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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3619/2022

ATAS/441/2023 du 15.06.2023 ( AI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 28.08.2023, 8C_511/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3619/2022 ATAS/441/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 juin 2023

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par Me Charles PIGUET, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), ressortissante portugaise née en 1966, a travaillé à Genève, d’abord en tant que femme de chambre, puis dès 2002 en qualité de femme de ménage pour l’État de Genève. Elle a en outre assuré la conciergerie de son immeuble, avant de convenir avec la régie le transfert de cette activité à son époux, en raison de son état de santé.

b. Dès juin 2016, l’assurée a été en incapacité de travail à 50%.

c. Le 4 juillet 2016, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé).

d. Dans un rapport de juillet 2016, la docteure B______, spécialiste FMH en rhumatologie, a indiqué que l'assurée présentait de longue date un syndrome douloureux chronique dans le cadre d’un traumatisme psychique, entraînant un épuisement global au travail.

e. Dans un rapport du 15 juillet 2017, la docteure C______, spécialiste FMH en psychiatrie, a retenu avec effet sur la capacité de travail de l’assurée un état dépressif moyen (F 32.1) depuis quatre à cinq ans avec des troubles somatiques, une fibromyalgie, et des douleurs chroniques. L’incapacité de travail était de 50%.

f. Dans un rapport de juillet 2017, le docteur D______, praticien FMH et médecin traitant de l’assurée, a signalé un syndrome douloureux chronique et un état dépressif sévère avec incidence sur la capacité de travail. Le pronostic était mauvais. La capacité de travail était de 50%.

g. La Dre B______ a indiqué dans ses rapports de septembre et octobre 2017 que l’assurée présentait une capsulite de l’épaule gauche, consécutive à un accident de voiture subi durant l’été, et ne répondait pas de manière satisfaisante au traitement antalgique. Le 5 novembre 2017, la rhumatologue a indiqué à l’OAI qu’avant la capsulite, l’assurée avait obtenu une amélioration de sa qualité de vie et un meilleur contrôle de ses douleurs chroniques en travaillant à 50%. La capsulite avait fragilisé cet équilibre. La capacité de travail était nulle eu égard à cette atteinte, mais une reprise à 50% était envisageable à moyen terme.

h. Dans un rapport du 31 octobre 2017, le Dr D______ a également signalé à l’OAI une aggravation de l’état de santé de l’assurée, dont le syndrome douloureux était de plus en plus impossible à gérer et à maîtriser sur le lieu de travail.

i. Dans un rapport du 10 novembre 2017, la Dre C______ a également signalé une aggravation de l’état de l’assurée, sous forme d’une capsulite. L’évolution était défavorable depuis l’accident, et l’incapacité de travail était totale. Une reprise n’était actuellement pas envisageable. Le 24 juillet 2018, cette psychiatre a indiqué que l’assurée souffrait d’un syndrome douloureux somatoforme persistant (F 45.4). Les douleurs étaient en lien avec un passé difficile, avec un abus sexuel commis par un membre de la famille. L’assurée avait commencé à travailler à 13 ans dans les champs avec ses parents. Elle présentait depuis environ cinq ans un état dépressif d’intensité moyenne à sévère et des états d’anxiété sévère. Depuis l’accident de 2017, elle ne pouvait plus lever le bras gauche. Malgré cette situation, elle avait tenu à reprendre son travail en janvier 2018 par crainte de perdre sa place et pour des raisons financières. La journée-type était décrite ainsi : l’assurée travaillait tous les matins. Elle se levait tôt. Lorsqu’elle terminait, elle rentrait pour se reposer sur son canapé et décrivait beaucoup de difficultés à accomplir ses tâches quotidiennes. Elle se plaignait beaucoup de fatigue et de douleurs. Elle manquait de motivation et pleurait sur sa situation. Elle sollicitait son mari et sa fille pour l’aider dans les tâches ménagères. Les sorties et activités plaisantes étaient quasi inexistantes. En ce qui concernait ses ressources, elle ne se sentait pas toujours entendue ni comprise par son mari et sa fille. Elle pleurait encore le décès de ses parents. L’incapacité à gérer le stress et l’hypersensibilité pouvaient engendrer des conflits relationnels.

j. Dans un avis du 4 octobre 2018, la docteure E______, médecin au service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), a admis que l’incapacité de travail de 50% depuis juin 2016 était justifiée selon les rapports médicaux. Elle a relevé que la Dre C______ avait analysé la répercussion des atteintes psychiatriques conformément aux indicateurs de la jurisprudence dans son rapport de juillet 2018.

k. Par décision du 7 mars 2019, l’OAI a alloué à l’assurée une demi-rente d’invalidité dès avril 2017.

B. a. L’assurée a subi le 17 janvier 2020 une intervention gynécologique, soit une cure de prolapsus de la paroi vaginale et une cure d’incontinence urinaire.

b. Le 25 septembre 2020, l’assurée a requis de l’OAI la révision de son droit à la rente.

c. Le 29 septembre 2020, la Dre C______ a attesté une dégradation de l’état de santé physique et psychique de l’assurée, justifiant une rente d’invalidité complète.

d. Le 8 octobre 2020, la Dre B______ a indiqué à l’OAI que l’assurée avait présenté une succession de problèmes somatiques ayant entraîné une décompensation psychique plus sévère, avec une infection à la COVID-19 et hospitalisation, puis une capsulite de l’épaule droite, ceci après une capsulite de l’épaule gauche. Dans ce contexte, une rente complète semblait malheureusement nécessaire. Le 6 novembre 2020, la rhumatologue a précisé que la récupération à l’épaule droite n’était pas forcément complète, et l’assurée était actuellement trop algique et ne pouvait utiliser son membre supérieur droit, ce qui rendait son activité de nettoyeuse impossible.

e. Le 5 novembre 2020, la Dre C______ a indiqué à l’OAI que l’état anxio-dépressif de l’assurée s’était sévèrement dégradé, car elle souffrait de douleurs chroniques invalidantes jour et nuit, de troubles du sommeil consécutifs aux douleurs, et d’une fatigue chronique. Le 1er décembre 2020, la psychiatre a derechef attesté une incapacité totale de l’assurée. Celle-ci pleurait beaucoup, éprouvait de l’anxiété, de la fatigue, des troubles de la concentration, une lenteur et des difficultés relationnelles. Elle n’était pas apte à reprendre le travail, même dans une autre activité, en raison de son anxiété, de sa fatigue et de son état dépressif, liés à sa santé physique qui évoluait négativement. Elle éprouvait de grandes difficultés à faire le ménage et comptait beaucoup sur l’aide de son mari. Elle n’avait aucun loisir, passait beaucoup de temps couchée. Elle voyait parfois quelques membres de la famille qui lui rendaient visite, mais elle n’avait pas d’autres activités sociales. Sa capacité de travail était nulle depuis l’été 2020.

f. Dans un rapport reçu par l’OAI le 7 décembre 2020, le Dr D______ a fait état d’un mauvais pronostic. La capacité de travail était nulle en tant que femme de ménage, ce depuis janvier 2020. Ce médecin a confirmé l’incapacité de travail totale dans son rapport du 6 décembre 2021, justifiée par les douleurs permanentes.

g. Dans un rapport du 19 octobre 2021, la Dre B______ a indiqué que le syndrome douloureux chronique s’était exacerbé après la contraction de la COVID-19. La capsulite bilatérale avait progressé lentement. Le syndrome douloureux chronique s’était à nouveau aggravé pendant l’été. Un travail n’était actuellement pas possible en raison des douleurs physiques et des amplitudes des épaules qui restaient limitées, ce qui était incompatible avec une activité dans le nettoyage. Ces problèmes s’ajoutaient à la souffrance psychique de l’assurée.

h. À la demande de l’employeur de l’assurée, le docteur F______, spécialiste FMH en psychiatrie, a procédé à l’expertise de celle-ci le 9 janvier 2022. Il a constaté des signes dépressifs et anxieux patents à l’examen clinique. L’assurée était très souvent en larmes, son expression faciale était triste et inquiète, elle avait des tremblements et une tendance à la logorrhée anxieuse. Le ralentissement psychomoteur était modéré. Ses plaintes se rapportaient à ses douleurs physiques autant qu’à sa souffrance psychique. Longtemps contenu, le trouble thymique s’était aggravé après la mort de sa mère en 2011. L’assurée culpabilisait de n’avoir pu être auprès d’elle pour ses derniers instants. Depuis, elle était dans un état de tristesse et d’accablement moral permanent, au travail comme chez elle. Elle avait des troubles du sommeil, elle était épuisée, fatiguée dès le matin, sans énergie. L’anhédonie était marquée mais elle s’efforçait de se mobiliser en faisant un peu de marche. Elle se plaignait d’oublis, de difficultés à retenir, à comprendre, à se concentrer. Elle se disait constamment inquiète, soucieuse et elle ruminait beaucoup. Les diagnostics étaient un épisode dépressif moyen (F 32.1) et un syndrome douloureux somatoforme persistant (F 45.4). Sur le plan psychique, elle était dans un état d’abattement sévère, de souffrance affective et d’anxiété chronique. Elle était à bout de ressources, effondrée et épuisée. L’incapacité de travail était complète et définitive. Il n’y avait pas de troubles de la personnalité, mais des traits de personnalité anxieuse. L’assurée souffrait d’un état dépressif persistant, pérennisé par le syndrome douloureux chronique. Le pronostic était défavorable. Il n’y avait pas d’espoir de stabilisation ni d’amélioration clinique significative. Les limitations fonctionnelles étaient importantes et durables ; elles étaient liées aux douleurs chroniques et invalidantes, à l’état d’épuisement, d’effondrement et d’abattement, de tristesse et d’anxiété permanentes, à la fragilité et à la labilité émotionnelle. À ces limitations s’ajoutait l’incapacité de l’assurée à assimiler de nouvelles compétences en raison de ses troubles de la concentration. Les troubles diagnostiqués, chroniques et sans évolution favorable, entraînaient une incapacité de travail complète et définitive en tant que nettoyeuse.

i. Le 1er mars 2022, le docteur G______, médecin au SMR, a retenu que le Dr F______ excédait son domaine de compétence en se prononçant sur les atteintes somatiques et qu’il justifiait la capacité nulle dans une activité adaptée par des considérations non médicales telles que l’absence de formation. De plus, il ne faisait que rapporter les dires de l’assurée et les conclusions des médecins traitants, sans aucun élément objectif, sans description d’une journée-type ni d’évaluation des limitations dans les actes de la vie quotidienne et des indicateurs de gravité selon la jurisprudence. Partant, le SMR n’était pas en mesure de suivre les conclusions du Dr F______. Une expertise bidisciplinaire restait nécessaire.

j. Le 3 mars 2022, l’OAI a indiqué à l’assurée qu’il entendait mettre en œuvre une expertise bidisciplinaire, dont il lui a soumis les questions. Le 11 avril 2022, il lui a indiqué que les experts seraient les docteurs H______, spécialiste FMH en psychiatrie, et I______, spécialiste FMH en rhumatologie.

Ces experts ont rendu leur rapport le 4 juillet 2022. Dans l’évaluation consensuelle, ils ont noté des douleurs chroniques, variables en intensité, à l'origine d’une détresse psychologique, non entièrement expliquées par un processus physiologique, avec sollicitation accrue de la part de l'entourage. L’atteinte était partiellement homogène, car les douleurs étaient exprimées fortement, mais il existait une répercussion partielle sur le quotidien, l’assurée pouvant réaliser quelques tâches ménagères. L’humeur était triste, avec fatigue, fatigabilité, perte d'élan vital, pessimisme, perte de libido, et léger ralentissement psychomoteur. Il n’y avait aucun diagnostic somatique incapacitant, mais des lombalgies et des cervicobrachialgies sans substrat physique avec de discrètes discopathies C4-C5 et C5-C6 et une discrète arthropathie acromio-claviculaire, une capsulite rétractile de l'épaule gauche au décours en octobre 2017 déjà et une capsulite rétractile de l'épaule droite avec une diminution discrète des amplitudes articulaires en 2020. La capsulite rétractile de l'épaule droite n’entraînait pas de retentissement fonctionnel dans la profession habituelle. En effet, s'il s'agissait de nettoyer en hauteur, l’assurée pourrait tout à fait utiliser la main gauche. Il n'y avait pas de limitation dans le port de charges. Au plan psychique, les diagnostics incapacitants étaient un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F 32.1) et un syndrome douloureux somatoforme persistant (F 45.4). Il y avait une fatigue, une fatigabilité, un envahissement du champ des pensées par les douleurs et une légère bradypsychie. Il fallait un poste plutôt répétitif, ne nécessitant pas de décision immédiate, ni traitement d’informations simultanées. En effet, la gestion du stress pourrait entraîner une aggravation des douleurs, de la fatigue et de la fatigabilité. S’agissant des aspects liés à la personnalité, les experts ont noté une rigidité de fonctionnement, avec des difficultés à faire des deuils et à mettre en place des stratégies. En ce qui concernait ses ressources, l’assurée était autonome. Elle était très entourée et soutenue par sa famille. Les facteurs de surcharge étaient les décès de ses parents, un traumatisme dans le passé à l'origine d'une fixation, une inobservance médicamenteuse, et paradoxalement, une réponse trop positive de la part de la famille à la sollicitation de l’assurée. Le contrôle de la cohérence révélait une assurée, plaintive, gémissante, très fatiguée au moment de l'expression de ses plaintes. Il existait une incohérence entre l'intensité des plaintes et les données objectives de l'examen physique. Au plan psychique, il n’y avait pas d’incohérence. L'exagération des douleurs faisait partie du tableau clinique du syndrome douloureux somatoforme persistant. En revanche, il existait une inobservance médicamenteuse. La capacité de travail dans l’activité habituelle et une activité adaptée était complète au plan somatique. Au plan psychique, la capacité de travail était totale jusqu’au 24 mars 2017, date de constatation de l'aggravation du syndrome douloureux somatoforme persistant, puis de 50%. Au moment de la capsulite rétractile de l'épaule gauche, l'assurée était déjà en arrêt de travail à 50% pour des motifs psychiques. Elle n'avait donc pas interrompu son activité pour ce motif. Concernant la capsulite rétractile de l'épaule droite, l’évolution était favorable. L’assurée était à cette époque déjà en arrêt de travail complet à 100%. Elle aurait sans doute nécessité un arrêt de travail complet d'une durée de trois à quatre mois pour cette atteinte, avec sans doute une reprise possible en janvier 2021. Dans les réponses consensuelles aux questions, les experts ont noté une incapacité de travail temporaire complète du 1er septembre 2020 au 1er janvier 2021. Dans une rubrique « Historique pharmaceutique », la rhumatologue a indiqué que l’assurée avait acheté peu de traitements antalgiques en 2020, très peu d’antalgie en 2021, et aucune médication antalgique en 2022.

k. Dans son avis du 11 juillet 2022, le Dr G______ a proposé de se rallier aux conclusions des experts, qu’il estimait motivées et cohérentes.

l. Le 28 juillet 2022, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision refusant l’augmentation de sa rente d’invalidité.

m. Le 1er septembre 2022, l’assurée s’est opposée au projet de décision de l’OAI. Elle a affirmé que l’expertise ne retranscrivait pas les examens. Elle a dénoncé l’attitude des experts, en particulier celle de la rhumatologue, directive et très peu empathique. Ses divers médecins traitants contestaient les conclusions des experts. Elle a sollicité l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

Ses médecins traitants ont par la suite adressé plusieurs rapports à l’OAI. Ainsi, le 12 septembre 2022, la Dre B______ s’est dite très déçue du projet de décision de l’OAI. L’assurée avait travaillé pendant les 30 dernières années et souffrait depuis sa jeunesse d’un syndrome douloureux chronique. L’équilibre précaire qui s’était installé s’était malheureusement détérioré après le premier épisode de capsulite. La symptomatologie douloureuse chronique, associée à un état dépressif de longue date chez une assurée avec des antécédents physiques et psychiques extrêmement lourds, avait exacerbé les douleurs, de sorte qu’une reprise comme nettoyeuse n’était pas réaliste. Le Dr D______ s’est également dit choqué par le projet de décision de l’OAI dans son rapport du 13 septembre 2022. Il avait lui-même constaté la dégradation de l’état de santé de l’assurée au fil des ans, avec un état dépressif sévère, un sommeil coupé par des réveils en raison des douleurs, une asthénie générale et un manque d’entrain quotidien. Il a évoqué l’historique médical de l’assurée, qui avait contribué à affaiblir un état psychique déjà précaire.

n. Par décision du 3 octobre 2022, l’OAI a confirmé les termes de son projet, après avoir recueilli l’avis du Dr G______, lequel retenait que les médecins traitants de l’assurée n’amenaient pas d’élément médical nouveau.

C. a. Par écriture du 2 novembre 2022, l’assurée a interjeté recours contre la décision de l’OAI auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Elle a conclu, sous suite de dépens, préalablement à ce qu’une expertise soit ordonnée, principalement à l’annulation de la décision, à ce qu’il soit dit et constaté qu’elle présentait un degré d’invalidité complet à partir du 30 septembre 2020, et à ce qu’il soit dit qu’elle avait droit au versement d’une rente entière d’invalidité dès le 30 septembre 2020. La recourante a allégué que l’expertise était erronée s’agissant des antalgiques acquis. Elle a énuméré les médicaments qu’elle prenait, non mentionnés par les experts. Elle a fait valoir que de nombreux indicateurs essentiels selon la jurisprudence manquaient dans l’expertise, notamment les critères ayant trait au succès de la réadaptation, aux comorbidités, au contexte social et à la cohérence. S’agissant du succès du traitement, l’expert avait établi un pronostic très défavorable. Le critère lié à la personnalité n’avait pas été correctement examiné. Le parcours de vie de la recourante n’avait pas non plus été pris en compte, notamment le viol qu’elle avait subi à 13 ans. Quant à la cohérence, il s’agissait d’un indicateur pertinent puisque la recourante n’avait presque aucune activité domestique ou loisir. Ce critère n’avait cependant pas été évalué par les experts. Le poids des souffrances n’était pas non plus examiné.

L’expert psychiatre n’avait donné aucune justification sur la baisse de rendement de 50% retenue. La description d’une journée-type révélait l’incapacité de la recourante à maintenir une quelconque activité. Celle-ci ne pouvait plus travailler ni faire le ménage, et elle n’avait aucun loisir. Ce tableau ne décrivait pas un rendement diminué de moitié, mais le quotidien d’une personne incapable de prendre soin d’elle sans l’aide de sa famille. L’expertise était erronée, et la recourante avait droit à une rente entière d’invalidité. La décision de l’intimé n’était pas non plus conforme au droit en tant qu’elle n’avait pas tenu compte des capsulites diagnostiquées.

Plusieurs documents ont été produits à l’appui de cette écriture, dont un courriel de la Dre C______ du 27 octobre 2022, mentionnant une erreur dans l’expertise de la Dre I______ en tant qu’elle affirmait que la recourante ne prenait pas d’antalgiques en 2022 ; une liste de quatre pages des médicaments délivrés en 2022 établie par sa pharmacie ; et diverses ordonnances.

b. Dans sa réponse du 1er décembre 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours. Le SMR avait confirmé que les experts avaient respecté les lignes directrices de qualité. Leur analyse des critères jurisprudentiels permettait d’exclure une atteinte à la santé plus importante, et plus particulièrement une aggravation de l’état de santé de la recourante. L’intimé a soutenu que la survenance d'une atteinte à la santé différente de celle qui prévalait au moment de la première demande de prestations, compte tenu de l'absence de connexité matérielle avec la situation au moment du refus de la première demande de prestations, avait pour effet de créer un nouveau cas d'assurance. Dans la mesure où l'incapacité de travail sur le plan rhumatologique avait été reconnue de septembre 2020 à février 2021, soit moins d'un an, il n’y avait pas de nouveau cas d'assurance.

L’intimé a produit un avis du SMR du 29 novembre 2022, dans lequel la docteure J______ a soutenu que la Dre I______ avait décrit les amplitudes articulaires de l'épaule droite et retenu une incapacité de travail totale de septembre 2020 à fin février 2021. Son analyse était justifiée. S’agissant de l’inobservance médicamenteuse, liée au fait que le dosage de l’antidépresseur était indétectable, le rapport du laboratoire précisait qu'il pouvait s’expliquer par une métabolisation rapide. Ainsi, on pouvait conclure que ce traitement n'apportait pas de bénéfices à la recourante, comme l'avait relevé l'expert psychiatre. Ce dernier avait évalué la capacité de travail de la recourante en se basant sur l'examen clinique et les indicateurs standards de gravité, et non seulement sur l'efficacité du traitement antidépresseur. Le SMR admettait que la recourante avait bien acheté les médicaments prescrits, cela ne signifiait pas pour autant qu’elle les avait pris régulièrement. Les experts avaient réalisé une expertise convaincante respectant les lignes directrices de qualité. La recourante présentait peu de limitations dans son quotidien : elle était autonome dans la vie quotidienne et son ménage, hormis les travaux plus lourds effectués par la famille, les courses légères, la lessive, les repas, faisait des promenades, des auto-exercices, se déplaçait seule, partait en vacances au Portugal et n’était pas isolée socialement. Ainsi, le SMR maintenait ses conclusions.

c. Dans sa réplique du 11 janvier 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions, requérant notamment son audition. Le SMR tentait d’analyser les différents indicateurs jurisprudentiels à la place des experts. Ce faisant, il se fondait sur des informations erronées, la recourante n’étant pas autonome dans sa vie quotidienne. En effet, elle ne parvenait pas à accomplir toutes ses tâches ménagères, ne partait pas seule en vacances et était accompagnée au quotidien.

Elle a produit un certificat du 2 décembre 2022 de la docteure K______, spécialiste FMH en gynécologie, aux termes duquel elle ne pouvait porter de charges lourdes en raison d'une opération antérieure.

d. Dans sa duplique du 6 février 2023, l’intimé a persisté dans ses conclusions, en se référant à l’avis joint du 19 janvier 2023, dans lequel le SMR a retenu que le certificat de la Dre K______ ne modifiait pas l'évaluation de la capacité de travail de 50%, l’activité de femme de ménage restant adaptée, car le port de charges de plus de 10 kg n’était pas exigé selon le rapport de l’employeur du 22 septembre 2016.

e. Par déterminations du 22 février 2023, la recourante a noté que le rapport de l’employeur cité par le SMR était antérieur à sa demande de révision.

f. Le 1er mars 2023, la chambre de céans a transmis copie de cette écriture à l’intimé.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans ce cadre, le système des quarts de rente jusque-là applicable a été remplacé par un système linéaire de rentes (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [Développement continu de l'assurance-invalidité], FF 2017 2442). Cela étant, conformément aux principes de droit intertemporel, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable est en principe celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1). Partant, les dispositions topiques seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le recours est recevable.

Les conclusions de la recourante tendant à la constatation de certains faits n’ayant qu’un caractère préparatoire par rapport aux conclusions condamnatoires prises sur leur base, elles sont recevables (cf. ATF 129 V 289 consid. 2.1). 

4.             Le litige porte sur le point de savoir si le droit de la recourante à des prestations d’invalidité s’est modifié depuis l’octroi d’une demi-rente par décision du 7 mars 2019.

5.             En vertu de l’art. 28 al. 1er LAI, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c). L’art. 28 al. 2 LAI dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2021 dispose que l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

6.             Selon l'art. 17 al. 1 LPGA dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

6.1 Tout changement important des circonstances, propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5). Une simple appréciation différente d'un état de fait, qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé n'appelle en revanche pas à une révision au sens de l'art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_818/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2). Ainsi, le fait qu’un diagnostic ne soit plus retenu à l’issue d’un examen médical ne saurait justifier, à lui seul, la révision du droit à la rente, dans la mesure où un tel constat ne permet pas d’exclure que l’état de fait (demeuré pour l’essentiel inchangé) ait simplement été apprécié de manière différente. Une modification sensible de l’état de santé ne saurait être admise que si le nouveau diagnostic, ou l’absence d’un diagnostic posé précédemment, est corroboré par un changement clairement objectivé de la situation clinique et par l’amélioration, voire la disparition, des limitations fonctionnelles retenues précédemment (Margrit MOSER-SZELESS in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 12 ad. art. 17 LPGA).

6.2 Le point de savoir si un changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (arrêts du Tribunal fédéral 9C_89/2013 du 12 août 2013 consid. 4.1 et 9C_431/2009 du 3 novembre 2009 consid. 2.1). Une communication rendue par l'administration dans le cadre d’une procédure de révision, lorsqu'elle s'est contentée de recueillir l'avis du médecin traitant, ne peut se voir conférer la valeur d'une base de comparaison déterminante dans le temps (arrêts du Tribunal fédéral 9C_76/2011 du 24 août 2011 consid. 5.1 et 9C_910/2010 du 7 juillet 2011 consid. 3.2). En revanche, une communication reposant sur une expertise et une constatation des faits pertinents d'ordre médical et leur incidence sur la capacité de gain d’un assuré a été considérée comme une base de comparaison déterminante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_123/2011 du 7 novembre 2011 consid. 4).

7.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d'être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

7.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a, ATF 122 V 157 consid. 1c).

7.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

7.3 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références). Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

8.             Dans un arrêt portant sur les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a retenu que la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part.

8.1 Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (consid. 3.6). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

 

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l'instrument de base de l'analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 (F 45.5), qu'il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l'attitude de l'assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l'atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l'inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d'une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d'un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble somatoforme douloureux avec l'ensemble des pathologies concomitantes (consid. 4.3.1.3). Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010 consid. 2.2.2) n'est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011 consid. 3.4.2.1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d'affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l'approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s'agit d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l'assuré (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s'agit ici de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple ses loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu'ici doit désormais être interprété de telle sorte qu'il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

 

B. Poids de la souffrance révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d'options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d'évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective (ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

8.2 La fibromyalgie est considérée comme faisant partie des atteintes psychosomatiques soumises à la grille d'évaluation normative et structurée développée par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.2).

8.3 Dans un arrêt de 2017, le Tribunal fédéral a étendu la jurisprudence précitée à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5).

Il convient encore de préciser que même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais elle peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d'un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

9.             Il y a lieu d’examiner ici si les différentes expertises au dossier satisfont aux réquisits jurisprudentiels exposés ci-dessus.

9.1 Il convient en préambule de souligner que si le Dr F______ ne s’est pas expressément prononcé sur les différents indicateurs nécessaires à évaluer le caractère incapacitant d’un trouble somatoforme douloureux, on ne saurait se rallier aux critiques du Dr G______ pour le surplus. En effet, contrairement à ce que ce médecin soutient, le Dr F______ ne s’est pas contenté de relater les plaintes subjectives de la recourante, mais il a également rapporté ses constats cliniques objectifs. Il a justifié l’incapacité de travail à laquelle il a conclu dans l’activité habituelle sans se fonder sur l’absence de formation, comme l’affirme le SMR. Enfin, il est erroné de prétendre que ce premier expert se serait prononcé sur les aspects somatiques de la maladie, ses conclusions étant au contraire motivées par l’évaluation de l’état psychique de la recourante, qu’il a décrit en détail. Cela étant, si cet expert a bien motivé ses conclusions, qu’il a fondées sur ses constats, en pleine connaissance du dossier de la recourante, et qu’il a également tenu compte de ses plaintes, son rapport n’est pas établi sur la base de la grille d’évaluation qu’impose désormais le Tribunal fédéral en matière d’assurance-invalidité.

9.2 En ce qui concerne le rapport des Drs I______ et H______, la chambre de céans relève ce qui suit.

S’agissant de la capacité de travail, la Dre I______ a affirmé que l’activité de nettoyeuse était adaptée en l’absence de limitations fonctionnelles physiques. Elle a ensuite indiqué qu’il était difficile de déterminer à quelle date la capsulite de l’épaule droite s’était refroidie, vraisemblablement cinq mois après le début des symptômes, de sorte qu’on pourrait considérer un arrêt de travail pour cette problématique jusqu’à fin février 2021, bien qu’il s’agisse d’une estimation théorique. L’experte rhumatologue a plus loin fait état d’une durée approximative de cinq à six mois pour le diagnostic de capsulite rétractile de l'épaule droite. Elle a dans l’évaluation consensuelle admis une incapacité de travail d'une durée de trois à quatre mois pour ce motif. Par ailleurs, les remarques sur les achats de médicaments sont erronées, comme l’a démontré la recourante. La Dre I______ a admis une fatigabilité de la recourante. Elle a précisé que celle-ci pouvait nettoyer le plan de travail et la table de la cuisine et faire la lessive. Les draps étaient changés par sa fille, avec qui elle cuisinait en alternance. Elle faisait des courses avec son mari, qui les portait. S’agissant des loisirs, elle sortait marcher deux fois par jour, écoutait de la musique et regardait la télévision. Invitée à décrire une journée-type, elle a indiqué s’être levée la veille à 8h, puis avoir regardé la télévision avant de faire sa toilette et de sortir pour une course à la Poste. Elle était rentrée et avait réchauffé des restes pour le repas, et avait ensuite laissé tomber la vaisselle. L’après-midi, elle avait regardé la télévision sans rien ranger, car elle était fatiguée. Elle s’était rendue à une séance de physiothérapie puis était rentrée à la maison. Le soir, elle avait regardé la télévision avant de se coucher à 22h. Les journées de congé ou le week-end, elle ne faisait rien de particulier, elle préférait rester à la maison.

9.3 La recourante a décrit à l’expert psychiatre que ses journées consistaient typiquement à se rendre à ses rendez-vous médicaux et à regarder la télévision. Elle pouvait faire des marches et de petites courses, et certaines tâches ménagères. Le reste du ménage était assumé par sa fille, et son mari passait l’aspirateur. Elle lisait des livres et la Bible. Elle ne pouvait marcher plus d’une heure par jour en faisant des pauses. Elle allait parfois chez sa sœur. L’expert a constaté une tension anxieuse et une certaine irritabilité. La recourante s’était plainte d’une fatigue en fin d’entretien. Le discours avait été émaillé de pleurs. Le Dr H_______ retrouvait une fatigue et une fatigabilité. Le discours témoignait d’une lassitude et d’un pessimisme, sans idées suicidaires. L’expert retenait un fond de tristesse inhérent à un traumatisme survenu à l’âge de 13 ans. La recourante décrivait une nette aggravation de son état à partir de mai 2011 après le décès de sa mère. Il existait actuellement une humeur triste, une perte d’élan vital, une baisse d’estime de soi, un pessimisme, parfois des troubles du sommeil, une fatigue, une fatigabilité, sans véritables troubles de l’appétit mais avec une baisse de libido. La plupart des symptômes était d’intensité moyenne. L’expert a retenu un épisode dépressif, ainsi qu’un syndrome douloureux somatoforme persistant, devant l’existence de douleurs chroniques non expliquées entièrement par un processus physiologique. Il existait des répercussions relativement homogènes sur le quotidien de la recourante. La personnalité de la recourante était marquée par une certaine dépendance affective, elle avait de la peine à prendre des décisions seule, néanmoins sans véritable trouble de la personnalité dépendante. L’expert a exclu d’autres troubles de la personnalité. Il trouvait cependant une rigidité de fonctionnement, la recourante étant fixée sur des éléments traumatiques et sur son incapacité à pouvoir travailler. Le syndrome douloureux somatoforme était devenu prédominant en mars 2017. Les limitations fonctionnelles étaient en rapport avec l’envahissement du champ de pensée par les éléments douloureux, et par le passé traumatique. La fatigue et la fatigabilité devaient également être prises en considération. Un métier sans grandes sollicitations intellectuelles et répétitif, sans prise de décisions, était souhaitable. En ce qui concernait le traitement, la recourante avait bénéficié d’une médication par Anafranil® depuis de nombreuses années. Compte tenu des résultats d’analyse sanguine, on pouvait envisager une inobservance médicamenteuse. À ce sujet, l’expert a plus loin soutenu qu’il existait une telle inobservance, puisque le traitement avait été diminué en accord avec le médecin de la recourante, malgré l’absence d’effets secondaires. Il a fixé la capacité de travail dans l’activité habituelle à 8 heures 30 par jour, avec une baisse de rendement de 50% depuis le 24 mars 2017. La capacité de travail pouvait être améliorée. Il a à cet égard proposé un changement médicamenteux.

9.4 On doit noter que cette expertise comprend plusieurs contradictions et lacunes. Au plan somatique, la capacité de travail a été qualifiée d’entière depuis toujours, alors que la Dre I______ admet dans l’évaluation consensuelle que la capsulite rétractile a entraîné un arrêt de travail complet transitoire. À ce sujet, son appréciation est pour le moins imprécise, puisqu’elle affirme tour à tour que la capacité de travail de la recourante aurait été recouvrée en janvier 2021, puis en février 2021, et qu’elle articule à la fois des incapacités de travail de trois ou quatre mois, de cinq mois, et de six mois. Contrairement à ce qu’elle semble retenir, l’incapacité de travail totale au plan psychique attestée durant cette période ne la dispensait pas de définir la capacité de travail somatique durant cette période, a fortiori dès lors qu’elle et le Dr H______ ont précisément exclu une incapacité de travail totale d’origine psychique. On ne peut non plus se rallier à la conclusion de l’experte rhumatologue sur la capacité de travail dans l’activité habituelle après le décours de la capsulite droite, dès lors qu’il reste des séquelles dans les amplitudes du bras droit. On ne saurait en effet admettre que la recourante pouvait simplement se servir de l’autre bras, dès lors qu’il est patent qu’une activité dans le nettoyage exige d’un employé qu’il puisse utiliser ses deux membres supérieurs, et que la recourante est droitière. On s’étonne par ailleurs que la rhumatologue n’ait pas jugé utile de se prononcer sur les constats des médecins traitants et d’expliquer pourquoi elle s’en écartait, dès lors qu’elle a souligné que sa propre évaluation de la capacité de travail en suite des capsulites était théorique. On note enfin que l’expertise ne souffle mot de l’éventuelle incidence de l’intervention gynécologique subie par la recourante sur sa capacité de travail. Il apparaît du reste à ce sujet au vu du rapport de la Dre K______ que l’absence de limitations fonctionnelles somatiques décrite par la Dre I______ est erronée, puisque le port de charges est proscrit en raison de cette intervention.

Du point de vue psychique, le Dr H______ s’est rallié aux diagnostics posés par ses confrères, se disant également d’accord avec les atteintes retenues par le Dr F______. Dans ces conditions, il n’est guère suffisant qu’il se contente d’articuler une capacité de travail de 50%, sans aucunement la justifier, et surtout sans expliquer quels éléments lui permettent de se distancier des conclusions des médecins traitants et de l’expert F______. On peut en outre s’étonner au vu des journées de la recourante, consacrées essentiellement au repos, et de la fatigue et de la fatigabilité que lui et la Dre I______ ont constatées, qu’il ne retienne qu’une diminution de rendement de 50%.

9.5 En sus de ces carences, l’expertise ne détaille guère les indicateurs développés par la jurisprudence, comme le souligne à juste titre la recourante. De plus, lorsque ces critères sont abordés, ils ne le sont pas au sens que leur a donné le Tribunal fédéral.

Ainsi, en ce qui concerne la cohérence, les experts ont noté que les répercussions de l’atteinte étaient partiellement homogènes, au vu des tâches ménagères encore possibles. D’une part, il existe sur ce point une contradiction irréductible entre la Dre I______ et le Dr H______, puisque ce dernier indique que lesdites répercussions sont homogènes dans le volet psychiatrique de l’expertise. D’autre part, la Dresse I______ retient une incohérence en raison de plaintes non objectivées par des substrats organiques. Un tel constat, inhérent à la définition même du trouble somatoforme douloureux, ne suffit pas à conclure à une incohérence, sous peine d’exclure systématiquement le caractère incapacitant d’une telle atteinte car le critère de la cohérence ne serait par définition jamais réalisé. Le Dr H______ mentionne quant à lui une inobservance médicamenteuse, qui serait selon lui révélatrice d’une incohérence. Il suffit ici de dire que cette inobservance n’est pas clairement établie, puisqu’elle pourrait résulter d’un phénomène métabolique. D’autre part, l’expert psychiatre paraît retenir une telle inobservance notamment en raison d’un changement dans le traitement médical prescrit par la Dre C______. Or, une modification du traitement ordonnée par le médecin ne peut en aucun cas être considérée comme une inobservance. En ce qui concerne les ressources, si les experts ont mentionné que la recourante pouvait compter sur sa famille, ils n’ont guère exposé quelles étaient ses ressources internes. Sur ce point, la Dre I______ semble en outre confondre l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne avec les ressources à disposition d’un assuré.

9.6 Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère que l’expertise des Drs I______ et H______ ne satisfait pas aux réquisits jurisprudentiels, et ne saurait se voir reconnaître valeur probante.

Il n’est du reste pas inutile de souligner qu’en toute hypothèse, l’appréciation de l’évolution de la capacité de travail par l’intimé sur la base de cette expertise est erronée, en tant qu’elle ne tient pas compte de l’aggravation temporaire admise par la rhumatologue – certes en des termes nébuleux – en lien avec la capsulite droite. Il est vrai que selon la jurisprudence, la survenance d'une atteinte à la santé totalement différente de celle qui prévalait au moment du refus de la première demande de prestations et propre, par sa nature et sa gravité, à causer une incapacité de travail de 40% au moins en moyenne sur une année, compte tenu de l'absence de connexité matérielle avec la situation prévalant lors du refus de la première demande, a pour effet de créer un nouveau cas d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_697/2015 du 9 mai 2016 consid. 3.2). On ne se trouve cependant pas dans un tel cas puisque la première demande de prestations n’a pas été rejetée mais a, au contraire, donné lieu à l’octroi d’une demi-rente.

9.7 Bien que le rapport des Drs I______ et H______ ne puisse être suivi, il n’est pas indispensable de mettre en œuvre une nouvelle expertise. En effet, s'il appartient au médecin de poser un diagnostic selon les règles de la science médicale, l'évaluation du caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence est du ressort de l'administration ou, en cas de litige, de celui du juge (arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2020 du 6 septembre 2021 consid. 4.4 et les références).

Or, en l’espèce, la chambre de céans dispose des éléments nécessaires à apprécier le caractère invalidant des troubles de la recourante à l’aune des critères rappelés ci-dessus, étant en préambule rappelé que la question qui se pose dans l’évaluation du caractère invalidant de troubles sans étiologie claire est de savoir si et dans quelle mesure l’assuré dispose des ressources nécessaires pour fournir l’effort qui peut raisonnablement être exigé d’un point de vue objectif, aux fins de surmonter l’effet des atteintes diminuant sa capacité de gain et ainsi réduire le dommage (Susana MESTRE CARVALHO, Exigibilité - La question des ressources mobilisables, RSAS 2019 p. 61).

9.7.1 En premier lieu, le diagnostic de trouble somatoforme douloureux ne pose pas de difficulté, puisqu’il est unanimement retenu par les médecins qui ont examiné la recourante.

9.7.2 S’agissant des manifestations concrètes de ce trouble, il apparaît que les douleurs se sont exacerbées à la suite des nouvelles atteintes aux épaules et de la COVID-19, les médecins traitants signalant que la recourante peine désormais à gérer leur intensité. Il y a ainsi bien eu une aggravation de sa symptomatologie après 2017. En ce qui concerne le critère de la résistance au traitement, il apparaît que la compliance de la recourante, son adhésion aux différents traitements proposés – on peut notamment citer la psychothérapie proposée par la Dre B______ – et la prise d’antalgiques n’ont pas empêché une dégradation significative de son état de santé.

9.7.3 En ce qui concerne les comorbidités, les médecins traitants ont décrit l’interférence des autres troubles de la recourante, que ce soit au plan psychique sous la forme d’un épisode dépressif, ou en lien avec les capsulites successives qui ont très largement entamé les ressources adaptatives de la recourante, qui n’a plus été en mesure de faire face à l’augmentation de ses douleurs.

9.7.4 L’axe « Personnalité » n’a guère été pris en compte par les experts, le Dr H______ se contentant de signaler sur ce plan une certaine rigidité. On peut raisonnablement admettre qu’un tel trait, s’il n’est pas nécessairement pathologique, ne permet pas de présager favorablement des capacités d’adaptation de la recourante.

9.7.5 Le contexte social, qui n’a pas non plus été discuté par les experts, appelle les commentaires suivants. Les médecins traitants, en particulier la rhumatologue, ont exposé de manière convaincante que le parcours difficile de la recourante, marqué par un début d’activité professionnelle à un très jeune âge, quasiment concomitant au viol dont elle a été victime, suivie d’années de labeur physiquement contraignant, l’a épuisée. Cet épuisement et son incidence sur les ressources de la recourante ont également été constatés par le Dr F______ dans son expertise.

9.7.6 En ce qui concerne la cohérence, et en particulier la limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines de la vie, comme on l’a vu, les experts de l’intimé ont émis des opinions contradictoires. Quoi qu’il en soit, les journées de la recourante sont rythmées uniquement par ses rendez-vous médicaux et quelques courses occasionnelles. Elle ne peut plus assumer la plupart des tâches ménagères chez elle et est limitée à de petits travaux. Sa vie sociale est quasiment inexistante, à l’exception de quelques visites. Force est ainsi de conclure que la maladie a des répercussions importantes dans sa vie privée, ce que le Dr H______ admet d’ailleurs. La marche à laquelle la recourante s’adonne parfois relève d’une recommandation de la Dre B______, qui préconisait des exercices de mobilisation dans ses premiers rapports. L’autonomie que la recourante conserve dans les actes de la vie quotidienne n’est guère pertinente dans ce cadre, dès lors que le critère de gravité d’un trouble somatoforme douloureux n’est pas nécessairement subordonné à l’existence d’une impotence. Le fait qu’elle accompagne sa famille en vacances ne permet pas non plus d’exclure les lourdes répercussions de sa maladie sur son quotidien. Ce critère est ainsi également rempli.

9.7.7 Quant au poids de la souffrance, la recourante continue à consulter régulièrement ses médecins traitants et suit une psychothérapie. De plus, on peut admettre qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu’elle suit un traitement médicamenteux conséquent, contrairement à ce que semble suggérer le SMR. À ce sujet, on rappelle qu’il appartenait à l’intimé de requérir des mesures d’instruction s’il avait des doutes sur la compliance au traitement médicamenteux antalgique. Dans ce cadre, on peut aussi noter que la recourante a accepté la modification du traitement suggérée par le Dr H______, que la Dre C______ a mise en place selon son courriel du 27 octobre 2022. La collaboration aux options thérapeutiques préposées est ainsi elle aussi indicatrice de la souffrance vécue par la recourante.

9.8 Au vu de ce qui précède, l’analyse des critères jurisprudentiels précités à l’aune des diagnostics et des constats posés par les médecins traitants et les experts F______ et H______ permet d’admettre le caractère totalement incapacitant du trouble de la recourante, celle-ci ne disposant plus des ressources nécessaires à surmonter ce trouble.

La date de cette aggravation peut être fixée au 1er septembre 2020, conformément à ce qu’ont admis les experts en lien avec l’apparition de la capsulite de l’épaule droite. Aux termes de l’art. 88a al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201), si la capacité de gain de l’assuré ou sa capacité d’accomplir les travaux habituels se dégrade, ou si son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’aggrave, ce changement est déterminant pour l’accroissement du droit aux prestations dès qu’il a duré trois mois sans interruption notable. L’art. 29bis est toutefois applicable par analogie. Ce délai s'applique dans le cadre d'une procédure de révision (art. 17 LPGA) tendant à la modification (augmentation, réduction ou suppression) d'une rente précédemment allouée, ou lorsqu'une rente échelonnée dans le temps est accordée à titre rétroactif (arrêt du Tribunal fédéral 8C_623/2020 du 2 août 2021 consid. 4.2).

Partant, c’est trois mois après la survenance de l’aggravation que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité, soit dès le 1er décembre 2020.

La décision de l’intimé doit ainsi être annulée.

9.9 Au vu de l’issue du litige, la chambre de céans ne fera pas droit aux mesures d’instruction requises par la recourante, par appréciation anticipée des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 3.2).

10.         Compte tenu de ce qui précède, le recours est admis.

11.         Assistée par un avocat, la recourante a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA).

12.         La procédure en matière d’octroi de prestations d’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), l’intimé supporte l’émolument de procédure de CHF 200.-.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 3 octobre 2022.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2020.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'500.-.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le