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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4192/2022

ATAS/338/2023 du 15.05.2023 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4192/2022 ATAS/338/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 15 mai 2023

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

Représenté par Me Andres PEREZ, avocat

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1982, célibataire, originaire du Portugal, titulaire d'un permis d'établissement C, est arrivé en Suisse en 1995 et y a terminé sa scolarité obligatoire. Il a obtenu un CFC de gestionnaire de vente.

b. Il a exercé en dernier lieu une activité d’aide-monteur pour B______ SA jusqu’au 30 avril 2010 avec un dernier jour travaillé le 19 janvier 2010 et pour C______ SA comme aide-jardinier du 14 août au 19 décembre 2009. Depuis fin 2009, l'assuré a développé des douleurs dorsales avec des blocages.

B. a. Dès le 20 janvier 2010, l'assuré a subi une incapacité de travail totale en raison d'un syndrome radiculaire S1 sur hernie discale L5-S1, attestée notamment par la docteure D______, praticienne FMH. Suite à un effort physique intense, il avait senti de violentes douleurs lombaires radiantes dans la face postérieure du membre inférieur gauche, partant de la fesse et irradiant jusqu'à mi-mollet, voire jusqu'au talon avec la présence de fourmillements. Malgré un traitement par infiltrations, les douleurs revenaient.

b. Le 2 juillet 2010, il a déposé une première demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI ou l'intimé).

c. Entre 2010 et 2012, l'assuré a subi trois opérations lombaires.

d. Le 30 mai 2013, dans le cadre d'un examen clinique rhumatologique et psychiatrique au service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : SMR), les docteurs E______ et F______ ont en particulier diagnostiqué, avec une répercussion durable sur la capacité de travail de l'assuré, un syndrome lombovertébral chronique discret suite aux trois opérations lombaires, dont une fusion postéro-latérale et intersomatique transforaminale par la gauche, L5-S1 avec syndrome radiculaire S1 gauche résiduel, notamment réflexe (M 54.4). Ils ont également retenu une obésité sans répercussion sur la capacité de travail et constaté que le status psychiatrique de l'assuré était dans les limites de la norme. Ils ont enfin conclu à une capacité de travail exigible de 0% dans une activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée dès le 10 juillet 2012.

e. Par décision du 23 janvier 2014, l'OAI a octroyé en faveur de l'assuré une rente à 100% du 1er janvier 2010 au 31 octobre 2012 et a estimé que, suite à l'amélioration de son état de santé et à la récupération d'une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée dès le 10 juillet 2012, son taux d'invalidité était réduit à 12%, soit un taux insuffisant pour percevoir une rente. Cette décision n'a fait l'objet d'aucune contestation et est entrée en force.

f. Le 12 mai 2015, l'assuré a déposé une deuxième demande de prestations auprès de l'OAI, en raison d'une aggravation de son état de santé dans le sens d'une évolution défavorable de sa hernie discale L5-S1, opérée à trois reprises, avec persistance de lombalgie associée à une sciatique gauche.

g. Dans un rapport médical du 4 juin 2015, la docteure G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a diagnostiqué un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F 32.2) et un trouble de la personnalité anxieuse (évitante ; F 60.6).

h. Dans un rapport médical du 15 juin 2015, la Dre D______ a relevé que malgré les trois interventions chirurgicales et plusieurs traitements, l'assuré présentait un syndrome lombo-vertébral récidivant et invalidant.

i. Par communication du 9 octobre 2015, l'OAI a estimé qu'aucune mesure de réadaptation d'ordre professionnel n'était actuellement possible en raison de l'état de santé de l'assuré, de sorte qu'il allait examiner si l'assuré avait droit à une rente.

j. Dans un rapport médical du 19 novembre 2015, établi à la demande de l'OAI, la Dre G______ a fait état d'un épisode dépressif sévère en cours de rémission depuis le mois de juin 2015, d'une dysthymie (F 34.1) depuis l'adolescence, d'un trouble de la personnalité anxieuse (évitante ; F 60.6), d'un syndrome lombo vertébral chronique suite à une fusion postérolatérale et intersomatique transforaminale L5-S1 en janvier 2012 et d'un syndrome radiculaire S1 gauche résiduel. Elle a constaté chez l'assuré un état dysthymique, manifesté par une tristesse, un découragement en lien avec les limitations physiques et le fait qu'il avait dû renoncer à une formation prévue en horlogerie en raison de la recrudescence de la symptomatologie douloureuse, une idéation d'inutilité en lien avec la situation d'incapacité physique, une insomnie d'endormissement avec des ruminations sur la situation professionnelle et familiale, une perte de confiance en soi, un pessimisme et un retrait social. L'assuré présentait des restrictions physiques mais également psychiatriques, sous la forme d'une diminution de la capacité de concentration et de l'attention en raison de la fatigue engendrée par les troubles du sommeil, des ruminations, des idées pessimistes, du découragement et de la perte de confiance en soi et dans le futur. En raison de ces restrictions, la Dre G______ estimait que l'assuré pouvait s'améliorer avec un projet de réadaptation professionnelle et préconisait dès le 1er décembre 2016 (recte : 2015) l'introduction d'une activité adaptée à 50%.

k. Dans un rapport du 17 février 2016, la Dre G______ a estimé que depuis novembre 2015, l'assuré présentait un état dysthymique, manifesté par une tristesse, un découragement en lien avec les limitations physiques ainsi que le manque du travail et de perspectives professionnelles. Il présentait également des idées d'inutilité – en lien avec le fait que depuis six ans il n'avait pas réussi à reprendre le travail –, une perte de confiance en soi, une perte d'espoir, une insomnie d'endormissement avec des ruminations et un isolement social. En terme de restrictions, l'assuré présentait une diminution de la capacité de concentration et de l'attention en raison de la fatigue engendrée par les troubles du sommeil, les ruminations, les idées pessimistes, un découragement et une certaine lenteur. D'un point de vue psychiatrique, sa capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était de 100% dès le 1er décembre 2015.

l. Dans un avis médical du 8 mars 2016 du SMR, le Dr H______ a relevé, après examen en particulier des rapports médicaux de la Dre G______, que l'assuré présentait du 1er janvier au 31 novembre 2015 une incapacité de travail à 100% dans l'activité habituelle et dans une activité adaptée et que, dès le 1er décembre 2015, il présentait une capacité de travail de 0% dans l'activité habituelle et de 100% dans une activité adaptée.

m. Par décision du 11 octobre 2016 entrée en force, l'OAI a refusé la demande de prestations de l'assuré. Le SMR considérait qu'il présentait une incapacité de travail totale du 1er janvier au 31 novembre 2015 et, dès le 1er décembre 2015, une capacité complète dans une activité adaptée. À l'issue du délai de carence d'une année, soit le 1er janvier 2016, son taux d'invalidité était de 12%, donc insuffisant pour lui ouvrir le droit à des prestations de l'assurance-invalidité.

n. Le 15 mai 2019, le docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et J______, psychologue diplômée, ont fait passer une épreuve de personnalité à l'assuré et établi son bilan psychologique. Selon les conclusions de ce bilan, l'assuré présentait un dysfonctionnement internalisé avec une grande détresse émotionnelle (F 60.9), une anxiété modérée à sévère (F 41.1), une dépression légère à modérée (F2.1), un faible niveau d'émotions positives, une baisse de moral, une tristesse, un sentiment d'impuissance, une insatisfaction de sa vie actuelle (professionnelle et relationnelle) et une fatigabilité importante. Il se sentait découragé, avait le sentiment que la vie était un effort, présentait un manque de confiance en soi et un sentiment d'inutilité. L'assuré rapportait de multiples problèmes comprenant des expériences de stress et d'inquiétudes avec un sentiment d'insécurité et la présence de préoccupations avec des ruminations importantes. Il avait la sensation d'un mauvais état de santé, présentait des céphalées et une diminution de ses capacités mnésiques et attentionnelles. En raison de ses opérations du dos, il se sentait incapable physiquement de réaliser toutes les activités désirées. Il présentait également une phobie sociale importante (F 40.1), était facilement irritable, impatient avec les autres et se sentait parfois dépassé par la colère. Le psychiatre et la psychologue ont constaté des limitations fonctionnelles importantes, entrainant actuellement une incapacité de travail à 100%, et préconisaient une réinsertion professionnelle à 50% en milieu adapté, introduite progressivement.

o. Le 9 septembre 2019, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations, invoquant une aggravation de son état de santé psychique. Il joignait son bilan psychologique du 15 mai 2019 à l'appui de sa demande.

p. Dans un avis médical du 4 février 2020 du SMR, le docteur K______ a estimé que le rapport psychologique du 15 mai 2019 ne présentait pas d'anamnèse médicale ni d'élément qui permette de retenir ou même d'évoquer une aggravation de l'état psychique de l'assuré depuis le rapport médical du 19 novembre 2015 de la Dre G______.

q. Par décision du 16 mars 2020, l'OAI, faisant siennes les conclusions du SMR, a refusé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de l'assuré.

r. Par acte du 13 mai 2020, l'assuré a saisi la chambre de céans d'un recours contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'intimé d'entrer en matière sur la demande de prestations.

s. Par arrêt du 21 septembre 2020, la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision de l’OAI du 16 mars 2020 et renvoyé la cause à celui-ci pour instruction et nouvelle décision.

t. Le 21 janvier 2021, les Drs I______ et L______, interne en psychiatrie et psychothérapie, ont rendu un rapport attestant de diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (F33.2), anxiété généralisée (F41.1) et troubles de la personnalité type évitant (F60.6). L’assuré présentait une grande détresse émotionnelle avec la présence d’anxiété modérée à sévère. Il montrait une baisse de moral, une anhédonie, une fatigabilité, un sentiment d’impuissance, des idéations de culpabilité par rapport au décès de sa fille, une tristesse importante, de grandes difficultés de concentration et de mémoire et des troubles du sommeil avec insomnie et hypersomnie. Son état s’était péjoré et sa capacité de travail était de 40 à 50% maximum dans une activité adaptée.

u. Un examen neuropsychologique du 29 décembre 2020 a conclu à une préservation des capacités cognitives de l’assuré, avec seulement de chutes attentionnelles.

v. À la demande de l’OAI, le BUREAU D’EXPERTISES MÉDICALES (ci-après : BEM) a rendu une expertise rhumato-psychiatrique (docteur M______, spécialiste FMH en rhumatologie, et docteure N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie) le 16 juin 2022. Le diagnostic rhumatologique était celui de séquelles neuropathiques à type de sciatalgies S1 gauche, avec abolition du réflexe achilléen et hypoesthésie S1 gauche et légère diminution de la force postérieure de jambe à 4+, dans les suites de trois interventions chirurgicales lombaires, le 30 juillet 2010, le 27 octobre 2010 et le 12 janvier 2012, totalement incapacitant dans l’ancienne activité et permettant une activité adaptée exercée à un taux de 100%, depuis janvier 2015, avec une baisse de rendement de 20%, en respectant les limitations fonctionnelles suivantes : pas d’effort de soulèvement de plus de 5kg à partir du sol ; pas de porte-à-faux du buste ; port de charge limitée à 5kg ; pas de piétinement ; éviter les marches prolongées, ainsi que les montées et descentes d’escaliers répétées ; pas de conduite automobile prolongée ; changements de positions réguliers. Le diagnostic psychiatrique était celui de trouble de la personnalité anxieuse décompensée et de dysthymie (non incapacitant). La capacité de travail était nulle dans la dernière activité exercée, en raison de la décompensation du trouble de la personnalité évitante ; depuis 2019, l’évolution avait été stagnante, l’assuré nécessitait une mobilisation avec une assignation d’un centre, avec des horaires, des tâches à accomplir et une possibilité de restructurer le rythme nycthéméral, la qualité de l’alimentation et la ré-afférentation sociale. Le traitement suivi avait même péjoré sa situation avec une rupture de rythme nycthéméral, une victimisation et une désafférentation de son quotidien. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 100% ; dans cette activité l’assuré devait faire partie d’un groupe, se sentir en sécurité et en solidarité avec ses collègues ; la hiérarchie devait être rassurante et contenante ; l’activité devait comporter une interaction avec la clientèle, mais à introduire de façon progressive ; les tâches devaient être intéressantes pour l’assuré et il devait se sentir utile et efficace.

w. Le 6 juillet 2022, le SMR a relevé que l’expertise du BEM était probante, les experts exposant clairement les raisons pour lesquelles ils estimaient que les problèmes de santé permettaient une activité dans l’économie et recourant clairement à la procédure structurée d’administration des preuves pour établir les limitations de la capacité de travail, conformément à la doctrine en vigueur.

x. Le 22 septembre 2022, l’OAI a fixé le degré d’invalidité de l’assuré à un taux de 17,5%.

y. Par projet de décision du 28 septembre 2022 et décision du 8 novembre 2022, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le degré d’invalidité de 17,5% n’ouvrait pas le droit à une rente d’invalidité et à une mesure de reclassement.

C. a. Le 9 décembre 2022, l’assuré, représenté par un avocat, a recouru à l’encontre de la décision précitée, en concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une rente d’invalidité, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OAI pour instruction et nouvelle décision.

Le rapport d’expertise psychiatrique comprenait des contradictions ; l’experte relevait que sa situation s’était péjorée, avec la présence d’idéations suicidaires tout en posant le diagnostic de dysthymie. Celle-ci pouvant d’ailleurs être invalidante lorsqu’elle était, comme en l’espèce, associée à un grave trouble de la personnalité ; l’experte estimait qu’un traitement de type hospitalier journalier et un suivi psychiatrique par un infirmier à domicile étaient nécessaires, qui pourraient mener à une capacité de travail six mois plus tard, tout en mentionnant une capacité de travail totale exigible au jour de l’expertise ; enfin, les limitations fonctionnelles étaient fantaisistes et il paraissait difficile d’envisager une activité respectant les limitations fonctionnelles psychiatriques et somatiques.

b. Le 21 février 2023, le SMR a proposé que l’OAI reprenne l’instruction du dossier, dès lors que l’évaluation de la capacité de travail de l’assuré sur le plan psychiatrique était présentée de manière contradictoire.

c. Le 21 février 2023, l’OAI a conclu au renvoi du dossier pour instruction complémentaire.

d. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA). 

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité.

3.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

4.              

4.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

4.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

5.             En l’occurrence, l’intimé a conclu, au vu de l’avis du SMR du 21 février 2023, à ce que le dossier lui soit renvoyé pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le recourant ne s’est pas déterminé sur cette dernière conclusion.

Conformément à l’avis du SMR, l’expertise psychiatrique de la Dre N______ n’est pas claire, contient des incohérences et des contradictions, de sorte qu’elle ne peut se voir reconnaitre une valeur probante.

On peine notamment à comprendre comment la décompensation du trouble de la personnalité évitante est totalement incapacitante dans l’ancienne activité, que l’experte ne précise d’ailleurs pas - et qui n’est pas si claire au vu des multiples activités assumées par le recourant avant la survenance de son incapacité de travail totale - et ne le serait pas du tout dans une activité dans laquelle le recourant travaillerait en groupe, se sentirait en sécurité et en solidarité, avec une hiérarchie rassurante et contenante et comportant une interaction avec la clientèle et des tâches intéressantes. Ce d’autant que l’experte décrit un tableau psychique grave du recourant, nécessitant une prise en charge importante par le biais d’une hospitalisation de jour et d’un suivi psychiatrique par un infirmier à domicile, condition nécessaire, selon elle, au rétablissement d’une capacité de travail dans un délai de six mois.

Au vu de ce qui précède, une instruction médicale psychiatrique est nécessaire, comme le relève l’intimé.

6.             Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause sera renvoyée à l’intimé pour instruction médicale psychiatrique et nouvelle décision.

Au vu du sort du recours, le recourant, représenté par un avocat, a droit à une indemnité qui sera fixée à CHF 1'500.- à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]), à charge de l’intimé.

Pour le surplus, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision du 8 novembre 2022.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

5.        Condamne l'intimé à verser au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le