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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4266/2021

ATAS/304/2023 du 04.05.2023 ( LCA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4266/2021 ATAS/304/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 mai 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre-Bernard PETITAT

 

 

demandeur

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCE GMA SA, Service juridique, sise rue des Cèdres 5, MARTIGNY

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le demandeur), né le ______ 1986, travaillait depuis le 1er janvier 2020 pour B______ SA (ci-après : l'employeur) en tant que comptable. À ce titre, il est assuré contre le risque de perte de gain auprès de Mutuel Assurances SA, puis, après son libre passage, de Groupe Mutuel Assurances GMA SA (ci-après : l'assurance perte de gain ou la défenderesse).

b. Du 14 au 28 septembre 2020, l'assuré était en incapacité de travail totale.

c. Le 29 septembre 2020, son employeur l'a licencié avec effet au 31 octobre 2020, tout en le libérant de l'obligation de travailler.

d. Le 29 septembre 2020, l'arrêt de l'assuré a été prolongé à plusieurs reprises et ce jusqu'en octobre 2022.

e. En novembre 2020, l'assuré a consulté le docteur C______ du département de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) dans le but de confirmer le diagnostic de trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Dans son rapport du 13 janvier 2021, ce médecin a indiqué que l'assuré était comptable de profession et en arrêt maladie suite à un burnout et à un trouble dépressif. Il présentait une anamnèse compatible avec un TDAH de type mixte et un trouble dépressif moyen à léger. Cependant, il se montrait réticent par rapport à la prise d'un antidépresseur. Compte tenu de l'état clinique général en amélioration, le Dr C______ n'a pas jugé une approche pharmacologique absolument impérative.

f. En février 2021, l'assuré a fait l'objet d'une expertise psychiatrique par le docteur D______, neurologue et psychiatre-psychothérapeute FMH. Dans son rapport du 3 mars 2021, l'expert a posé le diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel d'intensité légère. Les diagnostics suivants étaient sans répercussion sur la capacité de travail : personnalité avec des traits émotionnellement immatures, instables, anxieux, impulsifs et évitants accentués, trouble mixte de la personnalité et TDAH de type mixte. Au moment de l'expertise, l'assuré était capable de reprendre progressivement son activité professionnelle habituelle, d'abord à 50%, puis à 80% dès mai 2021 et à 100% à partir du 1er juillet 2021.

B. a. Par courrier du 23 mars 2021, l'assurance perte de gain a informé l'assuré qu'elle lui verserait les indemnités journalières jusqu'au 4 avril 2021 à 100% et du 5 au 30 avril 2021 à 50%, étant précisé qu'une incapacité de travail de 20% ne donnait pas droit aux indemnités.

b. Dans son rapport du 20 avril 2021, la doctoresse E______, pédopsychiatre FMH, a contesté l'intensité du trouble dépressif retenu par l'expert et l'a évalué de modéré à sévère. De ce fait, l'assuré présentait une incapacité de travail totale. En raison du TDAH, le travail de comptable n'était pas en adéquation avec son fonctionnement, si bien qu'une réinsertion professionnelle était conseillée.

c. Par courrier du 26 avril 2021, l'assuré a contesté l'arrêt du versement des prestations par l'assurance perte de gain, par l'intermédiaire de son conseil.

d. Dans son rapport du 25 mai 2021, le Dr C______ a informé le mandataire de l'assuré que l'état de santé de celui-ci présentait une amélioration très légère. Globalement, sa situation clinique restait cependant instable avec des périodes d'amélioration et de péjoration dépressive en alternance. La capacité de travail était nulle dans toute profession actuellement, en particulier dans son activité de comptable qui avait conduit à l'épisode dépressif actuel. Le pronostic était favorable pour une reprise de travail progressive dans un contexte professionnel adapté. Le TDAH était sans doute un facteur à considérer dans le choix professionnel, dès lors qu'il avait un impact majeur sur la capacité de travail. Il était difficile d'établir un délai clair pour la reprise professionnelle, laquelle risquait d'être condamnée à un échec en raison d'une aggravation de l'état dépressif anxieux et des dysfonctions liées à la symptomatologie du TDAH.

e. Par courrier du 16 juin 2021, l'assuré a invité l'assurance perte de gain à lui verser les indemnités journalières au-delà du 1er juillet 2021.

f. Dans son rapport du 21 juin 2021, le docteur F______, médecin-conseil de l'assurance perte de gain, s'est rallié aux conclusions de l'expertise du Dr D______.

g. Par courrier du 8 juillet 2021, l'assurance perte de gain a maintenu sa position, sur la base de l'avis de son médecin-conseil qui avait considéré que l'atteinte à la santé de longue date de l'assuré, à savoir le TDAH, ne justifiait pas en soi une incapacité de travail, au vu du parcours professionnel accompli jusqu'alors malgré l'existence de cette pathologie.

h. En juillet 2021, l'assuré a demandé les prestations de l'assurance-invalidité.

i. Dans son rapport à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) du 19 octobre 2021, le Dr C______ a confirmé son rapport du 25 mai 2021. Sur la base de la dernière évaluation du 20 avril 2021 et d'un entretien téléphonique avec l'assuré le 3 juin 2021, il a indiqué qu'en mai 2021, l'état dépressif de l'assuré avait contribué à diminuer sévèrement sa capacité de mobilisation et d'engagement professionnel à court terme. Il était anxieux avec des difficultés à supporter les facteurs de stress. Le pronostic pour une reprise de travail était favorable, mais dépendrait de l'adéquation d'une nouvelle carrière professionnelle. La reprise devrait être très progressive et dans un contexte professionnel adapté.

C. a. Le 17 décembre 2021, l'assuré a saisi la chambre de céans d'une demande à l'encontre de l'assurance perte de gain, en concluant à la condamnation de celle-ci au paiement de CHF 107'101.65 correspondant aux indemnités journalières à compter du 1er avril 2021 jusqu'au 4 octobre 2022, avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 2021, sous suite de dépens. Sur la base des rapports des Drs C______ et E______, ainsi que les certificats d'arrêts de travail du docteur G______, il a soutenu avoir été en incapacité de travail totale jusqu'à l'expiration du droit aux 730 indemnités journalières. Jugeant l'expertise du Dr D______ incohérente, il lui a dénié toute valeur probante. Cet expert n'était par ailleurs pas un spécialiste en TDAH.

b. Dans sa réponse du 17 février 2022, la défenderesse a conclu au rejet de la demande, sous suite de dépens. Le demandeur avait pu, dès sa majorité et son retour en Suisse, entamer et terminer des études supérieures, sans médication pour le TDAH, ainsi que travailler à 100% depuis août 2018. Le Dr D______ n'avait en outre constaté que des symptômes anxio-dépressifs d'une intensité légère au maximum, ce qui correspondait également au diagnostic posé par le Dr C______ en janvier 2021. Celui-ci avait en outre indiqué que l'état clinique général était en amélioration, de sorte qu'une approche pharmacologique n'était pas impérative. Au demeurant, ce dernier médecin était à l'évidence pris dans un conflit de loyauté envers son patient, comme le montrait son deuxième rapport.

c. Dans le rapport répondant aux questions posées par le mandataire du demandeur par courrier du 10 mars 2022, le Dr C______ a précisé qu'il avait noté dans son rapport du 13 janvier 2021 que l'état était en amélioration sur la base de l'état clinique pendant l'évaluation initiale. Par la suite, il a constaté une péjoration dépressive en janvier et fin février 2021, puis une légère amélioration de quelques semaines et de nouveau une aggravation avec une composante anxieuse plus prononcée. Il y avait des oscillations de l'état clinique tout au long de l'année 2021, même si globalement le demandeur semblait mieux à différents niveaux de son TDAH. L'incapacité de travail dans l'activité précédente perdurait, celle-ci étant incompatible avec les difficultés du demandeur en lien avec le TDAH.

d. Dans sa réplique du 31 mars 2022, le demandeur, assisté d'un conseil, a persisté dans ses conclusions. En premier lieu, il a contesté que le Dr D______ était un expert certifié SIM (Swiss Insurance Medicine). Il lui avait par ailleurs fallu cinq ans pour obtenir son diplôme en 2020 et il n'avait gardé que temporairement ses postes de travail dans un contexte de grande difficulté psychologique avec des erreurs répétitives. Les appréciations du Dr F______ étaient en outre sans fondement. Le demandeur était toujours en traitement à raison d'un entretien hebdomadaire avec une psychologue clinicienne et suivait un programme de psychothérapie de groupe spécifique pour le TDAH avec deux psychothérapeutes spécialisés qui jugeaient que sa situation restait instable. Enfin, les limitations dues au TDAH se manifestaient surtout dans une activité exigeant beaucoup d'attention, de concentration et de précision, et non dans les activités de loisirs.

e. Depuis le 1er avril 2022, le demandeur est aidé par l'Hospice général.

f. Dans sa duplique du 30 juin 2022, la défenderesse a persisté dans ses conclusions. Avec pièces à l'appui, elle a affirmé que le Dr D______ était un expert médical certifié SIM. Cet expert reconnaissait le diagnostic du TDAH en tant que trouble congénital avec lequel le demandeur avait appris à vivre depuis toujours. Ce dernier avait ainsi su développer et mobiliser des ressources et une bonne organisation de ses forces en fonction de ses besoins. Sa scolarité avait été menée à terme en ne prenant que ponctuellement des médicaments et il avait accompli des études parallèlement à d'autres activités, sans être suivi par un psychiatre. Pendant plus d'une année, il avait ensuite pu exercer son activité professionnelle, sans qu'il soit démontré que la qualité de son travail était insatisfaisante. Son incapacité de travail était plutôt due à l'accumulation de divers facteurs de stress. Ainsi, le TDAH n'était pas en soi une cause d'incapacité de travail.

g. Le 17 novembre 2022, le Dr F______ s'est déterminé sur la réponse du Dr C______ du 10 mars 2022. Il y avait une contradiction entre le maintien d'une incapacité de travail totale et la mention par ce dernier médecin que le demandeur semblait globalement mieux à différents niveaux du TDAH. Le médecin traitant n'avait ainsi pas pris en compte les progrès. Il insistait par ailleurs davantage sur la vulnérabilité que les progrès. Il n'y avait pas une analyse nuancée de la capacité de travail et la capacité de travail dans une activité adaptée n'était pas évoquée. En ce que le Dr C______ indiquait qu'un patient atteint d'un TDAH pouvait bien fonctionner dans un contexte bien adapté et bien soutenu, il faisait dépendre la capacité de travail de facteurs psychosociaux et non médicaux. Aucune réadaptation n'avait été tentée. Le Dr C______ restait très général dans ses affirmations et ne fournissait aucun critère clinique objectif. Pour le médecin-conseil, ce dernier médecin parlait principalement du TDAH comme facteur de vulnérabilité, ce qui n'était pas synonyme d'incapacité de travail. Il n'y avait pas de causalité linéaire entre cette affection et l'incapacité de travail. En outre, le demandeur disposait de capacités objectivement démontrées au vu de son parcours scolaire, universitaire et professionnel. Il en allait de même pour le trouble de la personnalité. L'évaluation de l'expert était ainsi plus convaincante que les rapports du Dr C______.

h. Par écritures du 6 décembre 2022, la défenderesse a persisté dans ses conclusions sur la base de l'appréciation de son médecin-conseil précité.

i. Dans son avis du 19 décembre 2022, le service médical régional de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après : SMR), a considéré que l'évolution clinique du demandeur ne semblait pas favorable, de sorte qu'une expertise psychiatrique était nécessaire.

j. Lors de son audition du 11 janvier 2023 par la chambre de céans, le demandeur a déclaré ce qui suit :

« Je suis toujours en arrêt maladie et je n'ai donc pas repris une activité professionnelle. Je suis à l'Hospice général et j'ai fait une demande AI en juillet 2021 en vue d'une reconversion professionnelle. Cette demande a été rejetée par projet de décision le 26 octobre 2022, projet que j'ai contesté. L'AI a considéré que je pouvais travailler dans mon activité habituelle de comptable. Je suis toujours suivi par les mêmes psychiatres.

J'ai continué à envoyer les certificats d'arrêt de travail à l'assurance. Je suis par ailleurs en mesure de les produire dans la présente procédure.

Je cherche à me convertir dans une profession manuelle ou une activité où je suis en contact avec des personnes. Actuellement, je suis un cours aux HUG pour apprendre à vivre avec un TDAH. Je n’ai toujours pas de résistance au stress et j'ai perdu beaucoup de mes relations. Toutefois, depuis août 2022, il y a une petite amélioration, de sorte que je peux réfléchir aux professions qui seraient compatibles avec un TDAH. Même faire le ménage m'est difficile, en particulier en période de stress, par exemple la perspective d'une audience en justice.

Je n'ai pas pensé à reprendre une activité professionnelle dans une activité simple et répétitive, par exemple magasinier ou caissier. Les médecins m'auraient déconseillé une telle activité.

En Angleterre, j'ai travaillé dans un magasin en tant que bénévole où il y avait également des activités répétitives qui m'étaient difficiles. Toutefois du fait que je n'étais pas payé, il n'y avait pas d'exigence. Chez H______, où j'ai également travaillé, le travail était également très répétitif. Il fallait scanner des documents, l'archivage et cette activité m'était très pénible, car sans contact avec d'autres personnes et trop répétitif ».

« En ce que le docteur C______ semble avoir indiqué dans son rapport du 13.01.21 que j'ai préféré d’être inclus dans la liste d'attente pour participer au programme TDAH, au lieu de suivre le programme immédiatement dans l'unité de ce médecin, je relève qu'il n'y avait pas de possibilité de participer immédiatement à un tel programme et que j'ai donc dû me mettre sur la liste d'attente. C'est en tout cas ce que j'ai compris. Toutefois, au moment de ce rapport, je n'aurais pas été en état de suivre ce programme, mon état psychique ayant été trop altéré ».

« Je ne vois pas une contradiction entre le rapport du docteur C______ et le fait que mon état psychique ne me permettait pas de travailler au moment de son rapport. Ce médecin fait état d'une amélioration relative. En effet, les premières fois que je l'ai consulté, mon état psychique était encore plus grave. Cela ne veut cependant pas dire que mes problèmes psychiques ne justifiaient plus mon incapacité de travail en janvier 2021.

Sur question de la défenderesse je précise que j'ai suivi et suis toujours le programme TDAH en quatre modules. Actuellement je suis le dernier module qui se terminera fin février 2023. Je suis très investi dans ce programme et j'y mets beaucoup d'espoir ».

Le mandataire du demandeur a en outre précisé que celui-ci avait voulu s'inscrire au chômage, mais que sa demande avait été rejetée, dans la mesure où il était toujours en incapacité de travail.

Selon la défenderesse, les dires du demandeur étaient en contradiction avec le rapport du Dr C______, qui avait constaté une amélioration de l'état clinique général. Il a mis en exergue que l'expert avait constaté une capacité de travail de 50% au moment de l'expertise et que, dès qu'elle avait diminué les indemnités journalières puis les avait refusées, une incapacité de travail totale avait été certifiée. L'incapacité de travail semblait dès lors avoir été provoquée par sa décision négative. En outre, selon l'appréciation de son médecin-conseil, le Dr F______, du 17 novembre 2022, il était difficile de comprendre comment l'assuré avait pu réaliser des études pendant plusieurs années, les réussir et travailler pendant deux ans.

k. Le 16 janvier 2023, le Dr C______ a attesté que le demandeur participait à une thérapie de groupe pour le TDAH depuis le 25 novembre 2021, comprenant deux heures par semaine et un entretien médical une fois par mois. Il était très compliant. La thérapie lui était bénéfique et le demandeur pouvait appliquer les compétences apprises pour planifier ou organiser des tâches complexes. Elle se terminera fin mars 2023 environ.

l. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur depuis le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la LCA.

1.2 Aux termes de l’art. 46a LCA, les assureurs doivent s'acquitter de leurs obligations découlant des contrats d'assurance au domicile suisse de l'assuré ou du preneur d'assurance. Le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors. Bien que cette disposition n’ait pas été modifiée, c’est désormais le CPC qui s’applique (cf. note de bas de page de la loi). L’art. 17 CPC prévoit que sauf disposition contraire de la loi, les parties peuvent convenir d'un for pour le règlement d'un différend présent ou à venir résultant d'un rapport de droit déterminé. Sauf disposition conventionnelle contraire, l'action ne peut être intentée que devant le for élu (al. 1). La convention doit être passée en la forme écrite ou par tout autre moyen permettant d'en établir la preuve par un texte (al. 2).

L'art. 33 des conditions générales de l'assurance collective d'une indemnité journalière en cas de maladie selon la LCA (ci-après: CGA), édition du 1er septembre 2016, prévoit un for alternatif au lieu du domicile de l'assuré ou de l'ayant droit ou du siège de l'assureur.

1.3 Cela étant, la compétence ratione materiae et ratione loci de la chambre de céans doit être admise, le demandeur étant domicilié dans le canton de Genève.

2.             La demande satisfait aux conditions de forme de l'art. 244 CPC. Elle est par conséquent recevable.

3.             L'objet du litige est la question de savoir si le demandeur présentait une incapacité de travail entre le 1er avril 2021 et le 4 octobre 2022 ouvrant le droit aux indemnités journalières.

4.             Les parties ont renoncé à une audience de débats.

5.             Le demandeur est au bénéfice d'un contrat d'assurance perte de gain couvrant les conséquences d'une incapacité de travail pendant 730 jours, selon la police d'assurance du dernier employeur du demandeur, établie le 18 décembre 2019.

Aux termes de l'art. 13 CGA, l'assureur paie l'incapacité médicalement attestée et prouvée. Une attestation médicale, fondée sur des consultations régulières au cabinet, doit être remise à l'assureur au moins une fois par mois (ch. 3 let. B).

6.             La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421, 424 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces ; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231, 238 consid. 4a ; ATAS/199/2022 du 4 mars 2022 ; consid. 3.1 ; ATAS/668/2020 du 18 août 2020, consid. 4).

7.             En l'occurrence, une incapacité de travail totale est attestée par le Dr G______, puis par la Dre E______ durant la période litigieuse.

8.              

8.1 S'agissant de l'état de santé du demandeur au-delà du 1er avril 2021, il ressort du rapport du 13 janvier 2021 du Dr C______, que l'assuré vit depuis l'enfance avec des difficultés attentionnelles, motivationnelles et quelques signes d'hyperactivité sous forme d'une activité sportive très intense. En 2000, il est diagnostiqué TDAH, raison pour laquelle son médecin traitant lui prescrit un traitement de Ritaline avec une bonne tolérance et une bonne efficacité. À cause d'une fatigue vespérale, le demandeur stoppe le traitement en 2017. En 2010, il présente un épisode anxio-dépressif dans le contexte d'un échec scolaire, traité par antidépresseurs et tranquillisants, ainsi qu'une psychothérapie. En 2017, il subit un nouvel épisode dépressif avec burnout. Au moment de l'entretien avec le Dr C______, en novembre 2020, il est en arrêt de travail suite à un burnout et à un trouble dépressif depuis septembre 2020 dans un contexte de grande difficulté psychologique au travail et à un questionnement sur sa carrière. Concernant ses études, il est mentionné que le demandeur est parti après l'obtention de son baccalauréat en Angleterre pendant quatre ans pour faire une formation universitaire de business et loi, sans la terminer. Rentré en Suisse en 2010, il entre en 2012 dans la Webster University pour un bachelor en sciences et finances qu'il obtient en 2020, tout en travaillant dans une banque dans l'archivage. Puis, il occupe des emplois temporaires dans différents postes de travail. Le Dr C______ diagnostique un TDAH de type mixte et un trouble dépressif moyen à léger. Cependant, le demandeur se montre réticent par rapport à la prise d'un antidépresseur. Compte tenu de l'état clinique général en amélioration, le Dr C______ ne juge pas une approche pharmacologique absolument impérative. Ce médecin lui propose également un suivi psychothérapeutique spécialisé dans le programme TDAH de son unité, mais le demandeur préfère se mettre dans la liste d'attente (plusieurs mois) et se réserver le choix d'y participer ou pas le moment voulu. Il bénéficie enfin d'un traitement de psychostimulants de première ligne pour le TDAH.

8.2 En février 2021, l'assuré fait l'objet d'une expertise psychiatrique par le Dr D______ qui pose le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de trouble dépressif récurrent, épisode actuel d'intensité légère. Les diagnostics suivants sont sans répercussion sur la capacité de travail : personnalité avec des traits émotionnellement immatures, instables, anxieux, impulsifs et évitants accentués, trouble mixte de la personnalité et TDAH de type mixte. Selon l'anamnèse, le demandeur était un élève plutôt faible, mais n'a jamais dû redoubler de classe et a obtenu la maturité. Puis, il a étudié en Grande-Bretagne d'abord l'économie, puis après une année le droit, études qu'il a ensuite abandonnées après deux ans, tout restant encore inscrit à l'université pendant deux ans, en travaillant dans de petits emplois et en faisant souvent la fête. Après son retour en Suisse en 2010, il a travaillé pendant deux ans environ, puis a commencé des études qu'il a terminées en 2015 avec un diplôme de comptable. Il avait toujours travaillé en parallèle de ses études. Après l'obtention de son diplôme, il n'a pas trouvé un emploi fixe et a dû se contenter d'emplois temporaires. Depuis l'âge adulte, le demandeur n'a plus consulté de psychiatre avant 2020 et était uniquement suivi par son médecin traitant qui lui avait prescrit un antidépresseur en 2010 à son retour en Suisse. Ses problèmes psychiques actuels se sont manifestés à cause d'une charge de travail importante dans le contexte du COVID-19, d'une part, et après une grippe très sévère au début 2020 avec trois semaines d'arrêt de travail, d'autre part, maladie qui l'a épuisé et provoqué des problèmes de concentration. De ce fait, son médecin traitant l'a mis à nouveau en arrêt de travail pendant une semaine en juin 2020. Malgré un traitement de vitamine B12, la fatigue a persisté, de sorte que le demandeur avait beaucoup de peine à exercer son travail et avait développé une grande peur de faire des erreurs. Néanmoins, ni ses collègues ni ses supérieurs ne s'étaient plaints de son travail. En septembre 2020, le demandeur était à bout de force et souffrait de sautes d'humeur importantes, d'angoisses et troubles du sommeil, de sorte qu'il a été de nouveau mis en arrêt de travail et dirigé vers une psychiatre qu'il voyait d'abord une fois par semaine, puis toutes les deux semaines. Le demandeur prenait également un antidépresseur depuis quelques semaines et un traitement médicamenteux pour le TDAH. En outre, il est sur une liste d'attente pour une prise en charge spécialisée pour des patients atteints d'un TDAH. Néanmoins, selon le demandeur, son état psychique ne s'améliore que peu, en particulier dans le contexte du litige avec son assurance perte de gain. Sa relation avec son amie s'est aussi dégradée à cause des problèmes psychiques. Quant à ses occupations, il cuisine à midi, à tour de rôle avec son amie. Dans l'après-midi, il s'occupe de tâches administratives, de ses plantes et s'oblige à faire une promenade de 30 à 60 minutes. La lecture est difficile en raison des problèmes de concentration. Après avoir cuisiné à tour de rôle le soir, le couple regarde la télévision le soir. Le week-end, il fait des balades avec son amie, parfois à la montagne.

Le contrôle du dosage de l'antidépresseur montre une bonne compliance médicamenteuse et les tests indiquent un état dépressif léger. Les traits accentués de la personnalité affaiblissent la capacité d'adaptation du demandeur aux évènements adverses de la vie et favorisent ainsi la persistance de certains symptômes anxio-dépressifs. Malgré sa souffrance subjective indéniable, ses plaintes (mal-être important, tensions, angoisses notamment par rapport à son avenir professionnel et financier) paraissent parfois exagérées et dramatiques. L'intensité des symptômes anxio-dépressifs étant plutôt légère, une incapacité de travail totale est injustifiée. Quant au TDAH, il n'a pas empêché le demandeur de poursuivre sa scolarité et de terminer ses études. Partant, le demandeur est capable de reprendre progressivement son activité professionnelle habituelle, d'abord à 50% dès la date de l'expertise, puis à 80% dès le 1er mai 2021 et à 100% à partir du 1er juillet 2021. Le pronostic de moyen à long terme est incertain, compte tenu des traits pathologiques de la personnalité avec une forte fixation sur ses problèmes de vie et ses symptômes psychiques, une grande demande de reconnaissance de sa souffrance et de son vécu, ainsi que les perspectives et alternatives professionnelles encore incertaines.

8.3 La Dre E______ conteste, dans son rapport du 20 avril 2021, l'intensité du trouble dépressif retenu par l'expert et l'évalue à modéré à sévère, sur la base des tests qu'elle a effectués. Par ailleurs, les traits voire les troubles de la personnalité relevés par l'expert font partie du TDAH. Ces diagnostics justifient une incapacité de travail totale. En raison du TDAH, le travail de comptable n'est enfin pas en adéquation avec le fonctionnement du demandeur, si bien qu'une réadaptation professionnelle est conseillée.

8.4 Dans son rapport du 25 mai 2021, le Dr C______ constate une amélioration très légère. Globalement, la situation clinique reste cependant instable avec des périodes d'amélioration et de péjoration dépressive en alternance. La capacité de travail du demandeur est nulle dans toute profession, en particulier dans son activité de comptable qui semble avoir joué un rôle dans son état d'épuisement et qui a conduit à l'épisode dépressif actuel. Le pronostic est favorable pour une reprise de travail progressive dans un contexte professionnel adapté. Le demandeur présente des limitations fonctionnelles sous forme d'une baisse de l'élan vital, diminuant très sévèrement sa capacité de mobilisation et d'engagement professionnel, d'angoisses avec des difficultés à supporter tout facteur de stress, de pessimisme et d'apragmatisme l'empêchant d'établir un projet de vie cohérent et de s'y tenir. Le TDAH le rend très vulnérable au stress, provoque le sentiment d'être submergé, rend difficile la priorisation des tâches, l'organisation et l'efficacité au travail avec un risque de burnout avec influence sur l'estime de soi. Le TDAH est un facteur à considérer dans le choix professionnel, dès lors qu'il a un impact majeur sur la capacité de travail. Il est difficile d'établir un délai clair pour la reprise professionnelle, laquelle risque d'être condamnée à un échec en raison du danger d'aggravation de l'état anxio-dépressif et des dysfonctions liées à la symptomatologie du TDAH.

8.5 Dans son appréciation du 21 juin 2021, le Dr F______ constate que le demandeur a pu terminer sa scolarité, faire des études et s'insérer professionnellement, malgré l'absence de suivi psychiatrique et l'absence de traitement spécifique du TDAH, après une prise de Ritaline pendant deux ans durant l'adolescence. Il en conclut que le TDAH n'est pas incapacitant. Les remarques du Dr C______ sur le TDAH sont d'ordre général et ne témoignent pas de limitations concrètes, actuelles et objectives dans son activité professionnelle et dans sa vie quotidienne. Par ailleurs, s'il y a une éventuelle inaptitude au poste, voire une acceptation d'un poste pour lequel le demandeur est inapte, cela ne serait pas du ressort de l'assureur perte de gain, mais de la médecine de travail et pourrait avoir des conséquences différentes en termes de droit aux indemnités journalières. Le Dr C______ ne tenait en outre pas compte des traits de personnalité mis en évidence par l'expert, pouvant expliquer une partie de l'histoire personnelle, de la symptomatologie et du comportement du demandeur. Au demeurant, le rapport du Dr C______ de janvier 2021 relève une amélioration clinque. Les limitations seulement partielles au moment de l'expertise permettent une reprise de travail à 50%, selon le médecin-conseil.

8.6 Dans son rapport du 19 octobre 2021, le Dr C______ atteste que l'état dépressif du demandeur en mai 2021 contribue à diminuer sévèrement sa capacité de mobilisation et d'engagement professionnel à court terme. Il est anxieux avec des difficultés à supporter les facteurs de stress. Le pronostic pour une reprise de travail est favorable, mais dépendra de l'adéquation d'une nouvelle carrière professionnelle. La reprise devrait être très progressive dans une contexte professionnel adapté.

8.7 Dans le rapport relatif aux questions du mandataire du demandeur du 10 mars 2022, le Dr C______ précise qu'il a certes noté dans son rapport du 13 janvier 2021 que l'état était en amélioration sur la base de l'état clinique pendant l'évaluation initiale. Par la suite, il constate toutefois une péjoration dépressive en janvier et fin février 2021, puis une légère amélioration de quelques semaines et à nouveau une aggravation avec une composante anxieuse plus prononcé. Il y avait des oscillations de l'état clinique tout au long de l'année 2021. L'incapacité de travail dans l'activité précédente perdure, celle-ci étant incompatible avec ses difficultés en lien avec le TDAH.

8.8 Le 17 novembre 2022, le Dr F______ relève une contradiction entre le maintien d'une incapacité de travail totale et le fait mentionné par le Dr C______ que le demandeur semble globalement mieux à différents niveaux du TDAH. Ce médecin n'a ainsi pas pris en compte les progrès et insistait davantage sur la vulnérabilité que les progrès. Il n'y a pas d'analyse nuancée de la capacité de travail, et la capacité de travail dans une activité adaptée n'est pas évoquée. En ce que le Dr C______ indique qu'un patient atteint d'un TDAH peut bien fonctionner dans un contexte bien adapté et bien soutenu, il fait dépendre la capacité de travail de facteurs psychosociaux et non médicaux. Aucune réadaptation n'a été tentée. Le médecin-conseil relève en outre que Dr C______ reste très général dans ses affirmations et ne fournit aucun critère clinique objectif. Ce dernier médecin parle principalement du TDAH comme facteur de vulnérabilité, ce qui n'est pas synonyme d'incapacité de travail. Il n'y avait pas de causalité linéaire entre cette affection et l'incapacité de travail. En outre, le demandeur dispose de capacités objectivement démontrées au vu de son parcours scolaire, universitaire et professionnel. Il en va de même pour le trouble de la personnalité. L'évaluation de l'expert est ainsi plus convaincante.

9.              

9.1 Il résulte des rapports précités que les médecins sont d'accord sur les diagnostics, sauf en ce qui concerne l'intensité du trouble dépressif. Cependant, comme le Dr C______ le relève, la situation clinique est instable avec des périodes d'amélioration et de péjoration dépressive en alternance. Cela peut expliquer qu'au moment de l'expertise, l'état dépressif du demandeur était de faible intensité, alors même que la Dre E______ constate, sur la base des mêmes tests postérieurement à l'expertise, un épisode dépressif modéré à sévère. Cette différence d'appréciation n'est ainsi pas forcément contradictoire.

L'appréciation de la répercussion des diagnostics sur la capacité de travail par les médecins est différente. Alors même que l'expert considère que le TDAH, l'épisode dépressif et les traits, voire troubles de la personnalité, ne sont pas incapacitants, les Drs C______ et E______ les jugent fortement handicapants.

À cet égard, la question de savoir si les troubles de la personnalité relevés par l'expert font partie du TDAH ou constituent un diagnostic à part, peut rester ouverte, dans la mesure où seules les manifestations des pathologies psychiques sont pertinentes. Au demeurant, en admettant avec le Dr F______, qu'une partie de la symptomatologie et du comportement du demandeur s'explique par un trouble de la personnalité, cela serait au contraire un facteur de mauvais pronostic, selon le dernier rapport du Dr C______, dans la mesure où un trouble de la personnalité constitue un facteur de grande vulnérabilité. Ce trouble de la personnalité est aussi un facteur limitant la capacité de travail, de l'avis de ce dernier médecin. L'expert l'admet également en considérant que le demandeur a tendance, dans son discours, d'appliquer des mécanismes de défenses plutôt immatures, comme l'idéalisation primitive, la dévalorisation totale, le déni, l'évitement et la projection, et que la constance et la sévérité de certains comportements et de certains schémas de pensées du demandeur pourraient justifier le diagnostic de trouble mixte de la personnalité. L'expert reconnaît expressément que ces traits affaiblissent sa capacité d'adaptation et que l'organisation pathologique de la personnalité a une forte influence sur la manifestation de certains symptômes anxio-dépressifs et sur leur chronification. Il estime également que le pronostic à moyen et à long terme est incertain en raison en particulier des traits pathologiques de la personnalité.

Au vu de l'état dépressif fluctuant du demandeur et l'incapacité de travail constatée par les médecins traitants après l'expertise, la chambre de céans estime que cette expertise n'a tout au plus une valeur probante qu'au moment de l'examen par le Dr D______ en février 2021, mais qu'en avril 2021, l'incapacité de travail est totale, selon les Drs C______ et E______ (rapport de celle-ci du 20 avril 2021), du moins dans l'activité de comptable. En effet, le TDAH constitue un obstacle majeur à la reprise d'une activité professionnelle, en particulier de celle de comptable, selon le Dr C______, cette pathologie demandant au demandeur un effort énorme pour être performant au travail au vu de ses limitations pour l'organisation des tâches. Cela l'a conduit à l'épuisement et à la dépression, son estime de soi étant gravement entamée du fait des difficultés rencontrées au travail. Ce médecin relève également que la reprise d'une activité professionnelle, sans adaptation du cadre de travail voire sans changement d'activité, risque d'aggraver l'état anxio-dépressif et les dysfonctions liées à la symptomatologie du TDAH. L'amélioration relative attestée en janvier 2021, n'était que provisoire. Ce médecin admet enfin une incapacité de travail pendant toute la durée litigieuse.

Par ailleurs, on ne saurait considérer que le demandeur a effectué sa scolarité et ses études sans difficulté. Il était déjà diagnostiqué TDAH en 2000 et traité à la Ritaline pendant deux ans. En 2010, il présente un épisode anxio-dépressif dans le contexte d'un échec scolaire, traité par antidépresseurs et tranquillisants, ainsi qu'une psychothérapie. Pendant les quatre ans passés en Grande-Bretagne, il n'arrive pas à terminer la formation universitaire de business et law entamée. Alors qu'il rentre en Suisse en 2010 pour faire des études, il n'obtient qu'en 2020 un bachelor en sciences et finances, après avoir subi en 2017 un nouvel épisode dépressif avec burnout. Enfin, il n'a jamais eu un poste fixe pendant une longue durée après la fin de ses études, de sorte qu'il est difficile d'admettre une situation professionnelle stable.

En ce que le Dr F______ estime que le Dr C______ n'a pas tenu compte de l'amélioration de l'état du demandeur au niveau du TDAH, et considère implicitement que ce dernier dispose d'une capacité de travail de ce fait, il se substitue à l'appréciation du Dr C______, sans avoir examiné le demandeur. Celui-ci ne souffre en outre pas seulement d'un TDAH, mais également d'un trouble dépressif, voire de traits ou troubles de la personnalité. Une amélioration de l'état psychique sur certains plans ne signifie pas forcément que la capacité de travail est rétablie.

Il ne peut pas non plus être reproché au Dr C______ d'avoir apprécié la capacité de travail in abstracto sur la base du diagnostic du TDAH. S'il est vrai qu'il expose, de façon générale, les limitations fonctionnelles des personnes souffrant d'un TDAH dans son rapport de mars 2022, le diagnostic de cette pathologie a été auparavant émis sur la base de plusieurs examens et évaluations approfondis. De surcroît, le TDAH est associé à un trouble dépressif fluctuant avec une composante anxieuse, comme exposé de façon détaillée par le Dr C______.

Un TDAH ne peut pas non plus être considéré uniquement comme un facteur de vulnérabilité, dans la mesure où il s'agit d'une atteinte psychique répertoriée dans les classifications internationales des maladies psychiatriques.

L'incapacité de travail du demandeur étant due à des maladies répertoriées, il ne saurait non plus être admis que cette incapacité dépend seulement de facteurs psychosociaux et non d'une pathologie. S'il est vrai que la reprise de travail est subordonnée à certaines conditions, cela tient au fait que le travail doit être adapté aux limitations fonctionnelles résultant des atteintes à la santé.

Enfin, une péjoration de l'épisode dépressif du demandeur est attestée par le Dr C______ déjà avant le courrier de mars 2021 de la défenderesse informant le demandeur de la cessation du versement des indemnités journalières. Ce n'est ainsi pas l'annonce de l'arrêt de ces prestations qui est exclusivement responsable de l'incapacité de travail, comme le fait valoir la défenderesse. Au demeurant, dans cette hypothèse, l'incapacité de travail n'aurait pas été durable, comme attesté par les médecins traitants.

Cela étant, sur la base des rapports médicaux établis en temps réel pendant la période litigieuse, la chambre de céans considère que le demandeur présente une incapacité de travail totale durant cette période et que le pronostic favorable émis par l'expert en février 2021 pour une reprise de travail n'a pas pu être confirmé, indépendamment du fait que le Dr D______ n'est pas un spécialiste en TDAH.

9.2 Quant à la question de savoir si le demandeur aurait pu travailler dans une autre activité que celle de comptable, elle peut rester ouverte. En effet, la défenderesse ne lui a jamais envoyé un avertissement au sujet du changement de profession, afin de diminuer le dommage, et ne lui a pas imparti de délai pour ce faire. Or, selon la jurisprudence en la matière, la défenderesse aurait dû l'avertir qu'il devait envisager un changement de profession et lui accorder un délai adéquat pour s'adapter aux nouvelles conditions et trouver un emploi dans un autre domaine de travail (ATF 133 III 527 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_228/2019 du 2 septembre 2019 consid. 2.3). Ayant omis de le faire, une incapacité de travail totale doit être admise indépendamment de la capacité de travail éventuelle dans une activité adaptée.

10.         Le demandeur ayant droit à 730 indemnités journalières dès le 14 septembre 2020, premier jour d'incapacité de travail pour les atteintes en cause, il peut prétendre à ces prestations du 5 avril 2021 au 13 septembre 2022, soit pendant 537 jours, étant précisé que la défenderesse a accordé les indemnités journalières à 100% jusqu'au 4 avril 2021, selon son courrier du 23 mars 2021. Au montant de CHF 186.30 par jour, le demandeur a ainsi droit à des indemnités journalières de CHF100'043.10, somme dont il faut déduire les indemnités journalières à 50% payées du 5 au 30 avril 2020 (26 jours), soit CHF 2'421.90. Le total encore dû s'élève ainsi à CHF 97'621.20.

11.         Le demandeur réclame enfin des intérêts moratoires de 5% dès le 1er juillet 2021.

11.1 L'art. 41 al. 1 LCA dispose que la créance qui résulte du contrat est échue quatre semaines après le moment où l'assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les « renseignements » au sens de l'art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l'assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l'assuré (cf. l'intitulé de l'art. 39 LCA). Ils correspondent aux devoirs de déclaration et de renseignement institués par les art. 38 et 39 LCA (cf. ATF 129 III 510 consid. 3 p. 512 ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_58/2019 du 13 janvier 2020 consid. 4.1 ; 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3 ; 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.5 ; BREHM, Le contrat d'assurance RC, 1997, nos 512 et 515 s.). Le délai de délibération de quatre semaines laissé à l'assureur ne court pas tant que l'ayant droit n'a pas suffisamment fondé sa prétention ; tel est par exemple le cas lorsque, dans l'assurance contre les accidents, l'état de santé véritable de l'ayant droit n'est pas éclairci parce que ce dernier empêche le travail des médecins (arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2008 du 27 novembre 2008 consid. 6.3.1 ; JÜRG NEF, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n° 15 ad art. 41 LCA).  

Le débiteur d'une obligation exigible est mis en demeure par l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO en lien avec l'art. 100 al. 1 LCA). L'intérêt moratoire de 5% l'an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l'interpellation, ou, en cas d'ouverture d'une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Toutefois, lorsque l'assureur refuse définitivement, à tort, d'allouer des prestations, on admet, par analogie avec l'art. 108 ch. 1 CO, qu'une interpellation n'est pas nécessaire ; l'exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1 ; 4A_122/2014 précité, consid. 3.5 ; 4A_206/2007 du 29 octobre 2007 consid. 6.3 ; 5C.18/2006 du 18 octobre 2006 consid. 6.1 in fine ; cf. NEF, op. cit., n° 20 in fine ad art. 41 LCA, et GROLIMUND / VILLARD, in Basler Kommentar, Nachführungsband 2012, n° 20 ad art. 41 LCA). Un débiteur peut valablement être interpellé avant même l'exigibilité de la créance (ATF 103 II 102 consid. 1a ; Rolf WEBER, Berner Kommentar, 2000, n. 102 ad art. 102 CO). La demeure ne déploie toutefois ses effets qu'avec l'exigibilité de la créance (cf. ATAS/1176/2019 du 18 décembre 2019).

L'intérêt moratoire n'est dû que depuis le début de la demeure, c'est-à-dire le jour suivant la réception de l'interpellation du débiteur - cas échéant le lendemain de la notification au débiteur de la demande en justice ou du commandement de payer (Luc THEVENOZ, in Commentaire romand, Code des obligations I ad art. 104 CO, n. 9 p. 621).

11.2 En l'espèce, les conditions générales ne prévoient aucun terme pour l'exigibilité des prestations qui y sont stipulées. Il ressort par ailleurs du dossier que le demandeur a interpellé la défenderesse préalablement à sa demande en justice le 16 juin 2021. Conformément aux conclusions du demandeur, l’intérêt moratoire de 5% est donc dû dès le 1er juillet 2021.

12.         Cela étant, la demande doit être admise pour l'essentiel et le demandeur mis au bénéfice des indemnités journalières contractuelles du 5 avril 2021 au 13 septembre 2022, après déduction des indemnités déjà versées durant cette période, d'un montant total de CHF 97'621.20, avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 2021, quatre semaines après leur exigibilité. Les cantons sont compétents pour fixer le tarif des frais comprenant les dépens (art. 96 CPC en relation avec l’art. 95 al. 3 let. b CPC). À Genève, le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du 22 décembre 2010 (RTFMC - E 1 05.10) détermine notamment le tarif des dépens, applicable aux affaires civiles contentieuses (art. 1 RTFMC).

La valeur litigieuse, telle que définie par les conclusions du demandeur, s'élève à CHF 107'101.65, ce qui correspond à des dépens de CHF 11'326.- selon l'art. 85 al. 1 RTFMC. Toutefois, dans la mesure où le demandeur n'était pas assisté pendant toute la procédure (seulement dès la réplique du 31 mars 2022), les dépens doivent être réduites à CHF 9'000.- auxquels il convient d’ajouter la TVA (7,7%), de sorte que le montant total s’élève à CHF 9'693.- (art. 25 et 26 al. 1 de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05] ; art. 84 et 85 RTFMC).

13.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 114 let. e CPC).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur le montant de CHF 97'621.20, avec intérêts à 5% l’an dès le 1er juillet 2021, quatre semaines après l'exigibilité des indemnités journalières.

4.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur une indemnité à titre de dépens de CHF 9'693.-.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du demandeur ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du demandeur, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le