Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1387/2021

ATAS/320/2023 du 10.05.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1387/2021 ATAS/320/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 10 mai 2023

Chambre 4

 

En la cause

 

A______ représentée par Me Monique STOLLER FÜLLEMANN, avocate

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Madame A_____ (ci-après : l’assurée ou la recourante) est née le ______ 1968, d’origine portugaise, mariée et mère d’un enfant né le ______ 1993. Elle a travaillé du 19 novembre 2007 au 30 avril 2018 à 50% en qualité d’animatrice parascolaire pour le Groupement intercommunal pour l’animation parascolaire (ci-après : le GIAP). À ce titre, elle était couverte contre les accidents professionnels et non professionnels par la Mobilière Suisse Société d’assurances SA (ci-après : l’assurance-accidents). En 2009, elle a eu un cancer de la tyroïde.

B. a. Le 15 décembre 2012, elle a été victime d’un accident non professionnel. Selon la déclaration d’accident-bagatelle LAA du 25 janvier 2013, remplie par la doctoresse B______, médecin à l’Hôpital de la Tour, l’assurée avait glissé avant de chuter alors qu’elle prenait une douche dans sa baignoire. Lors de sa chute, elle s’était heurtée l’épaule droite « sur l’angle du carrelage ». La blessure consistait en un hématome à l’épaule droite. La Dresse B______ a diagnostiqué une contusion de l’épaule droite et indiqué que le traitement était terminé. Dans la déclaration de sinistre du 2 janvier 2013, l’assurée a précisé qu’elle n’avait pas interrompu le travail à la suite de l’accident.

b. Dans un rapport opératoire du 16 janvier 2014 consécutif à une intervention du 15 janvier 2014, le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a diagnostiqué une lésion de la coiffe des rotateurs droite aux dépens du tendon sous-scapulaire (type I) et du tendon sus-épineux (lésion de la face bursale), une tendinopathie du long chef du biceps, un conflit sous-acromial et une arthropathie acromio-claviculaire droite symptomatique. Dans un rapport du 9 avril 2014, le Dr C______ a fait état d’une incapacité de travail de 100% avec une reprise prévue dès le 1er juin 2014.

c. Le 25 juin 2014, l’assurée a été victime d’un nouvel accident non professionnel. Selon la déclaration de sinistre du 12 juillet 2014, elle avait perdu l’équilibre sur une marche d’escalier, avait chuté, était retombée violemment sur son épaule droite et s’était tordu les chevilles en tentant de retrouver l’équilibre.

d. Par rapport du 13 mai 2015 consécutif à sa consultation de la veille, le Dr C______ a mentionné la persistance de douleurs localisées principalement au niveau de l’épaule (droite). Selon lui, les douleurs persistantes étaient en partie liées à la chirurgie au vu de leur localisation très précise. Il a adressé la patiente au docteur D______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation.

e. Dans un rapport du 16 juin 2015, ce dernier a diagnostiqué une tendinopathie du long chef du biceps et du sous-scapulaire de l’épaule droite, un status post réparation/arthroscopie de la coiffe des rotateurs droite, le 15 avril 2014, avec résection distale de la clavicule. Selon le Dr D______, les douleurs de l’assurée à l’épaule droite étaient liées à une décompensation de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite consécutive à sa chute du 25 juin 2014. L’assurée devait éviter les mouvements avec des charges lourdes.

Dans un rapport du 30 septembre 2015, le docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, médecin-conseil de l’assurance-accidents, a diagnostiqué un status après plastie du sus-épineux, du sous-épineux, ténodèse du long chef du biceps associée à une acromioplastie et résection du dernier centimètre de la clavicule pour arthrose acromio-claviculaire. Le statu quo sine était intervenu au plus tard une année après la nouvelle chute. La qualité tendineuse expliquait les lésions dégénératives.

f. Par décision du 29 janvier 2016, l’assurance-accidents a mis un terme à la prise en charge des frais de traitement dès le 30 juin 2015. Elle a confirmé sa décision le 7 juin 2016.

g. L’assurée a formé recours contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS).

h. Par arrêt du 30 octobre 2018, la CJCAS a dit que l’assurée avait droit à la poursuite de la prise en charge par l’assurance-accidents de ses frais de traitement du 1er juillet 2015 au 6 mars 2016, sur la base d’une expertise établie le 27 juillet 2018 par le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique à Fribourg, laquelle portait essentiellement sur le rapport de causalité entre les atteintes somatiques de l’assurée et ses accidents du 15 décembre 2012 et du 25 juin 2014.

C. a. Le 12 juin 2016, l’assurée a chuté en faisant son ménage, s’étant encoublée au fil de son aspirateur.

b. L’assurée a demandé des prestations de l’assurance-invalidité le 30 novembre 2016 auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimée), en raison d’une incapacité de travail à 100% dès le 12 juin 2016, en lien avec une opération de son épaule droite, précisant qu’elle avait eu l’épaule, le coude et le poignet cassés suite à des pertes d’équilibre. Elle avait également des problèmes au niveau de l’oreille interne. Elle avait fréquenté l’école primaire et secondaire (école obligatoire au Portugal) et n’avait appris aucune profession. Elle travaillait à « 49%50 » depuis le 1er décembre 2008.

c. Le 12 février 2017, en sortant de sa douche, l’assurée a glissé sur le carrelage et a chuté, heurtant la pointe de son coude gauche contre le mur.

d. Le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a rendu un rapport d’expertise pour l’assurance-accidents, le 4 juillet 2017, concluant que l’état de l’assurée n’était pas encore stabilisé et qu’elle ne pouvait pas encore reprendre son activité habituelle. Il fallait réévaluer son cas à l’automne 2017.

e. Le 15 septembre 2017, la doctoresse H______, spécialiste FMH en médecine interne oncologie-hématologie, a indiqué connaître l’assurée depuis plus de quinze ans. Cette dernière avait interrompu son suivi chez elle pour des raisons non médicales. Elle la suivait à nouveau depuis le mois de mai de manière régulière. L’aggravation récente de son état dépressif avait conduit la doctoresse I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à proposer un séjour à Crans-Montana, ce qui lui paraissait approprié. Dans ce contexte de détérioration de l’état psychique par des limitations fonctionnelles somatiques pluri-étagées, aucune réorientation professionnelle ne paraissait possible pour l’instant.

f. Le Dr G______ a rendu un nouveau rapport d’expertise le 18 juillet 2018 à l’attention de l’assurance-accidents, après avoir examiné l’assurée le 13 précédent. Il a constaté, une nette amélioration des éléments objectivables depuis l’expertise précédente. Les signes de Südeck avaient disparu, la mobilité s’était presque normalisée et la force s’était considérablement améliorée. On ne retrouvait aucune neuropathie objectivable. Subjectivement, il persistait cependant des tiraillements douloureux avec l’impression pour l’assurée que « ses os se décollent » sur le pourtour de l’olécrane et de la styloïde cubitale gauche. Sur le plan non somatique, l’évolution semblait absolument stationnaire, comme si l’assurée s’enfermait dans un rôle de victime de diverses maladies invalidantes. L’expert était frappé par une sorte de pensée magique qui persistait malgré une amélioration apparente de la dysphorie. Au niveau professionnel, il était difficile de retenir encore une exigibilité de travail diminuée en rapport avec l’accident du membre supérieur gauche, notamment dans un travail adapté. Une expertise psychiatrique et une évaluation de l’assurance-invalidité étaient vraisemblablement nécessaires.

g. Par décision du 25 juillet 2018, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge les atteintes psychiques de l’assurée considérant qu’elles n’étaient pas en lien de causalité adéquate avec ses accidents des 12 juin 2016 et 22 février 2017. Elle acceptait en revanche de prendre en charge les troubles somatiques jusqu’à la fin du mois d’août 2018, sur la base des conclusions du Dr G______.

h. Selon une note de l’OAI du 26 juillet 2018, un statut mixte était admis avec une part professionnelle de 49% et une part travaux habituels de 51%. Au moment de l’arrêt de travail dû à l’accident du 12 juin 2016, l’assurée était sous contrat de travail auprès du GIAP, en qualité d’animatrice parascolaire à raison de 19.5 heures par semaine (au lieu des 40 heures par semaine exercées normalement pour un plein temps). Le contrat de travail avait débuté en novembre 2007.

i. Dans un rapport du 23 août 2018, la Dresse I______ a indiqué à l’OAI suivre l’assurée depuis 2002 de manière régulière, sauf entre 2012 et 2015. Si le Dr G______ considérait que le travail d’animatrice scolaire était exigible en tenant compte du bras gauche, il oubliait les autres atteintes dont souffrait l’assurée, en particulier son atteinte au bras droit et ses vertiges. Elle souffrait d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1) et de traits de personnalité anxieux et dépendants. Elle avait vraisemblablement présenté un épisode dépressif majeur avec symptômes psychotiques à l’âge de 15 ans. Elle avait pu, malgré ses troubles psychiques, assumer son travail de manière tout à fait adéquate et y trouver beaucoup de satisfaction. Elle avait été très fragilisée par les accidents qui s’étaient suivis en peu de temps et par ses vertiges. Sa capacité de travail était de 0% dans son activité habituelle depuis le 12 juin 2016. La Dresse I______ n’imaginait pas d’activité adaptée pour l’assurée, qui ne pouvait plus assumer une activité physique du fait qu’elle n’était pas de langue maternelle française, n’avait été scolarisée que jusqu’à 12 ans et n’avait pas la formation de base requise pour travailler dans un bureau. L’assurée n’arrivait plus à effectuer les tâches ménagères, qui étaient prises en charge essentiellement par son mari. Elle était stable avec des hauts et des bas qui correspondaient à la récurrence des troubles dépressifs qu’elle présentait. Elle avait eu différents traitements antidépresseurs et un suivi en lien avec son état psychique de deux fois par semaine à une fois par quinzaine.

j. Le 15 octobre 2018, la Dresse H______ a indiqué que l’incapacité de travail de l’assurée était restée totale dans sa dernière activité d’animatrice parascolaire.

En raison de ses troubles de l’équilibre, l’assurée ne pouvait pas faire de mouvements brusques ni rapides. Toute précipitation occasionnait des troubles de l’équilibre avec risque de chute. Elle présentait par ailleurs une importante labilité émotionnelle en rapport avec un trouble dépressif persistant, qui ne faisait qu’aggraver la situation. Sa capacité de travail était de 0% dans toute activité.

L’état n’était pas encore stabilisé, notamment en raison de troubles métaboliques de type Südeck du coude et du poignet gauches nécessitant un traitement approprié. La reprise d’une activité professionnelle d’animatrice scolaire n’était pas encore possible en raison de douleurs permanentes du coude et du poignet gauches.

k. L’OAI a confié une expertise de l’assurée à la doctoresse J______, spécialise FMH en médecine interne générale, au docteur E______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, et la doctoresse K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, de centre d’expertise SMEX SA.

Selon le rapport d’expertise du 19 août 2019, du point de vue psychiatrique, les diagnostics étaient un trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2) et une personnalité anxieuse évitante (F60.6). L’assurée ne pouvait pas effectuer des activités émotionnellement éprouvantes. Les horaires de travail irréguliers et les activités durant la nuit étaient à proscrire. Elle devait réaliser exclusivement des activités routinières avec une quantité de travail et une vitesse de réalisation constantes et adaptées. L’activité devait être bien structurée.

Du point de vue orthopédique, tous les mouvements étaient possibles, mais avec des douleurs (subjectif). Il n’y avait aucune atrophie musculaire au niveau des membres supérieurs, ce qui montrait que l’assurée utilisait ses deux membres supérieurs de manière normale dans la vie de tous les jours. Les plaintes actuelles, de même que les constatations, étaient identiques à celles mentionnées dans l’expertise du Dr G______ du 18 juillet 2018. Il existait des limitations fonctionnelles, mais pas d’incapacité de travail dans une activité adaptée. La charge au niveau des membres supérieurs devait être limitée à 5 kg. Les mouvements répétitifs de l’épaule gauche devaient être limités et ceux au-dessus de la ceinture scapulaire proscrits.

Du point de vue de la médecine interne, l’assurée se plaignait de palpitations et de vertiges. Sur le plan clinique, qui était strictement normal, un surpoids était à relever avec un déconditionnement physique. Le reste de l’examen clinique était normal. Il n’était pas relevé de limitations fonctionnelles.

Du point de vue interdisciplinaire, la capacité de travail de l’assurée dans l’activité habituelle d’animatrice scolaire était de 0% et dans une activité adaptée de 100%

En général, avec un traitement optimal, la capacité de travail dans une activité adaptée aurait dû être de 100% dans un délai de trois mois, soit à partir d’avril 2017, de nouveau de 50% selon le rapport du 23 août 2018 avec le même diagnostic, puis de 100% trois mois plus tard, à partir de décembre 2018. En tout cas, elle était de 100% à partir de l’expertise et ce taux resterait stable.

Du point de vue orthopédique, depuis la dernière expertise du Dr G______ du 18 juillet 2018, la capacité de travail était de 100% dans une activité adaptée.

Du point de vue de la médecine interne, la capacité de travail avait toujours été de 100%.

l. Dans un avis du 3 septembre 2019, le SMR a retenu que les conclusions des experts concordaient avec la situation médicale ressortant du dossier et qu’il n’y avait pas lieu de s’en écarter. Il fallait considérer que la capacité de travail de l’assurée était définitivement nulle dans son ancienne activité, mais pleine dans une activité respectant strictement les limitations psychiques.

m. Le 11 février 2020, la Dresse H______ a exprimé sa surprise à l’OAI face aux conclusions de l’expertise, car l’assurée, qu’elle suivait de longue date, présentait un trouble dépressif récurrent et invalidant, des séquelles orthopédiques au niveau des deux membres supérieurs suite à plusieurs chutes et des vertiges. Dans ce contexte, elle peinait à concevoir une activité professionnelle tenant compte de ses limitations, ce d’autant plus que l’assurée avait été faiblement scolarisée au Portugal et qu’elle maitrisait mal le français écrit.

n. Il avait été convenu, le 28 mai 2020, que l’assurée commencerait un stage d’orientation professionnelle aux Établissements publics pour l’intégration (ci-après : les ÉPI) le 2 juin, les deux premières semaines à mi-temps, puis à temps normal.

o. La Dresse I______ a établi le 4 juin 2020 un arrêt de travail à 100% pour l’assurée dès cette date et jusqu’au 4 juillet 2020. Dans un courriel du 26 juin 2002, elle a indiqué qu’au vu de l’évolution et de l’importance du traumatisme psychique suite à sa venue aux ÉPI, elle n’imaginait pas que l’assurée puisse y retourner à court et moyen terme.

p. Selon un rapport établi par les ÉPI le 23 juillet 2020, l’assurée avait commencé la mesure à 50% le 2 juin 2020 comme prévu.

Le 2 juin 2020, elle avait montré des difficultés pour se concentrer sur les informations communiquées lors de l’accueil des nouveaux assurés. Elle avait monopolisé la parole, posé à plusieurs reprises les mêmes questions et n’avait pas écouté les explications. Elle avait présenté très rapidement des signes extérieurs de stress et avait eu besoin d’être constamment rassurée. À la fin de la présentation, elle avait décidé d’annuler son rendez-vous prévu le mardi après-midi avec sa physiothérapeute et déclaré qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle devait suivre cette mesure dans son état de santé. Après la pause de midi, elle avait demandé à pouvoir s’allonger sur une chaise longue dans l’atelier. En atelier, elle avait montré des difficultés à compléter le questionnaire d’entrée à cause de problèmes de concentration. Elle avait eu besoin d’être aidée pour comprendre le sens de certaines questions et avait montré des signes de stress.

Le lendemain, elle avait commencé par un entretien pour le suivi individuel, lors duquel elle avait démontré un manque d’intérêt pour la mesure, car elle ne se voyait pas retravailler dans son état actuel. Outre des difficultés de concentration, elle n’écoutait pas les questions, divergeait, monologuait par moment, se focalisait constamment sur sa problématique de santé et sur le fait qu’elle ne comprenait pas pourquoi l’OAI exigeait qu’elle suive cette mesure. Durant tout l’entretien, elle s’était dévalorisée. Elle présentait des signes extérieurs de stress et d’anxiété (trémolos dans la voix, agitation).

Après l’entretien, l’assurée avait déclaré avoir des vertiges et ne pas supporter le bruit et la lumière de l’atelier à cause de son oreille interne et elle avait demandé à s’allonger.

Ensuite, elle était revenue dans l’atelier pour faire une activité qu’elle avait interrompue à plusieurs reprises. Elle déclarait que cet exercice lui exigeait beaucoup d’effort de concentration et lui donnait des vertiges ainsi qu’une envie de dormir. Elle avait interrompu l’activité pour s’allonger sur une chaise longue à deux reprises pour une durée de deux fois 15 à 20 minutes avant de revenir dans l’atelier. Lors de la pause de midi, elle avait informé ses répondants qu’elle ne pouvait pas manger et qu’elle avait envie de vomir. Elle avait ensuite quitté le stage.

Le 4 juin 2020, l’assurée était absente. Elle avait indiqué par téléphone avoir eu un rendez-vous en urgence avec son médecin le mercredi après-midi et être en possession d’un certificat médical. Elle s’était présentée avec son mari pour amener ce certificat, qui ne faisait aucune mention d’une incapacité avec les dates et la reprise mais indiquait que son état actuel physique et psychique ne lui permettait pas de poursuivre le stage. La Dresse I______ avait attesté, dans un certificat médical reçu le 5 juin 2020, une incapacité totale de l’assurée du 4 juin au 4 juillet 2020. Le 8 juin 2020, l’OAI avait pris la décision d’interrompre la mesure en l’absence de reprise.

q. Dans un rapport du 4 septembre 2020, la Dresse I______ a indiqué que l’assurée était au bénéfice d’un certificat d’arrêt de travail à 100% depuis le 4 juin 2020. L’assurée avait présenté une très forte angoisse en lien avec le stage, avec des troubles de l’orientation dans le temps et l’espace, des troubles de la perception, une sensation d’irréalité, un discours abondant, digressif et parfois confus ainsi que des idées délirantes de persécution et de lecture de sa pensée. Ces symptômes s’étaient amendés en deux semaines et elle avait pu les critiquer. Elle gardait encore un sentiment de peur intense face au lieu et aux personnes fréquentées lors de ses deux jours de stage, avec des reviviscences répétées de l’évènement, des flash-back et des cauchemars. L’assurée avait une thymie dépressive, avec des troubles de la concentration et du sommeil. Elle présentait une labilité émotionnelle très marquée et une fragilité psychique qui l’avait fait surréagir au stress. Actuellement, elle faisait quelques tâches ménagères légères, puis se reposait le reste de la journée. Son mari l’aidait en préparant le repas et en faisant les courses. Elle aidait son mari à ranger après le repas du soir. Elle souffrait de ne plus assumer les tâches ménagères, car ces tâches lui revenaient dans son éducation. Les nuits étaient souvent difficiles nécessitant une longue récupération le lendemain. Elle continuait à s’occuper des affaires administratives de la famille, en particulier le règlement des factures. Elle souffrait d’un trouble dépressif récurrent épisode actuel moyen (F33.1), d’un trouble mixte de la personnalité avec traits anxieux et dépendants (F.61.0) d’un trouble psychotique aigu et transitoire avec facteur de stress associé (F23.91) et d’un état de stress post-traumatique (F43.1).

Elle avait pu, malgré ses troubles psychiques, assumer son travail de manière adéquate, mais avait ensuite été très fragilisée par ses accidents, qui s’étaient suivis en peu de temps, et par ses vertiges. Sa capacité de travail était de 0% dans son activité habituelle depuis 2016. Du fait de l’accumulation de ses handicaps aux membres supérieurs et de ses vertiges, elle craignait une chute. Elle ne pouvait plus faire son activité d’animatrice dans le parascolaire, qui demandait des capacités physiques qu’elle n’avait plus. De plus, du fait de sa fragilité physique, elle ne pouvait plus assumer la responsabilité ni le stress (un enfant qui manquait à l’appel, ou qui se blessait). La Dresse I______ n’imaginait pas d’activité adaptée pour l’assurée, qui ne pouvait plus faire une activité physique, qui n’était pas de langue maternelle française et qui n’avait la formation de base requise pour travailler dans un bureau.

La tentative de bilan aux ÉPI avait été un échec complet et avait mis sa santé psychique en danger. La pression qu’elle avait ressentie avec un facteur de stress intense l’avait menée à une décompensation psychique grave. Dans ces conditions, une nouvelle tentative de réadaptation professionnelle était formellement contrindiquée.

L’évolution de l’état de l’assurée était stable, avec des hauts et des bas, qui correspondaient à la récurrence des troubles dépressifs. Elle avait eu différents traitements antidépresseurs et un suivi, deux fois par semaine à une fois par quinzaine. Elle observait son traitement, ce qui était attesté par les dosages faits, étant précisé que le dernier datait de mai 2017.

r. Dans un avis du 15 octobre 2020, le service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR) a considéré que le rapport final du 3 septembre 2019 restait valable. Dans son dernier rapport, la psychiatre de l’assurée décrivait des limitations fonctionnelles essentiellement somatiques et elle prenait en compte des facteurs extra-médicaux (problèmes de langue maternelle et de formation). En ce sens, elle dépassait son domaine de compétence. Le SMR relevait que l’état psychique actuel de l’assurée ne l’empêchait pas de s’occuper seule des tâches administratives de la famille et que l’aggravation psychique n’avait pas été durable, puisqu’elle s’était amendée en deux semaines sans modification du traitement, malgré le trouble psychotique rapporté.

s. Par décision du 11 mars 2021, l’OAI a octroyé à l’assurée un trois quarts de rente à partir du 1er juin 2017, puis un quart de rente dès le 1er novembre 2018. Dès le 1er mars 2019, le droit à la rente était supprimé.

À l’issue du délai d’attente, soit en juin 2017, son degré d’invalidité était de 67%.

À partir du mois d’août 2018, sa capacité de travail était de 50%. Une nouvelle comparaison des gains avait été effectuée avec une perte de gain de 71,18%. Son taux d’invalidité global était de 45%, ce qui lui ouvrait le droit à un quart de rente.

Dès décembre 2018, la capacité de travail de l’assurée était de 100%. La nouvelle comparaison des gains aboutissait à un taux d’invalidité de 31% qui n’ouvrait pas de droit à une rente. En conséquence, celle-ci était supprimée dès le 1er mars 2019, soit trois mois après l’amélioration constatée en décembre 2018. Afin de mettre sa capacité de travail de 100% dans une activité adaptée en valeur, l’OAI avait confié un mandat à son service de réadaptation, qui l’avait mise au bénéfice d’une rente d’orientation professionnelle du 2 juin au 30 août 2020. Cependant, après deux jours de mesure, elle n’avait plus pu la poursuivre en raison de son état de santé. L’OAI avait complété l’instruction médicale et à l’issue de celle-ci, il constatait que sa précédente appréciation restait inchangée, à savoir que la capacité de travail de l’assurée était entière dans une activité adaptée.

D. a. L’assurée a formé recours contre la décision précitée auprès de la CJCAS, concluant préalablement à une expertise psychologique et neurologique, et principalement à ce qu’il soit tenu compte du fait qu’elle était totalement incapable de travailler à partir d’août 2018 et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, subsidiairement à une rente partielle.

Elle contestait le rapport d’expertise du SMEX, faisant valoir qu’il ne mentionnait pas le nom de la personne qui avait résumé le dossier et critiquant en particulier le travail de l’experte psychiatre.

b. Le 8 juillet 2021, la recourante a produit un rapport établi le 18 mai 2021 par la Dresse I______ sur questions de son conseil. Celle-ci indiquait que la durée de l’entretien de l’assurée avec l’experte psychiatre, qui avait été d’une heure, semblait très court pour évaluer l’assurée, qui présentait une anamnèse psychiatrique longue et complexe, avec une première décompensation à l’âge de 15 ans, puis un suivi depuis 2002 pour des troubles psychiatriques avec des décompensations dépressives, de nombreux traitements médicamenteux d’antidépresseurs et de neuroleptiques. De plus, lors des entretiens, l’assurée présentait une logorrhée et un discours digressif, parfois confus et contradictoire, ainsi qu’une difficulté à donner des réponses concises, claires et rapides. Elle pleurait souvent et il était difficile de la recadrer, ce qui allongeait le temps pour obtenir les renseignements nécessaires à une évaluation psychiatrique.

Le diagnostic de trouble dépressif récurrent n’avait pas été pris en compte par l’experte au motif que l’assurée ne présentait pas d’éléments de la lignée dépressive au moment de l’évaluation, ce qui n’excluait pas ce trouble, l’assurée pouvant être entre deux épisodes au moment de l’examen psychiatrique. Il était également possible que l’experte n’ait pas pris le temps de faire une évaluation anamnestique suffisamment approfondie. L’assurée avait eu des épisodes dépressifs en 2002, en 2008, en 2013 et en 2016 et depuis quelques semaines, elle présentait une nouvelle décompensation dépressive. Lors de la consultation du 5 mai 2021, elle avait indiqué avoir envie de mourir. En plus du trouble dépressif récurrent avec des épisodes sévères, comportant des éléments psychotiques ou moyens accompagnés de symptômes somatiques, l’assurée présentait une fragilité certaine face au stress. Elle avait eu des symptômes psychotiques lors de son hospitalisation en juin 2016, ayant nécessité une mise sous traitement neuroleptique de Seroquel pendant un mois, puis au décès de sa mère en 2018 et lors de la mesure aux ÉPI en juin 2020. Depuis février 2021, l’assurée présentait un trouble dépressif – caractérisé par une tension interne, un discours logorrhéique et digressif parfois confus, des troubles majeurs de la concentration et du sommeil, un désir de mourir, ne supportant plus les douleurs à ses membres, des vertiges et de la fatigue –, qui ne lui permettait plus d’assumer ses tâches quotidiennes. Elle n’avait plus aucune motivation et se renfermait de plus en plus chez elle, refusant les invitations de ses sœurs. La mort lui semblait actuellement le seul moyen de mettre fin à ses souffrances. Au vu de l’évolution de l’assurée, aucun travail n’était possible. La tentative de réadaptation avait été un échec et avait amené à une décompensation aiguë mettant en danger sa vie. L’assurée avait tendance à minimiser ses troubles psychiatriques, car elle avait un sentiment de honte secondaire au rejet de sa famille depuis son enfance. Elle avait toujours essayé de faire face à ses difficultés et à les cacher, que ce soit au travail, ou avec sa famille et ses amis.

c. Par réponse du 10 septembre 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant qu’aucun élément objectif ne remettait valablement en cause l’expertise psychiatrique.

d. Le 21 octobre 2021, la recourante a fait valoir que la Dresse I______ avait répondu le 18 octobre 2021 aux critiques du SMR.

Selon cette dernière, un épisode dépressif n’évoluait pas de manière linéaire et, lors du même épisode, les patients présentaient des fluctuations thymiques. L’état de l’assurée s’était péjoré à partir de février 2021, avec une recrudescence en mai 2021. Elle était déjà sous Zoloft 15 mg, correspondant à une dose thérapeutique (50 mg à 200 mg) et des taux sériques dans les normes. La Dresse I______ n’avait pas augmenté la fréquence des séances hebdomadaires, car l’assurée avait déjà de nombreuses visites médicales et, pour lui permettre de trouver par elle-même des soutiens et des aides, et favoriser ainsi son autonomie. L’assurée avait présenté tous les symptômes habituels du diagnostic d’état de stress post-traumatique. Il était vrai que se présenter aux ÉPI ne devait pas être un événement catastrophique. Cela ne faisait que confirmer la fragilité psychologique de l’assurée et sa vulnérabilité face au stress. Depuis lors, la perspective d’un travail la terrorisait, car elle craignait de revivre les mêmes angoisses destructurantes. Tout changement dans sa vie représentait un stress qu’elle ne pouvait pas gérer actuellement. Ainsi, l’activité, même très limitée proposée par l’intimé, risquait de la mettre en danger et d’induire une décompensation avec toutes les conséquences nocives pour son psychisme.

e. La recourante a été entendue par la CJCAS le 23 mars 2022.

f. Sur demande de la CJCAS, le SMEX a indiqué que selon les processus en vigueur à l’époque, le résumé était sous la responsabilité du médecin chef du centre, soit le docteur L______, spécialiste FMH en médecine interne générale, et qu’aucun autre médecin, mis à part les trois experts ayant réalisé les expertises dans leur domaine de spécialisation et le Dr L______ n’avait eu accès au dossier de l’assurée ni n’était intervenu d’une quelconque manière dans l’élaboration de l’expertise.

g. Le 9 septembre 2022, la recourante a fait valoir qu’elle n’avait pas pu faire valoir des motifs de récusation contre le Dr L______ et qu’en conséquence, la décision de l’intimé devait être annulée.

h. L’intimé a relevé que la recourante n’avait produit aucun motif de récusation au sujet du Dr L______ et que sa démarche visait à exploiter un vice de forme, qui ne lui avait pas porté préjudice et qui ne pouvait invalider l’expertise médicale.

i. Par courrier du 24 mars 2023, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique et leur a communiqué le nom de l’expert pressenti, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

j. La recourante a fait valoir que c’était une expertise pluridisciplinaire qui devait être ordonnée, car elle contestait la valeur probante de l’expertise du SMEX dans son ensemble, et elle a fait des remarques et suggestions sur les questions posées.

k. L’intimé a demandé que soit posée une question complémentaire.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, plus particulièrement sur sa capacité de travailler à partir du mois d’août 2018.

5.              

5.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

5.2  

5.2.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

En 2017, le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7).

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d’un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

5.2.2 Il convient dorénavant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, les potentiels de compensation (ressources), à l’aide des indicateurs developpés par le Tribunal fédéral suivants :

Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés.

Il convient encore d'examiner le succès du traitement et de la réadaptation ou la résistance à ces derniers. Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation.

La comorbidité psychique ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble psychique avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel n’est pas une comorbidité, mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité.

Il convient ensuite d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées.

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles ne doivent pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie.

Il s’agit, encore, de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé.

Il faut examiner ensuite la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, pour évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée.

5.2.3 Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective.

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Ce diagnostic doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. Il suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les difficultés décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses difficultés dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (cf. ATF 131 V 49 consid. 1.2).

5.3 Lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d'un stage dans un centre d'observation professionnel de l'assurance-invalidité, en vue d'établir concrètement dans quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l'on peut encore raisonnablement attendre de l'assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer; nécessité d'aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d'une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d'indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l'assuré. Dans ce contexte, l'expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d'exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d'appréciation divergente entre les organes d'observation professionnelle et les données médicales, l'avis dûment motivé d'un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 531/04 du 11 juillet 2005, consid. 4.2). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l'emportent, en principe, sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l'assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_462/2009 du 2 décembre 2009 consid. 2.4). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d'observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d'ordre professionnel recueillis à l'occasion d'un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l'assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l'appréciation d'observation professionnelle diverge sensiblement de l'appréciation médicale, il incombe à l'administration, respectivement au juge - conformément au principe de la libre appréciation des preuves - de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d'instruction (ATF 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17; ATF 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

5.4 Selon l'art. 44 LPGA, si l'assureur doit recourir aux services d'un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l'expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

Le nom du médecin auquel est confiée la tâche d'établir l'anamnèse de base ou le résumé du dossier ou celle de relire l'expertise afin d'en assurer la pertinence formelle doit être communiqué au préalable à l'assuré (ATF 146 V 9 p. 13).

Le défaut formel dont est entachée la procédure d'expertise ne conduit pas à écarter d'emblée le rapport d’expertise. À cette fin, il convient de placer le recourant dans la situation dans laquelle il peut reconnaître s'il entend ou non soulever un motif de récusation à l'encontre du ou des médecins auxiliaires impliqués (ATF 146 V 9 p.16).

5.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

5.6 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

6.              

6.1 En l’espèce, le rapport d’expertise ne précise pas le nom du médecin qui a rédigé le résumé du dossier. Cette omission est réparable selon la jurisprudence précitée. En l’occurrence, l’intimé a précisé pendant la procédure de recours le nom du médecin concerné et la recourante n’a pas fait valoir de motif de récusation à son encontre. Le vice de forme a ainsi été réparé et l’expertise doit se voir reconnaître une pleine valeur probante, en tous les cas pour ce qui concerne les conclusions des experts sur les atteintes somatiques de la recourante, qui n’a pas émis de critiques à leur sujet.

6.2 S’agissant de la valeur probante de l’expertise sur le plan psychiatrique, elle est remise en cause par le fait que suite à celle-ci, la recourante n’a pas été en mesure de suivre le stage aux ÉPI qu’elle a interrompu au bout de deux jours, pour une incapacité de travail liée à une atteinte psychiatrique, selon le rapport de la Dresse I______ du 4 septembre 2020. Ce rapport est bien détaillé et il retient que la recourante était totalement incapable de travailler.

L’intimé a soumis ce rapport au SMR, qui a estimé le 15 octobre 2020 que la psychiatre de la recourante décrivait des limitations fonctionnelles essentiellement somatiques et qu’elle se positionnait sur des facteurs extra-médicaux (problèmes de langue maternelle et de formation).

Si cela est exact, il faut préciser que la Dresse I______ indiquait également que la recourante avait une thymie dépressive, avec des troubles de la concentration et du sommeil et qu’elle présentait une labilité émotionnelle très marquée ainsi qu’une fragilité psychique qui l’avait fait surréagir au stress. Par ailleurs, si selon la psychiatre les symptômes de la recourante s’étaient amendés en deux semaines, celle-ci gardait encore un sentiment de peur intense face au lieu et aux personnes fréquentées lors de ses deux jours de stage, avec des reviviscences répétées de l’évènement, des flash-back et des cauchemars.

On ne peut dès lors retenir, comme l’a fait le SMR, que l’aggravation psychique de la recourante n’a pas été durable et on peut, au vu du rapport de la Dresse I______, sérieusement s’interroger sur sa réelle capacité à travailler, en raison de son atteinte psychique. Le fait que la recourante se soit sentie mieux relativement rapidement une fois le stage interrompu et qu’elle soit restée capable de s’occuper des affaires administratives de sa famille ne permet pas de retenir qu’elle était capable de supporter la pression d’une activité professionnelle.

Il en ressort que l’avis du SMR du 15 octobre 2020 ne suffisait pas à écarter les doutes sur la capacité de travail de la recourante suscités par l’échec du stage et le rapport de la Dresse I______ du 4 septembre 2020. Dans ces circonstances, l’intimé aurait dû demander un complément de rapport à l’experte psychiatre du SMEX.

Comme l’a relevé l’intimé, il semble étonnant qu’un stage aux ÉPI permette de poser le diagnostic d’état de stress post-traumatique. Cela étant, il apparaît suffisamment vraisemblable que ce stage a pu impacter de façon importante la santé psychique de la recourante, au vu des constats faits par les ÉPI et la Dresse I______, pour justifier une nouvelle appréciation de son cas sur ce plan.

6.3 Contrairement à ce qu’a fait valoir le SMR dans son rapport du 18 mai 2021, la Dresse I______ mentionnait une aggravation de l’état de santé psychique de la recourante depuis février 2021, soit avant la décision querellée du 11 mars 2021.

6.4 Le rapport établi le 18 mai 2021 par la Dresse I______ peut être pris en compte même s’il est postérieur à la décision querellée, car il a trait à la situation antérieure à cette date (cf. ATF 99 V 98 consid. 4 et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2018 du 25 juillet 2018 consid. 4.2). Il ressort de ce rapport que l’experte psychiatre du SMEX a pu mal évaluer l’atteinte psychique de la recourante, dès lors qu’elle ne l’a entendue que pendant une heure et que celle-ci ne présentait peut-être pas d’éléments de la lignée dépressive au moment de l’évaluation, ce qui pouvait donner une fausse impression de son état psychique, étant rappelé que la psychiatre de la recourante a justifié le 8 juillet 2021 son diagnostic de trouble dépressif récurrent par le fait que la recourante avait eu plusieurs épisodes dépressifs (2002, 2008, 2013, 2016 et 2021).

6.5 Le rapport de l’experte psychiatre apparaît en outre contradictoire dans la mesure où elle indiquait n’avoir pas constaté lors de l’expertise des symptômes en relation avec une humeur dépressive, une diminution de l’intérêt, une attitude morose et pessimiste ou des idées suicidaires, excluant ainsi le diagnostic de trouble dépressif récurrent épisode actuel moyen (F33.1), alors qu’elle retenait ensuite le diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte (F41.2), au motif que l’assurée présentait des symptômes anxieux et dépressifs, avec une agitation fébrile, une logorrhée, une incapacité à se détendre et des troubles de la concentration, sans discussion des diagnostics différentiels (p. 33 et 34 de l’expertise).

6.6 De plus, l’experte a constaté un désaccord entre les propos et intentions de la recourante et son psychiatre au sujet d’un retour au travail, la première indiquant souhaiter retourner au parascolaire même si sa psychiatre pensait qu’elle ne pouvait pas travailler (p. 31 de l’expertise). Or, précédemment, l’experte avait mentionné que la recourante avait indiqué qu’elle aimerait retourner travailler comme animatrice scolaire, mais qu’elle ne pouvait plus exercer ce métier, car la fragilité de son épaule l’empêchait d’assurer la sécurité des enfants (p. 30 de l’expertise). L’experte a ainsi fait un constat erroné.

6.7 Il en résulte que le rapport de l’experte psychiatre ne peut se voir reconnaître une pleine valeur probante.

6.8 En conséquence, la chambre de céans ordonnera une nouvelle expertise psychiatrique pour évaluer la capacité de travail globale de la recourante, en tenant compte des conclusions des experts du SMEX s’agissant des atteintes somatiques de la recourante, de l’échec du stage et des rapports de la Dresse I______.

6.9 La critique de la recourante formulée contre l’enquête sur le ménage ne porte pas sur les empêchements retenus. Cela étant, dès lors qu’elle souffre d’une atteinte psychique, les constatations d'ordre médical relatives à la capacité d'accomplir les travaux habituels, ont, en règle générale, plus de poids que l'enquête à domicile (arrêt du Tribunal fédéral 9C_657/2021 du 22 novembre 2022 consid. 5.1 et la référence). L’expert psychiatre devra en conséquence se prononcer à ce sujet.

6.10 S’agissant des remarques des parties sur la mission d’expertise, la CJCAS estime, qu’en l’état, il n’est pas nécessaire de faire procéder à une nouvelle expertise pluridisciplinaire, car les conclusions des experts du SMEX sur le plan somatique sont convaincantes et pas sérieusement remises en question par les critiques de la recourante. Il sera donné une suite favorable aux remarques et suggestions des parties relatives aux questions posées à l’expert. Il sera en particulier précisé à l’expert que sa prise de position sur les ressources ainsi que les limitations fonctionnelles et la capacité de travail globales de la recourante devront être prises en tenant compte des conclusions des experts du SMEX sur le plan somatique, médecine interne et chirurgie orthopédique, pour autant qu’elles soient jugées convaincantes par l’expert, voire en prenant contact avec les experts du SMEX.


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.      Ordonne une expertise psychiatrique de la recourante.

2.      Commet à ces fins le docteur M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, ______, 1225 Chêne-Bourg.

3.      Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A)      prendre connaissance du dossier de la cause ;

B)       si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité l’assurée ;

C)       examiner et entendre l’assurée, après s’être entouré de tous les éléments utiles, au besoin d’avis d’autres spécialistes ;

D)      si nécessaire, ordonner d’autres examens.

4.      Charge l’expert d’établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes :

1.         Quelle est l’anamnèse détaillée du cas ?

2.         Quelles sont les plaintes et données subjectives de l’assurée ?

3.         Quels sont le status clinique et les constatations objectives ?

4.         Quels sont les diagnostics psychiatriques, selon la classification internationale ?

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse) :

4.1         Avec répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.2         Sans répercussion sur la capacité de travail (en mentionnant les dates d'apparition)

4.3         Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4         Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

4.5         Les plaintes sont-elles objectivées ?

4.6         Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

4.7         Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

4.8         Dans l’ensemble, le comportement de l’assurée vous semble-t-il cohérent ?

5.         Quelles sont les limitations fonctionnelles ?

Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic psychiatrique (en mentionnant leur date d’apparition) :

5.1         Dans l’activité habituelle ?

5.2         Dans une activité adaptée ?

5.3         Dans les tâches ménagères ? (prendre position sur le rapport d’enquête ménagère du 12 novembre 2019)

5.4         Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par l’assurée).

5.5         Les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d’activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

5.6         Quelle sont les limitations globales de l’assurée (en tenant compte des conclusions des experts du SMEX sur le plan somatique, médecine interne et chirurgie orthopédique, pour autant qu’elles soient jugées convaincantes par l’expert, voire en prenant contact avec les experts du SMEX) :

a)             dans l’activité habituelle,

b)            dans une activité adaptée.

c)             dans les tâches ménagère ? (prendre position sur les conclusions du rapport d’enquête ménagère du 12 novembre 2019).

6.         Traitement

6.1 Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

6.2 L’assurée a-t-il fait preuve de résistance à l’égard des traitements proposés ? Qualifier la compliance ?

6.3 Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

6.4 Les troubles psychiques constatés nécessitent-ils une prise en charge spécialisée ?

6.5 Nécessitent-ils un traitement psychotrope ? si oui, effectuer un dosage sanguin.

6.6 Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l’assurée à reconnaître sa maladie ou à une autre raison ?

7.         Ressources

7.1         De quelles ressources mobilisables l’assurée dispose-t-elle ? (en tenant compte des conclusions des experts du SMEX sur le plan somatique, médecine interne et chirurgie orthopédique, pour autant qu’elles soient jugées convaincantes par l’expert, voire en prenant contact avec les experts du SMEX).

7.2         Est-ce que l’assurée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence ou une altération des capacités inhérentes à la personnalité ?

7.3         Si oui, quelles sont ses répercussions fonctionnelles (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité, motivation, notamment) sur la capacité à gérer le quotidien, à travailler et/ou en termes d’adaptation (motivez votre position) ?

7.4         Quel est le contexte social ? L’assurée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

8.         Capacité de travail

8.1         Mentionner les conséquences des diagnostics psychiatriques retenus sur la capacité de travail de l’assurée, en pourcent :

a)             dans l’activité habituelle,

b)            dans une activité adaptée.

8.2         Dater la survenance de l’incapacité de travail durable, indiquer l'évolution de son taux en datant les changements.

8.3         Évaluer l’exigibilité, en pourcent, d’une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d’activité adapté.

8.4         Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

8.5         Si une diminution de rendement est retenue, celle-ci est-elle déjà incluse dans une éventuelle réduction de la capacité de travail ou vient-elle en sus ?

8.6         Serait-il possible d’améliorer la capacité de travail par des mesures médicales ? Indiquer quelles seraient les propositions thérapeutiques et leur influence sur la capacité de travail.

8.7         Quelle est de votre point de vue sur la capacité de travail globale de l’assurée (en tenant compte des conclusions des experts du SMEX sur le plan somatique, médecine interne et chirurgie orthopédique, pour autant qu’elles soient jugées convaincantes par l’expert, voire en prenant contact avec les experts du SMEX) :

d)            dans l’activité habituelle,

e)             dans une activité adaptée.

9.         Appréciation d’avis médicaux du dossier

9.1 Êtes-vous d'accord avec les diagnostics et la capacité de travail retenus par la Dresse K______ du SMEX (p. 26 de l’expertise du SMEX du 19 août 2019) ? pour quels motifs ? Commenter et discuter son rapport.

9.2 Êtes-vous d'accord avec la capacité de travail globale retenue par les experts du SMEX (p. 3 de l’expertise du SMEX du 19 août 2019) ? pour quels motifs ?

9.3 Êtes-vous d'accord avec les diagnostics et la capacité de travail retenus par la Dresse I______ (rapports des 4 septembre 2020 et 18 mai 2021) ? pour quels motifs ?

9.4 Êtes-vous d’accord avec les conclusions du SMR des 15 octobre 2020 et 3 septembre 2019 ? pour quels motifs ?

10.     L’état de santé de la recourante s’est-il aggravé entre l’expertise du SMEX du 19 août 2019 et la décision du 11 mars 2021.

11.     Faire toute remarque et proposition utiles.

5.      Invite l’expert à déposer, dans les trois mois dès réception de la mission d’expertise, un rapport en trois exemplaires à la chambre de céans.

6.      Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie de la présente ordonnance est notifiée aux parties par le greffe le