Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2928/2022

ATAS/363/2023 du 04.05.2023 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2928/2022 ATAS/363/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 mai 2023

Chambre 3

 

En la cause

Madame A______

recourante

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1962, a été engagée le 1er octobre 2012 en qualité de responsable des dossiers administratifs.

b. Le 31 octobre 2012, pendant le temps d'essai et jour où elle s’est vu signifier son licenciement avec effet au 7 novembre 2012, l’assurée a été victime d'un accident (chute dans les escaliers) lui occasionnant des blessures à la cheville, au coude et à l’épaule gauches, ainsi qu’à la colonne cervicale.

c. Le jour même, l’assurée s’est rendue à la Clinique chirurgicale des Acacias, où la docteure B______ a posé le diagnostic de cervicalgie et omalgie post-traumatiques. Deux jours plus tard, le docteur C______ a constaté des contusions aux coude, cheville et épaule gauches et une légère entorse cervicale.

B. a. Le 22 janvier 2014, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI), en invoquant l'atteinte à la santé d'origine accidentelle survenue le 31 octobre 2012.

b. Par décision du 23 novembre 2016, l'OAI lui a reconnu le droit à une rente entière à compter du 1er juillet 2014. Il a retenu qu'une première atteinte à la santé (somatique) avait entraîné une incapacité à exercer la moindre activité du 31 octobre 2012 au 31 août 2014 ; une deuxième (d'ordre psychiatrique), apparue en mars 2013, avait également entraîné une totale incapacité de travail, de mars à novembre 2013, puis à partir du 4 juin 2014.

C. a. Pour sa part, la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA), qui avait pris en charge les suites de l’événement, a mis un terme à ses prestations avec effet au 31 août 2014, date au-delà de laquelle elle a considéré qu’il n’y avait plus de trouble somatique et que les troubles psychiques n’étaient plus en lien avec l’accident (cf. décision sur opposition du 30 septembre 2014). Cette décision a été rendue à l’issue d’une instruction comportant, notamment un rapport de la Clinique romande de réadaptation (CRR), dans laquelle l’assurée a séjourné du 8 avril au 6 mai 2014, retenant les diagnostics de trouble de l’adaptation avec réaction mixte, anxieuse et dépressive au décours et d’éventuel trouble crânio-cérébral de degré léger ne laissant pas de séquelles.

b. Saisie d’un recours de l’assurée, la Cour de céans l’a rejeté par arrêt du 16 mars 2015 (ATAS/198/2015). Sur le plan physique, elle a confirmé que l’accident du 31 octobre 2012 n’avait plus d'incidence sur la capacité de travail de l’intéressée. Quant aux troubles psychiques, les psychiatres en attribuaient unanimement la cause au conflit professionnel – et non aux conséquences de la chute en tant que telle. Cet arrêt est entré en force.

D. a. Le 14 novembre 2017, l’assurée a saisi la Cour de céans d’une demande en paiement dirigée contre la FONDATION COLLECTIVE LPP SWISS LIFE (ci-après : la fondation), à laquelle elle avait été affiliée en octobre 2012 par le biais de son employeur pour la prévoyance professionnelle. Elle concluait à l’octroi d’une rente d'invalidité en invoquant une incapacité de travail ayant débuté en octobre 2012. La fondation la lui refusait, au motif que l’invalidité était due à un trouble psychique n’ayant entraîné une incapacité de travail qu’à partir de mars 2013, date à laquelle l’intéressée ne lui était plus affiliée.

b. Saisie d’une demande en paiement de l’assurée à l’encontre de la fondation, la Cour de céans, par arrêt du 25 octobre 2018 (ATAS/991/2018), l’a rejetée.

c. Saisi d’un recours interjeté par l’assurée, le Tribunal fédéral l’a rejeté par arrêt du 19 février 2019 (9C_841/2018).

d. L’assurée a saisi le Tribunal fédéral d’une demande en révision de son arrêt du 19 février 2019 en se prévalant du fait que si la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie, avait mis fin à son suivi fin novembre 2013, ce n’était pas en raison d’une amélioration de son état de santé, mais seulement parce que la SUVA avait refusé – à tort – de prendre en charge le règlement de ses honoraires. La docteure lui ayant ensuite refusé l’accès à son dossier médical, elle n’avait pu entrer en possession de tous les moyens de preuve qui lui auraient permis de prouver l’existence d’une incapacité de travail pour motifs psychologiques durant les rapports de prévoyance.

Cette demande en révision a été rejetée par le Tribunal fédéral (cf. arrêt du 5 novembre 2019 [9F_8/2019]). Notre Haute Cour a fait remarquer que l’intéressée aurait pu et dû invoquer le litige qui portait sur l’accès à l’intégralité de son dossier médical au cours de la procédure précédente.

e. Saisi d’une nouvelle demande de révision, d’interprétation et de rectification de ses arrêts des 19 février et 5 novembre 2019, le Tribunal fédéral l’a rejetée par arrêt du 6 août 2020 (9F_1/2020).

A l’assurée qui lui reprochait de ne pas avoir cherché à établir formellement si elle avait recouvré une pleine capacité de travail de décembre 2013 à juin 2014, le Tribunal fédéral a répondu que ses critiques à l’encontre de la motivation de l’arrêt 9F_8/2019 ne pouvaient être reçues, puisque cette motivation n’était pas sujette à révision. L’éventualité d’une inadvertance du Tribunal ne pouvait être non plus retenue. À cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé que le moyen extraordinaire de la révision ne servait pas à guérir de précédentes erreurs de procédure des parties. Or, comme il l’avait déjà rappelé à l’assurée, celle-ci aurait pu et dû, compte tenu de son obligation de diligence, invoquer le litige qui portait sur l’accès à l’intégralité de son dossier médical au cours de la procédure 9C_841/2018. Ne l’ayant pas fait en temps utile, elle était forclose et ne pouvait reprocher au Tribunal fédéral de ne pas avoir tenu compte de ces éléments.

f. Une troisième demande de révision de l’assurée a été déclarée irrecevable par le Tribunal fédéral le 24 octobre 2022 (arrêt 9F_12/2022).

g. Le 28 mars 2023, l’assurée a saisi le Tribunal fédéral d’une quatrième demande de révision.

E. a. Dans l’intervalle, par courriers datés des 25 janvier et 15 mai 2019, l’assurée a déposé auprès de la SUVA une demande en réparation du dommage (pièce 488).

b. Par courrier du 30 août 2019, la SUVA lui a répondu qu’elle considérait que sa responsabilité n’était pas engagée (pièce 516).

c. La SUVA a accepté de renoncer à se prévaloir de l’exception de prescription jusqu’au 31 octobre 2020 (pièce 527).

d. Par courrier du 16 avril 2021, l’assurée a annoncé à la SUVA qu’elle déposait une « plainte concernant plusieurs erreurs commises ». Elle réclamait la réparation du préjudice dont elle s’estimait victime en raison des erreurs commises par la SUVA dans la gestion du sinistre survenu en octobre 2012.

e. Le 23 novembre 2021, l’assurée a confirmé sa demande en réparation et prié la SUVA de statuer.

f. Par décision du 20 juillet 2022, la SUVA a rejeté la demande en réparation.

g. Par écriture du 13 septembre 2022, expédiée le jour suivant, l’assurée a interjeté recours contre cette décision.

En substance, elle s’estime victime d’un préjudice financier « irréparable et moral considérable », « broyée dans un imbroglio judiciaire à cause des manquements de la SUVA ». Elle considère qu’elle aurait pu prétendre le versement d’une rente de la part de la fondation de prévoyance professionnelle. La SUVA serait également responsable du dépôt tardif de sa demande de prestations de l’assurance-invalidité.

L’assurée demande réparation de ses dommages, qu’elle évalue à CHF 50'000.- d’atteinte à l’intégrité, CHF 5'000.- de tort moral et CHF 7'000.- de frais et dépens (sic).

h. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 13 décembre 2022, a conclu au rejet du recours.

i. Dans sa réplique du 16 janvier 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions en produisant ce qu’elle considère comme un nouvel élément de preuve, à savoir une décision de la Commission de surveillance des professionnels de la santé (ci-après : la commission de surveillance), datée du 13 décembre 2022.

Il ressort de cette décision que l’assurée a déposé une plainte contre la Dre D______, à qui elle reprochait de ne pas avoir, dans le cadre d’une procédure introduite pour obtenir le versement d’une rente de la prévoyance professionnelle, transmis les informations voulues et d’avoir ignoré ses démarches pour la contacter, ce qui l’aurait empêchée de faire valoir ses droits correctement dans le cadre de ladite procédure. Elle lui reprochait également d’avoir mis un terme au suivi thérapeutique suite à une confusion dans le paiement de ses honoraires.

Par décision du 16 juin 2019, le Bureau de la commission de surveillance a procédé au classement de la plainte. Il a notamment constaté que l’argumentaire des instances judiciaires ne se basait pas exclusivement sur des documents signés par le médecin mis en cause qui ne pouvait dès lors être tenu pour responsable du fait que sa patiente n’avait pas obtenu les prestations qu’elle sollicitait. S’agissant de l’arrêt du suivi thérapeutique, il a rappelé que la relation thérapeutique relevait du contrat de mandat, lequel pouvait être résilié en tout temps. Qui plus est, il n’avait pas été établi que cet arrêt serait survenu en temps inopportun. Cela étant, il a été toutefois constaté que la docteure mise en cause avait, par courrier du 29 mars 2019, refusé de transmettre son dossier médical à l’assurée, au motif que certains de ses honoraires n’avaient pas été réglés. Or, le droit d’accès au dossier médical n’était pas soumis à condition, raison pour laquelle le bureau a invité la Dre D______, par courrier du même jour, à donner à la patiente une suite favorable à sa demande d’accès à son dossier médical.

Le 31 octobre 2019, le Bureau de la commission de surveillance a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de la Dre D______.

Dans sa décision, la Commission de surveillance note que l’OAI a sollicité plusieurs fois de la Dre D______ des informations médicales, sans succès (courriers des 23 janvier, 27 février, 26 mars et 12 mai 2014), attitude dont la Commission estime qu’elle démontre que le médecin a pris le risque d’entraver ou de retarder le traitement de la demande de prestations de son ancienne patiente, ce qui constitue une violation de son obligation d’exercer son activité avec le soin et la confiance professionnels que l’on pouvait exiger de lui. La Commission a également reproché au médecin d’avoir attendu son intervention pour transmettre son dossier médical à sa patiente, en dates des 19 juillet et 31 août 2019, violant ainsi une nouvelle fois ses obligations. Cette attitude était d’autant plus critiquable qu’il apparaissait au vu du dossier que le problème de paiement des honoraires n’était manifestement pas de la faute de l’assurée. Un avertissement a donc été adressé à la Dre D______.

j. Une audience s’est tenue en date du 2 février 2023.

La recourante a expliqué qu’elle reprochait à la SUVA de l’avoir accusée d'avoir touché un montant de CHF 1'600.- correspondant aux honoraires du médecin que l’intimée a refusé de payer. Cette erreur a eu pour conséquence, selon elle, qu’elle n’a pu obtenir gain de cause au fond.

k. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

1.2 L'art. 78 LPGA applicable en vertu de l’art. 1 al. 1 LAA prévoit que les corporations de droit public, les organisations fondatrices privées et les assureurs répondent, en leur qualité de garants de l’activité des organes d’exécution des assurances sociales, des dommages causés illicitement à un assuré ou à des tiers par leurs organes d’exécution ou par leur personnel (al. 1). L’autorité compétente rend une décision sur les demandes en réparation (al. 2). Les dispositions de la LPGA s’appliquent à la procédure prévue aux al. 1 et 3. Il n’y a pas de procédure d’opposition. Les art. 3 à 9, 11, 12, 20 al. 1, 21 et 23 de la loi sur la responsabilité du 14 mars 1958 (LRCF - RS 170.32) sont applicables par analogie (al. 4).

1.3 L'autorité au sens de l'art. 78 al. 2 LPGA est déterminée dans les lois spéciales (ATF 133 V 14 consid. 5 ; Alexis OVERNEY in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n. 46 ad art. 78 LPGA).

1.4 En matière d'assurance-accidents, l'art. 100 LAA qui a trait à la responsabilité envers les assurés et les tiers prévoit que les demandes de réparation au sens de l’art. 78 LPGA doivent être présentées à l’assureur, qui statue par décision. La caisse rend donc une décision sur réclamation de l’assuré (arrêts du Tribunal fédéral 9C_214/2017 du 2 février 2018 consid. 3.1 et 9C_245/2016 du 17 mai 2016 consid. 8).

1.5 Contre cette décision, le recours à la Chambre des assurances sociales est directement ouvert (art. 56ss LPGA ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_162/2010 consid. 5.2 ; 9C_214/2017 du 2 février 2018 consid. 3.1).

La Chambre de céans est dès lors compétente pour statuer sur le recours.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le recours a valablement été interjeté dans le délai de 30 jours (art. 60 LPGA) dans les forme et contenu prescrits par l'art. 61 let. b LPGA, par une personne directement visée par la décision litigieuse (art. 59 LPGA). Il est par conséquent recevable.

4.             Le litige porte sur la responsabilité de l’intimée au sens de l’art. 100 LAA et 78 LPGA à titre de réparation du dommage que la recourante estime avoir subi.

5.              

5.1 La responsabilité instituée par l’art. 78 LPGA est subsidiaire en ce sens qu’elle ne peut intervenir que si la prétention invoquée ne peut pas être obtenue par les procédures administrative et judiciaire ordinaires en matière d’assurances sociales ou en l'absence d'une norme spéciale de responsabilité du droit des assurances sociales, comme par exemple l'art. 11 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20) en vigueur dès le 1er janvier 1979 (RO 1978 391 418), abrogé avec effet au 1er janvier 2012 (RO 2011 5659) , l'art. 6 al. 3 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) ou encore l'art. 18 al. 6 de la loi fédérale sur l'assurance militaire du 19 juin 1992 (LAM - RS 833.1 ; ATF 133 V 14 consid. 5 ; ATAS/635/2013 du 26 juin 2013 consid. 5a).

5.2 L'art. 3 al. 1 LRCF auquel renvoie l'art. 78 al. 4 LPGA consacre une responsabilité primaire, exclusive et causale de l'État, en ce sens que le tiers lésé ne peut rechercher que l'État, à l'exclusion du fonctionnaire ou de l'agent responsable, et qu'il n'a pas à établir l'existence d'une faute de ce dernier ; il lui suffit d'apporter la preuve d'un acte illicite, d'un dommage ainsi que d'un rapport de causalité entre ces deux éléments. Ces conditions doivent être remplies cumulativement (ATF 148 II 73 consid. 3.1).

5.3 La condition de l'illicéité au sens de l'art. 3 al. 1 LRCF suppose la violation par l'État, au travers de ses organes ou agents, d'une norme protectrice des intérêts d'autrui en l'absence de motifs justificatifs (consentement, intérêt public prépondérant, etc.). La jurisprudence a également considéré comme illicite la violation de principes généraux du droit ou encore, selon les circonstances, un excès ou un abus du pouvoir d'appréciation conféré par la loi. L'illicéité peut d'emblée être réalisée si le fait dommageable découle de l'atteinte à un droit absolu (vie, santé ou droit de propriété). Si, en revanche, le fait dommageable consiste en une atteinte à un autre intérêt (par exemple le patrimoine), l'illicéité suppose que l'auteur ait violé une norme de comportement ayant pour but de protéger le bien juridique lésé (Verhaltensunrecht). Exceptionnellement, l'illicéité dépend de la gravité de la violation. C'est le cas lorsque l'illicéité reprochée procède d'un acte juridique (une décision, un jugement). Dans ce cas, seule la violation d'une prescription importante des devoirs de fonction est susceptible d'engager la responsabilité de l'État. Une omission peut constituer un acte illicite uniquement s'il existe une disposition la sanctionnant ou imposant de prendre la mesure omise. Ce chef de responsabilité suppose que l'État se trouve dans une position de garant à l'égard du lésé et que les prescriptions déterminant la nature et l'étendue de ce devoir aient été violées (ATF 148 II 73 consid. 3.2).

5.3.1 La violation de l'obligation de renseigner au sens de l'art. 27 LPGA est un acte illicite (ATAS/1263/2011 du 22 décembre 2011 consid. 6a).

L'art. 27 LPGA prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1) et que chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2, première phrase).

Le devoir de conseils de l'assureur social au sens de l'art. 27 al. 2 LPGA comprend l'obligation d'attirer l'attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations. Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l'assureur. Le devoir de conseils s'étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l'assuré, telle qu'elle est reconnaissable pour l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2022 du 11 novembre 2022 consid. 3.2.2).

Selon la jurisprudence, le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l'assureur, est assimilé à une déclaration erronée de sa part qui peut, à certaines conditions, obliger l'autorité à consentir à un administré un avantage auquel il n'aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement (« ohne weiteres ») de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée. Ces principes s'appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante : que l'administré n'ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu'il n'avait pas à s'attendre à une autre information (arrêt du Tribunal fédéral 8C_271/2022 précité consid. 3.2.3).

5.4 Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de la fortune nette ; il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événement dommageable ne s'était pas produit. Il peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif. Le calcul du dommage procède donc d'une comparaison entre la situation patrimoniale actuelle et concrète du lésé et celle qui aurait cours si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 148 II 73 consid. 8.3.2).

5.5 En ce qui concerne le rapport de causalité, l'acte ou l'omission doit être en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage. En cas d'omission, l'examen du lien de causalité revient à se demander si le dommage serait également survenu si l'acte omis avait été accompli. On parle alors de lien de causalité hypothétique. En cette matière, la jurisprudence n'exige pas une preuve stricte. Il suffit que le juge parvienne à la conviction qu'une vraisemblance prépondérante plaide pour un certain cours des événements (ATF 148 II 73 consid. 3.3 et les références).

6.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.              

7.1 En l'occurrence, la question est de savoir si l'on est en présence d'un acte illicite et, dans l'affirmative, d’un dommage, ainsi que d’un lien de causalité entre cet acte et le dommage.

7.2 La recourante reproche en premier lieu à la SUVA une instruction lacunaire, dont elle estime qu’elle a conduit – à tort – à la décision de mettre fin à sa prise en charge. Comme le fait remarquer à juste titre l’intimée, la décision du 30 septembre 2014 a été confirmée par la Cour de céans par arrêt du 16 mars 2015 entré en force. La Cour, lorsqu’elle a statué, a examiné le dossier dans le détail et n’a constaté aucune lacune d’instruction. Il n’y a donc pas lieu d’y revenir une nouvelle fois ici. La légalité d’une décision entrée en force ne saurait être revue par le biais d’une procédure en réparation du dommage.

7.3 La recourante impute ensuite à la SUVA une violation de l'art. 27 LPGA. L’intimée aurait failli à son devoir de l’informer, entraînant ainsi le dépôt tardif de sa demande de prestations auprès de l’assurance-invalidité.

La question de savoir si la SUVA a violé son obligation de renseigner en n’avisant pas l’assurée qu’il lui fallait déposer une demande de prestations auprès de l’assurance-invalidité peut rester ouverte. En effet, la demande en réparation apparaît quoi qu’il en soit tardive sur ce point, puisque, selon l’art. 20 al. 1 LRCF auquel renvoie l’art. 78 al. 4 LPGA, la responsabilité de l’assureur s’éteint si le lésé n’introduit pas sa demande de dommages et intérêts ou d’indemnités dans l’année à compter du jour où il a eu connaissance du dommage. Il s’agit-là d’un délai de péremption et non de prescription qui ne peut être interrompu, mais uniquement sauvegardé par le dépôt en temps utile de la demande.

L’OAI ayant rendu son projet d’acceptation de rente le 26 septembre 2016 et sa décision le 23 novembre 2016, l’assurée a eu connaissance du fait que sa demande était considérée comme tardive à ce moment-là. Dès lors, la demande en réparation, déposée postérieurement au 23 novembre 2017 est manifestement tardive.

7.4 La recourante fait également grief à l’intimée d’avoir retenu à tort qu’elle avait consulté en premier lieu le Dr C______ et non la Dre B______, imputant ainsi le certificat médical établi le 30 novembre 2012 au mauvais médecin.

La Cour de céans constate cependant que la confusion sur l’auteur du certificat médical initial importe peu. En effet, une telle erreur ne saurait, quoi qu’il en soit, être constitutive d’un acte illicite susceptible de causer à l’assurée un dommage. En l’occurrence, le certificat du 30 novembre 2012 ne mentionnant pas d’atteinte psychique (les diagnostics retenus sont ceux de cervicalgie et omalgie post-traumatiques), on ne voit pas en quoi l’identité du médecin aurait pu avoir une incidence sur le fait que les autorités judiciaires ont considéré par la suite, dans le litige opposant l’assurée à la fondation de prévoyance professionnelle, qu’aucun médecin n’a fait état d’une incapacité de travail pour motifs psychologiques jusqu’au 6 décembre 2012.

Là encore, aucun acte illicite ne peut être retenu à la charge de l’intimée.

7.5 Dans un quatrième moyen, l’assurée reproche à la SUVA de n’avoir réglé une facture de la Dre D______ pour la période du 30 mai au 14 juin 2013 qu’en date du 9 avril 2019 seulement. Cela aurait eu selon elle pour conséquences, d’une part, que la Dre D______ a mis un terme à son suivi médical prématurément, d’autre part, que cette interruption de suivi a conduit les autorités judiciaires à conclure de manière erronée à une rémission de son état de santé psychique.

En premier lieu, on relèvera qu’aucune pièce ne confirme que la Dre D______ a mis un terme au suivi de l’assurée uniquement en raison du non-paiement de la facture en cause. Même si tel était le cas, il était loisible à l’assurée de poursuivre le traitement auprès d’un autre médecin-psychiatre. D’ailleurs, la Dre D______ a, en date du 28 novembre 2013, rédigé un rapport dans lequel elle indiquait que le médecin généraliste poursuivrait le suivi, mais qu’elle restait à disposition (pièce 354).

Quoi qu’il en soit, le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 19 février 2019 (9C_841/20148 op. cit, consid. 5), a nié l’existence d’une connexité matérielle, au motif qu’aucun médecin n’avait constaté une réduction de la capacité de travail pour troubles psychiques entre le 1er octobre et le 6 décembre 2012. Pour arriver à cette conclusion, notre Haute Cour, tout comme les instances précédentes, ne s’est pas seulement basée sur l’avis de la Dre D______, mais également sur celui de plusieurs autres médecins. Tout comme le Bureau de la commission de surveillance, la Cour de céans souligne que l’argumentaire des instances judiciaires ne s’est ainsi pas basé exclusivement sur les documents signés par ce médecin. D’ailleurs, la recourante n’allègue pas qu'un médecin aurait constaté, à l'occasion d'observations effectuées entre le 1er octobre et le 6 décembre 2012, que sa capacité de travail aurait été réduite en raison d'affections psychiques survenues durant cette période. Au contraire, dans sa demande du 14 novembre 2017, elle indiquait que l'incapacité de travail d'origine psychique avait débuté en mars 2013 et perduré jusqu'en novembre 2013, pour resurgir dès le 4 juin 2014 de manière durable.

Pour le surplus, on rappellera que le non-paiement des honoraires par la SUVA n’autorisait pas la Dre D______ à refuser à l’assurée l’accès à son dossier médical. C’est précisément la raison pour laquelle la Commission de surveillance l’a sanctionnée. Dès lors, le paiement tardif par la SUVA n’est pas en lien de causalité avec le séquestre du dossier par la praticienne et l’éventualité que l’assurée ait été dans l’impossibilité de défendre ses intérêts correctement.

Quant à une éventuelle diffamation au sens du droit pénal, on n’en voit pas trace de la part de l’intimée.

7.6 En l’absence du moindre acte illicite, il apparaît inutile d’examiner s’il y a bel et bien eu dommage et lien de causalité.

8.             Eu égard aux considérations qui précèdent, la responsabilité de la SUVA n’est pas engagée et la demande en réparation formée doit être considérée comme manifestement infondée.

9.             La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA a contrario).

10.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le