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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1489/2022

ATAS/382/2023 du 30.05.2023 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1489/2022 ATAS/382/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2023

Chambre 6

En la cause

 

A______

Représentée par Me Andres PEREZ, avocat

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1962, originaire d’Algérie, suissesse depuis 1988, mariée, mère d’une fille B______, née le ______ 1995 (ci-après : B______) et d’un garçon C______, né le ______ 1999 (ci-après : C______), n’a plus exercé d’activité lucrative depuis 2005. Selon le fichier Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après OCPM), B______ et C______ sont domiciliés à l’adresse de leurs parents.

b. L'assurée a déposé une première demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI), le 27 septembre 2011, en invoquant une dépression existant depuis 2000. Par décision du 18 juin 2013, l'OAI a nié le droit de l'assurée aux prestations AI, décision confirmée sur recours par arrêt de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice du 9 décembre 2013 (ATAS/1207/2013).

B. a. L'assurée a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI, le 7 mars 2016, par l'intermédiaire de son nouveau psychiatre traitant, le docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, lequel a fait état d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée. Il a posé le diagnostic de trouble dépressif épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques (F33.3) ; la capacité de travail était nulle depuis le 12 janvier 2015, date à laquelle le suivi avait débuté.

b. Le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a conclu à une incapacité de travail totale dès janvier 2015, encore en cours.

c. Sur cette base, l'intimé a fait procéder à une enquête économique sur le ménage au domicile de l’assurée le 28 août 2017, en sa présence, celle de B______ et partiellement celle de son époux. Dans son rapport du 29 août 2017, l’enquêtrice (infirmière) a noté que les personnes vivant dans le ménage étaient l’époux, présent pour les repas à la maison, et ses deux enfants, en apprentissage, présents pour les repas du soir.

L’empêchement pondéré dans l'activité ménagère sans exigibilité était de 55% alors qu'il était de 25% avec exigibilité. L'exigibilité retenue de 30% était motivée par le fait que l'assurée vivait sous le même toit que son époux et ses deux enfants en âge adulte (18 et 22 ans). Les enfants pouvaient participer à la réalisation des tâches ménagères. B______ était actuellement présente à la maison car sans emploi et dans l'attente de terminer quelques cours théoriques pour la certification de son apprentissage.

d. L’OAI a rendu un projet de décision refusant une rente d'invalidité. Le statut d'assurée retenu était celui d'une personne non active, consacrant tout son temps à ses travaux habituels.

e. Par courrier du 22 septembre 2017, le psychiatre traitant a estimé l'empêchement à 90%.

f. Un rapport d'enquête économique sur le ménage du 16 octobre 2017 (ci-après : l’enquête de 2017), a annulé et remplacé celui du 29 août 2017, pour tenir compte des remarques faites par le Dr D______ ; l’enquêtrice a retenu un empêchement de 90% en ce qui concernait l’entretien du logement. Elle a établi un nouveau tableau, retenant un empêchement pondéré total de 61% et, avec une exigibilité de 30%, de finalement 31%.

g. Par décision du 20 octobre 2017, l'OAI a rejeté la demande de prestations du 8 mars 2016.

h. Le 14 novembre 2017, l'assurée, représentée par son conseil, a interjeté recours contre la décision susmentionnée, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à son annulation, à l'octroi d'une rente entière, à tout le moins un trois-quarts de rente à compter du 1er septembre 2016. L’enquêtrice n'avait pas tenu compte de l'invalidité complète du mari. L'enquêtrice n'avait en effet pas analysé concrètement quelle aide il pourrait bien apporter dans sa situation (dépression et alcoolisme), hormis les quelques tâches administratives dont il s'occupait apparemment. Le rapport relevait en outre que le repassage était exécuté par l'IMAD. Ainsi, l’enquête de 2017 ne pouvait se voir reconnaitre une valeur probante. Il y avait dès lors lieu de retenir au mieux une capacité résiduelle à s'occuper des tâches ménagères à hauteur de 10%.

i. La chambre de céans a entendu les parties en comparution personnelle, et procédé à l'audition du Dr D______ le 17 décembre 2018.

Le Dr D______ a notamment déclaré qu’il s’était rendu au domicile de l’assurée et qu’il avait trouvé un appartement en état normal de propreté, ce qui était rassurant ; la patiente était entourée de personnes qui se souciaient d’elle et l’aidaient dans le quotidien. Il y avait en tout cas B______.

j. Par arrêt du 26 août 2019 (ATAS/750/2019), la chambre de céans a partiellement admis le recours, annulé la décision du 20 octobre 2017 et alloué à la recourante un trois-quarts de rente d’invalidité du 1er septembre 2016 au 31 mars 2017. Elle a relevé que l’aggravation de l’état de santé depuis 2018, évoquée par le psychiatre traitant lors de l’audience, constituait un fait nouveau, survenu postérieurement à la décision querellée du 20 octobre 2017. Aussi la chambre de céans ne pouvait-elle en tenir compte.

k. Le 7 novembre 2019, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations et l’OAI est entré en matière le 15 avril 2020.

l. Le 29 septembre 2020, le Dr D______ a rempli un rapport médical AI, attestant d’un épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques totalement incapacitants ; l’assurée passait la plupart de son temps seule chez elle et était très impactée par le décès de sa mère en 2017.

m. A la demande de l’OAI, le docteur E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport le 15 septembre 2021, à teneur duquel l’assurée présentait des diagnostics incapacitants de trouble dépressif récurrent sévère sans symptômes psychotiques depuis février 2016 au présent, sauf durant trois mois, de trouble dépressif moyen en 2017, de trouble dépressif récurrent moyen avec syndrome somatique durant trois mois en 2017, de trouble panique depuis février 2016 au présent avec attaques de panique hebdomadaires ou quotidiennes selon les périodes et, non incapacitants, de traits mixtes de la personnalité anxieuse, émotionnellement labile et dépendante actuellement non décompensés. L’assurée ne faisait plus rien de son quotidien depuis février 2016, en dehors de quelques tâches ménagères ponctuelles, en étant fatiguée, triste, sans plaisirs et avec des attaques de panique quotidiennes dans un contexte de vécu de persécution avec phénomènes hypnagogiques et hypnopompiques. Une journée-type était décrite de la façon suivante : l’assurée se réveille vers 10h00, prend un petit déjeuner, regarde par la fenêtre ou reste sur le canapé. Très rarement, elle fait un peu de ménage, qui est fait essentiellement par B______ et en partie par son mari pour les tâches lourdes qui fait aussi les courses. B______ prépare le repas du soir. L’assurée n’a pas d’hobbies ou de loisirs. Elle regarde le téléjournal suisse avec sa famille sans vraiment écouter et fait une sieste l’après-midi. L’assurée est également aidée par l’IMAD et ne fait pas l’administratif. Elle se promène rarement en famille et jamais seule et accompagne rarement sa famille pour faire les courses. Sur le plan social, l’assurée présente un isolement social total depuis février 2016 en ayant des contacts uniquement avec sa famille, alors qu’elle avait des amis auparavant.

Les limitations fonctionnelles étaient actuellement sévères et présentes de façon uniforme dans tous les domaines d’activités. L’assurée ne gérait pas son quotidien et nécessitait l’aide totale de son mari, ses enfants, sa famille et l’IMAD. La capacité de travail était nulle depuis février 2016.

n. Le 22 septembre 2021, le SMR a estimé que la capacité de travail était nulle dans toute activité depuis février 2016 et qu’aucun traitement n’était exigible.

o. Le 7 décembre 2021, l’OAI a diligenté une enquête à domicile chez l’assurée, concluant, dans un rapport du 8 décembre 2021 (ci-après : l’enquête de 2021), à un empêchement pondéré de 67,8% et, avec une exigibilité de finalement 30%, de 37,8%.

p. Par projet de décision du 13 janvier 2022, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le degré d’invalidité de la recourante était de 37,8%.

q. Le 16 février 2022, l’assurée, représentée par un avocat, a contesté les empêchements retenus et souligné que B______ séjournait à l’étranger, C______ était actuellement à l’armée et son époux souffrait d’une sclérose en plaques invalidante, de sorte que le taux d’invalidité dans le ménage était à tout le moins de 70%.

r. L’infirmière en charge de l’enquête ménagère a indiqué que l’état de santé était resté le même depuis février 2016, de sorte que les empêchements retenus précédemment pouvaient être confirmés. Il n’y avait aucun élément prouvant le domicile de B______ à l’étranger, l’époux pouvait participer aux tâches ménagères légères et C______ aidait aux tâches ménagères tout le week-end.

s. Par décision du 21 mars 2022, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

C. a. Le 9 mai 2022, l’assurée, représentée par son avocat, a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre de céans, en faisant valoir que les répercussions sur les activités quotidiennes des atteintes à la santé avaient augmenté, de sorte que les empêchements retenus lors de la précédente enquête ménagère ne pouvaient être repris tels quels. Par ailleurs, l’exigibilité retenue des proches était trop importante. Elle a conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité.

b. Le 9 juin 2022, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que l’enquête de 2021 avait tenu compte des constatations d’ordre médical relatives à la capacité de la recourante d’accomplir les travaux habituels. Il n’y avait pas de nouvelles limitations fonctionnelles depuis février 2016. L’exigibilité des proches retenue n’était pas déraisonnable.

c. Le 26 juillet 2022, la recourante a répliqué, en précisant que C______ était actuellement aux États-Unis et B______ en voyage, ce qui était attesté par des tampons apposés dans le passeport de celle-ci et deux attestations d’agences selon lesquelles B______ était en voyage à l’étranger du 15 mars au 14 avril 2022 et du 6 au 29 mai 2022 (F______) et qu’elle faisait partie de l’agence depuis le 1er novembre 2021, de sorte qu’elle était très souvent à l’agence de Paris (G______), ainsi qu’une attestation de B______ selon laquelle, dans les faits, elle n’habitait plus avec sa mère depuis décembre 2021.

d. À la demande de la chambre de céans, l’époux de la recourante a autorisé la transmission de son dossier AI dans la présente procédure, ce qui a été effectué le 10 août 2022. Dans le dossier de l’époux de l’assurée, figurent :

-        un rapport du SMR du 11 novembre 2010, selon lequel l’assuré présente une sclérose en plaques depuis 1988 avec hémiparésie droite sévère du membre supérieur et un syndrome tétra-pyramidal empêchant la conduite. L’atteinte neurologique était bien avancée et l’incapacité de travail était totale ;

-        une décision du 20 juin 2011, allouant à l’assuré une rente entière d’invalidité fondée sur un degré d’invalidité de 100% ;

-        un rapport d’enquête au domicile de l’assuré, concluant au besoin d’aide régulière et importante de celui-ci pour trois actes ordinaires de la vie dès février 2014, puis quatre dès avril 2015 ;

-        une décision du 9 février 2015, allouant à l’assuré une allocation pour impotent de degré léger du 1er février au 30 juin 2015 et de degré moyen depuis le 1er juillet 2015 ;

-        un rapport de la Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaires du 1er novembre 2019, relevant que la maladie de l’assuré engendrait une perte de force musculaire généralisée, et de façon plus prononcée à l’hémicorps droit, ses mouvements étaient plus lents avec comme conséquence des réflexes amoindris, ce qui avait engendré plusieurs chutes ; néanmoins, la marche était toujours possible et il était important de la stimuler le plus possible ; bien qu’elle soit lente, l’assuré marchait régulièrement et n’utilisait pas de canne ; la jambe droite ayant perdu la fonction des muscles releveurs, le pied était tombant et lors de la charge, le genou avait tendance à partir en rétroversion ; le rapport indiquait que l’orthèse tibiale droite demandée correspondait aux besoins actuels de l’assuré ;

-        deux communications de l’OAI du 9 novembre 2019 prenant en charge en faveur de l’assuré les frais de chaussures orthopédiques spéciales et d’une orthèse de la jambe ;

-        un questionnaire pour la révision de l’allocation pour impotent rempli par l’assuré et mentionnant qu’il avait besoin de l’assistance de son épouse pour préparer les repas, faire les courses et entretenir le logement.

e. Le 25 août 2022, l’OAI a dupliqué, en relevant qu’au moment de la décision litigieuse, C______ aidait la recourante les week-ends, que l’époux réchauffait les repas préparés par son amie H______, qu’il faisait la vaisselle et gérait les tâches administratives et, enfin, que B______ était encore domiciliée chez elle, les attestations produites ne démontrant pas le contraire.

f. Le 2 septembre 2022, l’assurée a relevé que selon le SMR, son époux était totalement incapable de travailler, avec une atteinte qui évoluait défavorablement et qu’il bénéficiait d’une allocation pour impotent de degré moyen. Une exigibilité globale de 30% ne pouvait être retenue, l’époux ayant lui-même besoin d’aide et les enfants n’étant plus présents au domicile familial.

g. Le 5 septembre 2022, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a précisé que B______ avait quitté le logement familial depuis fin décembre 2021, qu’elle faisait de la téléréalité et participait à des tournages à l’étranger. Quant à C______, il avait fait un service militaire de dix mois qui s’était terminé en mai 2022 et était ensuite parti aux États-Unis. Son époux, qui souffrait de sclérose en plaques, aidait rarement. Son amie H______ venait l’aider et préparait les repas pour la semaine.

La représentante de l’OAI a indiqué que c’était surtout l’aide des enfants qui avait été prise en compte dans l’exigibilité de 30%.

h. Le 30 septembre 2022, l’assurée a communiqué les pièces suivantes et relevé que B______ n’était plus domiciliée chez elle depuis au moins décembre 2021 :

-        une attestation de F______ à Boulogne-Billancourt, selon laquelle B______ était à l’étranger du 15 mars au 14 avril 2022 et du 6 au 29 mai 2022 ;

-        une attestation de G______ à Paris, selon laquelle B______ était influenceuse au sein de leur agence et en déplacements constants en France depuis décembre 2021 ; elle passait prendre des produits plusieurs fois par semaine à l’agence ;

-        une attestation de I______ à Neuilly-sur-Seine, selon laquelle B______ avait travaillé pour eux du 6 septembre au 6 octobre 2021 ;

-        des captures d’écran du compte Instagram J______, montrant des photos de B______ à l’étranger entre le 23 octobre et le 28 décembre 2021.

i. Le 20 octobre 2022, l’OAI a observé que les enfants de la recourante vivaient avec celle-ci au moment de l’enquête de 2021, de sorte qu’une exigibilité de 30%, compte tenu également de l’aide de l’époux, était confirmée.

j. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur son degré d’empêchement dans le ménage.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne une demande de rente d’invalidité du 7 novembre 2019 et une aggravation éventuelle des empêchements ménagers de la recourante antérieurs au 1er janvier 2022, de sorte que les modifications de la LAI précitées ne sont pas pertinentes et les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

4.2 Pour les personnes sans activité rémunérée, qui sont aussi couvertes par la LAI, la loi consacre une conception particulière de l'invalidité, qui substitue la capacité d’accomplir les travaux habituels à la capacité de gain; est déterminant l'empêchement, causé par l'atteinte à la santé, d'accomplir les travaux habituels, comme la tenue du ménage, l'éducation des enfants, les achats, ainsi que toute activité artistique ou d'utilité publique (art. 8 al. 3 LPGA, auquel renvoie l'art. 5 al. 1 LAI ; art. 27 RAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré ou, si une sphère ménagère doit être prise en compte, sur sa capacité d’accomplir les travaux habituels (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1 ; ATAS/502/2017 du 20 juin 2017 consid. 4b).

4.3 Chez les assurés travaillant dans le ménage, le degré d'invalidité se détermine, en règle générale, au moyen d'une enquête économique sur place, alors que l'incapacité de travail correspond à la diminution - attestée médicalement - du rendement fonctionnel dans l'accomplissement des travaux habituels (ATF 130 V 97).

4.3.1 Selon la jurisprudence, une enquête ménagère effectuée au domicile de la personne assurée constitue en règle générale une base appropriée et suffisante pour évaluer les empêchements dans l’accomplissement des travaux habituels. En ce qui concerne la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, il est essentiel qu’il ait été élaboré par une personne qualifiée qui a connaissance de la situation locale et spatiale, ainsi que des empêchements et des handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place. Si toutes ces conditions sont réunies, le rapport d’enquête a pleine valeur probante. Lorsque le rapport constitue une base fiable de décision dans le sens précité, le juge n’intervient pas dans l’appréciation de l’auteur du rapport sauf lorsqu’il existe des erreurs d’estimation que l’on peut clairement constater ou des indices laissant apparaître une inexactitude dans les résultats de l’enquête (ATF 129 V 67 consid. 2.3.2 non publié au Recueil officiel mais dans VSI 2003 p. 221 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 733/06 du 16 juillet 2007).

4.3.2 Même si, compte tenu de sa nature, l'enquête économique sur le ménage est en premier lieu un moyen approprié pour évaluer l'étendue d'empêchements dus à des limitations physiques, elle garde cependant valeur probante lorsqu'il s'agit d'estimer les empêchements que l'intéressé rencontre dans ses activités habituelles en raison de troubles d'ordre psychique. En présence de tels troubles, et en cas de divergences entre les résultats de l'enquête économique sur le ménage et les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, celles-ci ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile. Une telle priorité de principe est justifiée par le fait qu'il est souvent difficile pour la personne chargée de l'enquête à domicile de reconnaître et d'apprécier l'ampleur de l'atteinte psychique et les empêchements en résultant. Pour l'application du droit dans le cas concret, cela signifie qu'il convient d'évaluer à la lumière des exigences développées par la jurisprudence la valeur probante des avis médicaux et du rapport d'enquête économique sur le ménage, puis, en présence de prises de position assorties d'une valeur probante identique, d'examiner si elles concordent ou se contredisent. Dans cette seconde hypothèse, elles doivent être appréciées au regard de chacune des questions particulières, plus de poids devant cependant être accordé aux rapports médicaux dans la mesure où il s'agit d'évaluer un aspect médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_108/2009 du 29 octobre 2009 consid. 4.1 et les références).

4.3.3 Pour satisfaire à l'obligation de réduire le dommage (voir ATF 129 V 460 consid. 4.2 et ATF 123 V 230 consid. 3c ainsi que les références), une personne qui s'occupe du ménage doit faire ce que l'on peut raisonnablement attendre d'elle afin d'améliorer sa capacité de travail et réduire les effets de l'atteinte à la santé; elle doit en particulier se procurer, dans les limites de ses moyens, l'équipement ou les appareils ménagers appropriés. Si l'atteinte à la santé a pour résultat que certains travaux ne peuvent être accomplis qu'avec peine et nécessitent beaucoup plus de temps, on doit néanmoins attendre de la personne assurée qu'elle répartisse mieux son travail (soit en aménageant des pauses, soit en repoussant les travaux peu urgents) et qu'elle recoure, dans une mesure habituelle, à l'aide des membres de sa famille. Dans le cadre de l'évaluation de l'invalidité dans les travaux habituels, l'aide des membres de la famille (en particulier celle des enfants et du conjoint) va au-delà de ce que l'on peut attendre de ceux-ci, si la personne assurée n'était pas atteinte dans sa santé (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 308/04 et I 309/04 du 14 janvier 2005 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 681/02 du 11 août 2003). Il y a lieu de se demander quelle attitude adopterait une famille raisonnable, dans la même situation et les mêmes circonstances, si elle devait s'attendre à ne recevoir aucune prestation d'assurance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 257/04 du 17 mars 2005 consid. 5.4.4 ; ATF 133 V 504 consid. 4.2). Un empêchement ne peut être pris en compte que si ledit assuré ne parvient plus à exécuter la tâche en question et si cette tâche doit être confiée à des tiers rétribués ou à des proches qui enregistrent de ce fait une perte de gain ou pour lesquels cela représente une charge disproportionnée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 518/2004 du 25 novembre 2005 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_491/2008 consid. 3 du 21 avril 2009). Il convient donc d’examiner dans chaque cas si la personne est encore en mesure d’exécuter la tâche en question et, dans la négative, si une tierce personne rétribuée ou un de ses proches s’en occupe.

5.             Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

5.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

5.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.              

6.1 Quand l'administration entre en matière sur une nouvelle demande (art. 87 al. 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI – RS 831.201]), elle doit examiner la cause sur le fond et déterminer si la modification du degré d’invalidité rendue plausible par l’assuré a effectivement eu lieu. En cas de recours, cet examen matériel incombe au juge (ATF 117 V 198 consid. 3a).

Selon la jurisprudence, l'administration doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 545 consid. 6), c'est-à-dire comparer les circonstances existant lorsque la nouvelle décision est prise avec celles qui existaient lorsque la dernière décision reposant sur un examen matériel du droit à la rente est entrée en force (ATF 133 V 108 consid. 5), pour apprécier si dans l'intervalle est intervenue une modification sensible du degré d'invalidité justifiant désormais l'octroi d'une rente. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; 130 V 343 consid. 3.5.2).

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain (ou sur l’accomplissement des travaux habituels) ont subi un changement important (cf. ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 526/01 du 6 mai 2002 consid. 1a) ; en outre, un changement survenu dans les travaux habituels de l’intéressé peut également constituer un motif de révision (ATF 105 V 30 consid. 1b et les références).

6.2 Selon l’art. 88a al. 2 RAI, si la capacité de gain de l’assuré ou sa capacité d’accomplir les travaux habituels se dégrade, ou si son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’aggrave, ce changement est déterminant pour l’accroissement du droit aux prestations dès qu’il a duré trois mois sans interruption notable. L’art. 29bis est toutefois applicable par analogie.

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.              

8.1 En l’occurrence, l’intimé a fixé le degré d’invalidité de la recourante à 38% et a constaté que ce taux n’ouvrait pas de droit à une rente d’invalidité. Il s’est fondé sur l’enquête de 2021, concluant à un empêchement pondéré sans exigibilité de la recourante de 67,8% et, avec exigibilité, de 37,8%.

8.2 La recourante conteste l’enquête précitée au motif, d’une part, que la répercussion des diagnostics sur ses activités quotidiennes est plus importante et que ses limitations fonctionnelles n’ont pas été détaillées, d’autre part, que l’exigibilité s’est modifiée, B______ ayant quitté le domicile familial, C______ étant à l’armée puis à l’étranger et qu’aucune exigibilité ne peut être retenue pour son époux, lequel est au bénéfice d’une allocation pour impotent. La pondération du champ d’activité n’est, en revanche, pas contestée.

9.              

9.1 S’agissant de l’état de santé de la recourante, l’intimé a retenu, sur la base de l’expertise du Dr E______ du 15 septembre 2021 - dont la valeur probante n’est pas contestée - une incapacité de travail totale de la recourante depuis février 2016, en raison de diagnostics de trouble dépressif récurrent sévère sans symptômes psychotiques (sauf durant trois mois en 2017) et trouble panique avec attaques de panique hebdomadaires ou quotidiennes selon les périodes. Les limitations fonctionnelles étaient sévères (ralentissement psychomoteur sévère, trouble de la concentration objectif, fatigue objectivable, tristesse sévère la plupart de la journée, attaques de panique quotidiennes, faible estime de soi, isolement social quasi-total avec anhédonie et aboulie). La recourante ne gérait pas son quotidien et nécessitait l’aide totale des proches et de l’IMAD pour faire les courses, l’administration, le ménage, préparer les repas, sortir se promener, faire les lessives, etc.

9.1.1 Selon l’expert E______, les limitations fonctionnelles présentes lors de son examen l’étaient déjà depuis février 2016 (hormis durant trois mois courant 2017). Il n’a pas relevé une aggravation de l’état de santé depuis février 2016. Le rapport du Dr D______ du 29 septembre 2020 ne fait pas non plus état d’une aggravation de l’état de santé de la recourante depuis le début de son suivi en 2015, hormis la survenance, trois mois plus tôt, d’hallucinations, lesquelles n’ont toutefois pas été retenues par l’expert E______ (qui évoque plutôt des phénomènes hypnagogiques et hypnopompiques).

Au demeurant, l’état de santé de la recourante, du point de vue psychiatrique, n’a pas présenté, selon les médecins psychiatres, de réelle aggravation depuis l’enquête économique sur le ménage précédente du 28 août 2017.

En conséquence, il n’y a pas en principe lieu de s’écarter, du point de vue des diagnostics psychiatriques, de l’évaluation des empêchements telle que retenue dans l’enquête du 7 décembre 2021.

9.1.2 En revanche, les informations récoltées sur le terrain par l’enquêtrice ont montré une aggravation des empêchements de la recourante dans deux domaines, soit ceux de l’alimentation et des achats. En effet, en 2017, la recourante préparait encore elle-même deux à trois repas par semaine (l’enquête de 2017 p. 5) alors qu’en 2021, elle dit ne plus cuisiner du tout, tâche qui est assumée par son amie H______ et son époux (l’enquête de 2021 p. 4) ; en outre, la recourante faisait en 2017 ses courses en France accompagnée d’une amie et des courses légères dans le quartier avec B______ (l’enquête de 2017 p. 6) alors qu’en 2021 la recourante dit ne plus sortir faire ses courses comme elle le faisait encore en 2017 (l’enquête de 2021 p. 6). S’agissant de ces deux postes, l’enquête a relevé que c’était principalement un tiers, soit l’amie de la recourante, H______, qui les effectuait. En effet, H______ cuisinait pour le couple et se chargeait de la vaisselle que l’époux de la recourante ne pouvait assumer (l’enquête de 2021 p. 4). En outre, H______ ainsi que le frère de la recourante se chargeaient des courses complémentaires à celles effectuées par C______ (l’enquête de 2021 p. 6). Il convient en conséquence de retenir une péjoration des capacités de la recourante dans ces deux domaines, telle que décrite par l’enquêtrice elle-même, étant relevé que les explications de la recourante sont fiables, l’expert E______ ayant souligné que celle-ci était une personne sans incohérences, authentique, qui n’exagérait pas la journée-type ou les activités encore possibles (expertise du Dr E______ p. 44), ce que l’enquêtrice n’a d’ailleurs pas mis en doute.

9.2 Compte tenu des descriptions retenues dans l’enquête de 2021, il convient d’augmenter l’empêchement, d’une part, dans le domaine de l’alimentation, de 60% à 90%, la recourante n’assumant que très partiellement la vaisselle et le débarrassage de la table (l’enquête de 2021 p. 4 et expertise du Dr E______ p. 25), d’autre part, dans le domaine des achats, de 30 à 90% également, la recourante n’accompagnant que rarement sa famille pour faire les courses. Par ailleurs, n’ayant jamais assumé les tâches administratives (l’enquête de 2021 p. 6), celles-ci ne doivent pas être prises en compte dans la liste des activités, dans la pondération des activités ou, encore, dans l’évaluation des limitations (CIIAI - circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité, état au 1er janvier 2021 - n. 3089).

9.3 L’empêchement pondéré sans exigibilité est ainsi de 85,2%, soit :

-        Alimentation 34,2% (90% x 38%)

-        Entretien du logement 32% (100% x 32%)

-        Achats 9% (90% x 10%)

-        Lessive et entretien des vêtements 10% (50% x 20%)

Ce taux, certes élevé, est cependant cohérent avec les constatations de l’expert E______ qui a relevé que la recourante nécessite l’aide totale de tiers pour les tâches ménagères.

10.         Il convient d’examiner le taux d’exigibilité fixé à 30% par l’enquêtrice.

10.1 S’agissant de l’exigibilité de B______, il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que celle-ci ne vit plus depuis à tout le moins décembre 2021 au domicile familial.

10.1.1 A cet égard, la recourante a produit des attestations d’employeurs, selon lesquelles B______ avait travaillé à Paris du 6 septembre au 6 octobre 2021, puis était en déplacements constants en France depuis novembre 2021 jusqu’à septembre 2022 et à l’étranger du 15 mars au 14 avril 2022 et du 6 au 29 mai 2022. Selon la recourante, B______ se consacrait à une activité en lien avec la téléréalité et vivait à Paris ; elle ne rentrait plus jamais dormir chez ses parents.

Ces déclarations sont confortées par l’enquête de 2021, laquelle mentionne qu’elle s’est déroulée uniquement en présence de la recourante et de l’amie de celle-ci, H______, alors que B______ était présente lors de l’enquête de 2017. Malgré l’indication que B______ vit toujours au domicile parental (l’enquête de 2021 p. 2), la description de la journée-type de la recourante montre que, dans les faits, elle n’est plus présente. Le rapport mentionne d’ailleurs qu’elle ne prend plus ses repas en famille (l’enquête de 2021 p. 3) et que les travaux ménagers que la recourante ne peut plus assumer étaient pris en charge en 2017 par B______ (l’enquête de 2017 p. 7), ce qui n’est plus le cas en 2021 (l’enquête de 2021 p. 4). Il est relevé que la recourante reçoit la visite et l’aide de son amie H______, de son frère, de son époux, sans mention des enfants du couple (l’enquête de 2021 p. 4). Dans la description du poste « alimentation », il est relevé que c’est son amie H______ qui prépare les repas et son époux qui les réchauffe et que B______ ne participe plus aux repas familiaux et n’apporte aucune aide pour le poste alimentation ou gestion de la vaisselle (l’enquête de 2021 p. 4). S’agissant de l’entretien du logement, il est encore souligné que la recourante ne peut plus compter sur l’aide de B______ qui se montre de moins en moins présente à la maison en journée, ce qui expliquait qu’elle se faisait aider par H______ et par son frère (l’enquête de 2021 p. 5). Enfin, B______ n’est pas citée lors de la description de la répartition des autres tâches (achats, lessive et entretien des vêtements - l’enquête de 2021 p. 6). Il ressort de cette description que l’organisation familiale s’est profondément modifiée depuis l’enquête de 2017, laquelle mentionnait l’aide de B______ dans la plupart des tâches ménagères : en effet, s’agissant de la conduite du ménage, B______ aidait la recourante pour une partie du ménage, celle-ci la sollicitant pour effectuer certaines tâches ; B______ prenait aussi des initiatives dans l’organisation des tâches (l’enquête de 2017 p. 4) ; s’agissant de l’alimentation, B______ cuisinait parfois des plats très simples et se chargeait de la vaisselle avec C______, à tour de rôle (l’enquête de 2017 p. 5) ; s’agissant de l’entretien du logement, B______ entretenait sa chambre et participait à l’aspirateur et au nettoyage courant de la salle de bains et des WC (l’enquête de 2017 p. 5) ; s’agissant des emplettes et courses diverses, B______ accompagnait la recourante pour des courses légères et assumait quotidiennement l’achat de produits frais (l’enquête de 2017 p. 6) ; enfin, s’agissant de la lessive et de l’entretien des vêtements, B______ étendait le linge (l’enquête de 2017 p. 6).

Enfin, le maintien de l’inscription de B______ au domicile de ses parents auprès de l’OCPM ne constitue qu’un indice et, vu les éléments apportés par la recourante, n’est, en l’occurrence, pas déterminant pour établir le domicile de B______.

10.1.2 Au vu de ce qui précède, c’est à tort que l’enquêtrice a retenu une exigibilité de B______, laquelle dès décembre 2021 ne vivait plus avec ses parents, soit ne faisait plus partie de la communauté familiale (ATF 133 V 504 consid. 4.2), de sorte qu’aucune tâche ménagère n’est exigible de sa part.

10.2 Quant à C______, il n’est pas contesté qu’au moment de la décision litigieuse, il effectuait un service miliaire long (dix mois), de sorte qu’il n’était présent au domicile de ses parents qu’un week-end tous les quinze jours et qu’il est ensuite parti séjourner aux États-Unis. Il est en effet relevé que C______ aide lorsqu’il est présent les week-ends (l’enquête de 2021 p. 4) et fait les courses en France avec sa propre voiture lors de ses congés de l’armée, soit tous les quinze jours (l’enquête de 2021 p. 6).

10.2.1 À cet égard, l’enquêtrice a retenu de façon correcte qu’une exigibilité pouvait être prise en compte pour l’aide de C______. Celle-ci doit cependant être moindre que lors de l’enquête de 2017, dès lors qu’à cette époque C______, qui était en cours d’apprentissage, était présent chez ses parents toute la semaine et se chargeait notamment de la vaisselle et de l’entretien de sa chambre (l’enquête de 2017 p. 5).

10.2.2 Dans ces conditions, une exigibilité peut être retenue pour C______ pour les postes achats - qu’il assumait presque totalement - à un taux de 30% et pour ceux de l’entretien du logement et de la lessive à un taux de 10%, sa présence au domicile familial étant limitée, au moment de la décision litigieuse, à deux week-ends par mois.

10.3 Enfin, l’exigibilité de l’époux de la recourante doit également être relativisée, compte tenu de l’atteinte à la santé de celui-ci.

10.3.1 En effet, il ressort de son dossier de l’assurance-invalidité qu’il bénéficie d’une rente entière d’invalidité et d’une allocation pour impotent de degré moyen, en raison d’une maladie de sclérose en plaques, laquelle entraine des limitations fonctionnelles importantes ; l’atteinte neurologique est jugée bien avancée et l’incapacité de travail est totale (rapport du SMR du 11 novembre 2020). Il ressort par ailleurs de l’enquête de 2021 que l’époux de la recourante assume certaines tâches ménagères dans une mesure très restreinte, soit réchauffe les repas préparés par H______ et fait en partie la vaisselle (l’enquête de 2021 p. 4). L’intimé a d’ailleurs précisé que c’était surtout l’exigibilité des enfants qui fondait le taux de 30%, celle de l’époux étant moindre (procès-verbal d’audience du 5 septembre 2022).

10.3.2 Dans ces conditions, une exigibilité qui ne dépasse pas 10% peut lui être imputée, uniquement pour le poste alimentation.

11.         Au demeurant, compte tenu de l’exigibilité de l’époux et de C______, l’empêchement pondéré avec exigibilité est de 73,2% soit :

-        Alimentation 30,4% [(90% - 10%) x 38%]

-        Entretien du logement 28,8% [(100% - 10%) x 32%]

-        Achats 6% [(90% - 30%) x 10%]

-        Lessive et entretien des vêtements 8% [(50% - 10%) x 20%]

Un degré d’invalidité de 73% ouvre le droit à une rente entière d’invalidité.

12.         Partant, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mars 2022, soit trois mois après la modification de sa situation, survenue en décembre 2021 (art. 88a al. 2 RAI). En effet, l’exigibilité des proches s’est modifiée courant 2021 avec principalement le départ de B______ du domicile familial ; l’aggravation des empêchements de la recourante dans les postes achats et alimentation, dès lors qu’elle a été constatée lors de l’enquête de 2021, doit également être considérée comme survenue courant décembre 2021 ; enfin, C______ effectuait déjà en décembre 2021 son service militaire.

13.         Pour le surplus, la recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 21 mars 2022.

4.        Dit que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er mars 2022.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 3'000.- à titre de dépens, à charge de l’intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le