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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/115/2023

ATAS/324/2023 du 09.05.2023 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/115/2023 ATAS/324/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 mai 2023

Chambre 8

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

CAISSE DE CHÔMAGE UNIA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Madame B______ (ci-après : l’assurée) s’est inscrite auprès de l’office régional de placement (ci-après : ORP) à un taux d'activité de 80%. Son gain assuré mensuel a été arrêté à CHF 5'832.- sur la base d'un taux d'aptitude au placement de 80%.

b. Par décision du 4 janvier 2022, l'ORP a accordé un stage professionnel à l’assurée auprès de Maître A______ (ci-après : l'employeur ou le recourant) au sein de l'Étude C______. Il en ressortait que le stage se déroulerait du 10 janvier 2022 au 8 juillet 2022 au taux d'activité de 80% et que l'employeur participerait aux paiements des frais à concurrence d’un minimum de 25% des indemnités journalières de l'assurée. La décision mentionnait également que : « L'indemnité journalière mensuelle minimale se monte à CHF 1'020.60 lors d'un taux d'activité en stage professionnelle de 100% ».

B. a. Le 27 juin 2022, la caisse de chômage UNIA (ci-après : la caisse ou l'intimée) a adressé à l'employeur une facture pour sa participation. Le montant en a été fixé à CHF 4'860.- compte tenu d’une durée de stage de janvier à mai 2022.

b. Par courrier du 5 juillet 2022, l'employeur s’est opposé à cette facture, au motif que, selon la décision du 4 janvier 2022, l'indemnité journalière mensuelle minimale de CHF 1'020.60 à charge de l'employeur correspondait à un taux d'activité en stage professionnel de 100%. Or, l'assurée avait effectué un stage à un taux d'activité de 80%.

c. L’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a, par courriel du 15 août 2022, confirmé le calcul. Le gain assuré était de CHF 5'832.-, le montant de l'indemnité journalière mensuelle brute de CHF 4'082.40 (soit le gain assuré CHF 5'832.- x 70% taux d'indemnité) et le taux d'activité de l'assurée durant la mesure de 80%. Ainsi, la part mensuelle de l'employeur était de CHF 1'020.60 (soit CHF 4'082.40 d'indemnité journalière mensuelle brute x la part de l'employeur de 25%).

d. Par courriel du 19 août 2022, la caisse a précisé qu'elle établissait la décision sur la base du décompte de l'ORP et qu'elle ne pouvait pas procéder à des corrections sans autorisation dudit office.

e. Par courrier du 22 août 2022, l'employeur a maintenu qu'en cas de stage à temps partiel, la participation financière était réduite au pro rata. Le montant réclamé devait ainsi être diminué à hauteur de 20%, la part mensuelle de l'employeur s'élevant ainsi à 80% de CHF 1'020.60.

f. Par courrier du 30 août 2022 à l'OCE, l'employeur a demandé de corriger le montant réclamé et a requis une décision formelle sujette à recours.

g. Par courrier du 1er septembre 2022, la caisse a relevé que le gain assuré correspondait déjà à un taux d'activité de 80% et que, par la décision de l'ORP, la participation financière de l'employeur s'élevait au montant de CHF 1'020.60.

h. Par courrier du 7 septembre 2022, l'employeur a sollicité de nouveau une décision formelle sujette à recours.

C. a. Par décision du 28 septembre 2022, la caisse a maintenu son calcul et a réclamé à l'employeur le paiement de la somme de CHF 4'860.-.

b. Par courrier du 31 octobre 2022, l'employeur a formé opposition à cette décision, en concluant à son annulation et à un nouveau décompte de participation de l'employeur, sur la base d'une activité de l'assurée à 80% et non à 100%.

c. Par décision du 25 novembre 2022, la caisse a rejeté l’opposition. Elle a admis que l'indication « L'indemnité journalière mensuelle minimale se monte à CHF 1020.60 lors d'un taux d'activité en stage professionnelle de 100% » dans la décision du 4 janvier 2022 de l'OCE pouvait prêter à confusion. Le calcul était nonobstant correct. Il s'agissait en fait d'une participation financière à 100%. En effet, le gain de l'assurée reposant sur une perte de travail de 80% et son taux d'activité de stage étant de 80%, le taux d'activité était de 100% de la perte de travail invoquée. Cela découlait directement des modalités de calcul prévues par le Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : SECO). C'était uniquement dans le cas d'un stage à un taux d'activité inférieur à 80% qu'une réduction proportionnelle aurait été justifiée.

D. a. Par acte du 13 janvier 2023, l'employeur a interjeté recours contre cette décision, en concluant à la comparution personnelle des parties, à l'annulation de la décision du 28 septembre 2022 et à un nouveau décompte de participation de l'employeur, sur la base d'un taux d'occupation de l'assurée à 80% et non à 100%.

b. Dans sa réponse du 3 février 2023, la caisse a conclu au rejet du recours, le recourant n’apportant pas d’éléments de fait ou d’arguments nouveaux.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur l'étendue de la contribution du recourant au titre de participation financière aux frais du stage professionnel de l'assurée.

4.              

4.1 Selon l'art. 59 LACI, l'assurance-chômage alloue des prestations financières au titre des mesures relatives au marché du travail (ci-après : MMT) en faveur des assurés et des personnes menacées de chômage (al. 1) ; ces mesures comprennent en particulier des mesures d'emploi (al. 1 bis).

4.2 Sont réputés mesures d'emploi notamment les emplois temporaires qui entrent dans le cadre de stages professionnels dans une entreprise ou une administration (art. 64a al. 1 let. b LACI).

4.3 L’art. 97a de l'ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (OACI – RS 837.02) - adopté en vertu de la délégation prévue à l’art. 64b al. 2 LACI - prévoit que l'employeur prend à sa charge 25%, mais au moins CHF 500.- de l’indemnité journalière de stage brute ou de la contribution mensuelle versée à l’assuré. Le montant minimal est réduit proportionnellement en cas de travail à temps partiel. L’autorité cantonale peut fixer un pourcentage plus élevé. La caisse de chômage de l’assuré établit un décompte à l’intention de l'employeur à la fin de la mesure.

5.              

5.1 Selon le Bulletin LACI MMT, publié par le SECO, la participation financière de l'entreprise de stage s'élève à 25% de l’indemnité journalière de stage brute (droit aux indemnités journalières conformément à l'éventuel délai d'attente) et doit être calculée sur la base des données concernant le droit de l'assuré disponibles au moment de la décision cantonale. Elle est limitée à la durée de participation effective de l'assuré au stage. Le taux de 25% est une participation minimale qui peut être revue à la hausse par les cantons (SECO, Bulletin LACI MMT / I15).

5.2 Pour les stages à temps partiel et/ou les mois qui ne sont pas entiers, la participation financière est réduite au pro rata. Le montant facturé par la caisse de chômage est entièrement dû même si la personne assurée s'est absentée quelque temps (pour cause de maladie ou de vacances p. ex.) et ce, aussi longtemps qu’aucune autre assurance ne prend en charge les prestations (SECO, Bulletin LACI MMT / I16).

5.3 Bien que les directives administratives ne soient pas contraignantes pour le juge, celui-ci en tient compte dans sa décision, pour autant qu'elles permettent une interprétation des dispositions légales applicables adaptée au cas d'espèce et lui rendant justice. Le juge ne s'écarte donc pas des directives administratives sans motif pertinent si elles représentent une concrétisation convaincante des exigences légales. À cet égard, les efforts de l'administration pour assurer une application égale de la loi par le biais de directives internes sont pris en compte (arrêt du Tribunal fédéral 8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.2 ; ATF 141 V 365 consid. 2.4 et les références citées).

6.             En l'espèce, l'assurée était apte au placement à 80% avec un gain assuré de CHF 5'832.-. Elle a ensuite débuté, le 10 janvier 2022, un stage professionnel au taux d'occupation de 80%.

Le calcul de la part de l'employeur à la MMT est le suivant :

Gain assuré

CHF 5'832.-

Taux d'indemnité

70%

Indemnité journalière brute mensuelle moyenne

CHF 4'082.40

Taux d'occupation du placement

80%

Taux d'occupation durant le stage

80%

Facteur d'emploi

1

Base de calcul provisoire

CHF 4'082.40

Indemnité journalière mensuelle minimale

CHF 1'770.72

Base de calcul définitive

CHF 4'082.40

Part mensuelle de l'employeur

CHF 1'020.60

Le facteur d'emploi s'établit en divisant le taux d'occupation du stage professionnel par le taux d'occupation du placement de l'assurée. En l'espèce, les deux taux sont identiques, raison pour laquelle, dans sa décision du 4 janvier 2022, l'ORP fait référence à un taux d'activité en stage professionnel de 100%. Cette mention de 100% se rapporte au taux d'activité auquel est inscrite l'assurée à l'assurance-chômage.

La réduction proportionnelle de l'employeur aurait été justifiée dans l'hypothèse où l'assurée serait inscrite à l'ORP à un taux d'activité de 100%.

Le stage professionnel s'est déroulé sur la moitié du mois de janvier 2022 et sur quatre mois entiers, de février à mai 2022. La participation de l'employeur est de CHF 4'082.40 (CHF 1'020.60 x 4) de février à mai 2022. S'agissant du mois de janvier 2022, le stage ayant commencé le 10 janvier 2022, la participation financière est réduite au pro rata. Le mois de janvier 2022 comportant 21 jours indemnisables, la participation de l'employeur est de CHF 777.60 (CHF 1'020.60 : 21 x 16). Par conséquent, la part du recourant pour toute la durée du stage est de CHF 4'860.-.

7.             Se pose toutefois la question de la bonne foi, étant précisé que les rapports juridiques entre les parties doivent être qualifiés de contrat de droit administratif.

7.1 L'interprétation des contrats de droit administratif se fait selon le principe de la confiance au sens de l'art. 18 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), selon lequel il y a lieu de chercher la réelle et commune intention des parties (ATF 135 V 237 consid. 3.6 p. 241 s.). Une manifestation de la volonté doit être interprétée, comme en droit privé, dans le sens que son destinataire pouvait et devait lui donner de bonne foi, en fonction des circonstances qui lui étaient connues ou qu'il aurait dû connaître au moment de la conclusion du contrat. En cas de doute, il y a toutefois lieu de présumer que la volonté de l'administration n'était pas de conclure un contrat contraire à la loi ou à l'intérêt public et que son cocontractant s'en est rendu compte (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 354 N. 1019). Cependant, cela ne signifie pas qu'il faut dans tous les cas donner la préférence à une interprétation contraire au principe de la confiance, en donnant la priorité à l'intérêt public. Selon le Tribunal fédéral, la préservation de l'intérêt public trouve sa limite dans le principe de la confiance, lequel s'oppose à imposer au cocontractant une charge qu'il n'a pas pu prévoir raisonnablement lors de la conclusion du contrat (ATF 122 I 328 consid. 4 e) p. 335 s.).

7.2 En l'espèce, la décision de stage professionnel du 4 janvier 2022 constitue la base du contrat entre les parties. Selon cette décision, la demande de l'assurée de participer à un stage professionnel en l'Étude du recourant est acceptée au taux de 80%, le recourant s'engageant à payer 25% de l'indemnité journalière de l'assurée. Il est par ailleurs précisé que « l'indemnité journalière mensuelle minimale se monte à CHF 1’020.60 lors d'un taux d'activité en stage professionnel de 100% ». Il n'y a pas d'indication concernant le taux d'aptitude au placement de l'assurée et le calcul du montant de l'indemnité journalière.

De bonne foi, le recourant ne pouvait comprendre cette décision que dans le sens que sa participation au paiement de l'indemnité journalière s'élève à CHF 1’020.60 pour un stage à 100% et que celle-ci est proportionnellement réduite, si le taux de placement convenu est inférieur à ce pourcentage. En effet, il ne pouvait ni ne devait savoir que l'aptitude au placement de sa stagiaire était de 80% et que son gain assuré, déterminant pour le calcul de l'indemnité journalière, représentait le salaire afférent à un taux d'activité de 80%. Afin de dissiper tout malentendu, la décision aurait dû indiquer que l'indemnité journalière due est de CHF 1’020.60 pour le taux de placement de la stagiaire à 80%.

Le recourant s'étant engagé, selon ce qu'il pouvait comprendre, à payer pour sa stagiaire la somme de 80% de CHF 1’020.60, il ne peut lui être imposé, en vertu de la jurisprudence précitée, de payer une participation plus élevée.

Partant, même si le calcul par l'intimée est conforme à la loi, il y a lieu de réduire la participation due à 80%, sur la base de l'interprétation du contrat.

L'audition du recourant requise ne s'avère ainsi pas nécessaire.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours est admis et la décision réformée dans le sens que le recourant est tenu de payer une participation de CHF 3'888.-, correspondant à 80% de CHF 4'860.-.

9.             La procédure est gratuite (art. 61 let fbis a contrario LPGA).

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Réforme la décision dans le sens que le recourant est tenu de payer une participation de CHF 3'888.-.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le