7.3.2 Selon l'art. 1.2 du règlement, les mesures de prévoyance ont pour but de protéger les salariés et leurs survivants contre les conséquences économiques de la perte de gain résultant de la vieillesse, de l'incapacité de gain et du décès. Elles satisfont aux exigences de la LPP (al. l). Les droits et obligations de la fondation, de l'employeur et des salariés ou d'autres ayants droit sont fixés par ledit règlement. Ce dernier définit en particulier les droits des salariés et de leurs survivants en cas d'arrivée à l'âge de la retraite, en cas de décès et d'incapacité de gain (invalidité).

De la combinaison de ces deux alinéas, il convient de retenir que le règlement a pour objet de protéger les salariés contre les conséquences économiques de l'invalidité. En ce sens, les mesures de prévoyance de la défenderesse correspondent à la LPP, laquelle s'applique à la prévoyance obligatoire, de sorte que les considérations y relatives peuvent être appliquées, mutatis mutandis à la prévoyance plus étendue.

Or, en matière de prévoyance obligatoire, le Tribunal fédéral a rappelé, dans un ATF 138 V 227, que la prévoyance professionnelle assure les risques de vieillesse, de décès et d'invalidité. L'incapacité de travail en tant que telle ne constitue pas un risque assuré par la prévoyance professionnelle. La survenance de l'incapacité de travail, dont la cause est à l'origine de l'invalidité, n'est déterminante selon l'art. 23 LPP que pour la question de la durée temporelle de la couverture d'assurance : si l’incapacité de travail est survenue pendant la durée pendant laquelle l’intéressé était affilié à une institution de prévoyance, celle-ci est tenu de prester, même si l’invalidité est survenue après la fin des rapports de prévoyance. L'obligation de prester en tant que telle ne prend naissance qu'avec et à partir de la survenance de l'invalidité et non pas déjà avec celle de l'incapacité de travail. Cette incapacité ne correspond donc pas au cas de prévoyance, qui ne se produit qu'au moment de la survenance effective de l'événement assuré, en cas de décès ou d'invalidité. Comme l'a précisé le Tribunal fédéral dans ses ATF 134 V 28 consid. 3.4.2 et 135 V 13 consid. 2.6, la survenance du cas de prévoyance invalidité coïncide dès lors du point de vue temporel avec la naissance du droit à des prestations d'invalidité (art. 26 al. I LPP). Ce droit prend naissance au même moment que le droit à une rente de l'assurance-invalidité pour la prévoyance professionnelle obligatoire (ATF 123 V 269 consid. 2a), et pour la prévoyance plus étendue lorsque la notion d'invalidité définie par le règlement correspond, comme en l'espèce, à celle de l'assurance-invalidité.

En d'autres termes, en matière de prévoyance obligatoire, seuls les risques d'invalidité, de décès et de vieillesse constituent des cas d'assurances ou événements assurés par la LPP.

Par conséquent, dans le contexte de l'art. 6.1.1 du règlement, l'événement assuré ne peut viser que le décès, l'invalidité ou la retraite et cette disposition doit être lue comme suit : « le salarié sort de l'institution de prévoyance lorsqu'il ne satisfait plus aux conditions d'admission figurant sous chiffre 2.1 et qu'aucun événement assuré [ce par quoi il faut entendre les cas de décès, invalidité ou retraite] n'est survenu, en particulier lors de la dissolution des rapports de travail ».

7.3.3 S'agissant de la prévoyance obligatoire, la chambre de céans a considéré que le salaire minimum n'était plus atteint à compter du 28 février 2001, ce qui a été confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt 497/2021 du 3 octobre 2022.

Les mêmes principes s'appliquent en ce qui concerne la prévoyance surobligatoire. En effet, avec la fin du versement du salaire, au 28 février 2001, le salaire annuel atteignait CHF 7'000.-, ce qui est d'ailleurs confirmé par l'extrait du compte individuel de la demanderesse. Ce montant étant largement inférieur aux CHF 24'720.- correspondant à la rente AVS maximale selon la table des rentes pour 2001, la demanderesse ne remplissait plus les conditions des art. 6.1.1 et 2.1.1 du règlement dès le 1er mars 2001.

Au demeurant et en tout état, comme le Tribunal fédéral l'a relevé, les rapports de travail ont été résiliés, à tout le moins tacitement, avec la fin du versement du salaire, soit avec effet au 28 février 2001.

Par conséquent, l'affiliation de la demanderesse à la défenderesse a cessé le 31 mars 2001 s'agissant de la prévoyance obligatoire et surobligatoire (art. 10 al. 2 let. c et al. 3 LPP ; art. 6.1.1, 2.1.1 et 2.2.1 in fine du règlement). En effet, dans la mesure où l'invalidité est survenue le 1er novembre 2001, soit postérieurement, aucun cas d'assurance n'était survenu lors de la fin de l'affiliation le 31 mars 2001.

7.4 Retenir le contraire reviendrait à admettre que la demanderesse ne fasse plus partie du cercle des assurés en ce qui concerne la prévoyance obligatoire alors qu'elle serait encore assurée s'agissant de la prévoyance surobligatoire. Cela aurait pour conséquence qu'en raison de l'interruption de la connexité temporelle (ce qui a été confirmé par le Tribunal fédéral), aucune prestation de la prévoyance obligatoire n'est due à la demanderesse alors que des prestations de la prévoyance surobligatoire lui seraient dues pour des atteintes nées plusieurs années après la fin des rapports de travail et alors même qu'elle n'a versé aucune cotisation depuis 2001.

Une telle situation irait également à l'encontre de la nature-même de la défenderesse, laquelle est, comme la chambre de céans l'a relevé dans son ATAS/813/2021 du 16 août 2021, une institution de prévoyance dite « enveloppante » pratiquant la prévoyance obligatoire et plus étendue. En effet, la défenderesse propose un plan unique de prestations qui inclut les prestations légales minimales et les améliore sans opérer de distinction entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue. D'ailleurs, le règlement ne fait pas la distinction entre prestations obligatoires et prestations surobligatoires.

Admettre le contraire reviendrait ainsi à considérer la défenderesse comme une institution splittée du point de vue organisationnel, ce qu'elle n'est pas.

Aussi, pour toutes ces raisons, force est de considérer que 1'« événement assuré » auquel il est fait référence à l'art. 6.1.1 du règlement vise l'invalidité et non pas l'incapacité detravail, de sorte que la demanderesse a quitté le cercle des assurés de la défenderesse le 31 mars 2001.

8.             Dans un souci d'exhaustivité, la chambre de céans se prononcera encore sur les arguments de la demanderesse en lien avec son affiliation.

8.1 Tout d'abord, se référant à l'art. 3.5.1 du règlement, la demanderesse est d'avis que le cas d'assurance est une incapacité de gain de plus de trois mois (cf. recours en matière de droit public du 16 septembre 2021, p. 15).

Cette affirmation ne correspond toutefois pas au texte clair de l'art. 2.5.1 du règlement, lequel prévoit qu'en cas d'incapacité de gain avant la retraite ou une éventuelle retraite anticipée, l'assuré est mis au bénéfice d'une rente d'invalidité, après un délai d'attente de 24 mois, et la libération du paiement des contributions lui est accordée après un délai d'attente de trois mois.

En d'autres termes, l'incapacité de gain (au sens d'une incapacité de travail) de plus de trois mois n'est pertinente, dans le cas de l'art. 3.5.1, que pour la libération des primes et non pour le droit à une rente.

8.2  

8.2.1 En outre, toujours dans son recours de droit public du 16 septembre 2021, la demanderesse a affirmé bénéficier d'une « beitragsbefreite Weiterversicherung » au moins jusqu'au 31 octobre 2002, dès lors qu'elle subit une incapacité de travail et de gain de plus de trois mois et qu'elle bénéfice d'une libération du paiement des primes pendant 24 mois. Partant, pour la demanderesse, toutes les atteintes, reconnues invalidantes s'étant manifestées jusqu'à cette date entraînaient l'obligation de prester de la défenderesse. C'est notamment le cas, selon elle, des atteintes aux épaules, des douleurs dorsales et des douleurs aux genoux.

8.2.2 A teneur de l'art. 34 al. 1 let. b LPP, le Conseil fédéral règle le mode de calcul des prestations dans les cas spéciaux, notamment, lorsqu'en vertu de la présente loi, l'assuré reçoit déjà une rente d'invalidité lors de la survenance du nouveau cas d'assurance, ou a déjà touché antérieurement des prestations d'invalidité.

En application de cette délégation législative, le Conseil fédéral a édicté l'art. 14 OPP 2, applicable en matière de prévoyance professionnelle obligatoire, lequel prévoit, notamment, que dans la perspective d'une réinsertion possible dans la vie active, l'institution de prévoyance doit continuer de tenir, jusqu'à l'âge-terme de la vieillesse, le compte de vieillesse de l'invalide auquel elle verse une rente (al. 1). L'avoir de vieillesse de l'invalide doit porter intérêt (al. 2). Lorsque le droit à la rente d'invalidité s'éteint par suite de disparition de l'invalidité, l'assuré a droit à une prestation de libre passage dont le montant correspond à son avoir de vieillesse (al. 4).

Ainsi, l'institution de prévoyance doit d'une part conserver l'avoir de vieillesse acquis avant l'invalidité et doit, d'autre part, y créditer pendant la durée de l'invalidité les mêmes bonifications de vieillesse que si l'assuré avait joui, sans interruption, d'une capacité de gain entière. Cette solution permet à l'assuré invalide qui réintègrerait la vie professionnelle de percevoir des prestations normales à l'âge de la retraite. Dans le domaine de la prévoyance obligatoire, si l'assuré ne se réinsère pas dans la vie active avant d'atteindre l'âge de la retraite, la continuité de l'alimentation de l'avoir de vieillesse reste fictive, eu égard au caractère viager des rentes d'invalidité. En d'autres termes, l'assuré encore invalide à l'âge de la retraite n'a pas droit au versement des bonifications de vieillesse portées à son crédit pendant les années d'invalidité (HÜRZELER, in LPP et LFLP, 2020, 10 ad Art. 34).

Dans son arrêt 9C_497/2021 du 3 octobre 2022, rendu dans la présente cause, le Tribunal fédéral a rappelé dans les grandes lignes les principes précités au consid. 5.1 in fine, en relevant qu'« après l'extinction du droit à la rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire au 31 décembre 2010, la recourante a cessé d'être bénéficiaire de prestations de la part de l'institution de prévoyance et les rapports de prévoyance y afférents ont cessé (cf. art. 14 al. 4 OPP 2 [RS 831.441.1] sur le droit à une prestation de libre passage en cas de disparition de l'invalidité) ».

C'est le lieu toutefois de préciser que les art. 34 al. 1 let. b LPP et 14 OPP 2 visent uniquement la tenue d'un compte de vieillesse « fictif » de la personne invalide. Ces dispositions ne concernent nullement la poursuite de l'assurance pour le cas de décès ou d'invalidité.

8.2.3 Quant aux solutions de prévoyance étendue ou enveloppante, elles assurenten règle générale aussi ce qu'on appelle la libération des primes. Le droit à cette prestation surobligatoire est déterminé par le règlement de prévoyance et prend souvent naissance après un délai d'attente de trois mois d'incapacité de travail. Dans la prévoyance professionnelle étendue, la prestation de libération des primes n'a souvent pas pour seul but de garantir la couverture de prévoyance d'une personne invalide dans la perspective d'une réinsertion dans la vie active mais sert également au calcul de la rente de vieillesse surobligatoire afférente à l'avoir de vieillesse maintenu lorsque la rente d'invalidité étendue est, à l'âge-terme, convertie en rente de vieillesse (HÜRZELER, op. cit., 2020, no 13 ad Art. 34).

8.2.4 Dans le cas d'espèce, force est tout d'abord de constater que l'art. 3.5.1 du règlement ne prévoit nullement une libération du paiement des primes pendant 24 mois comme l'allègue la demanderesse mais une rente d'invalidité en cas d'incapacité de gain pendant plus de 24 mois (délai d'attente de 24 mois) et une libération des primes après un délai d'attente de trois mois (cf. 7.4.1 ci-dessus).

Comme indiqué précédemment, la libération des primes a pour but de maintenir la couverture de prévoyance de l'assuré invalide dans la perspective d'une réinsertion dans la vie active et de permettre le calcul de la rente de vieillesse surobligatoire afférente à l'avoir de vieillesse maintenu lorsque la rente d'invalidité étendue est, à l'âge-terme, convertie en rente de vieillesse.

Cette libération de primes et la « beitragsbefreite Weiterversicherung » ne concernent ainsi que l'avoir de vieillesse et non les cas d'invalidité ou de décès.

Partant, la demanderesse ne saurait non plus se fonder sur ce type d'assurance pour justifier la continuation de son affiliation à la défenderesse, et l'arrêt du Tribunal fédéral B 70/05 qu'elle a mentionné dans son recours en matière de droit public ne lui est d'aucune aide, dès lors qu'il s'inscrit dans le contexte de l'art 14 OPP 2.

8.3 Eu égard aux considérations qui précèdent, il doit donc être admis que la demanderesse est sortie du cercle des assurés le 31 mars 2001, en ce qui concerne la prévoyance tant obligatoire que surobligatoire.

9.             Il convient à présent d'examiner les conditions d'octroi d'une rente d'invalidité de la prévoyance plus étendue, étant rappelé que les parties se sont exprimées sur cette question dans leurs écritures des 24 juin et 26 octobre 2020 (en ce qui concerne la défenderesse) et 18 août 2020 (pour ce qui est de la demanderesse).

9.1 Comme indiqué ci-dessus, l'art. 3.5.1 du règlement, intitulé « prestations en cas d'incapacité de gain (invalidité) », prévoit qu'en cas d'incapacité de gain avant l'âge de la retraite ou avant une éventuelle retraite anticipée, l'assuré est mis au bénéfice d'une rente d'invalidité (délai d'attente 24 mois) et la libération du paiement des contributions lui est accordée (délai d'attente 3 mois). Le droit à des prestations en cas d'incapacité de gain n'est acquis que si au moment de la survenance de l’incapacité de gain, le salarié était assuré conformément au règlement en question et à condition que la durée de l'incapacité de gain ait dépassé le délai d'attente.

La notion d'incapacité de gain est définie à l'art. 3.5.7 du règlement. Au sens de cette disposition, il y a incapacité de gain lorsque l'assuré est invalide au sens de l'assurance-invalidité fédérale (AI) ou lorsque, par suite de maladie (y compris le déclin des facultés mentales et physiques) ou d'accident, il est empêché de façon temporaire ou permanente d'exercer sa profession ou de déployer une autre activité rémunérée. L'exercice de cette activité ne peut être légitimement exigé que si elle est compatible avec les connaissances, les aptitudes et la situation sociale de l'assuré. Une incapacité de gain est considérée comme permanente s'il est établi que le traitement médical n'apportera pas d'amélioration notable de la capacité de gain, et qu'ainsi l'incapacité de gain est probablement définitive.

9.2 La chambre de céans constate tout d'abord que le règlement de prévoyance emploie systématiquement la notion d'« incapacité de gain ». Cette notion est tantôt suivie du terme « invalidité » entre parenthèses (« incapacité de gain (invalidité) »), tantôt non.

Compte tenu de la systématique du règlement et de l'ajout, dans certaines dispositions ou paragraphes, du terme « (invalidité) » il peut légitimement être considéré que lorsque le règlement mentionne :

-        1'« incapacité de gain (invalidité) », il emploie un synonyme d'invalidité et se réfère à la notion d'« incapacité de gain » définie à l'art. 3.5.7 1re phrase du règlement, à savoir « lorsque l'assuré est invalide au sens de l'assurance-invalidité fédérale (AI) » ;

-        l'« incapacité de gain » sans l'ajout « (invalidité) », il emploie un synonyme d'incapacité de travail et se réfère à la définition donnée à l'art. 3.5.7 2e phrase du règlement, à savoir lorsque, par suite de maladie (y compris le déclin des facultés mentales et physiques) ou d'accident, l'assuré est empêché de façon temporaire ou permanente d'exercer sa profession ou de déployer une autre activité rémunérée.

Cette interprétation correspond d'ailleurs à ce que prévoit la LPP. En effet, si l'on remplace « incapacité de gain (invalidité) » par « invalidité » et « incapacité de gain » par « incapacité de travail » les principes de la LPP et ceux prévus par le règlement se recoupent.

Ainsi, par exemple, l'art. 2.2.1 in fine du règlement prévoit qu'après la sortie, le salarié demeure assuré pour les risques de décès et d'invalidité (vu l'emploi de l'expression « incapacité de gain (invalidité) ») jusqu'à son entrée dans une nouvelle institution de prévoyance, au maximum toutefois pendant un mois. Cette disposition correspond en substance à l'art. 10 al. 3 LPP, lequel prévoit que durant un mois après la fin des rapports avec l'institution de prévoyance, le salarié demeure assuré auprès de l'ancienne institution de prévoyance pour les risques de décès et d'invalidité.

9.3 L'art. 2.2.4 du règlement sur les conditions du droit aux prestations, stipule qu'un droit aux prestations est acquis pour les risques de décès et d'invalidité (vu l'emploi de l'expression « incapacité de gain (invalidité) ») lorsque le salarié était assuré conformément au règlement au moment de son décès ou au début de l'invalidité. Le droit aux prestations légales minimales est acquis lorsque le salarié était assuré conformément au règlement au moment de son décès ou au début de l'incapacité de travail qui a causé le décès ou l'invalidité.

L'art. 3.5.1 du règlement, sur le droit aux prestations en cas d'invalidité (vu l'emploi de l'expression « incapacité de gain (invalidité) »), rappelle à son 3e §, les conditions d'assurance à remplir pour pouvoir bénéficier d'une rente d'invalidité. Ainsi, le droit à des prestations en cas d'incapacité de gain n'est acquis que si au moment de la survenance de l'incapacité de gain, le salarié était assuré conformément au règlement en question et à condition que la durée de l'incapacité de gain ait dépassé le délai d'attente.

Dans la mesure où cette disposition s'insère dans le chapitre consacré aux prestations en cas d'invalidité, la notion de « prestations en cas d'incapacité de gain » de l'art. 3.5.1 §3 du règlement vise de toute évidence les prestations en cas d'invalidité, même si le terme « (invalidité) » n'est pas cité. Cette disposition doit donc être lue comme suit : le droit à des prestations en cas d'invalidité n'est acquis que si au moment de la survenance de l'incapacité de travail, le salarié était assuré conformément au règlement en question et à condition que la durée de l'incapacité de travail ait dépassé le délai d'attente.

Cela étant précisé, force est de constater à ce stade que les art. 22.4 et 3.5 §3 du règlement se contredisent en ce qui concerne les conditions d'assurance à remplir pour pouvoir bénéficier des prestations en cas d'invalidité. En effet, selon l'art. 2.2.4, pour pouvoir bénéficier des prestations, l'assuré doit encore être assuré lorsde la survenance de l'invalidité alors qu'à teneur de l'art. 3.5 §3, l'assuré doit être assuré lors de la survenance de l'incapacité de travail.

Cependant, dans son ATAS/217/2006 du 6 mars 2006, le TCAS, alors compétent, a interprété l'art. 3.5 §3 du règlement de manière conforme à la LPP et a considéré, au consid. 9, que « le règlement de prévoyance assimile l'incapacité de gain à l'invalidité au sens de l'assurance-invalidité fédérale (AI) (chiffre 3.5.7) et prévoit que le droit aux prestations est acquis pour le risque d'incapacité de gain lorsque le salarié était assuré conformément au règlement au début de l'incapacité de travail qui a causé l'invalidité (chiffre 3.5.1) ». Par ailleurs, le TCAS a également retenu que le délai d'attente de 24 mois prévu au chiffre 3.5.1 du règlement de prévoyance était contraire à l'art. 26 LPP ainsi qu'à la jurisprudence applicable en la matière (ATF 123 V 271 ; 129 V 73) et qu'il n'était dès lors pas applicable.

Dans la mesure où l'ATAS précité n'a fait l'objet d'aucun recours de la défenderesse et que l'interprétation du TCAS était, à l'époque, en faveur de la demanderesse, il n'y a pas lieu de s'en écarter.

Ainsi, pour pouvoir prétendre à des prestations de la défenderesse, la demanderesse devait être assurée lors du début de l'incapacité de travail qui a causé l'invalidité.

9.4 Pour que l'ancienne institution de prévoyance soit tenue à prestations, il faut non seulement que l'incapacité de travail ait débuté à une époque où l'assuré lui était affilié, mais encore qu'il existe entre cette incapacité de travail et l'invalidité une relation d'étroite connexité (ATF 123 V 262 consid. l).

9.4.1 La connexité doit être à la fois matérielle et temporelle. Il y a connexité matérielle si l'affection à l'origine de l'invalidité est la même que celle qui s'est déjà manifestée durant l'affiliation à la précédente institution de prévoyance (et qui a entraîné une incapacité de travail). La connexité temporelle implique qu'il ne se soit pas écoulé une longue interruption de l'incapacité de travail ; elle est rompue si, pendant une certaine période, l'assuré est de nouveau apte à travailler. L'ancienne institution de prévoyance ne saurait, en effet, répondre de rechutes lointaines ou de nouvelles manifestations de la maladie plusieurs années après que l'assuré a recouvré sa capacité de travail (ibid.).

La connexité temporelle entre l'incapacité de travail survenue durant le rapport de prévoyance et l'invalidité ultérieure est interrompue lorsque la personne concernée dispose d'une capacité de travail de plus de 80% dans une activité adaptée pendant plus de trois mois et que celle-ci lui permet de réaliser un revenu excluant le droit à une rente. Une capacité de travail de 80% ne suffit pas pour interrompre le lien de connexité temporelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C 214/2019 consid. 4.2 et les références).

Les mêmes principes sont applicables en matière de prévoyance plus étendue, à tout le moins en l'absence de dispositions réglementaires ou statutaires contraires (ATF 136 V 65 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_155/2014 du 27 mars 2014 consid. 4.3.1 ; 9C_1036/2010 du 12 septembre 2011 consid. 2. l).

9.4.2 Lorsque plusieurs atteintes à la santé concourent à l'invalidité, il ne suffit pas de constater la persistance d'une incapacité de gain et d'une incapacité de travail qui a débuté durant l'affiliation à l'institution de prévoyance pour justifier le droit à une prestation de prévoyance. Il convient au contraire, conformément à l'art. 23 LPP qui se réfère à la cause de l'incapacité de travail, d'examiner séparément, en relation avec chaque atteinte à la santé, si l'incapacité de travail qui en a résulté est survenue durant l'affiliation à l'institution de prévoyance et est à l'origine d'une invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 93/02 du 3 mai 2004, consid. 2.1 ; ATF 138 V 409 consid. 6.3 et l'arrêt cité, destiné à la publication). L'atteinte à la santé responsable de la survenance de l'incapacité de travail initiale doit dès lors être comparée au tableau clinique qui a conduit plus tard à l'attribution d'une rente de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 48/05 du 25 avril 2006, consid. 4).

10.          

10.1 En l'espèce, dans son ATAS/813/2021 du 16 août 2021, la chambre de céans a constaté, en se fondant sur les rapports des médecins du SMR des 15 août 2017 et 24 juin 2019, dont elle a reconnu la pleine valeur probante, que seule l'atteinte au pied droit avait entraîné une incapacité de travail alors que la demanderesse était encore affiliée à la défenderesse, de sorte que seule une invalidité en raison de cette même atteinte au pied avait pour conséquence une obligation de prester de la défenderesse, pour autant que le lien de connexité temporelle soit également admis.

S'agissant de ce point, la chambre de céans a rappelé que pour que la défenderesse soit tenue de prester pour cette nouvelle invalidité, il fallait que le début de l'incapacité de travail (dans l'activité habituelle) en lien avec le pied droit soit antérieur au 31 mars 2001 et qu'elle ait persisté sans interruption notable. Or, entre août 2010 et juillet 2015 (recte : septembre 2017), l'atteinte au pied droit n'entraînait pas d'incapacité de travail dans une activité adaptée, de sorte que le lien de connexité temporelle avait de toute évidence été interrompu, ce qui avait pour conséquence que la défenderesse n'avait pas à verser de prestations obligatoires pour l'invalidité totale survenue le 1er août 2011.

10.2 Quant au Tribunal fédéral, il a considéré, dans son arrêt 9C_497/2022 du 3 octobre 2022, qu'indépendamment des considérations de la juridiction cantonale sur la connexité matérielle, le lien de connexité temporelle entre l'atteinte qui avait initialement conduit à l'octroi d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle et l'aggravation de l'état de santé de l'intéressée ayant conduit l'assurance-invalidité à lui reconnaître le droit à une demi-rente d'invalidité à partir du 1er octobre 2015 devait en tout état de cause être considéré comme interrompu. En effet, la demanderesse disposait d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée à partir du mois d'août 2010 (cf. rapport du BREM du 9 août 2010 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_12/2012 du 20 juillet 2012 concernant la suppression de la rente de l'assurance-invalidité de la demanderesse dès le 1er janvier 2011). Dans la mesure où cette dernière invoquait une nouvelle incapacité de travail de 50% « survenue à partir du 1er août 2011 », le lien de connexité temporelle avait été interrompu pendant (bien) plus de trois mois. Il en allait de même dans l'hypothèse alléguée par la demanderesse, selon laquelle elle n'aurait recouvré une capacité de travail que pendant la période du 1er février au 1er août 2011. Le Tribunal fédéral a donc considéré que la chambre de céans avait rejeté à juste titre la demande tendant au versement d'une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire.

10.3 Certes, les considérations précitées concernaient le droit de la demanderesse à une rente d'invalidité de la prévoyance obligatoire. Elles trouvent toutefois application mutatis mutandis en matière de prévoyance surobligatoire, dans la mesure où le règlement de la défenderesse ne prévoit pas de disposition dérogatoire au régime institué par l'art. 23 LPP. Bien plus, il prévoit une réglementation similaire.

Il convient donc de s'y référer et de considérer, comme l'a fait le Tribunal fédéral, qu'à tout le moins la connexité temporelle a été interrompue, vu que la capacité de travail de la demanderesse a été entière dans une activité adaptée entre août 2010 et juillet 2011 inclus.

Les deux conditions sont cumulatives, et vu que la connexité temporelle fait défaut, la demanderesse n'a pas non plus droit à une rente de la prévoyance surobligatoire.

11.         Au vu de ce qui précède, la demande du 14 janvier 2020 sera rejetée, l’incapacité de travail à l’origine de la nouvelle invalidité de la demanderesse s’étant développée alors que celle-ci n’était plus assurée auprès de la défenderesse.

Par ailleurs, aucune indemnité de dépens ne sera accordée à la défenderesse dans la mesure où les caisses de pension n’ont en principe pas droit à des dépens (ATF 126 V 143 consid. 4a).

Pour le reste, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Rejette la demande dans la mesure de sa recevabilité.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le