Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4362/2021

ATAS/494/2023 du 26.06.2023 ( LCA ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 12.09.2023, 008.695/0194
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4362/2021 ATAS/494/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 juin 2023

Chambre 6

 

En la cause

A______

Représenté par Me Audrey PION, avocate

 

demandeur

contre

 

AXA ASSURANCES SA

Représentée par Me Patrick MOSER, avocat

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le demandeur), né en 1965 en France et résident genevois, a travaillé pour la société B______ SA (ci-après : l’employeuse), sise à C______ dans le canton de Genève, depuis le 1er juin 2008.

b. Son contrat de travail prévoyait, notamment, qu'en cas de licenciement, l'employeuse verserait une indemnité unique correspondant à six mois de salaire de base.

c. L'employeuse a conclu avec AXA Assurances SA (ci-après : l’assurance ou la défenderesse) un contrat d'assurance perte de gain collective pour son personnel, avec effet dès le 1er janvier 2020. Ce contrat prévoit en particulier qu'en cas de maladie d'un assuré, l'assurance verse des indemnités journalières correspondant à 90% du salaire assuré durant 730 jours, après un délai d’attente de 60 jours. Il renvoie à des conditions générales d’assurance (ci-après : les CGA) dans leur version d’octobre 2018.

B. a. Par courrier du 22 janvier 2021, l'employeuse a licencié l'assuré pour le 31 juillet 2021 et l'a libéré de son obligation de travailler.

b. Le 2 août 2021, l'employeuse a transmis à l'assurance une déclaration de maladie indiquant que l'assuré se trouvait en incapacité totale de travail depuis le 21 juin 2021, ainsi que des certificats médicaux établis les 21, 29 juin et 29 juillet 2021 par la docteure D______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin traitante de l’assuré, attestant une incapacité de travail du 21 juin au 31 août 2021.

c. À la demande de l'assurance, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie a examiné l'assuré le 16 août 2021.

d. Dans le cadre d'un complément à cet examen, l'assurance a demandé à Madame F______, psychologue spécialisée FSP en neuropsychologie, de réaliser un bilan neuropsychologique de l'assuré. La psychologue a ainsi fait passer divers tests à l'assuré et établi son bilan le 26 août 2021. Elle concluait à une efficience cognitive globale préservée chez l’assuré, mais à l’existence d’un sévère ralentissement dans sa vitesse de traitement de l’information, notable dans toutes les épreuves et objectivé cliniquement. Les performances de l'assuré étaient globalement très inférieures au niveau attendu, avec un profil dominé par d'importantes fluctuations des capacités attentionnelles, ainsi que des difficultés d’allocation de ressources, en l'absence de déficit mnésique, exécutif ou instrumental. Ces difficultés avaient parfois un impact significatif sur les performances cognitives de l'assuré, qui compensait grâce à une excellente réserve cognitive mais pour qui il était très couteux de maintenir son attention focalisée sur une tâche. Les tests de validation ne permettaient pas de conclure à une surcharge des difficultés cognitives ou à un défaut d'effort mais le tableau semblait plus compatible avec l'état thymique du patient et/ou les conséquences de ses difficultés de sommeil.

e. Le 31 août 2021, l'employeuse a communiqué à l'assurance un arrêt de travail en faveur de l'assuré pour la période du 1er au 30 septembre 2021, établi le 23 août 2021 par le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

f. Le 2 septembre 2021, le Dr E______ a rendu son rapport d'examen. Il indiquait s'être basé sur son examen psychiatrique du 16 août 2021, un entretien téléphonique avec la Dre D______, le bilan neuropsychologique réalisé par Mme F______, ainsi que deux entretiens téléphoniques avec cette dernière. Ce rapport comprenait une anamnèse de l'assuré, ses plaintes, sa journée type et son status clinique. Le Dr E______ ne retenait aucun diagnostic sur le plan psychiatrique, précisant qu'à défaut d'un tel diagnostic il ne pouvait retenir ni des limitations fonctionnelles, ni une diminution de la capacité de travail. Les résultats des tests neuropsychologiques mettaient certes en évidence des perturbations cognitives mais leur origine n'était pas identifiée. Il était possible que ces perturbations soient causées par les problèmes d'insomnie de l'assuré, toutefois il ne s'estimait pas compétent pour trancher cette question et apprécier un éventuel impact de ces perturbations sur la capacité de travail. Il suggérait d'adresser l'assuré à un médecin spécialiste en problème du sommeil afin de déterminer avec précision l'impact des problèmes d'insomnie sur la capacité de travail. L'assuré avait une excellente réserve cognitive et son degré d'autonomie, gardé dans toutes les activités de la vie quotidienne, y compris les tâches les plus exigeantes sur le plan attentionnel, paraissait incompatible avec une incapacité totale de travail, même en prenant en compte le caractère exigeant de son activité professionnelle habituelle. Le Dr E______ expliquait qu'il s'était limité aux aspects psychiatriques dans son appréciation de la capacité de travail et n'avait pas pris en considération des facteurs non-médicaux, tels que le sentiment d'injustice, la situation financière de l'assuré, la situation actuelle du marché du travail, le fait que l'assuré ait du mal à trouver un nouvel emploi, les conséquences financières d'une éventuelle inscription au chômage. Tous ces facteurs étaient étrangers à la santé, de sorte qu'ils n'avaient pas d'impacts sur la capacité de travail du point de vue médico-assécurologique.

g. Dans un rapport rempli le 1er septembre 2021 et adressé à l'assurance, la Dre D______ a en particulier indiqué que l'assuré présentait un état anxio-dépressif réactionnel et suivait différents traitements.

h. Par courrier du 7 septembre 2021, l’assurance a informé l’assuré qu'elle estimait, sur la base de l'examen du Dr E______, qu'il était pleinement apte à reprendre son activité antérieure auprès d'un autre employeur et qu’elle considérait le dossier comme clos.

i. Le 21 septembre 2021, l'assuré, représenté par une avocate, a informé l'assurance qu'il contestait sa position et le rapport d'examen du Dr E______, lequel contenait plusieurs contradictions, erreurs et imprécisions, de sorte qu'il ne pouvait servir de base à la décision de l'assurance.

À l'appui de son courrier, l'assuré joignait les deux nouveaux rapports suivants :

-            Le rapport du 14 septembre 2021 du Dr G______, contestant les conclusions du Dr E______ et lui reprochant notamment des manques méthodologiques dans la réalisation de son rapport. Le psychiatre traitant, en motivant sa position, retenait les diagnostics de « trouble anxieux, sans précision » (F41.9) et « d’insomnie non-organique » (F51.0), ainsi que les critères d'épisode dépressif moyen à sévère (symptômes observés de dépression modérée à sévère). L'assuré présentait des symptômes avec répercussion sur ses capacités cognitives, justifiant un arrêt de travail, puisqu'il avait besoin de ses pleines facultés cognitives pour exercer un emploi de cadre supérieur du type de celui exercé jusqu’alors.

-            Le rapport du 18 septembre 2021 de la Dre D______, attestant de ses constatations et de son suivi de l'assuré depuis son licenciement. Elle estimait un troisième avis psychiatrique nécessaire pour évaluer la capacité de travail de l'assuré car en l'état actuel, une capacité de travail de 100% lui semblait impossible.

j. Le 4 octobre 2021, l'assuré a transmis à l'assurance un nouveau certificat émis le 28 septembre 2021 par le Dr G______, prolongeant son arrêt de travail à 100% jusqu'au 31 octobre 2021.

k. Le 6 octobre 2021, le Dr E______ a rendu un rapport complémentaire, contestant les positions des Drs G______ et D______ et répondant aux griefs soulevés par l'assuré dans son courrier du 21 septembre 2021. Il maintenait sa position.

l. Le 15 octobre 2021, le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatre et psychothérapeute et médecin-conseil de l’assurance, a estimé qu'il convenait de suivre l'appréciation du Dr E______, qui était argumentée et cohérente, et qu'il fallait retenir une capacité de travail de 100%.

m. Par courrier du 19 octobre 2021, l'assurance a informé l'assuré que, sur la base du rapport complémentaire du Dr E______, elle maintenait sa position.

C. a. Le 29 décembre 2021, l'assuré, par le biais de son conseil, a introduit une demande auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l'encontre de l'assurance, concluant à la condamnation de cette dernière au paiement, sous réserve d'amplification, de :

-       CHF 47'099.70 avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2021 ;

-       CHF 47'099.70 avec intérêts à 5% dès le 1er octobre 2021 ;

-       CHF 47'099.70 avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 2021 ;

-       CHF 47'099.70 avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2021 ;

-       CHF 23'549.85 avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2022 ;

-       CHF 23'549.85 avec intérêts à 5% dès le 1er février 2022.

Le demandeur a également requis, préalablement, la production de la police d'assurance qui lui était applicable, ainsi que des CGA, la comparution personnelle des parties et l'audition de plusieurs témoins, à savoir les Drs G______ et D______, ainsi que Madame I______ (case manager auprès de la défenderesse).

À l'appui de sa demande, il a en particulier produit les éléments suivants :

-          son contrat de travail du 14 février 2008 ;

-          ses fiches de salaire pour les mois de mai à septembre 2021 ;

-          un courrier du 15 octobre 2018 de la défenderesse, confirmant l'acceptation sans réserve du demandeur dans l'assurance indemnité journalière en cas de maladie, pour la part de son salaire dépassant CHF 500'000.-, mais au plus jusqu'au plafond de CHF 600'000.- ;

-          Deux nouveaux arrêts de travail établis les 3 et 23 décembre 2021 par le Dr G______, attestant d'une incapacité de travail de 50% du 1er décembre 2021 au 31 janvier 2022 ;

-          un rapport du 19 novembre 2021 du Dr G______, contestant le rapport complémentaire du 6 octobre 2021 du Dr E______ et confirmant son appréciation initiale et les diagnostics retenus ;

-          un rapport du 3 décembre 2021 du Dr G______, se déterminant sur le contenu du rapport du 26 août 2021 de Mme F______, estimant que les résultats du bilan neuropsychologique du demandeur confirmaient sa position ;

-          un rapport du 9 décembre 2021 de la Dre D______, confirmant sa position initiale et se déterminant sur le rapport complémentaire du 6 octobre 2021 du Dr E______.

b. Invitée à se déterminer, la défenderesse a répondu, par mémoire du 16 mars 2022, en concluant, sous suite de frais et dépens, au rejet de la demande. Elle a produit la police d'assurance en cause et ses CGA, ainsi que le dossier du demandeur.

c. Par mémoire du 6 mai 2022, le demandeur s'est déterminé sur les allégués de la défenderesse et a maintenu ses conclusions.

d. Le 20 mai 2022, la défenderesse a déposé des observations spontanées sur ces déterminations.

e. Le 13 juin 2022, les parties ont été entendues lors d'une audience d'instruction et de débats principaux. Le demandeur a été interrogé sur les faits de la cause. Il a, en outre, requis la mise en œuvre d’une expertise judiciaire portant en particulier sur la question de sa capacité de travail sur la période du 21 juin 2021 au 31 janvier 2022.

f. Le 17 juin 2022, la chambre de céans a rendu une ordonnance de preuve, par laquelle elle a ordonné une expertise judiciaire sur la question de l'existence d'une incapacité de travail du demandeur pour la période du 21 juin 2021 au 31 janvier 2022 et considéré, en l'état, qu'il n'était pas utile d'entendre les Drs G______ et D______ et Mme I______.

g. Par ordonnance du 23 juin 2022, la chambre de céans a confié une mission d'expertise au docteur J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

h. Le 27 juin 2022, le demandeur a déposé un chargé de pièces complémentaire, comprenant les amendements de son contrat de travail, l'extrait de son compte individuel, ses certificats de salaire 2020 et 2021, ainsi que son attestation d'inscription auprès de l'office cantonal de l'emploi (OCE).

i. Sur requête du Dr J______, la chambre de céans a autorisé la réalisation d'un nouveau bilan neuropsychologique du demandeur.

j. Le 19 octobre 2022, le Dr J______ a rendu son rapport d'expertise, qui se fondait sur deux entretiens – les 7 et 14 septembre 2022 – avec le demandeur, un entretien téléphonique avec le Dr G______, un bilan neuropsychologique réalisé les 23 et 27 septembre 2022 par Mme F______ et l'étude du dossier. L'expertise comprenait une anamnèse complète, la journée type actuelle, un résumé de conversation avec le Dr G______, le status mental, une discussion circonstanciée du cas et les réponses aux questions posées dans l'ordonnance d'expertise. L'expert retenait le diagnostic de trouble de l'adaptation selon la CIM-11 (6B43) avec une accentuation des symptômes environ deux semaines plus tard. Dans le cadre de ce trouble, les limitations fonctionnelles principales retenues, au sens de la MINI-CIF-APP (outil d’hétéro-évaluation pour décrire et quantifier les troubles de l’activité et de la participation dans les maladies psychiques), se situaient dans le registre de la planification et de la structuration des tâches, l'usage des compétences spécifiques, la capacité de jugement et de prise de décision, la capacité d'endurance, l'aptitude à s'affirmer, l'aptitude à établir des relations avec les autres et l'aptitude à des activités spontanées. Ces limitations fonctionnelles étaient survenues deux semaines après l'annonce du licenciement, soit dès le 15 février 2021, et avaient pris fin en début d'année 2022. Il estimait que la capacité de travail avait été nulle jusqu'au 30 novembre 2021, puis de 50% jusqu'au 31 janvier 2022.

k. Le 23 novembre 2022, le demandeur a indiqué s'en remettre au contenu de l'expertise judiciaire et approuver les réponses du Dr J______.

l. Le même jour, la défenderesse a maintenu ses conclusions et contesté le rapport d'expertise judiciaire sur la base d'un avis du 8 novembre 2022 du Dr H______, qu'elle joignait à son courrier.

m. Le 8 décembre 2022, le demandeur a encore déposé des observations relatives au courrier de la défenderesse.

n. À la demande de la chambre de céans, le demandeur a expliqué, par pli du 2 mars 2023, qu'il avait reçu un premier courriel de l'assurance chômage l'informant qu'il percevrait des indemnités journalières d'un montant de CHF 455.30 bruts, correspondant à 80% du gain assuré maximal de CHF 12'350.-, dans un délai cadre courant du 8 novembre 2021 au 7 novembre 2023 et précisant que le nombre maximum d'indemnités journalières était de 400, lesquelles devaient lui être versées après un délai d'attente de cinq jours. Quelques jours plus tard, il avait reçu un second courriel l'informant que son délai cadre d'indemnisation était repoussé pour couvrir désormais la période du 1er février 2022 au 31 janvier 2023, que le nombre maximal d'indemnités journalières était de 520 et que le montant des indemnités journalières ainsi que le délai d'attente demeuraient inchangés. Par décision du 3 février 2023, la caisse cantonale genevoise de chômage indiquait que le report du délai cadre avait été ordonné en raison non seulement du non-respect du préavis contractuel par l'ancienne employeuse du recourant mais également à cause de l'indemnité de départ de celui-ci. À la suite de cette décision, les montants des indemnités relatives aux mois de novembre et décembre 2021, qui avaient été versés le 25 janvier 2022, avaient été retranchés des montants versés durant les mois de février et mars 2022. Le recourant a produit un chargé de pièces complémentaire.

o. Par détermination du 21 mars 2023, la défenderesse a maintenu sa position, estimant que les éléments produits par le demandeur démontraient qu'il y avait eu une inscription au chômage avec un délai cadre d'indemnisation du 8 novembre 2021 au 7 novembre 2023 et une capacité de travail complète. Elle relevait que l'ancienne employeuse du demandeur lui avait alloué des prestations supplémentaires équivalentes à six mois de salaire. Le demandeur avait perçu des indemnités journalières de l'assurance chômage, de sorte qu'elle estimait qu'il n'y avait pas de dommage qui justifiait le versement de ses prestations. Pour le surplus, elle réitérait ses arguments déjà exposés dans ses précédentes écritures.

p. Les parties ont déposé leurs plaidoiries finales écrites en date du 10 mai 2023 et persisté dans leur position respective.

q. Les 26 mai et 9 juin 2023, elles ont encore fait valoir leur droit à la réplique.

r. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.              

1.1 Les questions de la compétence de la chambre de céans et de la recevabilité de la demande ont d’ores et déjà été examinées dans l’ordonnance d’expertise du 23 juin 2022, de sorte qu'il suffit de déclarer la demande recevable.

1.2 Les litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance maladie sociale, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1) comme en l'espèce, sont instruits selon les règles du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272).

1.3 La LCA a fait l’objet d’une révision entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (RO 2020 4969 ; RO 2021 357 ; FF 2017 4767). Il découle de la disposition transitoire relative à la modification du 19 juin 2020 que seules les prescriptions en matière de forme (let. a) et le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b (let. b) s’appliquent aux contrats qui ont été conclus avant l’entrée en vigueur de la modification du 19 juin 2020. S’agissant des autres dispositions de la LCA, elles s’appliquent uniquement aux nouveaux contrats (FF 2017 4767, p. 4812). Dès lors que le contrat entre la défenderesse et l'ancienne employeuse du demandeur a été conclu avant le 1er janvier 2022 et que l’objet du litige ne porte ni sur des prescriptions en matière de forme, ni sur le droit de résiliation au sens des art. 35a et 35b LCA, les dispositions de la LCA antérieures à la modification du 19 juin 2020 sont applicables. C'est donc la LCA dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021 qui sera citée ci-après.

2.             Le litige porte sur le droit du demandeur aux indemnités journalières sur la base du contrat d'assurance perte de gain conclu entre la défenderesse et l'employeuse pour la période du 1er août 2021 au 31 janvier 2022, avec intérêts moratoires. Est en particulier litigieuse l'existence d’un dommage, soit la preuve d’une incapacité de travail du demandeur due à une maladie ainsi qu’une perte de gain durant la période en cause.

3.              

3.1 En matière d'assurance collective contre les accidents ou la maladie, l'art. 87 LCA confère un droit propre au bénéficiaire contre l'assureur, dès qu'un accident ou une maladie est survenu. Cette disposition institue une créance indépendante au profit de l'ayant droit, créance qui naît au moment de la survenance du cas d'assurance.

3.2 En l'occurrence, l'employeuse en tant que preneuse d'assurance et la défenderesse en qualité d'assurance ont conclu un contrat collectif d'indemnité journalière selon la LCA. Par cette convention, le demandeur était couvert contre le risque de perte de gain due à la maladie. Il s'agit d'une assurance au profit de tiers (cf. art. 16 al. 1 LCA), qui confère un droit propre à l'assuré, qu'il peut faire valoir contre l'assureur en vertu de l'art. 87 LCA, de nature impérative (cf. art. 98 LCA ; ATF 141 III 112 consid. 4.3).

Par conséquent, le demandeur possède la légitimation active pour agir contre la défenderesse.

4.              

4.1 En matière d'assurance privée, les parties peuvent convenir d'une assurance de personnes (dite aussi assurance de sommes) ou d'une assurance contre les dommages. La première se distingue de la seconde par sa nature non indemnitaire : il s'agit d'une promesse de capital indépendante du montant effectif du préjudice subi par le preneur ou l'ayant droit. En bref, on est en présence d'une assurance de personnes lorsque les parties n'ont subordonné la prestation de l'assureur - dont elles ont fixé le montant lors de la conclusion du contrat - qu'à la survenance de l'événement assuré, sans égard à ses conséquences pécuniaires ; on est en revanche en présence d'une assurance contre les dommages lorsque la perte patrimoniale effective constitue une condition autonome du droit aux prestations. Lorsque le contrat d'assurance prévoit le versement à l'assuré d'une indemnité journalière forfaitaire en fonction du seul degré de l'incapacité de travail de l'assuré, il s'agit d'une assurance de sommes. Lorsque le droit à l'indemnité est subordonné à la survenance d'une perte effective sur le plan économique et que le montant de l'indemnité dépend des conséquences économiques réelles du sinistre pour l'assuré, il s'agit d'une assurance contre les dommages (arrêt du Tribunal fédéral 4A_332/2010 et 4D_126/2010 du 22 février 2011 consid. 5.2.3 et les références citées). Dans les assurances de sommes, la surindemnisation de l'ayant droit est possible et les prestations versées par un assureur social ne peuvent pas être imputées sur les allocations journalières dues par l'assureur privé, à moins que les conditions générales d'assurance ne prévoient exceptionnellement une telle imputation (ATF 133 III 527 consid. 3.2.5).

Les assurances collectives sont, de par leur nature, conclues sous la forme d'assurances de dommage (Ivano RANZANICI, Les effets de l'incapacité de travailler pour cause d'une maladie successive à la résolution du contrat de travail, in Regards croisés sur le droit du travail : Liber Amicorum pour Gabriel AUBERT, 2015, p. 276).

Lorsque l'assurance perte de gain pour maladie a été conclue sous la forme d'une assurance de dommage, la survenance du sinistre nécessite un dommage, soit en d'autres termes, une perte de gain (ATF 141 III 241 consid. 31.). Ainsi, conformément à l'art. 8 CC, le demandeur doit établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu'il éprouve une perte de gain.

À cet égard, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la preuve de la perte de gain en matière de droit aux indemnités journalières LCA en cas de licenciement de la personne assurée (cf. ATF 147 III 73 ; 141 III 241), il faut distinguer notamment les deux situations suivantes :

-     Si l'incapacité de travail pour cause de maladie est antérieure à la décision de licenciement, il faut partir de la présomption de fait que sans la maladie qui l'affecte, la personne n'aurait pas été licenciée et aurait donc continué à percevoir le même salaire pendant toute la durée de l'incapacité de travail. Dans ce cas, la perte de gain correspond à la perte de salaire, même après la fin du délai de congé.

-     Si en revanche l'incapacité de travail survient durant le délai de congé, la personne assurée doit prouver l'existence d'une perte de gain et l'ampleur de celle-ci pour prétendre aux indemnités journalières au-delà de la fin du contrat de travail. Dans cette hypothèse et lorsque l'assuré aurait eu droit aux indemnités de chômage à la fin de son contrat s'il n'avait pas été en incapacité de travail, la perte de gain et, en conséquence, l'indemnité journalière doit être calculée sur la base de la perte d'indemnités de l'assurance-chômage.

4.2 Il faut donc déterminer d'abord la nature du contrat d’assurance en cause et, partant, les conditions qui doivent être remplies pour que le demandeur ait un droit à la prétention qu’il avance.

4.2.1 Dans le cas d’espèce, la police d’assurance perte de gain conclue en 2019 par l'employeuse auprès de la défenderesse prévoit le versement d’une indemnité journalière pour le personnel en cas de maladie, à hauteur de 90% du salaire assuré durant 730 jours, après un délai d’attente de 60 jours.

Selon l’édition 2018 des CGA, à laquelle renvoie la police d’assurance, l'assureur verse les indemnités journalières mentionnées dans la police pour les conséquences économiques d'une incapacité de travail due à une maladie (paragraphe B1.1 CGA). On entend par maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique subie par la personne assurée, qui est principalement imputable à des causes médicales, et qui n’est pas due à un accident, exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail (paragraphe D1.1 des CGA).

Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé d'elle [recte : de lui], si cette perte résulte d’une maladie. Après une incapacité de travail de 6 mois, l'activité raisonnablement exigible peut aussi relever d'une autre profession ou d'un autre domaine d'activité. Dans le cas d'une incapacité de travail ininterrompue d'une durée supérieure à une année (365 jours), seuls sont pris en considération pour déterminer le degré de l'incapacité de travail les effets de l'atteinte à la santé sur l'incapacité de travail qui ne sont pas objectivement surmontables. Pour la constatation de ces effets, un diagnostic reconnu doit avoir été posé et un traitement médical adéquat appliqué (paragraphe D2 CGA).

Lorsque, sur constatation médicale, la personne assurée est dans l'incapacité de travailler, l'assureur verse l'indemnité journalière pour chaque maladie à l'échéance du délai d'attente convenu, au maximum pendant la durée des prestations indiquée dans la police (paragraphe B9.1 des CGA). Les indemnités journalières sont calculées sur la base du dernier salaire AVS perçu dans l'entreprise assurée avant le début de la maladie. Les éléments suivants sont pris en compte : les composantes de salaire convenues contractuellement (13ème salaire, etc.) ; les indemnités octroyées régulièrement, telles que bonus, gratifications, primes, au mérite et autres, étant précisé que la détermination de ces composantes de salaire s'effectue sur la base de la dernière rémunération variable effectivement versée par l'entreprise assurée et que la rémunération variable est prise en compte au prorata ; les adaptations de salaire convenues par écrit avant le début de l'incapacité de travail. Les indemnités de départ ne sont pas prises en compte (paragraphe B4.2 CGA).

En cas d'incapacité de travail totale, l'assureur verse l'indemnité journalière mentionnée dans la police. En cas d'incapacité de travail partielle, l'indemnité journalière est fixée proportionnellement au degré de cette incapacité. Une incapacité de travail inférieure à 25% ne donne pas droit à une indemnité journalière. Les jours d'incapacité de travail partielle de 25% minimum comptent comme jours entiers pour le calcul du délai d'attente et de la durée des prestations (paragraphe B9.2 CGA).

Le salaire est converti en un gain annuel, puis divisé par 365 (paragraphe B9.3, 1ère phrase CGA).

Pour chaque maladie, le délai d'attente commence à courir le jour où débute l'incapacité de travail due à la maladie selon l'attestation du médecin, au plus tôt toutefois 3 jours avant la première consultation médicale (paragraphe B9.4 CGA).

La couverture d'assurance prend effet pour toute personne assurée le jour où débute le rapport de travail ou le premier jour pour lequel la personne assurée a droit à un salaire, qu'il s'agisse d'un jour de la semaine ou d'un jour non travaillé (paragraphe B5.1, 2e phr. CGA). Pour chaque personne assurée, la couverture d'assurance cesse au moment où l'assurance prend fin, au moment où elle quitte le cercle des personnes assurées, en cas de cessation d'activité du preneur d'assurance ou à l'âge de 70 ans révolus pour les personnes désignées nommément dans la police qui perçoivent un salaire annuel fixe convenu (paragraphe B5.2 CGA).

À l'échéance de la couverture d'assurance, l'assureur continue à verser l'indemnité journalière pour les rechutes et les maladies en cours qui sont survenues pendant la durée de l'assurance, et ce, jusqu'à l'expiration de la durée des prestations convenues, mais, tout au plus, jusqu'au début du versement d'une rente relevant de la LPP ou d'institutions d'assurance étrangère correspondantes (paragraphe B9.7 ab initio CGA).

Lorsque la personne assurée a droit, pour la même période, à des prestations en espèces servies par l'assurance-invalidité (LAI), par l'assurance-accident (LAA), par l'assurance militaire (LAM), par l'assurance-chômage, par la prévoyance professionnelle, par des assurances étrangères équivalentes ou par un tiers responsable, l'assureur complète ces prestations dans les limites de sa propre obligation de fournir des prestations, et ce, jusqu'à concurrence de l'indemnité journalière assurée. Les rentes de vieillesse ou de survivants de l'AVS ne sont pas imputées et l'assureur verse l'intégralité de l'indemnité journalière assurée. Il n'est procédé à aucune imputation dans le cas d'une assurance de sommes (paragraphe B13.1 CGA).

4.2.2 En l'espèce, la défenderesse fait valoir que l'assurance en cause est une assurance de dommage.

L'assurance perte de gain collective est de par sa nature, une assurance de dommage. À cela s'ajoute que le personnel assuré, et le demandeur en particulier, n'a pas été nommément désigné dans la police d'assurance et que les CGA prévoient que les indemnités journalières sont calculées sur la base du dernier salaire AVS perçu dans l'entreprise assurée avant le début de la maladie.

Quoi qu'il en soit, le demandeur ne conteste pas la position de la défenderesse en ce qui concerne la nature de l'assurance en cause, de sorte qu'il convient d'admettre qu'il s'agit d'une assurance de dommage.

5.              

5.1  

5.1.1 À teneur de l'art. 243 al. 2 let. f CPC, la procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), indépendamment de la valeur litigieuse.

Il en résulte que le tribunal établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC). Il s'agit donc d'un cas où une disposition spéciale instaure la maxime inquisitoire, en lieu et place de la maxime des débats (ATF 138 III 625 consid.2.1). Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_541/2010 du 16 juillet 2010 consid. 1). Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a).

5.1.2 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1).

Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC ; RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié ; ATF 130 III 321 consid. 3.1 ; ATF 129 III 18 consid. 2.6 ; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c ; ATF 119 III 60 consid. 2c ; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa).

En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

La partie qui n'a pas la charge de la preuve a le droit d'apporter une contre-preuve. Elle cherchera ainsi à démontrer des circonstances propres à faire naître chez le juge des doutes sérieux sur l'exactitude des allégations formant l'objet de la preuve principale. Pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée, de sorte que les allégations principales n'apparaissent plus comme les plus vraisemblables (ATF 130 III 321 consid. 3.4). Le juge doit procéder à une appréciation d'ensemble des éléments qui lui sont apportés et dire s'il retient qu'une vraisemblance prépondérante a été établie (ATF 130 III 321 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_61/2011 du 26 avril 2011 consid. 2.1.1).

5.1.3 La preuve de la survenance d'un sinistre et de l'étendue de la prétention incombe à son prétendu ayant droit (ATF 130 III 321 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2008 du 8 juillet 2008 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4D_73/2007 du 12 mars 2008 consid. 2.2 ; ATAS/325/2019 du 15 avril 2019 consid. 9).

En ce qui concerne la survenance d'un sinistre assuré, le degré de preuve nécessaire est en principe abaissé à la vraisemblance prépondérante (en lieu et place de la règle générale de la preuve stricte ; ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3).

Cependant, par un arrêt du 31 août 2021, le Tribunal a modifié la jurisprudence précitée, en ce sens que l’existence d’un cas d’assurance constitué par une incapacité de travail est désormais soumise au degré de la preuve stricte (ATF 148 III 105, consid. 3.3.1). Le degré de preuve ordinaire s'applique à l'incapacité de travail, laquelle peut être prouvée par un certificat correspondant. Une certitude absolue n'est pas nécessaire, mais le juge ne doit plus avoir de doutes sérieux ; les éventuels doutes qui subsistent doivent apparaître légers (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_53/2022 du 14 février 2023). Cette précision de jurisprudence concerne le droit matériel et est donc directement applicable (ATF 146 I 105 consid. 5.2.1 ; ATF 140 IV 154 consid. 5.2.1), y compris au présent litige.

5.1.4 Aux termes de l’art. 168 al. 1 CPC, les moyens de preuve sont le témoignage (let. a) ; les titres (let. b) ; l’inspection (let. c) ; l’expertise (let. d) ; les renseignements écrits (let. e) ; l’interrogatoire et la déposition de partie (let. f).

L’expertise en tant que moyen de preuve admis au sens de l’art. 168 al. 1 let. d CPC ne vise que l’expertise judiciaire au sens de l’art 183 al. 1 CPC. Une expertise privée n’est en revanche pas un moyen de preuve mais une simple allégation de partie (ATF 141 III 433 consid. 2.5.2 et 2.5.3). Lorsqu’une allégation de partie est contestée de manière circonstanciée par la partie adverse, une expertise privée ne suffit pas à prouver une telle allégation. En tant qu’allégation de partie, une expertise privée peut, combinée à des indices dont l’existence est démontrée par des moyens de preuve, amener une preuve. Toutefois, si elle n’est pas corroborée par des indices, elle ne peut être considérée comme prouvée en tant qu’allégation contestée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_626/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.5). Les déclarations orales d'un expert privé entendu comme témoin ne sauraient conférer une valeur de preuve aux allégations contenues dans son rapport (arrêt du Tribunal fédéral 5D_59/2018 du 31 août 2018 consid. 4.2.3 et les références).

Concernant plus particulièrement l'appréciation du résultat d'une expertise, le juge n'est en principe pas lié par le rapport de l'expert, qu'il doit apprécier en tenant compte de l'ensemble des autres preuves administrées. S'il entend s'en écarter, il doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine de verser dans l'arbitraire (ATF 129 I 49 consid. 4). De tels motifs déterminants existent notamment lorsque l'expertise contient des contradictions, lorsqu'une détermination ultérieure de son auteur vient la démentir sur des points importants, lorsqu'elle contient des constatations factuelles erronées ou des lacunes, voire lorsqu'elle se fonde sur des pièces dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 110 Ib 52 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4D_8/2008 du 31 mars 2008 consid. 3.2.1).

5.1.5 Le principe de la libre appréciation des preuves s'applique lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des prestations en matière d'assurance sociale. Rien ne justifie de ne pas s'y référer également lorsqu’une prétention découlant d'une assurance complémentaire à l'assurance sociale est en jeu (arrêt du Tribunal fédéral 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2). Le principe de la libre appréciation des preuves signifie que le juge apprécie librement les preuves, sans être lié par des règles formelles, en procédant à une appréciation complète et rigoureuse des preuves. Dès lors, le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de statuer sur le droit litigieux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_253/2007 du 13 novembre 2007 consid. 4.2).

En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Par ailleurs, le juge doit avoir égard au fait que la relation de confiance unissant un patient à son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci ; cela ne justifie cependant pas en soi d'évincer tous les avis émanant des médecins traitants. Il faut effectuer une appréciation globale de la valeur probante du rapport du médecin traitant au regard des autres pièces médicales (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_12/2012 du 20 juillet 2012 consid. 7.1).

5.1.6  La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Un expert psychiatre doit se voir reconnaître une certaine marge d’appréciation dans l'évaluation de l’incapacité de travail dès lors qu’un tel examen médical est par essence en partie une question d’appréciation (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2 ; ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; ATF 130 V 352 consid. 2.2.4).

5.2 En l'espèce, afin de déterminer la capacité de travail du demandeur, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire psychiatrique, qu'elle a confiée au Dr J______, lequel a rendu son rapport d'expertise le 19 octobre 2022.

Il convient donc d'examiner la valeur probante de ce rapport.

5.2.1 La chambre de céans relève que le rapport du Dr J______ remplit toutes les exigences jurisprudentielles précitées pour qu'il lui soit reconnu une pleine valeur probante. En effet, il se fonde sur deux entretiens avec le demandeur, une discussion avec son psychiatre traitant, un nouveau bilan neuropsychologique réalisé par Mme F______ et l'étude du dossier complet. L'expert a établi une anamnèse personnelle et professionnelle, a fait état des antécédents somatiques et relève que le demandeur n'a pas d'antécédent psychiatrique antérieur à l'épisode faisant suite à son licenciement en 2020. Il récapitule chronologiquement l'épisode ayant suivi son licenciement, le suivi médical durant la période litigieuse, la position du Dr E______ et les points contestés et relate la journée type actuelle du demandeur et l'entretien avec le Dr G______. L'expert procède ensuite de manière circonstanciée à l'examen du status mental du demandeur et pose selon la CIM-11 (soit la nouvelle classification de l'OMS) le diagnostic de trouble de l'adaptation (6B43) en évaluant l'impact de ce trouble sur la capacité de travail du demandeur de façon claire et explicite. Enfin, l'expert répond de manière précise et complète aux questions qui lui ont été soumises dans le cadre de son mandat d'expertise judiciaire.

5.2.2 Sur le fond, il ressort en particulier de l'expertise les éléments suivants :

Selon les conclusions de celle-ci, le demandeur a, du 21 janvier 2021 à fin janvier 2022, présenté un trouble de l'adaptation (6B43) au sens de la CIM-11, soit « une réaction inadaptée à un facteur de stress psychosocial identifiable ou à de multiples facteurs de stress (p. ex. divorce, maladie ou invalidité, problèmes socioéconomiques, conflits à la maison ou au travail) qui apparaît habituellement dans le mois qui suit le facteur de stress ». Le trouble n'était pas anodin et, non traité, pouvait entrainer des troubles mentaux plus graves.

L'expert note une bonne concordance entre les troubles allégués par le demandeur et les observations de ses médecins traitants, les Drs D______ et G______. Il estime que les symptômes décrits correspondent tout à fait à la description du trouble de l'adaptation selon la CIM-11 et que le demandeur en a bien présenté les caractéristiques cliniques essentielles, avec une inquiétude excessive, des pensées récurrentes et pénibles à propos de son licenciement et une rumination constante sur ses implications, ainsi que des symptômes psychologiques supplémentaires, sous la forme d'affects dépressifs et anxieux, avec une crainte de s'effondrer, une douleur morale intense et des moments de perte sévère de concentration, de repli et de détachement émotionnel. En revanche l'expert exclut une réaction de stress aiguë, de par la nature de l'événement (qui ne revêt pas ici la dimension de catastrophe ou de traumatisme extrême au sens de la CIM) et de par la durée des symptômes, lesquels ont persisté plus que quelques jours. Il estime que la limite avec une réaction normale à un événement de vie négatif a été franchie, comme en atteste une déficience significative dans les domaines personnels, familiaux, sociaux, éducatifs et professionnels : une anhédonie avec perte de libido et retrait quasi-complet de la vie sociale extra-familiale, une inhibition, une baisse du soutien éducatif qu'il fournissait à son fils et une incapacité à rechercher un nouvel emploi ; il précise que les activités faisant davantage appel à des automatismes, comme marcher ou conduire, ont été globalement préservées.

L'expert explique que l'évolution du trouble est en l'espèce typiquement conforme à la description de la CIM-11 : le demandeur décrit qu'il a réussi à faire face à la situation pendant environ un mois, puis que son état psychique a commencé à se dégrader progressivement, que les consultations médicales chez la Dre D______ s'intensifient alors et qu'après six mois sans amélioration malgré le suivi et le traitement, la Dre D______ délivre un arrêt de travail à 100% à partir du 21 juin 2021 et adresse son patient au Dr G______, psychiatre, qui majore le traitement et prolonge les arrêts de travail à 100%, en tout jusqu'au 30 novembre 2021 inclus ; à partir de décembre 2021, le demandeur va mieux et le Dr G______ fait un arrêt de travail à 50% du 1er décembre 2021 jusqu'au 10 janvier 2022, renouvelé ensuite jusqu'au 31 janvier 2022 ; à partir du 1er février 2022, le demandeur est en capacité totale de travailler. Ceci correspond, selon l'expert, à ce que le demandeur explique, estimant avoir totalement récupéré et être à nouveau « presque comme avant » à partir de cette période.

S'agissant de la durée totale de l'épisode (du 25 janvier 2021 au 1er février 2022, soit environ 12 mois), l'expert relève qu'elle va au-delà de ce qui était défini antérieurement par le DSM-5 (2013) qui considérait une durée maximale de 9 mois (3 mois maximum de l'événement déclenchant jusqu'au début des symptômes, puis 6 mois maximum jusqu'à la résolution de l'épisode) mais que la durée de 12 mois est toutefois compatible avec les critères CIM-11, ce d'autant plus qu'il convient de prendre en compte l'événement aigu (licenciement) mais aussi la situation durable d'absence d'emploi qui a suivi. L'expert s'appuie notamment sur deux études médicales, parues en 2018 et 2022, pour expliciter et motiver sa position. Il estime en particulier que le fait que les troubles du sommeil aient disparu avec la rémission du trouble de l'adaptation permet raisonnablement d'exclure une cause somatique à ceux-ci, de sorte que d'autres investigations, comme par exemple une polysomnographie, seraient superflues.

Concernant le bilan neuropsychologique, le Dr J______ indique l'avoir demandé auprès de la même psychologue, Mme F______, que pour la première évaluation, afin d'avoir un comparatif fiable.

Selon les conclusions de ce bilan, les résultats des tests mettent en évidence une amélioration globale et significative des performances malgré la persistance de légères fluctuations attentionnelles dont l'impact est désormais moindre sur les performances cognitives ; les performances sont dans la norme dans l'ensemble des tâches proposées, même si parfois elles peuvent se situer un peu en deçà du niveau attendu ; le ralentissement de la vitesse de traitement de l'information qui était au premier plan du profil cognitif lors du précédent examen, n'est plus objectivé dans les épreuves ; une tendance à la précipitation en réponse est même relevée, ce qui peut conduire le demandeur à commettre quelques erreurs, ce qui peut être expliqué par une anxiété de performance qui reste significative particulièrement dans le contexte de cet examen de contrôle. Sur le plan thymique, une amélioration est également relevée, le demandeur apparaît plus stable sur le plan émotionnel, pouvant évoquer son parcours professionnel et cette dernière année en maîtrisant ses émotions ; le score à l'échelle HAD proposé en auto-évaluation n'objective plus de syndrome anxio-dépressif sévère ; une augmentation de la motivation et de l'énergie est également relevée.

L'expert relève dans son rapport que ce bilan neuropsychologique conclut à une amélioration globale et significative sur tous les plans par rapport au premier examen, précisant qu'une anxiété de performance et de légères fluctuations attentionnelles persistent.

Dans le cadre du trouble de l'adaptation présenté par le demandeur, le Dr J______ retient que les limitations fonctionnelles principales, au sens de la MINI-CIF-APP, se situaient dans le registre de la planification et de la structuration des tâches, l'usage des compétences spécifiques, la capacité de jugement et de prise de décision, la capacité d'endurance, l'aptitude à s'affirmer, l'aptitude à établir des relations avec les autres et l'aptitude à des activités spontanées. Il considère que le trouble était présent dès le 21 janvier 2021 avec des limitations fonctionnelles présentes dès le 15 février 2021, que la capacité de travail a été nulle jusqu'au 30 novembre 2021, puis de 50% jusqu'au 31 janvier 2022 et que les limitations fonctionnelles ont pris fin en début d'année 2022.

Il exclut les troubles du type épisodes dépressifs, autres troubles anxieux ou insomnie non organique, expliquant que les symptômes présentés par le demandeur pouvant relever de ces troubles (symptômes dépressifs et anxieux et insomnies), s'inscrivaient dans le cadre d'un trouble de l'adaptation, sans que cela ne nécessite de diagnostic additionnel selon la CIM-11 pour en rendre compte.

L'expert souligne que le trouble de l'adaptation est potentiellement grave, surtout en l'absence de soutien et de traitement appropriés mais que, comme le démontre l'évolution dans le cas d'espèce, le pronostic était bon grâce au soutien et au traitement appropriés.

Il relève que le Dr E______ a reconnu une souffrance chez le demandeur, ce avec quoi il est d'accord. En revanche, contrairement à l'avis de ce psychiatre, il estime qu'il ne s'agissait pas d'une réaction non-pathologique à une mauvaise nouvelle mais que le demandeur a bel et bien présenté un trouble relevant de la psychiatrie, en l'occurrence un trouble de l'adaptation au sens de la CIM-11 ; le Dr E______ ne parvenait pas à expliquer les mauvais résultats du demandeur lors du bilan neuropsychologique, alors qu'il postulait une absence de trouble mental, or, selon l'expert, le fait que l'examen de contrôle revienne nettement amélioré vient bel et bien confirmer, a posteriori, qu'une réaction pathologique était à l'œuvre à ce moment-là. Le même raisonnement tient pour les troubles du sommeil, que le Dr E______ se gardait d'interpréter : ces insomnies ont maintenant disparu avec la rémission du trouble de l'adaptation.

L'expert considère comme impossible, a posteriori, de confirmer les observations cliniques réalisées par le Dr G______ un an plus tôt, la situation ayant favorablement évolué. Il explique pouvoir cependant affirmer que les descriptions des symptômes rapportés par son confrère sont tout à fait cohérentes, aussi bien avec la nosographie qu'avec le récit livré a posteriori par le demandeur lui-même lors de ses entretiens. En revanche, il estime qu'il n'y pas lieu de retenir plusieurs diagnostics tels qu'un trouble anxieux ou un trouble de l'humeur spécifique, l'ensemble du tableau clinique s'inscrivant parfaitement dans le cadre d'un trouble de l'adaptation. Il précise que c'est bien la catamnèse qui lui permet d'être aussi affirmatif aujourd'hui et que pendant l'épisode aigu, le Dr G______ pouvait légitimement craindre une évolution vers un autre trouble de plus longue durée.

5.2.3 Force est donc de constater que les conclusions du Dr J______ sont sérieusement motivées, convaincantes et dépourvues de contradictions ou d'incohérences, de sorte que la chambre de céans ne saurait s'en écarter sans motif valable.

5.3  

5.3.1 En l'espèce, le demandeur s'en remet aux conclusions de cette expertise.

5.3.2 La défenderesse, en revanche, conteste sa valeur probante. Elle fait valoir que l'expert ne contredit pas les éléments mis en exergue par le Dr E______, que l'état de santé du demandeur est superposable à celui rapporté en 2021 – en se référant à sa journée type actuelle –, que les symptômes ont spontanément pris fin en 2022 et que les seuls traitements sont de la sophrologie, de la marche, des antidépresseurs et des somnifères. Selon elle, les plaintes du demandeur n'altèrent pas son activité quotidienne. Elle relève que le demandeur a rapidement été capable de se remettre au travail et qu'il a admis être inscrit au chômage depuis le 7 novembre 2021. Elle considère que puisque le demandeur a été licencié, c'était à tort que l'expert avait fondé son raisonnement sur la base d'une activité de cadre supérieur dans une entreprise multinationale.

Elle explique avoir soumis le rapport d'expertise judiciaire à son médecin-conseil, le Dr H______, lequel a émis un avis le 8 novembre 2022. Ce dernier considère que le Dr J______ a mis en évidence des éléments subjectifs, postérieurs à l'examen du Dr E______ ou rapportés par le demandeur et qui ne sont pas de nature à changer les conclusions du Dr E______ au moment de son examen du 16 août 2021. Le Dr H______ relève que le demandeur a été en mesure de travailler son curriculum vitae et de postuler après avoir consulté des offres d'emploi et que la participation à la vie de famille, la pratique du sport, de la cuisine, les courses, les contacts sociaux et la conduite automobile étaient préservés. Selon le Dr H______, l'état clinique et la journée type de demandeur lors de son examen par le Dr E______ et treize mois plus tard, au moment de l'expertise du Dr J______, étaient superposables. Le médecin-conseil s'étonne donc des conclusions de l'expert, qui, selon lui, n'explique pas pourquoi il ne retient plus d'atteinte psychiatrique au moment de son expertise. Le Dr H______ relève que seules les CIM-10 et DSM-5 étaient en vigueur au moment de l'examen du Dr E______. Il estime encore que les résultats de l'examen neuropsychologique doivent être recontextualisés à l'aune des plaintes et du descriptif du quotidien et que même en tenant compte de la CIM-11, la limite entre trouble de l'adaptation et normalité n'est pas atteinte en l'absence de déficience significative.

5.3.3 En l'occurrence, il sied de rappeler que l'expertise judiciaire du Dr J______ a valeur de preuve au sens du CPC, ce qui n'est pas le cas des autres documents médicaux produits par les parties qui doivent être considérés comme de simples allégués, comme d'ailleurs l'avis du 8 novembre 2022 du Dr H______.

Quoi qu'il en soit, la position du Dr H______ est peu convaincante et fondée sur des éléments rapportés par le Dr E______, lesquels étaient déjà remis en cause par le demandeur et ses médecins traitants et ont valablement été infirmés dans le cadre de l'expertise judiciaire.

En effet, le Dr J______, en discutant l'avis du Dr E______, met en évidence certaines incohérences dans les explications données par ce médecin et motive sa propre position de manière convaincante et pertinente. Il relève notamment que le Dr E______ ne parvient pas à interpréter de manière satisfaisante les mauvais résultats du bilan neuropsychologique réalisé en 2021 ou encore les troubles du sommeil que présentait le demandeur lors de l'épisode de trouble de l'adaptation.

Le fait que le Dr J______ ait réalisé son expertise postérieurement à la période d'incapacité de travail du demandeur est dans la plupart des cas inhérent à l'expertise judiciaire. Il a cependant pu faire une analyse bien motivée de toute la période d'incapacité et du processus de guérison. Il a ainsi relevé que durant l'épisode de trouble de l'adaptation, plusieurs symptômes étaient à l'œuvre et que, grâce à son traitement, le demandeur s'est petit à petit rétabli et ses symptômes ont fini par disparaitre. L'avis du Dr J______ est d'ailleurs corroboré par les certificats médicaux qui ont été établis par les médecins traitants en temps réel.

Le traitement suivi par le demandeur composé de sophrologie, de marche, d'antidépresseurs, de somnifères, de visites d'infirmiers à domicile et de psychothérapie de soutien a été jugé adéquat par l'expert, qui a estimé que le demandeur l'avait suivi régulièrement, ce qui lui avait d'ailleurs permis de retrouver une capacité de travail entière.

Quant au fait que la CIM-11 n'aurait pas été encore en vigueur au moment de l'examen du Dr E______, il ne s'agit pas d'un élément pertinent puisque cette nouvelle classification est simplement plus précise et à jour sur les connaissances médicales. Ce qui importe en réalité, que ce soit sous l'aune de l'ancienne ou de la nouvelle classification médicale, c’est l'identification des symptômes psychiatriques du demandeur, les limitations fonctionnelles qu'ils entrainent et leur impact sur la capacité de travail du demandeur durant la période litigieuse.

En définitive, que ce soit les médecins traitants ou les médecins mandatés par la défenderesse, tous ont observé ou retenu la présence de symptômes chez le demandeur durant la période litigieuse, seules leurs appréciations diffèrent. Or, il convient de rappeler qu'un expert psychiatre, comme en l'espèce le Dr J______, doit se voir reconnaître une certaine marge d’appréciation dans l'estimation de l’incapacité de travail.

Par ailleurs, le fait que le demandeur se soit inscrit au chômage durant la période d'incapacité ne permet pas de remettre en cause les conclusions de l'expertise judiciaire, puisqu'une telle inscription ne signifie pas encore que l'intéressé ait été réellement en état de participer à un processus de recrutement en se présentant, notamment, à des entretiens d'embauche, étant néanmoins rappelé que dès le mois de décembre 2021, il avait recouvré une capacité de travail de 50%.

5.3.4 Dans la mesure de ce qui précède, il n'existe pas d'élément susceptible d'ébranler sérieusement la crédibilité des conclusions du Dr J______, de sorte que son expertise doit se voir reconnaitre une pleine valeur probante.

5.4 La chambre de céans se rallie donc aux conclusions de l'expertise judiciaire et retient que le demandeur, en raison d'un trouble psychiatrique, présentait, à tout le moins, une incapacité de travail totale entre le 21 juin et le 30 novembre 2021, puis à 50% entre le 1er décembre 2021 et le 31 janvier 2022.

6.             Il convient encore de déterminer si le demandeur a subi une perte de gain du fait de l'incapacité de travail imputable à son état de santé.

6.1 À titre liminaire, la chambre de céans relève que le demandeur allègue avoir reçu son salaire jusqu'au 31 juillet 2021, raison pour laquelle il réclame le paiement des indemnités journalières dès le 1er août 2021 et jusqu'au 31 janvier 2022, qui correspond au dernier jour de son incapacité de travail. La perte de gain s'est produite durant cette période.

6.2 Pour savoir si le demandeur a subi une perte de gain et, le cas échéant, dans quelle mesure, il convient de définir si, durant la période en cause, il était encore lié par son contrat de travail avec son ancienne employeuse, étant rappelé qu'il a été licencié le 22 janvier 2021 pour le 31 juillet 2021, mais qu'il s'est retrouvé en incapacité de travail avant la fin de son délai de congé.

Bien qu'il s'agisse d'une question relevant du droit du travail, dont la compétence appartient en principe aux juridictions prud'homales, la chambre de céans doit, à titre préjudiciel, l'examiner afin de pouvoir trancher la présente cause (cf. dans le même sens voir ATF 120 V 26 consid. 2).

Selon l'art. 335c CO, le contrat de travail peut être résilié pour la fin d'un mois moyennant un délai de congé d’un mois pendant la première année de service, de deux mois de la deuxième à la neuvième année de service, de trois mois ultérieurement (al. 1) ; ce délai peut être modifié par accord écrit, contrat-type de travail ou convention collective ; des délais inférieurs à un mois ne peuvent toutefois être fixés que par convention collective et pour la première année de service (al. 2).

Le droit en vigueur repose sur le principe de la liberté du congé. Chaque partie a le droit de résilier sans indication de motif un contrat de travail conclu pour une durée indéterminée (art. 335 al. 1 CO). Elle doit cependant respecter les termes et délais prévus par l’art. 335c al. 1 CO, ainsi que les autres règles énoncées aux art. 336 ss CO (ATF 132 III 115 consid. 2.1 ; 131 III 535 consid. 4.1 ; 130 III 699 consid. 4.1 ; CAPH/187/2008 du 27 octobre 2008 consid. 2a).

L'employeur ne peut résilier le contrat pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d'une maladie ou d'un accident non imputables à la faute du travailleur, et cela durant 30 jours au cours de la première année de service, durant 90 jours de la deuxième à la cinquième année de service et durant 180 jours à partir de la sixième année de service (art. 336c al. 1 let. b CO).

En cas d'incapacité partielle, chaque jour présentant une incapacité est pris en compte comme un jour plein dans le calcul, de sorte que le délai de protection n'est pas prolongé proportionnellement au degré d'incapacité (WYLER/HEINZER, Droit du travail, 2019, p. 656).

Aux termes de l'art. 336c al. 2 CO, lorsque le congé est donné avant l'une des périodes de protection visées par l'alinéa 1 et que le délai de congé n'a pas expiré avant cette période, ce délai est suspendu pendant la durée limitée de protection et ne continue à courir qu'après la fin de la période. Le congé reste toutefois valable, de sorte que l'employeur n'est pas tenu de le renouveler. Le moment déterminant pour calculer la durée de la protection correspond au premier jour de l'incapacité de travail. Le délai légal ou conventionnel de congé au sens de l’article 336c al. 2 CO ne commence pas à courir dès la réception de la résiliation ; il doit être calculé rétroactivement à partir de l’échéance du contrat (Aubry GIRARDIN, Commentaire du contrat de travail, 2013, n. 29, 40 et 42 ad art. 336c CO, p. 725 ; SUBILIA/DUC, Droit du travail : éléments de droit suisse, 2e éd. 2010, p. 602ss ; WYLER, Droit du travail, 2014, p. 686ss et 692; STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, 2012, n. 10 ad art. 336c CO, p. 1071 et 1089).

Conformément à l'article 336c al. 3 CO, une fois la période de protection expirée, le délai de congé recommence à courir et, s'il en découle que le contrat n'arrive pas à échéance à la fin d'un terme, le délai est prolongé jusqu'au prochain terme. Bien que la loi mentionne aussi la semaine, le prochain terme correspond en principe à la fin du mois (Aubry GIRARDIN, op. cit., p. 726).

6.3 En l'espèce, le demandeur qui se trouvait alors dans sa treizième année de service (cf. contrat de travail du 14 février 2008 du demandeur) dispose d'une période de protection de 180 jours. Son contrat de travail prévoit un délai de congé de six mois à partir de la fin du mois de la notification de la résiliation et l'employeuse a résilié unilatéralement le contrat le 22 janvier 2021, de sorte que le délai de congé a commencé à courir le 1er février 2021. Le demandeur a été en incapacité de travail du 21 juin 2021 au 31 janvier 2022. Le délai de congé a dès lors été suspendu du 21 juin au 18 décembre 2021 inclus, date à laquelle la période de protection de 180 jours prévue par l'art. 336c al. 1 let. b CO a pris fin. Le délai de congé a alors recommencé à courir jusqu'au 27 janvier 2022 (étant précisé qu'il restait 40 jours de délai de congé entre le 21 juin et le 31 juillet 2021). Le terme des rapports de travail a ensuite été reporté au 31 janvier 2022 (cf. art. 336c al. 3 CO).

Les rapports de travail ont donc pris fin seulement le 31 janvier 2022 et le demandeur était bel et bien couvert par l'assurance perte de gain en cause, à tout le moins, jusqu'à cette date (voire au-delà conformément aux CGA).

Ainsi, bien que l'incapacité de travail du demandeur soit postérieure à son licenciement, il n'y a pas lieu d'appliquer les règles jurisprudentielles précitées en matière de présomption (consid. 5.3 supra), lesquelles ne s'appliquent que dans l'hypothèse où les prestations de l'assurance perte de gain sont demandées au-delà du terme du contrat de travail.

Le demandeur a subi une perte économique du fait qu'il ne percevait pas son salaire alors qu'il se trouvait en incapacité de travail pendant la durée de son contrat de travail.

6.3.1 Le fait que le demandeur se soit inscrit au chômage en novembre 2021 n'est pas relevant, puisqu'en définitive il n'a pas touché d'indemnités de chômage durant la période litigieuse. Ainsi, la clause des CGA prévoyant que si l'assuré a droit, pour la même période, à des prestations servies notamment par l'assurance-chômage, l'assureur complète ces prestations dans les limites de sa propre obligation de fournir des prestations, et ce, jusqu'à concurrence de l'indemnité journalière assurée (paragraphe B13.1 CGA) ne s'applique pas.

Quoi qu'il en soit, la jurisprudence du Tribunal fédéral à propos de l'art. 28 al. 2 et 4 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0), relève qu'en vertu de cette disposition, l'assurance chômage est subsidiaire à l'assurance privée couvrant la perte de gain occasionnée par une maladie. L'assureur privé n'est ainsi pas dispensé de fournir les prestations dues contractuellement sous prétexte que l'assurance-chômage a versé à l'assuré de pleines indemnités provisoires (ATF 144 III 136, consid. 4).

Aussi, le fait que le demandeur ait perçu, ou non, des prestations de l'assurance-chômage n'est en définitive pas déterminant pour trancher, en l'espèce, le droit du demandeur au versement d'indemnités journalières perte de gain, ni d'ailleurs, l'étendue de ce droit.

6.3.2 Enfin, la défenderesse relève que le demandeur a perçu une indemnité de départ équivalent à six mois de salaire. Elle se réfère en particulier à la décision provisoire du 3 février 2022 de l'assurance-chômage, laquelle reporte la période d'indemnisation du demandeur.

En l'occurrence, l'indemnité de départ, qui est prévue contractuellement (cf. contrat de travail du 14 février 2008 du demandeur), couvre, à la fin des rapports de travail, la perte de revenu résultant de la résiliation desdits rapports, et non de l'incapacité de travail.

Il sied également de relever qu'en assurance-chômage, la perte de travail n'est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l'employeur – telle qu'une indemnité de départ – couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail (cf. art. 11a LACI) et la période pendant laquelle la perte de travail n’est pas prise en considération commence à courir le premier jour qui suit la fin des rapports de travail pour lesquels les prestations volontaires ont été versées, quel que soit le moment auquel l’assuré s’inscrit au chômage (art. 10c al. 1 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02]).

Partant, la caisse de chômage doit tenir compte de l'indemnité de départ à compter du premier jour qui suit la fin des relations de travail, en repoussant dans le temps le début du délai cadre d'indemnisation, créant ainsi une sorte de délai de carence et évitant des indemnisations à double (cf. Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, art. 11a).

Or, puisque le terme du délai de congé du demandeur a été reporté au 31 janvier 2022, en raison justement de son incapacité de travail, l'indemnité de départ sera prise en compte par la caisse de chômage dès le 1er février 2022, début du délai de carence à l'éventuel droit aux indemnités de chômage. Aussi, par principe de cohérence entre assurances, il convient de retenir que, bien que le demandeur ait reçu cette indemnité en juillet 2021, celle-ci était en réalité destinée à couvrir une éventuelle perte de revenu postérieure à la fin des rapports de travail, soit dès le 1er février 2022.

Certes, il ressort de la décision de la caisse de chômage versée à la procédure que cette dernière a pris en compte l'indemnité de départ dès le 1er août 2021, cependant elle a précisé que cette décision revêtait un caractère provisoire et pourrait être revue en cas de décision judicaire tranchant différemment la question de la fin des rapports de travail.

Partant, durant la période litigieuse (du 1er août 2021 au 31 janvier 2022), force est de constater que le demandeur, qui était alors encore sous contrat de travail, se trouvait en incapacité de travail et n'a pas perçu de revenu pour cette période.

6.3.3 Eu égard à ce qui précède, il sied de retenir que le demandeur a subi une perte de gain du 1er août 2021 au 31 janvier 2022.

7.             Reste à déterminer l'étendue et la quotité du droit aux indemnités journalières.

7.1 La chambre de céans relève que la police d'assurance en cause prévoit un délai d'attente de 60 jours, de sorte que le droit au versement d'indemnités journalières en faveur du demandeur débute seulement au terme de ce délai, soit dès le 20 août 2021. Le fait qu'il ait perçu son salaire jusqu'au 31 juillet 2021 n'y change rien.

Comme déjà exposé, dans la mesure où le demandeur se trouvait en incapacité de travail jusqu'au 31 janvier 2022, le terme du contrat de travail est intervenu à cette même date. Aussi le demandeur a-t-il droit à des indemnités journalières entre le 20 août 2021 et le 31 janvier 2022.

La police d'assurance prévoit une indemnité journalière à hauteur de 90% du salaire assuré mais les CGA prévoient qu'en cas d'incapacité partielle de minimum 25%, l'indemnité journalière est fixée proportionnellement au degré de cette incapacité (cf. paragraphe B9.2 CGA). Ainsi, pour la période du 1er décembre 2021 au 31 janvier 2022, lors de laquelle le demandeur se trouvait en incapacité de travail au taux de 50%, les indemnités journalières doivent être fixées à ce même taux.

Quant au calcul desdites indemnités, contrairement à ce qu'estime la défenderesse, il doit être effectué sur la base du salaire et non des indemnités de chômage puisque, comme exposé précédemment, durant la période litigieuse le contrat de travail n'était pas encore parvenu à son terme.

Conformément aux CGA, les indemnités journalières doivent être calculées sur la base du dernier salaire AVS perçu dans l'entreprise assurée avant le début de la maladie et doivent être pris en compte dans le calcul les composantes du salaire prévu contractuellement (dont notamment le treizième salaire), les indemnités octroyées régulièrement (bonus, gratifications, primes au mérite et autre) déterminées sur la base de la dernière rémunération variable effectivement versée et prise en compte au pro rata, ainsi que les adaptations de salaire convenues par écrit avant le début de l'incapacité de travail (cf. paragraphe B4.2 CGA). Le salaire est converti en un gain annuel, puis divisé par 365 (cf. paragraphe B9.3).

En l'occurrence, il ressort des pièces produites par le demandeur, en particulier de ses fiches de salaire des mois de mai à septembre 2021 – dont le contenu n'est au demeurant pas contesté par la défenderesse –, qu'il percevait un salaire mensuel brut de CHF 33'777.70 versé treize fois l'an, ainsi qu'une contribution pour la caisse maladie de CHF 955.15 et d'une part privée pour son véhicule de CHF 625.60, versées douze fois l'an. En outre, il ressort desdites pièces qu'en 2021, le demandeur a perçu un bonus de CHF 107'208.75.

Ainsi, le gain annuel déterminant s'élève à CHF 565'287.85 (= [33'777.70 x 13] + [955.15 x 12] + [625.60 x 12] + 107'208.75) et l'indemnité journalière entière à CHF 1'393.85, soit 90% du gain journalier déterminant (565'287.85 / 365).

En conséquence, les indemnités journalières sont déterminées de la manière suivante :

-       pour le mois d'août 2021, douze jours d'indemnités journalières entières (90%), du 20 au 31 août 2021, soit CHF 16'726.20 (12 x 1'393.85) ;

-       pour le mois de septembre 2021, 30 jours d'indemnités journalières entières (90%), soit CHF 41'815.50 (30 x 1'393.85) ;

-       pour le mois d'octobre 2021, 31 jours d'indemnités journalières entières (90%), soit CHF 43'209.35 (30 x 1'393.85) ;

-       pour le mois de novembre 2021, 30 jours d'indemnités journalières entières (90%), soit CHF 41'815.50 (30 x 1'393.85) ;

-       pour le mois de décembre 2021, 31 jours d'indemnités journalières à 50% (capacité de travail partielle de 50%), soit CHF 24'004.85 (31 x 50% de [565'287.85 / 365]) ;

-       pour le mois de janvier 2022, 31 jours d'indemnités journalières à 50% (capacité de travail partielle de 50%), soit CHF 24'004.85 (31 x 50% de [565'287.85 / 365]).

En conséquence, le demandeur a un droit au versement d'indemnités journalières pour la période du 20 août 2021 au 31 janvier 2022 d'un montant total de CHF 191'576.25.

8.             Le demandeur réclame encore des intérêts moratoires à 5% l'an, dès le début du mois suivant celui pour lequel sont dues les indemnités journalières.

8.1 L'art. 41 al. 1 LCA dispose que la créance qui résulte du contrat est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les « renseignements » au sens de l'art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré (cf. l'intitulé de l'art. 39 LCA). Ils correspondent aux devoirs de déclaration et de renseignement institués par les art. 38 et 39 LCA (cf. ATF 129 III 510 consid. 3 p. 512 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_58/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.1 ; 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3 ; 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.5 ; BREHM, Le contrat d'assurance RC, 1997, nos 512 et 515 s.). Le délai de délibération de quatre semaines laissé à l'assureur ne court pas tant que l'ayant droit n'a pas suffisamment fondé sa prétention ; tel est par exemple le cas lorsque, dans l'assurance contre les accidents, l'état de santé véritable de l'ayant droit n'est pas éclairci parce que ce dernier empêche le travail des médecins (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2008 du 27 novembre 2008 consid. 6.3.1 ; Jürg NEF, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n° 15 ad art. 41 LCA).

Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO en lien avec l'art. 100 al. 1 LCA). L'intérêt moratoire de 5% l'an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation, ou, en cas d'ouverture d'une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Toutefois, lorsque l'assureur refuse définitivement, à tort, d'allouer des prestations, on admet, par analogie avec l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation n'est pas nécessaire ; l'exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1 ; 4A_122/2014 précité, consid. 3.5 ; 4A_206/2007 du 29 octobre 2007 consid. 6.3 ; 5C.18/2006 du 18 octobre 2006 consid. 6.1 in fine ; cf. NEF, op. cit., n° 20 in fine ad art. 41 LCA, et GROLIMUND/VILLARD, in Basler Kommentar, Nachführungsband 2012, n° 20 ad art. 41 LCA). Un débiteur peut valablement être interpellé avant même l'exigibilité de la créance (ATF 103 II 102 consid. 1a ; Rolf WEBER, Berner Kommentar, 2000, n. 102 ad art. 102 CO). La demeure ne déploie toutefois ses effets qu'avec l'exigibilité de la créance (cf. ATAS/1176/2019 du 18 décembre 2019).

8.2 En l'espèce, les CGA ne prévoient aucun terme pour l'exigibilité des prestations qui y sont stipulées. Par ailleurs, il ressort du dossier que la défenderesse a instruit le cas du demandeur, mettant en œuvre un examen auprès du Dr E______, et après avoir pris connaissance de son rapport, a refusé définitivement d’allouer des prestations par pli du 7 septembre 2021. Quant au demandeur, il a interpellé la défenderesse par pli du 21 septembre 2021 et contesté sa position, en faisant valoir les rapports de son généraliste et de son psychiatre traitant.

Dans ces circonstances, il sied de retenir que le demandeur a mis en demeure la défenderesse par courrier du 21 septembre 2021, de sorte que l'intérêt moratoire est dû seulement depuis le jour suivant, soit le 22 septembre 2021. Par ailleurs, dans la mesure où le demandeur conclut au versement d'intérêts à compter du mois suivant celui pour lequel sont dues les indemnités journalières et que la défenderesse ne s'y oppose pas en soi – puisqu'à aucun moment elle ne se prononce sur cette question –, il convient d'admettre ces dates comme dies a quo des intérêts moratoires des créances postérieures au 22 septembre 2021.

 

Partant, la défenderesse sera condamnée à verser au demandeur les montants suivants :

-       CHF 16'726.20 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 22 septembre 2021 ;

-       CHF 41'815.50 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er octobre 2021 ;

-       CHF 43'209.35 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er novembre 2021 ;

-       CHF 41'815.50 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er décembre 2021 ;

-       CHF 24'004.85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2022 ;

-       CHF 24'004.85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er février 2022.

9.             Il convient finalement de se prononcer sur les frais de la procédure.

9.1 Se pose d'abord la question des frais d'expertise judiciaire, lesquels constituent des frais d'administration des preuves au sens de l'art. 95 al. 2 let. c CPC.

Selon l'art. 114 let. e CPC, il n'est pas perçu de frais judiciaire dans la procédure au fond pour les litiges portant sur des assurances complémentaires à l'assurance-maladie au sens de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie.

Cela signifie donc que l'intégralité des frais engendrés par la conduite et l'instruction du procès demeure à la charge de l'État qui ne peut, en bonne logique, exiger le paiement d'une avance pour traiter la demande (Anne Sylvie DUPONT, La procédure en matière d’assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale, in Le procès civil social, 2018, p. 124).

L'art. 114 CPC exclut la perception aussi bien d'un émolument forfaitaire de décision que d'autres frais judiciaires, notamment d'administration des preuves ou de traduction selon l'art. 95al. 2 let. c et e CPC (TAPPY, in Code de procédure civile, Commentaire romand, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 114 CPC).

Dans la mesure de ce qui précède, les frais de l'expertise judiciaire mise en œuvre dans la présente cause demeurent à la charge de l'État.

9.2 Par ailleurs, selon la jurisprudence (ATF 139 III 334 consid. 4.3), en vertu du principe de disposition, des dépens ne peuvent être alloués que si l'ayant droit en a expressément demandé.

Or, le demandeur n'a, à aucun moment de la procédure en cause, conclu à l'octroi de dépens. En l'absence d'une telle conclusion, et malgré le fait qu'il obtient partiellement gain de cause sur sa demande en paiement et qu'il soit représenté par un conseil, la chambre de céans ne peut lui allouer de dépens.

9.3 Pour le surplus et comme déjà relevé, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande en paiement du 29 décembre 2021 recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur, à titre d'arriérés d'indemnités journalières, les montants suivants :

-       CHF 16'726.20 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 22 septembre 2021

-       CHF 41'815.50 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er octobre 2021

-       CHF 43'209.35 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er novembre 2021

-       CHF 41'815.50 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er décembre 2021

-       CHF 24'004.85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er janvier 2022

-       CHF 24'004.85 avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er février 2022

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le