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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3408/2022

ATAS/350/2023 du 17.05.2023 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3408/2022 ATAS/350/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 mai 2023

Chambre 4

 

En la cause

A______

 

recourante

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Titulaire d’un certificat de spécialisation en matière d’avocature, Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante) a commencé son stage d’avocate le 2 novembre 2020 auprès de l’étude « B______ Sàrl » (ci-après : l’employeur), sur la base d’un contrat de durée indéterminée, pour un revenu mensuel brut de CHF 3'500.- versé 13 fois l’an.

Elle avait préalablement accompli un stage de six mois auprès du Ministère public du canton de Berne, que la Commission du barreau a reconnu comme pouvant être pris en considération dans la durée totale du stage d’avocate, laquelle devait être d’au minimum 18 mois au total.

b. Le 30 octobre 2021, l’assurée a démissionné de son emploi d’avocate-stagiaire pour le 31 décembre 2021.

c. Le 2 janvier 2022, l’assurée a adressé à la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse ou l’intimée) une demande d’indemnité de chômage, dès le 1er janvier 2022. Elle a expliqué avoir résilié son contrat de travail du fait que la durée obligatoire du stage d’avocat était de 18 mois et qu’elle en avait déjà accompli 20, en tenant compte des six mois effectués au Ministère public bernois. Il était atypique qu’un contrat d’avocat-stagiaire soit de durée indéterminée et elle s’était ainsi trouvée obligée de démissionner, en vue de réviser et de passer son brevet.

d. Début mars 2022, l’assurée a signé un nouveau contrat de travail pour un poste de juriste avec entrée en fonction dès le 1er mai 2022. Elle a donc sollicité l’annulation de son dossier auprès de la caisse à partir du 30 avril 2022.

e. Elle a passé avec succès son examen final d’avocature le 23 mars 2022.

f. Le 5 avril 2022, la caisse a soumis le cas de l’assurée à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) afin qu’il détermine si, au vu des circonstances, l’intéressée devait se voir reconnaître apte au placement, cas échéant à quel taux.

g. Par décision du 28 avril 2022, l’OCE a déclaré l’assurée apte au placement à raison d’une disponibilité à l’emploi de 100% dès le 3 janvier 2022, sous réserve du 23 mars 2022, date de l’examen final du brevet d’avocat. L’OCE a notamment relevé que l’assurée avait toujours eu l’habitude de travailler en parallèle à ses formations, ce depuis plus de dix ans. En outre, elle avait recherché activement un emploi de juriste et s’était rendue disponible pour ses entretiens de conseil à satisfaction de l’office régional de placement (ci-après : l’ORP). Elle s’était également déclarée prête à repousser l’examen du brevet à une date ultérieure, dans l’hypothèse où elle aurait trouvé un emploi avec entrée en fonction immédiate. Dans ces circonstances, les révisions en vue du brevet étaient compatibles avec la reconnaissance d’une aptitude au placement à un taux de 100%.

B. a. Par décision du 2 mai 2022, la caisse a prononcé une suspension de 32 jours de l’indemnité journalière, du fait que l’assurée avait résilié son contrat de travail de manière fautive, soit sans raison valable et sans s’être assurée préalablement d’obtenir un autre emploi.

b. Le 2 juin 2022, l’assurée s’est opposée à cette décision, considérant que sa démission ne devait pas être considérée comme fautive et qu’aucune suspension n’était donc justifiée. Subsidiairement, si par impossible une faute devait être retenue, il convenait de la considérer comme légère ou éventuellement moyenne et réduire la suspension en fonction.

L’intéressée a souligné que le stage d’avocat était généralement de durée déterminée et avait pour but de former les stagiaires en vue de l’examen final d’avocature. Il était ainsi atypique qu’un avocat stagiaire exerce, comme dans son cas, sous contrat de durée indéterminée et doive donc le résilier au terme de la durée obligatoire du stage. Du fait de cette spécificité, elle s’était retrouvée dans une situation où tout en ayant effectué la durée de stage requise, elle n’était pas en mesure de se préparer pour l’étape suivante (soit l’examen d’avocature), du fait notamment des heures de travail quotidiennes propres au stage d’avocat et qui oscillaient entre 9 heures et 10 heures 30 par jour. Elle n’avait ainsi pas eu d’autre choix que de démissionner, afin notamment de préparer son examen professionnel, but de son stage.

L’assurée s’est encore plainte d’une inégalité de traitement du fait que des amis qui s’étaient trouvés dans une situation identique à la sienne n’avaient pas été pénalisés par leur caisse de chômage.

Enfin, elle a considéré que la suspension de son droit, sans aucun avertissement, plusieurs mois après le début de la période de chômage, constituait une mesure disproportionnée et nullement justifiée.

c. Par décision du 27 juin 2022, la caisse a sollicité la restitution de CHF 1'417.10 correspondant à la part de la suspension de 32 jours qui n’avait pas pu être compensée avec l’indemnité courante avant la fin du droit à l’indemnité.

d. L’assurée s’est opposée à cette décision le 11 juillet 2022, rappelant qu’elle avait contesté la suspension y relative.

C. a. Par décision sur opposition du 15 septembre 2022, la caisse a procédé à un nouvel examen de la cause et a rejeté les oppositions des 2 juin et 11 juillet 2022 après jonction des causes y relatives. Elle a considéré qu’au moment de la rupture des rapports de travail, l’assurée n’était pas au bénéfice d’un nouvel emploi ni d’une promesse d’engagement et avait donc pris le risque de se retrouver sans emploi après l’examen du brevet d’avocat. Comme, elle l’avait exposé à l’OCE, il lui était possible de s’organiser avec l’employeur pour prendre ses vacances afin de réviser pour son examen. Il fallait rappeler que les avocats-stagiaires, qui n’avaient pas dépassé le nombre minimal de mois de pratique professionnelle et étaient donc, par hypothèse, moins prêts à le réussir, continuaient à travailler jusqu’à leur examen.

Concernant la thèse selon laquelle elle aurait dû continuer à perpétuité à travailler pour un salaire de formation, celle-ci était sans pertinence dans la mesure où elle avait la possibilité de quitter son emploi après la réussite de ses examens, étant entendu que, pour échapper à une suspension du droit à l’indemnité de chômage, il aurait été nécessaire d’obtenir une nouvelle activité préalablement. Quant à l’argument des responsabilités d’une stagiaire, encore une fois, il était sans pertinence, dans le mesure où les assurés ne pouvaient sélectionner un emploi selon leurs standings. La conservation de son travail n’était en outre pas non plus de nature à compromettre son retour dans sa profession d’avocate ou de juriste, dans la mesure où il s’agissait précisément d’une profession juridique.

Au sujet de l’allégation selon laquelle certains de ses amis n’avaient pas subi de suspension du fait qu’ils avaient démissionné, elle était sans pertinence. Il existait en effet des circonstances particulières qui permettaient de démissionner, par exemple, lorsque l’emploi précédent n’était pas convenable. De plus, une éventuelle mauvaise application de la loi, qui plus est par une autorité différente, n’était pas un motif pour la répéter par la suite. Il fallait ainsi retenir une faute au sens de la législation applicable.

En l’occurrence, l’assurée avait abandonné un emploi convenable pour un motif de formation, ce sans s’assurer préalablement d’en obtenir un autre, ce qui était en soi, a fortiori, considéré comme grave. Il convenait d’autant plus de retenir ce degré de faute, du fait que l’intéressée n’avait pas suivi de formation à proprement parler avant l’examen du brevet. En sus, étant donné que la caisse avait retenu un nombre de jours inférieur au milieu de la fourchette pour ce type de faute, intégrant notamment le fait que l’intéressée prenait ainsi le temps pour réviser et réussir ses examens, ce qui augmentait ses chances de trouver un emploi, il n’y avait pas matière à revenir sur le nombre de jours de suspension.

Concernant la demande de restitution des prestations, étant donné que l’intéressée n’avait pu subir l’intégralité des jours de suspension en raison de sa désinscription du chômage, il convenait de la maintenir.

D. a. Le 17 octobre 2022, l’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, soulignant que le problème central du litige était la notion du travail convenable et se référant pour le surplus, aux arguments invoqués dans ses oppositions.

Elle a rappelé que le stage d’avocat faisait partie intégrante d’une formation juridique complète qui était composée tant d’enseignements académiques que d’expériences pratiques. En effet, le stage était en réalité l’avant-dernière étape de la formation d’avocat, suivi uniquement par l’examen final de l’avocature. Il était de par sa nature limité dans le temps. En effet, la loi exigeait qu’une personne souhaitant passer l’examen final de l’avocature ait accompli un stage de 18 mois. Il était donc tout sauf habituel d’avoir un contrat de stage de durée indéterminée. Pendant le stage, la rémunération pour le travail accompli s’élevait à CHF 3'500.- brut par mois, soit un salaire qui était justifié par un but de formation et qui était non seulement beaucoup plus bas que le salaire d’un juriste exerçant un travail correspondant à sa formation (baccalauréat en droit, maîtrise en droit et, éventuellement, certificat de spécialisation en matière de l’avocature), mais qui se situait également en dessous du salaire minimum genevois. Au vu de ces éléments, il était clair que le stage d’avocat ne pouvait être considéré comme un travail convenable que dans des circonstances particulières, c’est-à-dire pendant la durée obligatoire nécessaire à l’inscription à l’examen final de l’avocature.

Il était avéré qu’elle avait accompli un stage de six mois au Ministère public du canton de Berne, stage qui avait été reconnu par la Commission du barreau genevois. Il était également établi qu’elle avait accompli un deuxième stage de quatorze mois dans une étude d’avocat. Par conséquent, en effectuant un total de 20 mois de stage, elle avait dépassé la durée obligatoire requise par la loi et remplissait, fin décembre 2021, toutes les conditions pour s’inscrire à l’examen final de l’avocature.

Comme elle l’avait déjà exposé dans son opposition du 2 juin 2022, les conditions de travail pendant le stage d’avocat étaient souvent difficiles. En effet, les stagiaires étaient régulièrement amenés à travailler de longues journées et à rester tard lorsqu’il y avait une échéance imminente d’un délai important. Les heures supplémentaires n’étaient jamais, ou très rarement, compensées. Pendant son stage, elle avait donc régulièrement travaillé entre 9 et 10 heures 30 par jour. Il était évident que de telles heures de travail, souvent imprévisibles, ainsi que le niveau de stress et de pression élevés, ne lui auraient jamais permis de réviser régulièrement les soirs et/ou les weekends et de se préparer de manière adéquate à l’examen final. Il s’agissait-là d’une des raisons pour lesquelles, elle avait envisagé de trouver un emploi en qualité de juriste en parallèle à ses révisions. De plus, en travaillant comme juriste, elle aurait pu réaliser un revenu bien meilleur que pendant son stage, les revenus de juriste se situant facilement entre CHF 6'000.- et CHF 8'000.- par mois. À partir du moment où elle n’était plus obligée de continuer son stage pour enfin être autorisée à se présenter à l’examen final de l’avocature, ses conditions de travail ne pouvaient plus être justifiées par un but de formation, celle-ci étant formellement achevée.

Enfin, dans la mesure où son salaire de CHF 3'500.- brut par mois était plus bas que le salaire minimum genevois (CHF 4'165.20 en 2021 et CHF 4'188.60 en 2022), son stage ne pouvait plus être considéré comme un travail convenable.

Par conséquent, à la suite d’un changement de circonstances, soit le fait qu’elle remplissait toutes les conditions pour s’inscrire à l’examen final de l’avocature, le stage avait perdu sa qualité de travail convenable au moment de sa démission, raison pour laquelle on ne pouvait pas lui reprocher un comportement fautif.

Pour le surplus, elle a précisé qu’après sa démission, elle avait rempli à satisfaction toutes ses obligations envers la caisse, ce qui avait été confirmé notamment par la décision de l’OCE du 28 avril 2022, l’ayant déclarée 100% apte au placement à partir du 1er janvier 2022. Elle avait non seulement recherché un emploi en qualité de juriste, travail qui aurait été convenable, mais s’était également déplacée plusieurs fois à Berne et à Genève pour des entretiens d’embauche. Elle aurait en outre été prête à reporter l’examen final si elle avait trouvé un travail avec entrée en fonction immédiate.

Au vu de ces éléments, la caisse de chômage ne pouvait de toute évidence pas exiger d’elle qu’elle conserve l’emploi en question ni lui reprocher d’avoir démissionné et fait le nécessaire pour trouver rapidement un poste remplissant les critères d’un travail convenable. Il paraissait également injuste qu’elle doive subir des pénalités uniquement fondées sur le fait que son contrat de stage était, sur papier, de durée indéterminée. En réalité, un stage d’avocat était, par nature, limité dans le temps et elle n’avait d’autre choix que de démissionner à un moment donné.

Pour ces raisons, la résiliation du contrat de stage, travail devenu inconvenable après accomplissement de la durée obligatoire, ne pouvait être considérée comme fautive et c’était à tort que la caisse avait prononcé contre elle une suspension pour faute grave à hauteur de 32 jours.

Si la chambre de céans devait retenir qu’elle avait commis une faute en démissionnant de son contrat de stage, elle devrait néanmoins prendre en compte le fait qu’elle avait un motif valable pour le faire. C’était manifestement à tort que la caisse avait qualifié son comportement de faute grave. Conformément au texte légal, c’était seulement lorsque la personne assurée abandonnait un emploi réputé convenable sans avoir la garantie d’un nouvel emploi que la faute grave pouvait être retenue (art. 45 al. 4 let. a OACI). Tel n’était précisément pas le cas jusqu’ici, puisqu’à la suite d’un changement de circonstances, on ne pouvait plus exiger d’elle qu’elle travaille aux conditions d’un avocat stagiaire pour un salaire qui n’atteignait pas le salaire minimum genevois. De plus, il fallait prendre en considération le fait que par son comportement, elle avait cherché à réduire autant que possible le risque pris en quittant son poste. De ce fait, la quotité de la suspension devait être réduite à une durée correspondant à une faute de gravité légère ou, pour le moins, moyenne.

La recourante a conclu à titre principal :

-          à l’annulation de la décision du 15 septembre 2022 ;

-          à ce qu’il soit dit que le contrat de stage n’était pas un emploi convenable à partir du moment où elle remplissait les conditions pour s’inscrire à l’examen final de l’avocature ;

-          à ce qu’il soit constaté qu’elle n’avait commis aucune faute en démissionnant de son contrat de stage ;

-          à l’annulation de la suspension d’une durée de 32 jours de son droit à l’indemnité de chômage ;

-          à ce qu’il soit dit qu’elle ne devait subir aucun suspension pour avoir démissionné ;

-          à ce qu’il soit dit que la caisse de chômage devait lui payer les indemnités de chômage de la période de contrôle du mois d’avril ;

et subsidiairement à ce que la durée de la suspension soit diminuée à une durée correspondant à une faute moyenne.

b. Par réponse du 9 novembre 2022, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Elle s’est étonnée du fait que la recourante, en sa qualité de juriste, ait signé un contrat de durée indéterminée dans le contexte de son dernier stage d’avocate. S’agissant des heures supplémentaires dépassant l’horaire normal de travail hebdomadaire de 40 heures, la recourante n’avait transmis aucune pièce permettant de le constater ni d’établir qu’elle aurait interpelé son employeur à ce sujet avant de donner sa démission. Selon le Tribunal fédéral, le fait d’effectuer régulièrement des heures supplémentaires importantes pouvait conduire à une situation intolérable au sens de l’art. 44 al. 1 let. d OACI, mais uniquement dans le cas où aucune possibilité de compensation contractuelle n’était prévue (arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2010 du 20 août 2010 consid. 3.2). À défaut d’éléments probants, la présomption selon laquelle l’emploi restait convenable devait être maintenue.

En outre, la notion d’emploi convenable au sens de l’art. 16 al. 2 let. a LACI invoqué par la recourante en ce qui concernait le non-respect du salaire minimum pour justifier la résiliation ne pouvait trouver application. Le salaire minimum sur le canton de Genève, entré en vigueur le 1er novembre 2020, prévoyait certaines exceptions à son application, dont notamment les contrats de stage s’inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale. Tel était manifestement le cas du stage d’avocat.

Enfin, on ne voyait pas en quoi il n’aurait pas pu être attendu de la recourante qu’elle conserve son emploi à tout le moins jusqu’à ce qu’elle en trouve un autre correspondant mieux à ses attentes, respectivement que le terme du stage coïncide avec l’obtention de son brevet d’avocat.

c. Sur quoi, la recourante n’ayant pas fait usage du délai à elle octroyé afin de produire d’éventuelles remarques, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai – de trente jours – prévus par la loi, l'acte de recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé, subsidiairement sur la durée, de la suspension du droit de la recourante à l'indemnité de chômage en raison de la cessation de son activité d’avocate-stagiaire au service de l'employeur. De manière connexe, il porte sur son obligation de restituer la part d’indemnité touchée en trop par la recourante du fait de dite suspension.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. a LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute.

Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l'assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail, sans avoir été préalablement assuré d'obtenir un autre emploi, sauf s'il ne pouvait être exigé de lui qu'il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [OACI - RS 837.02]).

Pour qu’un assuré puisse être sanctionné en vertu de l’art. 44 al. 1 let. b OACI, trois conditions doivent être réunies. Il faut premièrement que l’assuré ait donné lui-même son congé. Il importe ensuite qu’au moment de résilier son contrat de travail, l’assuré n’ait pas eu d’assurance préalable d’un nouvel emploi. Enfin, il faut qu’aucune circonstance ne se soit opposée à la poursuite des rapports de travail (critère de l’exigibilité). Une résiliation du contrat de travail par l'assuré ne peut ainsi être sanctionnée que si l'on pouvait attendre de lui qu'il conservât son emploi. Le caractère convenable de l'ancien emploi doit être apprécié sur la base de critères stricts. Les heures supplémentaires qui ne dépassent pas la durée du travail maximale légale, les différends quant au salaire, tant que les conventions collectives ou les dispositions contractuelles sont respectées, de même qu'un climat de travail tendu ne suffisent pas à faire qualifier un emploi de non convenable. Si l'assuré invoque des problèmes de santé, il doit les prouver par un certificat médical (Bulletin LACI janvier 2013/D25-D29-D26).

L'exigibilité de la continuation des rapports de travail est examinée plus sévèrement que le caractère convenable d'un emploi au sens de l'art. 16 LACI (ATF 124 V 234 consid. 4b/bb, p. 238 ; arrêts du 10 mai 2013 [8C 1021/2012] consid. 2.2 ; 30 avril 2009 [8C 958/2008]). Les conditions fixées par l'art. 16 LACI n'en constituent pas moins des éléments d'appréciation importants du critère d'exigibilité. (Boris RUBIN, op.cit., p. 310).

Il peut arriver qu'un emploi qui constituait un travail convenable à un moment donné perde cette qualité à la suite d'un changement de circonstance. Dans une telle éventualité, on ne peut exiger d'un salarié qu'il garde son emploi, sans être préalablement assuré d'en avoir obtenu un autre. Dans une telle hypothèse, il ne sera donc pas réputé sans travail par sa propre faute (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 378/00 du 4 septembre 2001, consid. 2.b et réfédences citées). À cet égard, il convient de s'inspirer des règles de l'art. 16 al. 2 LACI qui définit les cas dans lesquels un travail n'est pas réputé convenable; SVR 1999 ALV n° 22 p. 54).

Selon l'art. 16 al. 2 let. a LACI, n'est pas réputé convenable et, par conséquent, est exclu de l'obligation d'être accepté, tout travail qui n’est pas conforme aux usages professionnels et locaux et, en particulier, ne satisfait pas aux conditions des conventions collectives ou des contrats-type de travail.

4.2 Lors de la votation populaire du 27 septembre 2020, le corps électoral genevois a accepté l’initiative législative formulée intitulée « 23 frs, c’est un minimum » (ci-après : l’IN 173) prévoyant notamment certaines modifications de la loi sur l’inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05), entrées en vigueur le 1er novembre 2020.

Un salaire minimum de CHF 23.- par heure a ainsi été instauré (art. 39K al. 1 LIRT), s’appliquant à toutes les relations de travail des travailleurs accomplissant habituellement leur travail dans le canton de Genève (art. 39I LIRT), sous réserve de certaines exceptions listées à l’art. 39J LIRT, soit : (a.) les contrats d'apprentissage au sens des articles 344 et suivants du code des obligations ; (b.) les contrats de stage s'inscrivant dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale ; (c.) les contrats de travail conclus avec des jeunes gens de moins de 18 ans révolus.

La Cour constitutionnelle a eu l’occasion de souligner que les exceptions visées par l’art. 39J LIRT, couvraient les domaines de la formation, dans le contexte desquels les salaires réalisés constituaient des revenus d'appoint n'ayant pas pour vocation de durer, ce qui n'était plus le cas une fois la formation terminée (ACST/15/2021 du 22 avril 2021, consid. 9b).

4.3 En l’occurrence, il est établi que la recourante a résilié de son propre chef son contrat de travail la liant à l'employeur et que celui-ci, sans cette démission, l’aurait gardée à son service. Elle justifie sa démission par le fait que l’activité d’avocate-stagiaire qu’elle exerçait jusqu’alors ne pouvait être considérée comme un emploi réputé convenable, au-delà de la durée minimale exigée pour se présenter à l’examen du brevet d’avocat dont elle constitue le préalable indispensable. En effet, le salaire y relatif s’élève à CHF 3'500.- bruts par mois, soit un montant inférieur au salaire minimum genevois en vigueur au moment des faits.

L’intimée considère que la référence au salaire minimum genevois n’est pas pertinente, dans la mesure où l’art. 39J let.b LIRT prévoit expressément qu’il ne s’applique pas aux contrats de stage qui s’inscrivent dans une formation scolaire ou professionnelle prévue par la législation cantonale ou fédérale.

La chambre de céans relève que, comme son nom l’indique, le stage d’avocat ne constitue pas une activité lucrative comme une autre. Il s’agit au contraire de la partie pratique d’une formation professionnelle, prévue par le droit cantonal (soit la loi sur la profession d’avocat du 26 avril 2002 ; LPAv - E 6 10) et qui conduit à l’obtention du brevet d’avocat. C’est dans ce cadre que s’est inscrite, du moins initialement, l’activité déployée par la recourante pour le compte de son employeur. À ce titre, elle était ainsi notamment soustraite au champ d’application du nouveau salaire minimum genevois en vertu de l’art. 39J let.b LIRT.

Dans la mesure où elle était titulaire d’un certificat de spécialisation en matière d’avocature et avait accompli un stage de six mois auprès du Ministère public bernois (validé par la Commission du barreau), l’intéressée se devait d’accomplir douze mois supplémentaires de stage (art. 31 al. 1 LPAv) dans une étude d’avocats genevoise pour pouvoir se présenter à l’examen final du brevet et terminer sa formation.

Ces douze mois étant arrivés à terme au 31 octobre 2021, il y a lieu de considérer que la formation pratique préalable obligatoire s’est également achevée à cette date. Au-delà de celle-ci, la poursuite du stage n’est plus exigée sous l’angle de la LPAv et le maintien d’un revenu inférieur au salaire minimal n’est plus justifié par l’art. 39J let.b LIRT. Cela paraît d’autant plus évident que, comme la Cour constitutionnelle a eu l’occasion de le souligner, les exceptions au salaire minimum visées par l’art. 39J LIRT couvrent les domaines de la formation, dans le contexte desquels les salaires réalisés constituent des revenus d'appoint, et n'ont pas vocation à durer, une fois la formation terminée (ACST/15/2021 du 22 avril 2021, consid. 9b). Dans ces circonstances et dans la mesure, qui plus est, où la recourante exerçait son activité dans le cadre d’un contrat de durée indéterminée (effectivement peu usuel en la matière), on ne saurait lui reprocher d’avoir mis un terme à cette activité devenue non exigible. Tel est d’autant plus le cas que la poursuite du stage d’avocate, - dont les exigences sont connues pour être élevées, notamment en terme de charge de travail, - aurait rendu illusoire la préparation du brevet, soit la justification même dudit stage.

Au vu de ces éléments, la démission de la recourante de son poste de stagiaire pour le 31 décembre 2021 ne peut être considérée comme fautive, la poursuite de cette activité n’étant plus exigible au-delà du 31 octobre 2021, date à partir de laquelle l’objectif de formation pratique du stage était atteint (preuve en est que la recourante a d’ailleurs pu se présenter, avec succès, à l’examen final du brevet) et le maintien d’un revenu largement inférieur au salaire minimum genevois ne se justifiait plus et violait la législation cantonale (LIRT).

En l’absence de faute, la suspension de l’indemnité par l’intimée n’était pas justifiée. En conséquence, il en va de même de la demande de restitution relative au solde de l’indemnité (injustement) suspendue qui n’avait pas pu être prélevée durant la période de chômage, celle-ci ayant pris fin avant le terme de dite suspension.

Bien fondé, le recours est admis et la décision du 15 septembre 2022 est annulée.

5.             La recourante, qui n'est pas représentée, ne se verra pas octroyer de dépens (art. 61 let. g a contrario LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.      Annule la décision sur opposition du 15 septembre 2022.

4.      Dit que la recourante n’a pas commis de faute en démissionnant de son contrat de stage pour le 31 décembre 2021, de sorte qu’aucune suspension du droit ne se justifie.

5.      Condamne l’intimée à verser à la recourante le solde de l’indemnité de chômage relative à avril 2022.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le