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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1864/2022

ATAS/199/2023 du 23.03.2023 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1864/2022 ATAS/199/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mars 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o B______, à CHÊNE-BOURG

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’intéressé ou le recourant) s’est inscrit auprès de l’office cantonal de l'emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé), en date du 24 août 2021, en déclarant, dans le formulaire ad hoc, être disposé à travailler à plein temps. Il a demandé le versement des indemnités de chômage dès le 1er septembre 2021.

b. Interpellé par la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : la CCGC), le service juridique de l’OCE a examiné la situation professionnelle de l’intéressé afin de déterminer son droit à l’indemnité et son aptitude au placement.

c. Il s’avère que l’intéressé a travaillé du 1er septembre 2019 au 30 juin 2021 dans la société à responsabilité limitée C______ Sàrl (ci-après : la Société) et qu’il est inscrit dans les livres du registre du commerce de Genève (ci-après : RC) comme associé gérant avec signature individuelle, avec son épouse, associée sans signature. Par jugement rendu par le Tribunal de première instance de Genève (ci-après : le TPI) en date du 1er juillet 2021, la Société – dont le but social est l’achat, la vente, la construction, la promotion et la location dans le domaine immobilier – a été déclarée en faillite.

d. Par courriel du 21 février 2022, l’intéressé a été interpellé par le service juridique de l’OCE afin de se déterminer sur sa situation et son activité dans la Société jusqu’au jour de la faillite de cette dernière et par la suite. Dans sa réponse du 23 février 2022, il a exposé, en substance, avoir débuté son activité dans la Société, active dans le domaine immobilier, en décembre 2005 et avoir travaillé à plein temps, soit huit heures par jour et cinq jours par semaine, pour ladite société jusqu’au 30 juin 2021. Depuis la faillite, il expliquait que la société n’avait plus aucune activité, qu’il passait quelques heures par mois à effectuer du suivi administratif, dans le cadre de la liquidation de la faillite et qu’il consacrait, depuis lors, tout son temps à ses recherches d’emploi ; il ajoutait que la procédure de faillite avait été suspendue faute d’actifs et qu’il n’avait pas été capable d’avancer le montant de CHF 5'000.- pour couvrir les frais de liquidation, raison pour laquelle la faillite avait été suspendue. Il mentionnait encore qu’il n’exerçait aucune autre activité salariale auprès d’une autre société.

B. a. Par décision du 25 février 2022, l’OCE a nié le droit à l’indemnité de l’intéressé, depuis le premier jour contrôlé, soit dès le 1er septembre 2021, en raison du fait que le travailleur qui jouit d’une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur n’a pas droit à l’indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement, il continue à fixer les décisions de l’employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. L’OCE considérait que la qualité d’associé gérant de l’intéressé dans une société pour laquelle la procédure de faillite avait été suspendue, faisait de lui une personne occupant une position dirigeante, ce qui était incompatible avec la perception des indemnités de l’assurance-chômage.

b. L’intéressé, qui n’avait pas retiré le pli recommandé de notification de la décision dans le délai légal, s’est opposé à la décision par courrier du 6 avril 2022. Il a répété n’avoir plus aucune activité pour le compte de la Société en liquidation, depuis le prononcé de la faillite, précisant que cette dernière n’avait aucune ressource financière, aucun actif et faisait l’objet de nombreuses créances, pour un montant avoisinant CHF 500'000.-. Il expliquait les raisons pour lesquelles il ne pouvait plus participer à la continuation de l’exploitation de la société en liquidation et ajoutait qu’il fallait considérer que l’entreprise était définitivement fermée. Il concluait à l’annulation de la décision et à l’octroi des indemnités de chômage, dès le 1er septembre 2021.

c. Par décision sur opposition du 3 mai 2022, l’OCE a rejeté l’opposition de l’intéressé et confirmé la décision du 25 février 2022, pour les motifs déjà exposés dans cette dernière. Selon l’OCE, la radiation de l’inscription au RC était l’unique moyen permettant d’écarter tout doute quant au départ de l’employé car autrement, la possibilité demeurait que ce dernier réactive l’entreprise et se fasse réengager en son sein. Dès lors que l’intéressé n’avait pas apporté la preuve de ce qui précédait et qu’il était établi qu’il était toujours inscrit au RC en qualité d’associé gérant, sa position était toujours assimilable à celle d’un employeur, durant toute la procédure de liquidation de sa société et, partant, il existait un risque de contournement des dispositions légales.

C. a. Par courrier posté le 4 juin 2022, l’intéressé a interjeté recours, auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), contre la décision sur opposition du 3 mai 2022. Il a fait valoir, en substance, la même argumentation qu’il avait déjà développée au niveau de l’opposition devant l’OCE et a conclu à l’annulation de la décision querellée et à l’octroi des indemnités chômage dès le 1er septembre 2021. Par courrier complémentaire, posté le 16 juin 2022, l’intéressé a communiqué à la chambre de céans les bilans de la société pour les exercices comptables allant de 2019 à 2021, le bilan de la dernière année montrant un manque d’actifs de la société incompatible selon lui avec la continuation de son activité.

b. Par réponse du 28 juin 2022, l’OCE a considéré que l’intéressé n’avait apporté aucun élément permettant de revoir la décision litigieuse et a conclu au rejet du recours, citant à l’appui un arrêt récemment rendu par la chambre de céans en date du 9 mai 2022, confirmant qu’il fallait s’en tenir à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, sans procéder à l’examen, in concreto, de la situation de l’associé.

c. Le recourant a répliqué, par courrier posté le 22 juillet 2022, contestant la possibilité de réaliser un gain grâce à la Société et faisant valoir que la situation était différente quand le salarié qui se trouvait dans une position assimilable à celle de l’employeur quittait définitivement l’entreprise en raison de la fermeture de cette dernière. Il ne contestait pas sa qualité d’employeur, mais le statut encore actif de son entreprise, relevant qu’à aucun moment, l’intimé ne s’était prononcé sur la question de la preuve de la fermeture définitive de l’entreprise.

d. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 12 janvier 2023, le recourant a exposé que dans le cadre de son activité immobilière, il avait revendu sa participation dans un projet de promotion immobilière à Territet (VD), ce qui lui avait permis de rembourser en partie les créanciers de la Société mais ne lui avait pas permis d’éviter la faillite, qui avait été provoquée par la demande de remboursement d’un prêt à hauteur de plus de CHF 300'000.- consenti par un investisseur. Le représentant de l’OCE a exposé que l’intéressé avait déjà procédé à une réinscription de la Société en 2008, raison pour laquelle il craignait que la situation ne se reproduise. Selon le recourant, sa société n’avait jamais été en liquidation en 2008, ce qui ressortait d’ailleurs de l’extrait du RC, et n’était entrée en liquidation qu’à partir du 6 juillet 2021. Ce nonobstant, le représentant de l’OCE s’est fondé sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, à savoir que la situation in concreto ne devait pas être examinée et qu’il importait peu que l’associé gérant ne tire aucun revenu de la Société après la faillite de cette dernière.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées en fin d’audience.

f. Les autres faits seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le présent recours est recevable (art. 56 à 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le droit de l’intéressé à l’indemnité de chômage dès le 1er septembre 2021.

4.             Selon l'art. 31 al. 3 let. c LACI, n'ont pas droit à l'indemnité de chômage les personnes qui fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les influencer considérablement - en qualité d'associé, de membre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de détenteur d'une participation financière à l'entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l'entreprise.

L’art. 31 al. 3 let. c LACI vise à éviter les abus sous forme d’établissement par l’assuré lui-même des attestations nécessaires pour l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT), d’attestations de complaisance, d’influence sur la décision de réduire l’horaire de travail alors qu’il est impossible de contrôler la perte de travail (ATF 122 V 270 consid. 3).

D'après la jurisprudence, un travailleur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur n'a pas le droit à l'indemnité de chômage lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise, il continue de fixer les décisions de l'employeur ou à influencer celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire, en effet, on détournerait par le biais d'une disposition sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière d'indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail, en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI. La situation est en revanche différente quand le salarié, se trouvant dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci. Il en va de même lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le salarié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt définitivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre à des indemnités de chômage (ATF 123 V 234 consid. 7b/bb p. 238 ; voir aussi DTA 2004 p. 259 ; C 65/04, consid. 2 ; SVR 2001 ALV n. 14 p. 41 ss ; C 279/00, consid. 2a ; DTA 2000 n. 14 p. 70 ; C 208/99, consid. 2).

Lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 n. 41 p. 227 ss, consid. 1b et 2 ; SVR 1997 ALV n. 101 p. 311 consid. 5c). La seule exception à ce principe concerne les membres des conseils d'administration, car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse [CO, Code des obligations - RS 220]) d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (DTA 1996/1997 n. 41 p. 226 consid. 1b et les références). Pour les membres du conseil d'administration, le droit aux prestations peut dès lors être exclu, sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les responsabilités qu'ils exercent au sein de la société (ATF 122 V 270 consid. 3 p. 273 ; DTA 2004 n. 21 p. 196 consid. 3.2 ; C 113/03). Il en va de même des associés, respectivement des associés gérants, lorsqu'il en a été désigné au sein d’une Sàrl, lesquels occupent collectivement une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme (arrêts du Tribunal fédéral 8C_140/2010 du 12 octobre 2010 consid. 4.2 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 37/02 du 22 novembre 2002, consid. 4).

Dans l’arrêt C 37/02 du 22 novembre 2002 précité, le Tribunal fédéral des assurances a considéré que conformément à l'art. 811 al. 1 CO, s'il n'en était pas disposé autrement, les associés dans une Sàrl avaient non seulement le droit mais l'obligation de participer à la gestion de la société. En édictant cette disposition, le législateur était parti du principe que les personnes qui détiennent la société devaient également en assumer la direction. À ce titre, les associés, respectivement les associés gérants, lorsqu'il en avait été désigné, occupaient collectivement une position comparable à celle du conseil d'administration d'une société anonyme. Dans le cas d’espèce, en sa qualité d'associée gérante, la recourante disposait ainsi ex lege du pouvoir de fixer les décisions que cette société était amenée à prendre comme employeur ou, à tout le moins, de les influencer considérablement au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI. Rien n'avait changé au moment où elle était devenue simple associée, car il n'était pas établi que ses pouvoirs de représentation ou de gestion auraient été modifiés à cette occasion. Vis-à-vis des tiers et de l'assurance-chômage, la recourante apparaissait ainsi toujours comme une dirigeante de la Sàrl, habilitée à la représenter et elle avait toujours le pouvoir de signature individuelle. Cette circonstance permettait, à elle seule, d'exclure le droit aux indemnités de chômage pour la recourante, à moins qu'elle n'ait définitivement quitté l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci et rompu tout lien avec la Sàrl.

Dans l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_776/2011 du 14 novembre 2012, le recourant reprochait à la juridiction cantonale une appréciation arbitraire des preuves, en tant qu'elle s’était contentée de retenir qu'il disposait ex lege d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI, du fait qu'il était toujours inscrit au RC en qualité d'associé de la Sàrl et faisait valoir qu’elle aurait dû tenir compte des circonstances concrètes, à savoir le fait qu'il ne participait plus aux assemblées générales et ne s'occupait plus des affaires de la société, ce qui aurait permis d'inférer qu'il ne disposait plus d'influence sur le processus de décision. Au surplus, sa part sociale était de faible valeur et ne lui permettait que d'avoir une garantie quant à la perception du loyer mensuel des locaux dont il était le propriétaire. Le Tribunal fédéral a considéré que le recours ne contenait pas de démonstration du caractère arbitraire de l'état de fait du jugement attaqué et que le recourant n'avait pas exposé en quoi l'appréciation des preuves par les premiers juges était manifestement insoutenable. Au demeurant, on ne voyait guère que les allégations de l’intéressé soient de nature à remettre en cause le jugement attaqué. Tant que sa qualité d'associé n'avait pas pris fin, le droit de l'intéressé aux prestations pouvait être exclu sans qu'il soit nécessaire de déterminer plus concrètement les liens qu'il maintenait avec la société.

Dans son arrêt 8C_729/2014 du 18 novembre 2014, le Tribunal fédéral a retenu – s’agissant de savoir si un associé d'une Sàrl détenant une participation de 50 % avait une position similaire à celle d'un employeur de par la loi, même après la fin des rapports de travail – qu’une influence réelle ou intentionnelle sur le destin de l'entreprise n'était pas pertinente, car l’ATF 123 V 234 ne voulait pas seulement contrer l'abus avéré en soi, mais aussi prévenir le risque abstrait d'abus de droit, inhérent au versement d'indemnités journalières de chômage à des personnes assimilables à des employeurs. Il n’y avait pas lieu d'examiner quels étaient les pouvoirs de décision dont disposait l’associé concrètement, car dans le cas des Sàrl notamment, la possibilité d'influence décisive et donc la fonction d'employeur de chaque associé était donnée par la loi. Dans ces cas, la clarification des pouvoirs de décision concrets pouvait donc être omise, sur la base de la structure opérationnelle interne.

Ces jurisprudences ont encore été confirmées plus récemment par le Tribunal fédéral, dans son ATF 145 V 200, consid. 4.1 à 4.5, selon lequel l'influence considérable d'un associé ou d'une associée d'une Sàrl selon le droit suisse (avec ou sans fonction dirigeante) résulte déjà de l'organisation de la société en soi.

La lettre B17 du Bulletin LACI IC prévoit que les membres du conseil d'administration d'une société anonyme (art. 716 ss CO) et les associés d’une société à responsabilité limitée (art. 804 ss CO) disposent, de par la loi, d'une influence prépondérante. La caisse leur niera le droit à l'indemnité sans autre forme de vérification.

Selon Boris RUBIN, les associés d’une Sàrl qui n’occupent pas la fonction de gérant ne sont pas d’emblée exclus du droit et un examen de leur pouvoir effectif d’influencer les décisions de l’entreprise est nécessaire (Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 25 ss ad art. 10). Il se réfère à ce sujet à un arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 267/05 du 19 décembre 2006 consid. 4. Cet arrêt reprend la jurisprudence précitée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 37/02) au consid. 4.1 et retient que même si d'un point de vue formel, l’assuré ne faisait pas partie de l'organe de gestion de la Sàrl, dès lors que cette fonction avait expressément été attribuée à son frère (art. 811 al. 2 CO), il était, en tant que simple associé, vraisemblablement en mesure d'influencer le processus de décision au sein de la Sàrl. D'une part, les rapports internes étaient manifestement étroits, la société n'étant composée que de deux associés, soit le recourant et son propre frère et, d'autre part, l'intéressé assumait la fonction de directeur et de gérant du seul établissement public exploité par l'entreprise et s'occupait des tâches administratives relatives notamment à la gestion du personnel comme le démontrait l'attestation de l'employeur qu'il avait remplie, signée et remise à la caisse de chômage en y indiquant son numéro de téléphone portable. Il jouissait ainsi d'une position comparable à celle d'un employeur. Cela étant, le droit à l'indemnité de chômage ne pouvait en principe pas être nié lorsque le salarié, qui était placé dans une position assimilable à celle de l'employeur, quittait définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou rompait définitivement tout lien avec une entreprise qui continuait d'exister, car en pareille circonstance, on ne pouvait parler d'un comportement visant à éluder la loi. Dans le cas d’une société radiée d'office du RC, il n'existait plus de risque d'abus, si bien que le droit à l'indemnité de chômage ne pouvait plus être nié à un assuré pour le motif qu'il avait joui d'une position analogue à celle d'un employeur (arrêt du Tribunal fédéral C 267/04 du 3 avril 2006).

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.             En l’espèce, le recourant admet que la qualité d’associé est assimilée à celle d’un employeur, mais il fait valoir, en substance, qu’après la faillite de la Société, l’entrée en liquidation de cette dernière et la suspension de la faillite, faute d’actifs, conduit à nier qu’il existe une possibilité de gain, même si le recourant est toujours inscrit en qualité d’associé au RC.

De son côté, l’intimé considère qu’il n’est pas pertinent d’examiner les possibilités de gain, voire la vraisemblance de tels gains, in concreto, mais qu’il faut et qu’il suffit que le recourant soit toujours inscrit en tant qu’associé dans une Société qui n’a pas été radiée pour que le droit à l’indemnité chômage lui soit dénié.

6.1 Les arrêts rendus par le Tribunal fédéral en la matière indiquent tous que les associés, gérants ou non, d’une Sàrl ont ex lege une position assimilable à un employeur.

Dans certains arrêts, le Tribunal fédéral a néanmoins examiné la situation concrète des associés non gérants, ce qui pouvait laisser penser qu’il considérait que ceux-ci n’étaient, en fait, pas complètement dénués de tout droit, comme le soutient Boris RUBIN (arrêts du Tribunal fédéral des assurances C 267/05 et C 37/02 précités).

Le même auteur considère que « pour autant qu’elle soit suivie d’une liquidation, la dissolution d’une société est en principe assimilée à une fermeture empêchant toute analogie avec une RHT. L’entrée en liquidation est décisive. Une fois dissoute, la société subsiste jusqu’à sa radiation du registre du commerce avec un but qui est, précisément, sa liquidation et sa radiation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C37/02 consid. 6) ». Il ajoute qu’une faillite est assimilée à la fermeture d’une entreprise et que « pendant la liquidation les organes sociaux conservent leurs pouvoirs légaux et statutaires, bien que restreint aux actes nécessaires à cette opération et qui, de par leur nature, ne sont pas du ressort des liquidateurs, notamment le choix de la poursuite des activités de l’entreprise jusqu’à sa vente ou sa radiation. Dès lors, le droit à l’indemnité de chômage est exclu pour les personnes qui occupent la fonction de liquidateur et qui sont souvent des anciens gérants ou administrateurs de la société » (op. cit. ad. art. 10 N31).

6.2 À l’appui de sa décision, l’intimé se fonde sur l’arrêt de la chambre de céans du 9 mai 2022 (ATAS/415/2022), dans lequel la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière a été rappelée.

Cependant, l’intimé perd de vue que l’état de fait est sensiblement différent puisque la chambre de céans a confirmé, dans l’arrêt cité supra, qu’il fallait nier le droit à l’indemnité chômage d’un recourant, toujours inscrit au RC en qualité d’associé, qui faisait valoir qu’il ne possédait que 20 % de la Sàrl, aucun droit de signature et avait été licencié ; mais à la différence du cas d’espèce, la Sàrl n’était pas en faillite.

Les arrêts du Tribunal fédéral 8C_776/2011 et 8C_729/2014 ne sont pas non plus applicables à la présente espèce dès lors qu’il s’agissait, dans les deux cas, d’associés dont le contrat de travail avait été résilié et qui étaient toujours inscrits au RC en qualité d’associé, mais sans que la Sàrl n’ait été déclarée en liquidation.

S’agissant de l’ATF 145 V 200 susmentionné, il ne s’agissait pas non plus d’un cas de liquidation de la Sàrl, mais d’un associé s’étant inscrit à l'assurance-chômage pour percevoir des prestations, car il avait réduit son taux d'occupation pour la Sàrl, en raison de la mauvaise situation des commandes.

Boris RUBIN précise qu’en cas de suspension de faillite faute d’actifs, le droit à l’indemnité de chômage devrait être en principe admis, car entre le prononcé de la faillite et la radiation du registre du commerce, une continuation des activités commerciales de la société « est trop peu vraisemblable du fait qu’il reste généralement insuffisamment d’actifs à liquider » (op. cit. ad art. 10, N31 in fine).

En effet, dans son arrêt du 23 janvier 2009 (8C_415/2008 consid. 3.2 in fine), le Tribunal fédéral a considéré que tant que le recourant conservait la qualité de liquidateur de la société en faillite, on ne pouvait admettre que l’intéressé avait quitté cette dernière en raison de sa fermeture, mais il a expressément exclu le cas dans lequel une procédure de faillite a été suspendue faute d'actifs « Demeurent réservés les cas dans lesquels une procédure de faillite a été suspendue faute d'actif, une reprise d'une activité de la société et le réengagement de l'intéressé pouvant alors être exclus » (arrêt C 267/04 cité consid. 4.3).

6.3 L’absence d’actifs de la Société ressort des bilans transmis par le recourant ainsi que de ses échanges d’emails avec le liquidateur de la Société, dont il convient de rappeler qu’il s’agit d’un employé de l’office des faillites et non pas d’un liquidateur ayant la qualité d’ancien gérant ou d’associé de la Société.

Les communications entre le recourant et le liquidateur, dont le contenu est rappelé dans la décision querellée, font clairement apparaître que la Sàrl n’a plus aucun actif et qu’il n’existe pas de possibilité vraisemblable de gain et/ou de continuation de l’activité de l’entreprise. Quant à l’extrait du RC de la Société, il ne fait apparaître aucune liquidation de la Société, suivie d’une réinscription, qui se serait produite (prétendument en 2008), avant le prononcé de la faillite de la Société et son entrée en liquidation en juillet 2021.

Dans ces circonstances, la chambre de céans, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et à sa réserve rappelée supra, considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’une reprise de l’activité commerciale de la Société et la possibilité de gain du recourant au sein de cette dernière ou un risque de contournement de la loi, par le biais des RHT, doivent être exclus.

7.             Partant, le recours sera admis et la décision réformée, en ce sens que le recourant a droit à l’indemnité chômage, dès le 1er septembre 2021.

8.             Le recourant, qui n'est pas représenté en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

9.             Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Réforme la décision sur opposition du 3 mai 2022 en ce sens que le recourant a droit à l’indemnité chômage dès le 1er septembre 2021.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le