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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1413/2022

ATAS/198/2023 du 23.03.2023 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1413/2022 ATAS/198/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mars 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de son curateur, Maître Mike HORNUNG

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1951, a été au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité allouée en raison d’une atteinte psychique depuis le 1er décembre 1999.

b. L’assuré a requis le versement de prestations complémentaires par demande du 22 décembre 1999 à l’office cantonal des personnes âgées (OCPA), devenu depuis lors le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé). Il a joint à sa demande un extrait de son compte postal. Dans son courrier d’accompagnement, il a précisé qu’une précédente demande de prestations, remplie de manière anticipée avec le concours d’une assistante sociale, avait été rejetée.

c. L’assuré s’est vu verser des prestations complémentaires cantonales ainsi qu’un subside d’assurance-maladie dès le 1er décembre 1999. Dès 2005, il a également bénéficié de prestations complémentaires fédérales.

Les décisions qui lui ont été adressées annuellement par le SPC rappelaient son obligation de renseigner le service sur sa situation financière et sur toute modification de celle-ci.

d. Dans le cadre de la révision du droit aux prestations entreprise par le SPC à fin 2016, l’assuré a adressé plusieurs pièces à cet office. Il a notamment indiqué dans deux notes reçues le 23 novembre 2016 qu’il n’avait pas droit à une rente de la prévoyance professionnelle, car il n’avait jamais cotisé en sa qualité d’indépendant et ne s’en était jamais préoccupé faute de moyens, et qu’il avait entrepris des démarches afin d’obtenir une rente en France. Il a joint une copie du formulaire « Périodes relatives à la carrière dans l’UE » qu’il avait rempli à cet effet. Il informerait le SPC des résultats de cette requête.

B. a. Par ordonnance du 10 février 2020, le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le TPAE) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de l’assuré, mesure qu’il a confirmée par ordonnance du 5 novembre 2020.

b. Le 21 avril 2021, le curateur de l’assuré a indiqué au SPC qu’il avait constaté que celui-ci n’avait jamais fait mettre à jour son dossier. Il lui a fait parvenir plusieurs documents bancaires de l’assuré, dont deux bouclements de comptes de la banque Migros affichant au 31 décembre 2020 des soldes respectifs de CHF 89'291.55 et de CHF 2'150.85, trois extraits de comptes de la Poste révélant au 31 décembre 2020 des soldes respectifs de CHF 77'000.74 (compte 1____________), de CHF 1'284.61 et de CHF 35'476.08, ainsi qu’un extrait de compte auprès de la banque Raiffeisen révélant un solde de CHF 4'997.01.

À la demande du SPC, l’assuré, par son curateur, lui a transmis plusieurs documents relatifs à ses comptes bancaires en date du 18 octobre 2021, révélant notamment que le compte 2____________ auprès de la Migros avait été ouvert en janvier 1995 et qu’il était doté de CHF 114'757.50 en 2014. Le compte postal 1____________ avait été ouvert en 2011 et affichait un solde de CHF 101'663.74 au 31 décembre 2014. Le compte auprès de la banque Raffeisen avait été ouvert le 21 janvier 2019.

Le 1er décembre 2021, l’assuré a encore transmis au SPC un extrait d’un de ses comptes auprès de la banque Migros, mentionnant un avoir de CHF 2'137.10 en 2014, et des extraits d’un autre de ses comptes postaux révélant des soldes négatifs de – CHF 0.32 en 2015 et de - CHF 28.24 au 31 décembre 2016.

c. Par décisions du 30 novembre 2021, le SPC a repris le calcul des prestations complémentaires dès le 1er décembre 2015, compte tenu des éléments de fortune annoncés. Du 1er décembre 2015 au 30 novembre 2021, l’assuré avait droit à des prestations complémentaires à hauteur de CHF 2'999.-, alors qu’un montant de CHF 157'131.- lui avait été versé à ce titre durant cette période. Le SPC a réclamé la restitution du montant indûment versé de CHF 154'132.-.

À la même date, le SPC a également rendu une décision demandant le remboursement des primes d’assurance-maladie de CHF 4'462.- en 2016.

Le 8 décembre 2021, le SPC a en outre rendu une décision exigeant la restitution de frais médicaux indûment remboursés à hauteur de CHF 2'038.60 en 2016.

Le SPC a notifié ces décisions à l’assuré le 10 décembre 2021. Dans le courrier d’accompagnement, il a noté que celui-ci ne l’avait pas informé de sa fortune, ce qui relevait d’une infraction pénale justifiant l’application d’un délai de sept ans pour réclamer la restitution des prestations indûment versées.

d. Le 14 janvier 2022, l’assuré, par son curateur, s’est opposé aux décisions notifiées le 10 décembre 2021 par le SPC. Il a soutenu que son état de santé l’avait empêché de transmettre tous les documents nécessaires au SPC lors de sa demande et des révisions successives. Ses troubles psychiques, présents depuis plus de vingt ans, permettaient de penser qu'il n'était pas en mesure de gérer seul ses affaires administratives depuis de nombreuses années, même si la curatelle n’avait été prononcée qu’en février 2020. Il avait échappé à une mesure plus précoce en raison de son isolement et n’avait pu solliciter d’aide car il n’était pas conscient de ses troubles. Le TPAE avait récemment prononcé son placement à des fins d'assistance. Partant, il était de bonne foi, et ce n’était pas volontairement ni par négligence grave qu'il avait failli à ses obligations de déclaration. La restitution du montant réclamé le placerait par ailleurs dans une situation difficile, puisqu'il ne lui resterait que peu de fortune, alors qu'il devait faire face à de nombreux frais, notamment pour se constituer un nouveau domicile. Partant, la restitution ne pouvait être exigée. Subsidiairement, il a contesté l’applicabilité du délai de prescription pénale de sept ans, sa responsabilité pénale n’étant certainement pas engagée. En outre, aucune décision pénale n’avait été rendue. Seul un délai de cinq ans était applicable à la restitution des prestations. Par ailleurs, dans le calcul opéré, il aurait fallu prendre en compte les montants auxquels il aurait eu droit s'il avait été en mesure d'établir correctement sa situation financière. Or, la décision du 10 décembre 2021 évoquait ces montants sans les retrancher du montant réclamé, et le calcul était ainsi erroné.

L’assuré a produit l’ordonnance du 25 novembre 2021 du TPAE ordonnant son placement à des fins d’assistance à la clinique de Belle-Idée, ainsi qu’un extrait d’une expertise psychiatrique réalisée le 22 septembre 2021 par les docteurs B______ et C______, spécialistes FMH en psychiatrie, notant que l’assuré était dans certaines limites autonome pour gérer ses finances, ses affaires juridiques, sa santé et ses affaires administratives et sociales. Toutefois, il n'était pas capable de manière durable d'apprécier le sens, la nécessité, les effets de ses actes et d'agir en conséquence dans les tâches de gestion de ses affaires courantes et de maintien de sa santé.

e. Par courrier du 10 février 2022, le SPC a informé l’assuré qu’il avait repris le calcul des prestations avec effet au 1er mars 2015 en procédant à la mise à jour de la fortune immobilière (sic). Il apparaissait que l’assuré avait indûment perçu des subsides pour l'assurance-maladie de CHF 15'330.- et des prestations complémentaires de CHF 18.- pour la période du 1er mars 2015 au 28 février 2022, à rembourser au SPC. Dès le 1er mars 2022, l’assuré aurait droit à des prestations complémentaires de CHF 189.- par mois, hors réduction des primes d'assurance-maladie.

Le SPC a joint à ce courrier la décision de remboursement du subside d’assurance-maladie du 4 février 2022, exigeant le remboursement de CHF 234.- pour 2016 ainsi que des subsides versés de 2017 à 2020.

Dans les décisions jointes du 4 février 2022 reprenant les calculs, le SPC a établi le droit de l’assuré aux prestations complémentaires à CHF 8'298.- du 1er mars 2015 au 30 novembre 2015 et à CHF 920.- en décembre 2015. Les prestations effectivement versées durant cette période s’élevaient à CHF 9'200.-. Il en résultait un trop-perçu de CHF 18.- à restituer.

f. L’assuré s’est opposé aux décisions notifiées le 10 février 2022 par écriture du 15 mars 2022. Il a derechef nié avoir eu le discernement nécessaire à la gestion de ses affaires avant sa mise sous curatelle déjà. Le droit de demander la restitution des prestations complémentaires du 1er mars 2015 au 1er mars 2017 était prescrit.

g. Par décisions respectivement datées du 18 mars 2022 et du 3 mai 2022, le SPC a rejeté les oppositions interjetées par l’assuré à l’encontre des décisions notifiées le 10 décembre 2021 d’une part, et des décisions notifiées le 10 février 2022, d’autre part.

C. a. Par écriture du 5 mai 2022, le curateur de l’assuré a interjeté recours contre la décision de l’intimé du 18 mars 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). L’assuré a conclu, sous suite de dépens, préalablement à sa comparution devant la chambre de céans, et principalement à l’annulation de la décision et à ce qu’une nouvelle décision conforme au droit soit rendue.

Il a allégué que ses troubles psychiques ne lui avaient pas permis de déposer une demande de prestations complémentaires en 1999 déjà, et qu’il avait alors dû être aidé par une assistante sociale. Il a répété qu’il était incapable de gérer ses affaires administratives, ce qui avait conduit à la résiliation de son bail en 2020. Très isolé, il avait échappé au réseau d’aide et avait refusé toute intervention de tiers. L’expertise avait mis en exergue plusieurs troubles psychiques, qui altéraient sa faculté de collaborer avec son entourage médical et psychosocial. Au vu de son état mental, c’était à tort que la décision contestée retenait un acte punissable et appliquait le délai de prescription de sept ans. Le recourant a à nouveau fait grief à l’intimé de ne pas avoir retranché des montants à restituer les prestations complémentaires qu’il aurait pu prétendre malgré sa fortune. Le montant à restituer s’élevait à CHF 143'696.-, ce qui correspondait aux prestations complémentaires versées du 1er janvier 2017 au 30 novembre 2021, et non à CHF 163'631.60.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1413/2022 par la chambre de céans.

b. Le 2 juin 2022, l’assuré, par son curateur, a interjeté recours contre la décision de l’intimé du 3 mai 2022. Il a conclu, préalablement, à sa comparution devant la chambre de céans, et principalement à l’annulation de la décision et à ce qu’une nouvelle décision conforme au droit soit rendue. Il a repris l’argumentation développée dans son précédent recours. Il a souligné ne pas disposer de fortune immobilière, et a reproché à l’intimé de ne pas avoir mentionné dans sa décision les montants perçus à titre de réduction des primes d’assurance-maladie, ni les montants auxquels il aurait droit à ce titre en tenant compte de sa fortune, si bien qu’il n’était pas en mesure de déterminer si la somme réclamée était due. Enfin, les conditions d'application de la prescription pénale justifiant le délai de restitution de sept ans n’étaient pas réalisées. La démonstration de l’aspect subjectif de l’infraction faisait défaut. Au vu de son état de santé, la présomption quant à sa capacité de discernement était renversée, et il était présumé incapable de discernement. Il ne pouvait ainsi être considéré coupable de l’infraction liée à la violation de l’obligation de renseigner.

La procédure introduite par ce recours a été enregistrée par la chambre de céans sous le numéro de cause A/1822/2022.

c. Dans sa réponse du 3 juin 2022 au recours du 5 mai 2022, l’intimé a conclu, préalablement, à la production de l’expertise psychiatrique invoquée par le recourant dans son intégralité. Sur le fond, il a relevé que la demande du 22 décembre 1999 était signée du recourant et était cohérente. En 2008, le recourant s’était adressé directement à l’intimé en lien avec l’augmentation de son loyer. Son comportement permettait d'affirmer qu'il était en mesure de comprendre que son droit aux prestations complémentaires dépendait de sa situation personnelle et financière. Il avait en outre été capable de transmettre les documents nécessaires au remboursement de ses frais de maladie. La mesure de curatelle était due au syndrome de Diogène et au risque de perte du logement. Il n’y était pas mentionné d’incapacité de discernement. L’expertise retenait que le recourant était partiellement autonome. Partant, l’intimé concluait au rejet du recours.

d. Dans sa réponse du 13 juin 2022 au recours du 2 juin 2022, l’intimé a sollicité la jonction des causes et repris pour le surplus les conclusions et les arguments de son écriture du 3 juin 2022.

e. Par ordonnance du 28 juin 2022, la chambre de céans a prononcé la jonction des deux causes sous le numéro A/1413/2022.

f. Déférant à la demande de la chambre de céans, le recourant a produit l’expertise des Drs C______ et B______ en date du 14 octobre 2022.

g. Dans son écriture du 7 novembre 2022, l’intimé s’est déterminé sur l’expertise. Il a affirmé que les experts n’avaient pas mis en avant de trouble consistant
en une incapacité de discernement ou liés à une activité cognitive (sic). Il ne ressortait pas de l'expertise que le recourant serait incapable de discernement et dans l'impossibilité de gérer ses affaires administratives courantes, ou du moins de comprendre en quoi celles-ci consistaient. Aucun élément ne permettait de retenir que le recourant ne pouvait comprendre ce qui était attendu de lui, ni qu'une fortune de plusieurs milliers de francs devait être annoncée. Cela ne relevait pas d’une démarche compliquée nécessitant des connaissances particulières.

h. La chambre de céans a transmis copie de cette écriture au recourant le 10 novembre 2022.

i. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La novelle du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Dans la mesure où les présents recours n’étaient pas pendants à cette date, ils sont soumis au nouveau droit (art. 82a LPGA a contrario).

La législation sur les prestations complémentaires a également connu des modifications, entrées en vigueur le 1er janvier 2021.

Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1). Le droit aux prestations complémentaires doit ainsi être analysé selon la législation en force durant la période qu’elles concernent. Toutefois, cette novelle n’a guère de portée dans le cas d’espèce, puisque c’est avant tout la restitution des prestations, avant le 1er janvier 2017, qui est litigieuse. Partant, les dispositions légales topiques seront citées dans leur teneur jusqu’au 31 décembre 2020.

3.             Déposés dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), les recours sont recevables.

4.             Le litige porte sur la restitution des prestations complémentaires, des subsides d’assurance-maladie et des frais médicaux versés au recourant dès mars 2015, en particulier sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a appliqué le délai de prescription pénale de sept ans prévu en cas de violation de l’obligation de communiquer.

La remise et son étendue font l'objet d'une procédure distincte de la restitution (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 64/06 du 30 octobre 2007 consid. 4), de sorte que ce point ne sera pas examiné dans la présente procédure.

5.              

5.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi notamment droit aux prestations complémentaires les personnes qui perçoivent une rente d’invalidité comme le prévoit l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

5.2 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

5.3 Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). S’agissant des conditions personnelles, le droit aux prestations complémentaires cantonales est notamment subordonné à la condition du domicile et de la résidence habituelle dans le canton de Genève (cf. art. 2 al. 1 let. a LPCC).

6.              

6.1 Au niveau fédéral, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC), un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules (art. 11 al. 1 let. c LPC), et les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC).

Les dépenses comprennent notamment le montant forfaitaire annuel pour l'assurance obligatoire des soins ; il doit correspondre au montant de la prime moyenne cantonale ou régionale pour l'assurance obligatoire des soins (couverture accidents comprise) (art. 10 al. 3 let. d LPC).

6.2 Aux termes de l’art. 19 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), conformément aux art. 65ss de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), l’État de Genève accorde aux assurés de condition économique modeste des subsides destinés à la couverture totale ou partielle des primes de l’assurance-maladie. Les subsides sont notamment destinés aux assurés bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS/AI (cf. art. 20 al. 1 let. b LaLAMal). L’art. 22 al. 7 LaLAMal dans sa teneur en force jusqu’au 31 mars 2021 disposait que les bénéficiaires d’une prestation annuelle, fédérale et/ou cantonale, complémentaire à l’AVS/AI versée par le service ont droit à un subside égal au montant de leur prime d’assurance obligatoire des soins, mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l’intérieur. Les personnes qui ont un excédent de ressources inférieur à la prime moyenne cantonale ont droit à un subside équivalent à la différence entre la prime moyenne cantonale et l’excédent de ressources.

S’agissant du subside d’assurance-maladie, concrètement, la pratique de l’intimé durant la période litigieuse consistait à procéder au calcul des dépenses du bénéficiaire, sans prendre en considération les primes d’assurance-maladie, puis il admet le droit au subside en fonction du montant de l’excédent de ressources (ATAS/1039/2013 du 29 octobre 2013 consid. 11a/cc).

6.3 Sur le plan cantonal, la LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant et des dépenses, sous réserve de certaines adaptations. Ainsi, l’art. 5 let. c ch. 1 LPCC prévoit qu’en dérogation à l’art. 11 al. 1 let. c LPC, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est d’un huitième, respectivement d’un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par cette disposition.

7.             L’intimé a exigé la restitution de prestations qu’il estime avoir indûment versées.

7.1 En vertu de l'art. 25 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2). Depuis le 1er janvier 2021, le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 2 1ère phr. LPGA dans sa nouvelle teneur dès cette date). Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer prévue par l'art. 25 al. 1 LPGA implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1er et 2 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.1).

7.2 Au plan cantonal, aux termes de l'art. 24 al. 1 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Conformément à l'art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2).

7.3 Les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais relatif et absolu de péremption, qui doivent être examinés d'office (arrêt du Tribunal fédéral 8C_535/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2). Le délai de péremption absolu de cinq ans commence à courir à la date du versement effectif de la prestation. Il met un point final à un rapport d'obligation entre l'assurance et le débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2009 du 14 décembre 2009 consid. 3.2).

8.             Les dispositions pénales suivantes peuvent trouver application en lien avec la perception de prestations complémentaires.

8.1 L'alinéa premier de l'art. 31 LPC arrête qu'est puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d'un canton ou d'une institution d'utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l'octroi indu d'une prestation au sens de la présente loi (let. a) ; celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient sans droit une subvention au sens de la présente loi (let. b) ; celui qui n'observe pas l'obligation de garder le secret ou abuse, dans l'application de la présente loi, de sa fonction ou tire avantage de sa situation professionnelle au détriment de tiers ou pour son propre profit (let. c) ; celui qui manque à son obligation de communiquer (art. 31 al. 1 LPGA) (let. d). Cette infraction se prescrit par sept ans selon l'art. 97 al. 1 let. d CP.

8.1.1 Le fait de ne pas déclarer à l’organe d’exécution des prestations complémentaires des ressources déterminantes réalise les conditions objectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC (ATF 140 IV 206 consid. 6.4). Les indications écrites fournies chaque année à un titulaire de prestations complémentaires, relatives à l'obligation de communiquer tout changement de circonstances, doivent être comprises comme une exhortation à annoncer la survenance de telles modifications ; celui qui, après avoir dissimulé à l'administration une partie de ses revenus, ignore ces communications annuelles tait l'existence d'éléments pertinents pour l'octroi de prestations et commet ainsi à chaque fois une tromperie par commission (ATF 131 IV 83 consid. 2.2 et 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4.1.3).

8.1.2 L'art. 31 al. 1 LPC vise un délit intentionnel (Urs MÜLLER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3ème éd. 2015, p. 330 n. 926). Cela suppose que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, ou par dol éventuel (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable et agit, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3). Le Tribunal fédéral a retenu que compte tenu des informations demandées dans le formulaire de demande de prestations, un assuré ne pouvait ignorer l’importance de la communication de toute information d'ordre économique le concernant et était ainsi conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre à l’autorité, agissant ainsi par dol éventuel. Partant, les conditions subjectives de l’infraction étaient réalisées (ATF 140 IV 206 consid. 6.4 et 6.5 dans le cas de la non déclaration à l’autorité d’un héritage perçu et de l’acquisition d’un bien immobilier).

8.2 L’art. 146 al. 1 CP, relatif à l’escroquerie, prévoit que celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. L’escroquerie se prescrit par quinze ans en vertu de l’art. 97 CP.

8.2.1 Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits (ATF 147 IV 73 consid. 3.1). La tromperie peut être réalisée non seulement par l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dissimulation d'un fait vrai. On distingue à cet égard la dissimulation d'un fait vrai par commission, de la dissimulation par omission, laquelle ne peut constituer une tromperie que si l'auteur se trouve dans une position de garant, à savoir s'il a, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation qualifiée de renseigner (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2). C’est aux assurances qu’il appartient de veiller à la sauvegarde de leur propre patrimoine, par exemple en interrogeant à intervalles réguliers les bénéficiaires de prestations au sujet de l’évolution de leur état de santé, leur situation personnelle ou financière. Cela étant, si les réponses fournies par l’assuré sont contraires à la réalité ou si la perception des prestations d’assurance est accompagnée d’autres actions qui permettent objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme signifiant que rien n’a changé dans sa situation, il n’est plus question d’une escroquerie par omission, mais par commission, à tout le moins par actes concluants (Andrew GARBARSKI / Benjamin BORSODI in Commentaire romand, Code pénal II, 2ème éd. 2017, n. 24 ad art. 146 CP). Une escroquerie par actes concluants a ainsi été retenue dans le cas d’un bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait gagné à la loterie et seulement transmis l’extrait de son livret d’épargne à l'autorité compétente, comme celle-ci le lui avait demandé, sans révéler spontanément sa fortune placée sur un autre compte. Le Tribunal fédéral a considéré que la condition de l’astuce était remplie, dès lors que l’autorité ne pouvait que très difficilement déceler la fortune de l’intéressé (ATF 127 IV 163 consid. 2b).

8.2.2 Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b, ATF 125 V 193 consid. 2).

Lorsqu'il statue sur la créance de l'institution d'assurance en restitution de prestations indûment versées, le juge doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de péremption plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA est applicable dans le cas particulier. Pour que le délai de péremption plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 20 août 2008 consid. 5.3 et les références). Les exigences constitutionnelles en matière d'appréciation des preuves en procédure pénale, notamment le principe in dubio pro reo, s'appliquent également dans le cadre d'une procédure en restitution de prestations d'assurances sociales, lorsqu'il convient d'examiner à titre préjudiciel si la créance en restitution naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long que ceux prévus à l'art. 25 al. 2 LPGA (ATF 138 V 74 consid. 7). La présomption d'innocence, garantie en procédure pénale par l’art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), l’art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et l’art. 10 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), ainsi que son corollaire le principe « in dubio pro reo » concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 5).

10.         Aux termes de l’art. 16 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi.

10.1 La notion de la capacité de discernement comporte deux éléments : un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté. La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_5/2016 du 12 février 2016 consid. 4.1).  

10.2 La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée, sur la base de l'expérience générale de la vie. Cette présomption n'existe toutefois que s'il n'y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit. Pour ces derniers, la présomption est inversée et va dans le sens d'une incapacité de discernement (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3). La maladie mentale n'exclut pas nécessairement tout discernement, car la notion médicale est plus large que le concept juridique. La constatation purement médicale n'emporte pas toujours le renversement du fardeau de la preuve, les cas manifestement graves étant réservés (ATF 117 II 231 consid. 2b). Ainsi, toute atteinte à la santé mentale ne permet pas de présumer l'incapacité de discernement. Il faut que cette atteinte crée une dégradation durable et importante des facultés de l'esprit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_859/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.1.2). Pour exclure la capacité de discernement, la maladie mentale doit avoir des conséquences si prononcées qu’elle altère effectivement la faculté d’agir raisonnablement. Un état de désarroi psychologique présentant un état dépressif sans altérer les facultés de compréhension ne représente pas une maladie mentale au sens restrictif de l’art. 16 CC et ne suffit dès lors pas pour admettre un renversement du fardeau de la preuve. Conformément à la relativité du discernement, il faut en outre prouver l’absence de capacité de discernement dans un cas concret. Par exemple, la description par un médecin d’un état général d’angoisse et de dépression accompagné d’une agitation psychomotrice pouvant conduire une patiente à obéir à des pressions ne suffit pas à démontrer l’incapacité de discernement par rapport à un acte précis. Une attitude ambivalente à propos d’un traitement neuroleptique n’indique pas forcément un état psychotique, et partant une incapacité de discernement (Franz WERRO / Irène SCHMIDLIN in Commentaire romand, Code civil, 2010, n. 36 ad art. 16 CC).

11.         Au plan pénal, on peut rappeler ce qui suit.

11.1 L’art. 12 CP prévoit que sauf disposition expresse et contraire de la loi, est seul punissable l’auteur d’un crime ou d’un délit qui agit intentionnellement (al. 1). Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L’auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait (al. 2). Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (al. 3).

L’intention au sens de l’art. 12 CP n’implique pas que l’auteur ait conscience du caractère illicite de son acte (DUPUIS et al., Petit commentaire, Code pénal, 2ème éd. 2017, n. 5 ad art. 12 CP). Au plan temporel, l’intention doit exister au moment d’agir (Stefan TRECHSEL / Bijan FATEH-MOGHADAM, Praxiskommentar Schweizerisches Strafgesetzbuch, 4ème éd. 2021, n. 21 ad art. 12 CP).

11.2 Aux termes de l’art. 19 al. 1 CP, l’auteur n’est pas punissable si, au moment d’agir, il ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation.

L’auteur qui a la capacité de comprendre et de se comporter en connaissance de cause agit de façon fautive. Il convient de distinguer la culpabilité de l’imputabilité. La culpabilité suppose la commission d’une faute au sens large, que ce soit de façon intentionnelle ou par imprudence ou par négligence. C’est ce qui constitue l’élément moral de l’infraction. En principe, s’il n’y a pas de faute, il n’y a pas de culpabilité et il n’y a pas d’infraction au sens classique du terme. Quant à l’imputabilité, elle suppose la conscience ainsi qu’une volonté libre : en cas de trouble psychique ou de contrainte, il n’y a pas d’imputabilité possible. En d’autres termes, il ne saurait y avoir de responsabilité pénale. Sur un plan strictement médical, on admettra l’existence d’une irresponsabilité au sens de l’art. 19 CP en cas de psychose particulière, schizophrénie ou atteinte psychologique affective grave. On songera également à des situations de démence sévère, de capacité intellectuelle limitée ou, exceptionnellement, d’intoxication grave (Laurent MOREILLON in Commentaire romand, Code pénal I, 2ème éd. 2021, nn. 4-5 et 23 ad art. 19 CP).

12.         Le recourant fait valoir qu’au vu de son état de santé, il n’était pas conscient d’agir de manière contraire au droit en ne déclarant pas l’intégralité de sa fortune à l’intimé. Il se réfère notamment à l’expertise psychiatrique réalisée dans le cadre de la mesure de protection prononcée à son endroit.

12.1 Les experts ont relevé que sur le plan social, le recourant avait été ponctuellement suivi par l'association PRO SENECTUTE depuis 2016, principalement par une assistante sociale, et avait auparavant été suivi par différentes assistantes sociales pour des démarches en lien avec l'encombrement de son logement et ses difficultés à gérer ses affaires administratives, mais il n'avait jamais ou très peu collaboré aux différents suivis sociaux. La lecture du dossier médical révélait que jusqu'en 2018, le recourant avait toujours été autonome pour l'ensemble des activités de la vie quotidienne et pour la gestion administrative. Les experts ont posé les diagnostics de transsexualisme ou dysphorie de genre (F 64.0), de trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline (F 60.31) et de syllogomanie ou syndrome de Diogène (F 42). Compte tenu des caractéristiques d'accumulation pathologique d'objets et de déni d'encombrement de son logement, en lien avec le syndrome de Diogène, une assistance était recommandée. Le recourant ne reconnaissait souffrir que d'un transsexualisme et était anosognosique de ses autres troubles. Il refusait toute prise en charge psychiatrique et toute aide sociale. Par conséquent, un placement était nécessaire aux fins d'assistance et de traitement. À l'heure actuelle, son dossier révélait qu’il était indépendant malgré les difficultés inhérentes à l’insalubrité de son appartement pour manger, boire, se laver, prendre une douche, s'habiller, utiliser les WC, téléphoner, préparer ses repas, entretenir le ménage et faire appel en cas de nécessité (PRO SENECTUTE, urgences psychiatriques, curateurs, experts). Dans certaines limites, le recourant restait partiellement indépendant en ce qui concernait les activités instrumentales de la vie quotidienne. Il était ainsi partiellement autonome pour gérer ses finances, gérer ses affaires juridiques, gérer sa santé et gérer ses affaires administratives et sociales. Toutefois, il n’avait aucune conscience du fait qu'il avait besoin de soins psychiques et d'assistance pour son logement. Il refusait durablement l'aide proposée. Il n’était ainsi pas capable de manière durable d'apprécier le sens, la nécessité, les effets de ses actes et d'agir en conséquence dans les tâches de gestion de ses affaires courantes et de maintien de sa santé. Il ne risquait en revanche pas d'être facilement influencé et d'agir contre ses intérêts. Il serait en mesure de désigner un mandataire pour l'assister, mais pas totalement capable d'en contrôler l'activité de façon appropriée. Le trouble de personnalité émotionnellement labile altérait pour partie sa capacité de collaboration avec son entourage, médical ou psychosocial, comme le démontraient ses difficultés passées ou actuelles avec ses médecins, assistantes sociales et son curateur. La curatelle de gestion et de représentation n’était pas appropriée au vu du déni, du manque de collaboration et de la mise en danger sociale durable. Une curatelle de portée générale apparaissait indiquée.

12.2 On relève au premier plan que cette expertise ne semble pas totalement exclure la capacité de discernement du recourant, dès lors qu’elle admet une autonomie partielle dans la gestion administrative, fût-ce par l’appel à une aide extérieure que le recourant est capable de formuler. Il semble également que celui-ci soit à même de reconnaître et défendre ses intérêts, puisque les experts ne craignent pas qu’il prenne des décisions délétères pour lui en raison d’une influence extérieure. Par ailleurs, on ne saurait tirer de conclusions de cette expertise quant à la possibilité du recourant d’apprécier le caractère délictueux de ses actes.

En outre, contrairement à ce que semble affirmer le recourant, toute atteinte d’ordre psychique ne suffit pas à exclure la capacité de se déterminer par rapport à ses actes, tant aux plans pénal que civil, comme cela ressort de la jurisprudence et de la doctrine rappelées plus haut. En l’espèce, les troubles diagnostiqués ne paraissent pas d’une nature et d’une gravité telles qu’ils entraveraient le fonctionnement cognitif du recourant – hormis éventuellement en lien avec le syndrome de Diogène et ses répercussions. Les experts ne donnent aucun argument dans ce sens. De plus, de manière générale, les atteintes telles que celles du recourant ne peuvent être assimilées aux états de démence ou aux psychoses dont la jurisprudence admet généralement le caractère incapacitant sur les facultés de détermination et de discernement d’un individu.

De plus, si l’expertise révèle un état de santé relativement préoccupant, essentiellement en raison de l’anosognosie du recourant et du syndrome de Diogène, elle brosse le tableau clinique actuel de celui-ci. Or, les experts admettent une autonomie dans la gestion administrative et le quotidien jusqu’en 2018, ce qui tend à confirmer la capacité de discernement, en tout cas jusqu’à cette date. Les éléments au dossier accréditent du reste la thèse d’une aggravation relativement récente des troubles du recourant. En premier lieu, contrairement à ce qui est allégué dans la présente procédure, le recourant a bien déposé seul sa demande de prestations en 1999, sans aide extérieure, même si une première demande - rejetée car prématurée – avait été déposée à l’instigation d’une assistante sociale. Il avait en outre alors joint au formulaire les documents nécessaires, notamment un extrait de compte, ce qui suggère qu’il comprenait la pertinence de ces avoirs pour l’établissement de son droit aux prestations. Par ailleurs, le curateur du recourant a exposé que la curatelle avait été prononcée à la suite d’un signalement par l’association PRO SENECTUTE durant l’année 2020. Or, l’expertise révèle que les assistantes sociales de cette association ont aidé le recourant en 2016 déjà. Le fait qu’elles n’aient alors pas jugé nécessaire de signaler son cas à l’autorité de protection renforce la présomption d’une capacité de discernement à cette époque. Comme le souligne à juste titre l’intimé, le recourant a en outre été en mesure de procéder aux démarches administratives nécessaires pour obtenir le remboursement de ses frais médicaux. Du reste, aucun des intervenants ayant dispensé des soins au recourant cette année n’a été alarmé par son état dans une mesure justifiant un signalement, ce qui ne plaide pas non plus en faveur d’un renversement de la présomption de la capacité de discernement. Enfin, la procédure de révision initiée par l’intimé à fin 2016 a donné lieu à des correspondances du recourant indicatrices d’un fonctionnement cognitif et intellectuel apparemment intact. Le recourant a en effet été alors en mesure d’entreprendre des démarches auprès d’organismes internationaux de sécurité sociale, de donner des explications claires et cohérentes sur sa situation assécurologique en lien avec la prévoyance professionnelle, et de fournir plusieurs des documents requis à l’intimé. Ces derniers éléments sont autant d’indices en faveur de la capacité de discernement du recourant à cette date, et démontrent d’ailleurs que celui-ci saisissait les enjeux de sa situation patrimoniale en lien avec son droit aux prestations.

12.3 Partant, au vu de ce qui précède, aucun élément ne permet de renverser la présomption selon laquelle le recourant était capable de discernement, à tout le moins jusqu’à fin 2016, voire 2018 selon les experts. Eu égard aux informations clairement et régulièrement rappelées par l’intimé sur son obligation de renseigner, le recourant ne pouvait ignorer la nécessité de déclarer l’intégralité de sa fortune à l’intimé. Partant, on doit admettre que c’est avec conscience et volonté qu’il a celé à l’intimé plusieurs comptes bancaires dans le cadre de la procédure de révision entreprise à la fin 2016, de sorte que les éléments tant objectif que subjectif de l’infraction réprimée à l’art. 31 al. 1 let. d LCP étaient alors réalisés. Le recourant a ainsi commis cette infraction à cette date notamment. Cela suffit à admettre l’application du délai pénal de sept ans, et ce même s’il fallait retenir – hypothèse qui n’est au demeurant pas clairement établie – que le recourant ne disposait peut-être plus de sa capacité délictuelle au moment des décisions de restitution. En effet, la condition subjective de l’intention au sens de la conscience et la volonté doit être réalisée au moment de la commission de l’infraction, comme on l’a vu.

Par surabondance, la chambre de céans relève que les décisions de restitution paraissent favorables au recourant, en tant qu’elles ne retiennent qu’une violation de l’obligation de communiquer. En effet, la question d’une éventuelle escroquerie – entraînant la restitution des prestations indument versées sur une période de quatorze ans – pourrait se poser en l’espèce. Sur ce point, la chambre de céans souligne que dans le cadre de la révision du droit aux prestations en 2012, le recourant s’est contenté d’apposer sur la demande de pièces de l’intimé exigeant les relevés de tous les avoirs bancaires et postaux les mentions « OK » et « CCP », alors même qu’il disposait alors en tout cas de deux autres comptes, respectivement ouverts en 1995 et 2011, comme cela ressort des pièces produites en octobre 2021. Le fait de ne pas les avoir signalés à l’intimé pourrait ainsi être interprété comme étant constitutif d’une escroquerie.

12.4 Le recourant conteste encore le montant à restituer, notamment au motif qu’il ne tiendrait pas compte des prestations complémentaires dues malgré sa fortune.

Or, l’intimé a déduit du montant à restituer les prestations complémentaires qui restent dues même en tenant compte des éléments de fortune nouvellement découverts. Par ailleurs, les nouveaux calculs révèlent que les revenus déterminants excèdent les dépenses reconnues, dans une mesure couvrant également les subsides d’assurance-maladie, dont le montant figure bien dans la décision du 4 février 2022. Partant, les griefs du recourant sur les calculs de l’intimé tombent à faux.

La restitution doit ainsi également être confirmée dans sa quotité.

Compte tenu de ce qui précède, les décisions de l’intimé sont conformes au droit.

Par appréciation anticipée des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 8C_253/2020 du 12 novembre 2020 consid. 3.2), la chambre de céans ne donnera pas suite à la requête d’audition du recourant qui n’est pas nécessaire en l’état, les pièces du dossier permettant à la chambre de céans de rendre sa décision.

13.         Les recours sont rejetés.

14.         Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le