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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2799/2022

ATAS/327/2023 du 12.05.2023 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2799/2022 ATAS/327/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 mai 2023

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, COLLONGE-BELLERIVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Audrey PION

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après: l'assurée), née le ______ 1972, a travaillé en qualité de directrice financière pour la société B______ SA (ci-après: l'employeur) du 7 janvier 2008 au 31 octobre 2021.

b. Le 3 décembre 2021, l'assurée a requis une indemnité de chômage auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après: la caisse) suite à la résiliation de son contrat de travail pour cause de restructuration de l'entreprise.

c. Le contrat de travail de l'assurée prévoit un délai de congé de 3 mois et le versement de bonus à caractère discrétionnaire (« [t]he Company may at its own discretion and subject to circumstances and performance pay additionnal bonus amounts », cf. art. 2 du contrat de travail dans sa version modifiée
le 1er octobre 2016). Ainsi, concernant les années 2016 à 2020, l'employeur a versé à l'assurée les montants suivants à titre de bonus annuel (« bonus for fiscal year ») :

-          « Bonus for fiscal year 2016 » : CHF 25'631.-

-          « Bonus for fiscal year 2017 » : CHF 78'900.-

-          « Bonus for fiscal year 2018 » : CHF 15'887.-

-          « Bonus for fiscal year 2019 » : CHF 51'291.-

-          « Bonus for fiscal year 2020 » : CHF 54'981.-

d. Selon un avis de résiliation du 22 février 2021 (« Notice of Termination of Employment Contract »), l'employeur a résilié le contrat de travail de l'assurée et lui a indiqué qu'elle continuerait à recevoir son salaire et autres prestations
salary and benefits ») jusqu'à la date de fin des rapports de travail, soit jusqu'au
31 octobre 2021. L'employeur prévoyait en outre de lui soumettre ultérieurement une convention concernant la résiliation du contrat de travail incluant une indemnité de départ (« severance payment »), ainsi que les modalités et conditions y afférentes.

e. Par convention du 6 juin 2021 (« Employment Termination Agreement Between B______ S.A. and A______ ») (ci-après également : la convention), l'assurée et l'employeur ont convenu, sous le point « 2. Compensation », que ce dernier lui verserait une indemnité de départ à titre gracieux (« an ex-gratia lump sum once-off severance payment ») d'un montant de CHF 256'600.-, soumis à cotisations, payable en deux fois : un premier versement de CHF 200'000.- serait effectué au plus tard le 15 novembre 2021 et le second versement, d'un montant de CHF 56'600.-, était prévu pour le 14 janvier 2022 (cf. article 2.c.i. de la convention).

 

 

f. Cette convention prévoit en outre le paiement de bonus annuels :

- pour l'année 2021 : la convention prévoit que l'assurée participe au programme de bonus pour l'année 2021 en fonction des résultats de l'activité de la société en Afrique et de sa propre performance (« [y]ou will participate in the fiscal 2021 bonus programme subject to the normal applicable parameters dependent on Africa regional performance and your own performance evaluation process »,
cf. art. 2.b. de la convention) ;

- pour l'année 2022 : un bonus (« a pro-rata bonus payment for fiscal 2022 ») dont le montant brut, soumis à cotisations, serait déterminé en fonction des résultats de l'activité de la région Afrique, mais d'un montant minimum de CHF 9'763.- (art. 2.c.ii. de la convention).

g. La convention prévoit également que l'assurée a droit à une prime de fin de contrat (« completion bonus ») d'un montant de CHF 25'000.-, soumis à cotisations, dont le versement dépendrait de l'activité déployée conformément aux demandes et aux directives du responsable financier de la région Afrique. La détermination du droit à cette prime était laissée à la seule appréciation de ce dernier (art. 2.d. et 2.e. de la convention).

h. Selon le questionnaire n°2 du 19 janvier 2022, complété par l'employeur, l'assurée a perçu les gratifications salariales suivantes liées à l'exécution de son travail :

-          CHF 37'404.- pour la période du 1er avril 2020 au 31 mars 2021 ;

-          CHF 16'261.- pour la période du 1er avril 2021 au 30 octobre 2021 et

-          CHF 25'000.- pour la période du 1er avril 2021 au 30 octobre 2021.

i. À teneur de ce même questionnaire, l'employeur a indiqué que le montant de CHF 256'600.- avait été versé à l'assurée à titre de « prime de départ/rétention ou autre montant uniquement lié au licenciement ».

j. Par lettre du 18 février 2022, l'assurée a relevé, par l'intermédiaire de son assurance de protection juridique, que le montant de CHF 256'600.- constituait
« une rémunération par rapport au fait qu'[elle] ait continué à travailler durant son délai de préavis [ ] », contrairement à ce que l'employeur avait indiqué dans le questionnaire du 19 janvier 2022. Dans la mesure où l'octroi de ce montant était subordonné au fait qu'elle effectue certaines tâches, elle s'étonnait que l'employeur « ait assimilé cela à une prime de départ stricto sensu ».

k. Par courriel du 21 février 2022, la caisse a indiqué à l'assurée que le montant de CHF 256'600.- avait été versé « en guise d'indemnité de départ » selon la convention et les fiches de salaires se trouvant au dossier. Elle a en outre précisé que toute prestation volontaire versée par l'employeur, et ce indépendamment des conditions (prime de rétention ou indemnité de départ, par exemple), était considérée comme une indemnité donnée à la suite d'une résiliation des rapports de travail et devait donc être prise en compte comme telle.

l. Par courrier non daté et reçu par la caisse le 22 février 2022, l'assurée a contesté la qualification du montant de CHF 256'600.- à titre de « prime de départ/rétention », celui-ci devant en réalité être considéré comme une prime de rendement (« performance incentive »). La formulation de l'article 2.c. de la convention du 6 juillet 2021 était erronée, le montant de CHF 256'600.- n'avait pas été versé « ex-gratia », dès lors que son versement étant soumis à la condition que l'assurée prête assistance à la restructuration de la société, ce qu'elle avait effectivement fait de février à octobre 2021. Ce montant n'avait pas été versé en raison de son activité passée au service de la société à titre d'indemnité ou de prime de rétention en raison de sa fidélité. Elle a par ailleurs confirmé qu'aucun montant perçu n'avait été affecté à la prévoyance professionnelle.

m. Par courriel adressé à l'employeur le 23 février 2022, la caisse a récapitulé les indications fournies par ce dernier dans le questionnaire du 19 janvier 2022, à savoir le versement d'un montant de CHF 256'600.- à titre d'indemnité de départ, ainsi que le versement des montants de CHF 16'261.- et CHF 25'000.- à titre de
« bonus / primes » concernant le travail fourni au cours de la période d'avril à octobre 2021. La caisse a en outre requis de l'employeur la copie de la fiche de salaire du mois de janvier 2022 faisant état du versement de ces montants à l'assurée.

n. Par courriel du 2 mars 2022, l'employeur a adressé une copie du « journal cumulatif des salaires » de l'assurée pour la période allant de novembre 2021 à février 2022. À teneur de ce document, les montants suivants ont été versés à l'assurée :

-          une gratification de CHF 16'261.- versée en janvier 2022 ;

-          un « bonus non soumis » de CHF 25'000.- versé en janvier 2022 ;

-          une « indemnité de départ soumise A » de CHF 153'620.- versée en
novembre 2021 ;

-          une première « indemnité de départ non soumise » de CHF 46'380.- versée en novembre 2021 et

-          une seconde « indemnité de départ non soumise » d'un montant de
CHF 56'600.- versée en janvier 2022.

L'employeur a ainsi indiqué avoir versé à l'assurée le montant total de
CHF 256'600.- (CHF 153'620.- + CHF 46'380 + CHF 56'600.-) à titre d'indemnité de départ en novembre 2021 et en janvier 2022.

B. a. Par décision du 22 mars 2022, la caisse a reporté le droit à l'indemnité de chômage de l'assurée au 20 avril 2022 (soit un report de 5.59 mois), en raison d'un versement par l'employeur de prestations volontaires d'un montant de
CHF 256'600.-. La caisse a pris en compte le montant total de CHF 108'400.-, après la déduction du montant maximum de CHF 148'200.-, et l'a divisé par le revenu mensuel moyen de CHF 19'390.- perçu par l'assurée, arrivant à un total de 5.590 mois de report dès le 1er novembre 2021.

b. Le 9 mai 2022, l'assurée a fait opposition à la décision du 22 mars 2022, contestant le report du droit à l'indemnité chômage au 20 avril 2022. Elle a relevé que, dans le cadre de la restructuration de l'entreprise et suite au licenciement de trois employés avec effet au 30 juin 2021, elle avait dû accomplir le travail attribué à ces trois personnes, en plus du sien, jusqu'au 30 octobre 2021. Elle avait en outre formé les équipes qui allaient reprendre les tâches dévolues à son département. Le versement du montant de CHF 256'600.- était ainsi destiné à compenser les très nombreuses heures supplémentaires qu'elle avait accomplies pendant cette période (environ 5 heures par jour) et à récompenser son engagement. Elle disposait ainsi d'un droit à obtenir l'indemnisation des heures supplémentaires, respectivement du travail supplémentaire accompli, ainsi qu'à recevoir un bonus d'un montant de CHF 30'000.- sur le montant total de
CHF 256'600.-.

c. Par décision sur opposition du 30 juin 2022, la caisse a rejeté l'opposition et modifié sa décision du 22 mars 2022. Procédant à un nouveau calcul, la caisse a ajouté le bonus d'un montant de CHF 25'000.- au montant de CHF 256'600.- initialement retenu, concluant à un total de CHF 281'600.- versés à titre de prestations volontaires de l'employeur. Le bonus de CHF 25'000.-, versé en janvier 2022, devait aussi être pris en compte dès lors que son versement était directement lié aux modalités de fin de contrat. Par conséquent, le droit à l'indemnité de chômage de l'assuré devait être reporté de 6.88 mois (6 mois et
18 jours ouvrables), soit au 26 mai 2022, et non pas au 20 avril 2022 tel qu'initialement retenu.

C. a. Par acte du 5 septembre 2022, l'assurée a recouru par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre de céans) à l'encontre de cette décision, concluant, principalement, à l'annulation de la décision du 30 juin 2022 et à ce que son droit à recevoir des indemnités de chômage soit constaté dès le 1er novembre 2021. Subsidiairement, elle a conclu au renvoi de la cause à la caisse pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Préalablement, elle a sollicité une audience de comparution personnelle. La recourante a fait valoir, en substance, une violation du droit d'être entendu au motif que la caisse s'était abstenue d'expliquer ce qui l'avait amenée à qualifier les sommes perçues de prestations volontaires de l'employeur. Concernant le bonus d'un montant de CHF 25'000.-, elle a indiqué que, même à le qualifier de prestation volontaire versée par l'employeur, sa perception ne pouvait entraîner un report du droit au chômage dès lors qu'il était inférieur au seuil de CHF 148'200.- prévu par la loi. Pour le reste, elle a repris la motivation de son opposition.

b. Par réponse du 29 septembre 2022, l'intimée a conclu au rejet du recours. Il ne ressortait nullement de la convention du 6 juillet 2021 que la recourante devait assumer des tâches supplémentaires, ni que les sommes octroyées par l'employeur avaient un lien avec une augmentation de la charge de travail ou des heures supplémentaires effectuées. En définitive, les prestations décidées unilatéralement et postérieurement à l'annonce du licenciement par l'employeur correspondaient en tous points à une prime de rétention versée en raison du licenciement afin d'inciter l'intéressée à ne pas quitter l'entreprise avant l'échéance du délai de congé.

c. Par réplique du 4 novembre 2022, la recourante a relevé que, selon
l'art. 1.b de la convention du 6 juillet 2021, il était attendu d'elle qu'elle effectue des tâches supplémentaires, en sus de celles qui lui incombaient usuellement. Elle a persisté dans ses conclusions pour le surplus.

d. La chambre de céans a transmis cette écriture à l'intimée.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 LPA). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu notamment de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement
(art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours est recevable
(art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             La décision attaquée est la décision que l'intimée a rendue le 30 juin 2022 sur l'opposition que la recourante avait formée le 9 mai 2022 contre la décision du
22 mars 2022 reportant le droit à l'indemnité de chômage de la recourante au
20 avril 2022 (soit un report de 5 mois et 12 jours ouvrables), en raison d'un versement par l'employeur de prestations volontaires d'un montant total de
CHF 256'600.-. Par sa décision sur opposition du 30 juin 2022, l'intimée a procédé à une reformatio in pejus puisqu'elle a reporté le droit à l'indemnité de chômage de la recourante au 26 mai 2022 (soit un report de 6 mois et 18 jours ouvrables) en tenant compte du versement du bonus d'un montant de CHF 25'000.-, en sus du montant de CHF 256'600.-, à titre de prestations volontaires de l'employeur.

D'un point de vue procédural, il était loisible à l'intimée de réformer sa décision initiale au détriment de la recourante (alors opposante), mais elle aurait dû l'en avertir et lui donner l'occasion de retirer son opposition (art. 12 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 11 septembre 2002 - OPGA - RS 830.11). La violation du droit d'être entendu qu'a constituée cette omission doit cependant être tenue comme ayant été réparée au cours de la procédure contentieuse, dès lors que la recourante a pu faire valoir devant la chambre de céans, qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit, sa détermination quant à la prise en compte du bonus de CHF 25'000.- dans le calcul du report du début du droit aux indemnités de chômage (Anne-Sylvie DUPONT, in Anne-Sylvie DUPONT / Margit MOSER-SZELESS [éd.], Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales
[ci-après : CR LPGA], 2018, n. 21 ss ad art. 42).

3.              

3.1 Dans un premier grief, la recourante fait valoir une violation de son droit d'être entendue, au motif que l'intimée n'avait pas indiqué les motifs pour lesquels les sommes perçues par l’intéressée devaient être qualifiées de prestations volontaires au sens de l'art. 11a LACI, ni les raisons pour lesquelles les arguments contenus dans son opposition du 9 mai 2022 ne permettaient pas de modifier la décision du 22 mars 2022.

3.2 Ce grief, de nature formelle, doit être examiné en premier lieu
(ATF
124 V 90 consid. 2).

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101]) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (arrêt du Tribunal fédéral 9C_877/2014 du 5 mai 2015 consid. 3.3 et les références).

La violation du droit d'être entendu, de caractère formel, doit entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_120/2009 du 3 février 2010 consid. 2.2.1). Pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, cette violation est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen. Au demeurant, la réparation d'un vice éventuel ne doit avoir lieu qu'exceptionnellement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_181/2013 du
20 août 2013 consid. 3.3).

3.3 Dans son opposition du 9 mai 2022, la recourante a fait valoir que, dans le cadre de la restructuration de l'entreprise et suite au licenciement de trois employés au 30 juin 2021, elle avait dû accomplir le travail supplémentaire de ces derniers jusqu'au 31 octobre 2021. Le versement du montant de CHF 256'600.- devait ainsi servir à compenser les très nombreuses heures supplémentaires effectuées et à récompenser son engagement. La recourante a en outre allégué que, du montant total de CHF 256'600.-, un montant CHF 30'000.- lui avait été versé à titre de bonus eu égard aux bonus versés les années précédentes. Pour ces motifs, l'intéressée disposait d'un droit légal à obtenir l'indemnisation des heures supplémentaires, respectivement du travail supplémentaire, ainsi qu'à recevoir ce bonus. Dans ces circonstances, la somme de CHF 256'600.- ne pouvait être considérée comme une prestation volontaire de l'employeur.

La chambre de céans constate que l'intimée ne s'est pas expressément prononcée sur la pertinence de l'argumentation de la recourante dans sa décision sur opposition du 30 juin 2022, se limitant à résumer celle-ci et à affirmer à nouveau que le montant de CHF 256'600.- correspondait à des prestations volontaires de l'employeur.

Il convient ainsi d'admettre que la motivation très succincte de la décision litigieuse ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles l'intimée a considéré que le montant de CHF 256'600.- constituait une prestation volontaire de l'employeur. La recourante a cependant pu prendre connaissance des arguments de l'intimée dans le cadre de la présente procédure et se déterminer en toute connaissance de cause par devant la chambre de céans, laquelle jouit d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. Par conséquent, il sera retenu que la violation du droit d'être entendu commise par l'intimée a été réparée au cours de la procédure contentieuse.

Au vu de ce qui précède, le grief sera écarté, sans préjudice pour la recourante.

Il convient à présent d'examiner le fond du litige.

4.             Le litige porte sur le délai de départ du droit aux indemnités de chômage de la recourante, l'intimée l'ayant fixé au 26 mai 2022 alors que la recourante le réclame au 1er novembre 2021.

 

5.              

5.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, il subit une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b de la loi sur l'assurance-chômage, LACI [RS 837.0]). Il y a lieu de prendre en considération la perte de travail lorsqu'elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI). Il existe un certain nombre de dispositions qui visent à coordonner les règles du droit du travail avec l'ouverture du droit à l'indemnité de chômage.

La perte de travail pour laquelle le chômeur a droit au salaire ou à une indemnité pour cause de résiliation anticipée des rapports de travail n'est pas prise en considération (art. 11 al. 3 LACI). En conséquence, l'assurance ne verse en principe pas d'indemnités si le chômeur peut faire valoir des droits à l'encontre de son employeur pour la période correspondant à la perte de travail invoquée. On entend par « droit au salaire » au sens de cette disposition, le salaire dû pour la période postérieure à la résiliation des rapports de travail, soit le salaire dû en cas de non-respect du délai de congé (art. 335c CO) ou en cas de résiliation en temps inopportun (art. 336c CO). Quant à la notion de « résiliation anticipée des rapports de travail », elle vise principalement des prétentions fondées sur les art. 337b et 337c al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 8C_427/2018 du 30 avril 2019
consid. 3.2 ; ATF 143 V 161 consid. 3.2 ; voir Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n° 28 et 34 ad art. 11 LACI).

5.2 Selon l'art. 11a LACI, la perte de travail n’est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail (al. 1). Les prestations volontaires de l’employeur ne sont prises en compte que pour la part qui dépasse le montant maximum visé à l’art. 3 al. 2 (al. 2). Le Conseil fédéral règle les exceptions lorsque les prestations volontaires sont affectées à la prévoyance professionnelle (al. 3).

L'art. 3 al. 2 LACI fait référence au gain mensuel assuré dans l'assurance-accident obligatoire, soit CHF 148'200.- (art. 22 al. 1 de l'Ordonnance sur l'assurance-accidents, OLAA ; RS 832.202, selon la teneur en vigueur depuis
le 1er janvier 2016). Lorsqu'elles dépassent ce montant, les prestations volontaires repoussent donc dans le temps le délai-cadre d'indemnisation, ouvrant ainsi une période de carence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_427/2018 du 30 avril 2019, consid. 3.4).

5.3 La notion de « prestations volontaires » au sens de l'art. 11a LACI, est définie négativement : il faut entendre les prestations allouées en cas de résiliation des rapports de travail régis par le droit privé ou par le droit public qui ne constituent pas des prétentions de salaire ou d'indemnités selon l'art. 11 al. 3 LACI
(art. 10a de l'Ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI [RS 837.02]). Dans un sens large, ce sont les indemnités de départ qui excèdent ce à quoi la loi donne droit durant le délai de résiliation, à la fin des rapports de travail. Il peut s'agir de prestations reposant sur un contrat, mais seulement pour la part qui excède ce que la loi prévoit, en particulier les indemnités de départ destinées à compenser les conséquences de la perte de l'emploi (même si elles sont prévues dans un plan social ou une convention collective de travail), les gratifications, ou les bonus de rétention (contrat individuel de travail ; causes ordinaires d'extinction, in Droit du travail, Rémy WYLER et Boris HEINZER, Berne 2019, pp. 655 et 656). Il conviendra donc de bien distinguer les montants qui constituent une indemnité de départ, des montants qui récompensent les prestations passées et qui ne seraient pas versés en raison de la fin des rapports de travail. Ainsi, un bonus qui récompense l'activité passée n'est pas pris en compte par l'article 11a LACI (Vincent CARRON, Fin des rapports de travail et droit aux indemnités de chômage, retraite anticipée et prestations volontaires de l'employeur, in Panorama en droit du travail, Rémy WYLER [éd.], 2009, pp. 680-682). Pour délimiter le champ d'application de l'art. 11a LACI, ce qui est décisif n'est pas la qualification de la prestation au regard des règles de la LAVS sur le salaire déterminant, mais le caractère volontaire de la prestation versée par l'employeur à la fin du rapport de travail (RUBIN, op. cit., n° 5 ad art. 11a LACI). Le fait que la prestation ait été convenue avant, pendant ou au moment de la résiliation des rapports de travail n'est pas déterminant. Ces prestations peuvent par exemple découler d'un plan social ou d'une convention collective de travail ou des indemnités de départ prévues dans les contrats (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_670/2010 du 4 avril 2011 consid. 5; Thomas NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Sécurité sociale, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2315 n° 168). Par contre, il n'y a pas de caractère volontaire lorsqu'il existe un droit légal à la prestation. Il est par exemple admis en doctrine que les prestations visées à l'art. 339b CO, en tant qu'elles sont obligatoires (art. 362 CO), ne sont pas des prestations volontaires entrant dans le champ d'application de l'art. 11a LACI (NUSSBAUMER, op. cit., p. 2315 n. 168; RUBIN, op. cit., n° 6 ad art. 11a LACI; cf. aussi Werner GLOOR, in Commentaire du contrat de travail, Dunand/Mahon [éd.], 2013, n° 3
ad art. 339b CO; CARRON, op. cit., pp. 681 et ss.).

5.3.1 Afin d'encourager le travailleur à rester au service de l'employeur jusqu'à une certaine échéance, il arrive que les parties conviennent d'une prime de rétention, à savoir un montant déterminé payable à la condition que le collaborateur soit encore au service de l'employeur, respectivement dans un rapport de travail non résilié à une certaine date déterminée. Ces primes sont régulièrement offertes en cas de restructuration ou de difficultés économiques, pour éviter une fuite des employés et préserver ainsi la valeur de l'entreprise, en vue de sa vente ou pour permettre à l'acquéreur de pleinement bénéficier du capital humain de l'entreprise acquise (contrat individuel de travail ; salaire et obligation de l'employeur de le payer, in Droit du travail, Rémy WYLER et Boris HEINZER, Berne 2019, p. 231).

5.3.2 Dans le cas ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral du 14 janvier 2016 (8C_822/2015), le directeur d'une société anonyme avait été licencié en raison du retrait d'une marque automobile du marché européen et avait conclu avec son employeur une convention réglant les modalités de la fin des rapports de travail prévue au 31 décembre 2014. Ainsi, en prévision de l'arrêt de la vente de véhicules neufs en Europe, cette convention prévoyait le versement d'une prime de rétention (« retention cash grant ») d'un montant de CHF 328'000.-, payable à la condition que l'employé ait rempli ses obligations de manière satisfaisante jusqu'à la fin des rapports de travail. Cette prime de rétention permettait ainsi à l'employeur de s'assurer que l'employé resterait disponible jusqu'à la fin des rapports de travail (consid. 3.2). Le Tribunal fédéral a en outre souligné la distinction effectuée entre, d'une part, le « retention cash grant » de
CHF 328'000.- et l'indemnité de départ d'un montant de CHF 36'266.-, dont les versements dépendaient de la volonté de l'employeur et de la performance de l'employé, du versement du salaire brut dû pour le travail fourni jusqu'à la fin des rapports de travail, d'autre part. Notre Haute Cour a par ailleurs relevé que le droit au versement du « retention cash grant » et de l'indemnité de départ s'éteignait si l'employeur ou l'employé mettait fins aux rapports de travail avant la date convenue, ce qui n'était pas le cas d'un salaire versé pour des prestations supplémentaires, celui-ci étant versé au prorata du temps travaillé jusqu'à la fin des rapports de travail. Le Tribunal fédéral a donc confirmé la qualification retenue par les juges de première instance selon laquelle le
« retention cash grant » constituait une prestation volontaire de l'employeur au sens des art. 11a LACI et 10a OACI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_822/2015 du 14 janvier 2016 consid. 3.1 et 3.2).

5.3.3 Dans un arrêt du 15 mars 2023, la 1ère Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal de Fribourg a considéré que le versement d'une prime de rétention de CHF 246'675.-, prévu par une convention conclue en raison de la fermeture prochaine d'un site de production, avait pour but de lier l'employé à l'employeur afin qu'il ne quitte pas l'entreprise avant la fin des rapports de travail prévue le 31 octobre 2021. Le paiement de la prime de rétention dépendait ainsi de la fermeture du site et du maintien des rapports de travail jusqu'à l'arrêt de celle-ci. Constatant qu'en l'absence de fermeture du site au 31 octobre 2021, l'assuré n'aurait pas eu droit à cette prime de rétention, la Cour a retenu que le versement de celle-ci constituait un élément étroitement lié à la résiliation des rapports de travail. Par ailleurs, cette prime de rétention n'avait pas le caractère de salaire dû pour un travail accompli mais était avant tout destinée à rétribuer l'assuré pour l'engagement qu'il avait pris de ne pas quitter l'entreprise avant la fermeture du site, respectivement avant la fin des rapports de travail, sous réserve que les objectifs fixés aient été atteints. Par conséquent, à défaut de constituer une prétention de salaire, le montant de CHF 256'675.- devait être qualifié de prestation volontaire de l'employeur au sens de l'art. 11a LACI (arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg 605.2022.77 du 15 mars 2023 consid. 7).

5.4 Le droit suisse ne contient aucune disposition qui traite spécifiquement du bonus, lequel peut consister dans le versement d'une somme d'argent ou encore dans la remise d'actions ou d'options. Le Tribunal fédéral a résumé comme suit sa jurisprudence relative aux bonus: pour qualifier un bonus dans un cas d'espèce, il faut interpréter les manifestations de volonté des parties (cf. art. 1 CO). Il s'agit tout d'abord d'établir si le bonus est déterminé (respectivement déterminable) ou indéterminé (respectivement indéterminable) (ATF 145 V 188 consid. 5.2.2.1
et les références).

5.4.1 Si le bonus est déterminé ou objectivement déterminable, l'employé dispose d'une prétention à ce bonus. Une rémunération est objectivement déterminable lorsqu'elle ne dépend plus de l'appréciation de l'employeur. Cela est le cas lorsque l'employé a droit à une part du bénéfice ou du chiffre d'affaires ou participe d'une autre manière au résultat de l'exploitation. L'employeur doit alors tenir son engagement consistant à verser à l'employé la rémunération convenue (élément essentiel du contrat de travail) et le bonus doit être considéré comme un élément (variable) du salaire. L'engagement (contractuel) de l'employeur à verser à son employé une rémunération déterminée (ou objectivement déterminable) à titre de salaire peut résulter de l'accord conclu initialement (au début de la relation contractuelle) entre les parties ou celles-ci peuvent en convenir postérieurement, au cours de la relation contractuelle (ATF 145 V 188 consid. 5.2.2.2 et les références).

5.4.2 Si le bonus n'est pas déterminé ou objectivement déterminable, l'employé ne dispose en règle générale d'aucune prétention: la rémunération dépend du bon vouloir de l'employeur et le bonus est qualifié de gratification. Tel est le cas lorsque la quotité du bonus n'est pas fixée à l'avance, mais dépend pour l'essentiel de la marge de manœuvre de l'employeur, en ce sens que la part de l'employé au résultat de l'entreprise n'est pas fixée contractuellement ou encore dépend de l'appréciation (subjective), par l'employeur, de la prestation de travail fournie par l'employé (ATF 145 V 188 consid. 5.2.2.3 et les références). Lorsque le bonus n'est pas déterminé ou objectivement déterminable, il doit être qualifié de gratification (ATF 145 V 188 consid. 5.2.2.4 et les références).

5.4.3 Il y a un droit à la gratification lorsque, par contrat, les parties sont tombées d'accord sur le principe du versement d'un bonus et n'en ont réservé que le montant ; il s'agit d'une gratification que l'employeur est tenu de verser. De même, lorsqu'au cours des rapports contractuels, un bonus a été versé régulièrement sans réserve de son caractère facultatif pendant au moins trois années consécutives, il est admis qu'en vertu du principe de la confiance, il est convenu par actes concluants (tacitement), que son montant soit toujours identique ou variable: il s'agit donc d'une gratification à laquelle l'employé a droit, l'employeur jouissant d'une certaine liberté dans la fixation de son montant au cas où les montants étaient variables (arrêt du Tribunal fédéral 4A_430/2018 du 4 février 2019
consid. 5.2.1 et les références).

6.             L'interprétation d’une convention doit être effectuée selon les règles générales sur l'interprétation des contrats. Il y a lieu de rechercher, tout d'abord, la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO). Lorsque cette intention ne peut être établie, il faut tenter de découvrir la volonté présumée des parties en interprétant leurs déclarations selon le sens que le destinataire de celles-ci pouvait et devait raisonnablement leur donner selon les règles de la bonne foi (principe de la confiance). L'interprétation en application de ce principe, dite objective ou normative, consiste à établir le sens que chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Pour ce faire, il convient de partir du texte du contrat avant de l'examiner dans son contexte ; dans ce dernier cas, toutes les circonstances ayant précédé ou accompagné sa conclusion doivent être prises en considération (cf. par exemple : ATF 140 V 145 consid. 3.3 et les références). Les circonstances survenues postérieurement à celle-ci ne permettent pas de procéder à une telle interprétation; elles constituent, le cas échéant, un indice de la volonté réelle des parties (ATF 129 III 675 consid. 2.3).

7.              

7.1 Dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par la maxime inquisitoire selon laquelle les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (art. 43 LPGA; ATF 145 V 90 consid. 3.2; ATF 138 V 218 consid. 6). Cette règle n'est toutefois pas absolue. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Cela comporte en partie l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi la partie concernée s'expose à devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (ATF 145 V 90 consid. 3.2; ATF 138 V 218 consid. 6; ATF 115 V 133 consid. 8a), sauf si l'impossibilité de prouver ce fait peut être imputée à la partie adverse (ATF 138 V 218 consid. 8.1.1).

A cet égard, il est possible de s’inspirer du principe général consacré à l’art. 8 CC selon lequel chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (ATF 138 V 218 consid. 6; en ce sens également : ATF 146 V 51 consid. 5.1 ; ATF 145 V 90 consid. 3.2 ; ATF 115 V 133 consid. 8a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_412/2011, du 30 avril 2012 consid. 3.2). En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, alors que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l'empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue (ATF 141 III 241 consid. 3 ; ATF 139 III 13 consid. 3.1.3.1 ; ATF 139 III 7 consid. 2.2). Dans le même sens, le Tribunal fédéral a récemment précisé que la partie qui se prévaut d'une exception à la règle générale doit prouver les faits qui fondent ladite exception (ATF 147 III 393 consid. 6.3.1).

7.2 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 135 V 39 consid. 6.1; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ;
ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 Cst (SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b, ATF 122 V 157 consid. 1d).

7.3 En droit des assurances sociales, on applique de manière générale la règle dite des « premières déclarations ou des déclarations de la première heure », selon laquelle, en présence de deux versions différentes et contradictoires d'un fait, la préférence doit être accordée à celle que l'assuré a donnée alors qu'il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a ; ATF 115 V 133 consid. 8c).

8.              

En l'espèce, les parties s'opposent sur la nature des montants de CHF 256'600.- et CHF 25'000.- versés à la recourante par son employeur en application de la convention du 6 juillet 2021 réglant les modalités de la fin des rapports de travail. L'intimée considère que ces montants constituent des prestations volontaires de l'employeur alors que la recourante soutient que ces sommes lui ont été versées à titre de salaire, en compensation des heures supplémentaires et du travail supplémentaire effectués de juillet à octobre 2021.

Il convient donc d’examiner en particulier le texte de la lettre de résiliation du 22 février 2021 et de la convention du 6 juillet 2021, ainsi que le contexte de leur établissement, pour statuer sur la nature exacte des indemnités versées.

8.1 À titre liminaire, il est relevé que l'employeur a résilié le contrat de travail par lettre du 22 février 2021 pour le 31 octobre 2021, ce que la recourante ne conteste pas. Le délai de congé de trois mois prévu par le contrat de travail ayant ainsi été respecté, la chambre de céans retiendra que l'art. 11 al. 3 LACI – qui suppose un droit au salaire pour une période postérieure à la résiliation des rapports de travail ou une indemnité pour résiliation anticipée de ceux-ci (cf. consid. 6.1 supra) – n'est pas applicable dans le cas d'espèce.

8.2 Il convient dès lors d'examiner si les montants de CHF 256'600.- et
de CHF 25'000.- constituent des prestations volontaires de l'employeur au sens de
l'art. 11a LACI.

À teneur de la lettre de l'employeur du 22 février 2021, la résiliation du contrat de travail est intervenue en raison de la restructuration de la société dont la fin des activités était prévue pour le 31 octobre 2021. Afin de régler les modalités de fin des rapports de travail jusqu'à cette date, la recourante et l'employeur ont conclu la convention du 6 juillet 2021. Le délai de congé étant de trois mois, il appert que la conclusion de cette convention devait permettre à l'employeur de s'assurer que la recourante resterait travailler à son service au-delà du délai de congé afin de participer à la restructuration de la société. En contrepartie des tâches dévolues à cette restructuration, les parties à cette convention ont convenu que la recourante recevrait le montant de CHF 256'600.- (« [s]ubject to you carrying out your work duties and responsabilities up to the termination date of October 31st, 2021 and assisting with the transition under the restructuring, the company will pay you : (i) [a]n ex-gratia lump sum once-off severance payment in the amount of
CHF 256'600 [the "termination payment"] [ ]
», cf. art. 2.c. de la convention). En outre, l'art. 5.e. de la convention prévoit que cette somme ne serait pas versée dans l'hypothèse où la recourante violerait ses obligations (« [t]he Company shall be under no obligation to pay any amounts payable pursuant to clauses 2 (c) and (d) in the event of your breaching of your obligations under this agreement »). Il était ainsi convenu que l'employeur pouvait refuser de verser le montant de CHF 256'600.- si la recourante mettait fin aux rapports de travail avant l'échéance du 31 octobre 2021.

Par ailleurs, tant la recourante que l'employeur, ont expressément indiqué à l'intimée, lors de leurs premières déterminations, que le montant de
CHF 256'600.- avait été versé en sus du salaire. Ainsi, à la question « [e]n plus du salaire auquel vous aviez droit, d'autres prestations financières vous ont - elles été accordées lors de la résiliation du rapport de travail ? », la recourante a répondu avoir perçu le montant de CHF 256'600.- (cf. demande d'indemnités de chômage du 19 décembre 2021). Dans le questionnaire du 19 janvier 2022, l'employeur a pour sa part indiqué que le montant de CHF 256'600.- avait été versé à titre de
« prime de départ/rétention ou autre montant uniquement lié au licenciement ».

Il ressort ainsi du texte de la convention, de la lettre de résiliation et des informations indiquées par la recourante et son ancien employeur à l'intimée que le versement de cette somme est intervenu en raison de la fin des rapports de travail et en sus du salaire.

La chambre de céans relève en outre que la thèse de la recourante, selon laquelle le montant de CHF 256'600.- aurait en réalité été versé en compensation des nombreuses heures supplémentaires effectuées suite au licenciement de trois employés de son département, est contredite par l'art. 8.b. de la convention prévoyant, sous le titre « Result of Negotiations / Waiver », que la recourante confirmait ne plus avoir d'autres prétentions, passées ou présentes, à faire valoir à l'encontre de l'employeur, y compris celles découlant des heures supplémentaires (« [y]ou hereby confirm that except for the company's obligations under this agreement you have no other claims against any company in the Universal Group (past and present), including, but not limited to, those arising from overtime
[ ] »). La recourante et l'employeur n'ont ainsi manifestement pas réglé par le biais de cette convention la question de la rémunération d'éventuelles heures supplémentaires effectuées postérieurement à la signature de cet accord. Il apparaît donc que le versement du montant de CHF 256'600.- n'est pas intervenu à titre de compensation pour les heures supplémentaires effectuées jusqu'au
31 octobre 2021 tel que l'allègue la recourante. Il sera au demeurant relevé que cette dernière ne l'a aucunement démontré au degré de la vraisemblance prépondérante.

La recourante soutient par ailleurs qu'un montant de CHF 30'000.-, déduit de la somme de CHF 256'600.-, correspondrait à une gratification à laquelle elle avait droit, à titre de prétention salariale pour l'année 2021, au motif qu'elle avait perçu des bonus annuels de montants variant entre CHF 15'887.- et CHF 78'900.- les années précédentes. La recourante fait ainsi référence aux bonus annuels versés par l'employeur et qualifiés par ce dernier de « bonus fiscal year » à teneur des pièces produites par la recourante. Il ressort toutefois du dossier que l'employeur a effectivement versé des bonus pour les années 2021 et 2022 en sus du salaire, à savoir un premier montant de CHF 37'404.- versé en juin 2021 et correspondant à la participation de la recourante au « fiscal 2021 bonus programme »
(cf. art. 2.b. de la convention), ainsi qu'un second montant de CHF 16'261.- versé en janvier 2022 et désigné par les termes « pro rata bonus payment for fiscal 2022 » à l'art. 2.c.ii. de la convention. Force est donc de constater qu'aucun montant ne saurait être déduit du montant de CHF 256'600.- à titre de bonus annuel dû à la recourante à titre de prétentions salariales. Cet argument tombe ainsi à faux.

Au surplus, la chambre de céans relève que la qualification du montant de
CHF 256'600.- par la recourante a varié entre le dépôt de la demande d'indemnités de chômage et le dépôt de son opposition. Ainsi, ni la recourante, ni l'employeur n'avait fait état de montants versés en compensation d'heures supplémentaires effectuées entre juillet et octobre 2021 dans les formulaires remis à l'intimée
(cf. la demande d'indemnités de chômage, l'attestation de l'employeur et le questionnaire n°2). Il est par ailleurs constaté que la recourante a contesté la qualification du montant de CHF 256'600.- versé à titre d'indemnité ou de prime de rétention après avoir été conseillée par son assurance de protection juridique, indiquant que ce montant « constituait une rémunération par rapport au fait qu'[elle] ait continué à travailler durant son délai de préavis » (cf. lettre de la recourante du 18 février 2022). L'intimée ayant indiqué à la recourante que ce montant devait être pris en compte à titre d'indemnité de départ ou de prime de rétention, l'intéressée a affirmé, dans un courrier subséquent, que ce montant devait en réalité être considéré comme une prime liée au rendement
(« performance incentive ») (cf. lettre de la recourante non-datée et reçue par l'intimée le 22 février 2022). Ce n'est finalement qu'au stade de l'opposition que la recourante a fait valoir que le montant de CHF 256'600.- lui avait été versé au titre de paiement d'heures supplémentaires. Or, il convient en général d’accorder la préférence aux premières déclarations de l’assuré, faites alors qu’il en ignorait peut-être les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être – consciemment ou non – le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a ; ATF 115 V 143 consid. 8c).

Au vu de l'ensemble des éléments susmentionnés et de la similitude entre le cas d'espèce et le cas ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral 8C_822/2015
(cf. consid. 6.3.2 supra), la chambre de céans retiendra que le montant de
CHF 256'600.- constitue une prime de rétention, versée à la recourante en sus du salaire, en raison de la fin des rapports de travail. La somme de CHF 256'600.- constitue donc une prestation volontaire de l'employeur au sens de
l'art. 11a LACI.

En revanche, en application de la jurisprudence fédérale, les montants de
CHF 37'404.- et CHF 16'261.-, versés à titre de bonus pour les années 2021 et 2022 respectivement, doivent être considérés comme une gratification à laquelle la recourante avait droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_430/2018 du 4 février 2019 consid. 5.2.1) de sorte qu'ils ne constituent pas des prestations volontaires de l'employeur au sens de l'art. 11a LACI. C'est donc à bon droit que l'intimée n'en a pas tenu compte pour la détermination du délai de départ du droit aux indemnités de chômage de la recourante.

Enfin, concernant le versement du montant de CHF 25'000.-, la recourante a admis que celui-ci constituait une prestation volontaire de l'employeur, tel que l'avait considéré, à juste titre, l'intimée. En effet, ce montant est qualifié de prime d'achèvement (« completion bonus », cf. art. 2.d. de la convention), ce qui indique qu'il a été versé en raison de la fin des rapports de travail, étant relevé que la détermination du droit au versement de cette prime dépendait uniquement du bon vouloir de l'employeur.

 

8.3 Par conséquent, au degré de la vraisemblance prépondérante, la chambre de céans retiendra que le montant total de CHF 281'600.- (CHF 256'600.- +
CHF 25'000.-) constitue des prestations volontaires de l'employeur dès lors qu'il a été versé en raison de la fin des rapports de travail et non pas en compensation des heures supplémentaires ou à titre de bonus faisant partie du salaire dû à la recourante.

9.             Par appréciation anticipée des preuves, il sera renoncé à la comparution personnelle des parties, laquelle n’apparaît pas nécessaire à l’établissement des faits de la cause.

10.         Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que l'intimée a retenu que le report du droit à l'indemnisation chômage est de 6 mois et 18 jours ouvrables et que le délai de départ du droit aux indemnités de chômage de la recourante est établi
au 26 mai 2022.

La décision querellée doit donc être confirmée et le recours rejeté.

11.         Le recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens. La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

******


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le