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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3876/2022

ATAS/200/2023 du 23.03.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3876/2022 ATAS/200/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 mars 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GRAND-LANCY, représentée par CAP compagnie d'assurance de protection juridique SA

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1989, opératrice en horlogerie, a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en date du 3 avril 2018.

b. Elle a exposé qu’elle souffrait d’une tendinite de la zone thénar des deux mains depuis le 20 février 2017 et qu’elle était suivie, depuis lors, par les doctoresses B______, généraliste, C______, spécialiste en chirurgie de la main, et D______, neurologue.

c. Elle a été licenciée par son employeur E______ en août 2018. Deux tentatives de stage ont été entreprises sous les auspices de l’OAI, notamment dans le domaine des ressources humaines (ci-après : RH), mais la saisie au clavier de l’ordinateur a déclenché, lors des deux tentatives, des phénomènes de tendinite.

d. Après avoir obtenu les appréciations médicales des médecins traitants de l’assurée ainsi que des médecin-conseils de la SUVA, soit les docteurs F______ (rapport du 21 septembre 2017), G______ (rapport du 3 mai 2018 et H______ (rapport du 17 juillet 2020), le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI s’est déterminé par rapport médical du 26 août 2020, rédigé par le docteur I______. Après avoir exposé les appréciations des médecins traitants et des médecins-conseils de la SUVA, le SMR a considéré que dès le mois de janvier 2017, l’assurée était en incapacité de travail totale et définitive dans son activité habituelle. Cependant, sa capacité de travail était pleine dans une activité adaptée, dès le mois d’avril 2018, en donnant comme exemple une activité d’assistante en RH, car la partie correspondant au travail sur ordinateur, qui n’excédait pas deux heures par jour, comme recommandé par la Dresse C______, était possible.

B. a. En se fondant sur le rapport du SMR, l’OAI a communiqué à l’assurée son projet de décision du 13 octobre 2020 refusant une rente d’invalidité, en considérant que la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée était de 100 % dès le mois d’avril 2018. Après comparaison des revenus, l’OAI retenait un revenu sans invalidité de CHF 77'660.- et un revenu avec invalidité de CHF 57'453.-, entraînant une perte de gain de CHF 20'207.- qui correspondait à un taux d’invalidité de 26 %. Ce dernier étant inférieur au taux plancher de 40 %, l’OAI refusait l’octroi d’une rente d'invalidité et considérait, par ailleurs, que d’autres mesures professionnelles n’étaient pas nécessaires dans la situation de l’assurée, qui bénéficiait d’une formation adaptée à son état de santé et disposait des aptitudes et des ressources nécessaires pour exercer une activité adaptée à son état de santé.

b. Par courrier de son mandataire du 10 octobre 2020, l’assurée s’est opposée au projet de décision et a demandé la communication de l’intégralité du dossier. Après réception du dossier, le mandataire de l’assurée a fait remarquer, par courrier du 12 janvier 2021, que suite aux mesures proposées afin de bénéficier d’une reconversion professionnelle, l’assurée avait constaté une augmentation des douleurs aux mains et une aggravation de l’état de santé reconnue par le médecin-conseil de la SUVA, le Dr H______. Était également jointe, en annexe, une appréciation médicale faite par le docteur J______, spécialiste en chirurgie de la main, qui estimait que même si le travail actuel de bureau ne semblait pas être extrêmement lourd, au premier abord, il exigeait des mouvements répétitifs du pouce, dans de multiples activités, qui pouvaient être sources de douleurs.

c. Le SMR de l’OAI s’est prononcé dans le cadre de l’audition contre le projet de décision, par avis médical du 26 février et du 17 avril 2021. Le SMR mentionnait, notamment, les appréciations médicales du Dr J______, et du docteur K______, médecin-chef à la clinique de la douleur de l’hôpital de La Tour, et concluait, dans l’avis médical du 17 avril 2021, à ce qu’une expertise orthopédique par un spécialiste en chirurgie de la main soit effectuée afin de définir la sévérité de l’atteinte dont souffrait l’assurée, les limitations fonctionnelles qui en découlaient et de clarifier de manière circonstanciée les évolutions de la capacité de travail dans une activité adaptée.

d. Parallèlement à la procédure d’audition devant l’OAI, la SUVA a mandaté, en date du 24 juin 2021, le docteur L______, médecin-chef et spécialiste en chirurgie orthopédique et réadaptation physique au centre médical de Lavey-les-Bains, qui a réalisé une expertise orthopédique selon rapport d’expertise daté du 23 août 2021. En conclusion du rapport d’expertise, le Dr L______ a confirmé que le tableau clinique actuel devait être considéré comme une suite de la maladie professionnelle qui avait été reconnue en septembre 2017. S’agissant des limitations fonctionnelles, l’expert mentionnait que les activités fines de préhension au niveau de la main ainsi que le port de charges à ce niveau restaient très limités ; les activités contre-indiquées étaient en particulier celles qui demandaient des mouvements de force de degré moyen importants et répétitifs au niveau des doigts, en particulier dans les activités de pincer pouce – doigts/main et opposition, des mouvements de glissement des doigts, du travail de saisie sur l’ordinateur dépassant 15 minutes d’affilée, pour un maximum de deux heures par jour. L’activité dans le secteur de l’horlogerie restait inadaptée à la situation médicale de l’assurée. Cela fait, l’expert L______ considérait que l’assurée bénéficiait d’une capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée de 100 %, notant qu’une hypermobilité articulaire était un facteur péjoratif quant à l’évolution, à terme, de la situation clinique actuelle.

e. Le SMR de l’OAI s’est déterminé par avis médical du 15 février 2022, sous la plume des docteurs I______ et M. M______. Le SMR a considéré qu’il n’était pas en mesure de se prononcer sur l’existence ou pas d’une capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée, ni d’apprécier la sévérité et la notion de durabilité des limitations fonctionnelles en lien avec les atteintes rhumatologiques et/ou psychiatriques ou même de se prononcer au sujet d’une éventuelle indication à ce que l’assurée suive un traitement spécifique, selon une modalité pluridisciplinaire (antidépresseur, hypnose, thérapie cognito-comportementale par exemple) et a recommandé qu’une expertise pluridisciplinaire, avec volet médecine interne, rhumatologie et psychiatrie, soit effectuée.

f. Les experts mandatés par l’OAI, soit les docteurs N______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, O______, spécialiste en médecine interne et P______, spécialiste en médecine physique et réhabilitation ainsi qu’en maladie rhumatismale et médecine du sport, ont rendu leur rapport d’expertise en date du 19 septembre 2022.

g. En substance, dans leur évaluation consensuelle, ils ont retenu les diagnostics de trouble anxieux et dépressif mixte pour le volet psychiatrique, ledit diagnostic n’ayant pas d’impact sur la capacité de travail d’un point de vue strictement psychiatrique ; de syndrome de surutilisation et d’hyperlaxité congénitale au niveau de l’articulation trapèzo-métacarpienne, pour le volet rhumatologique et aucune atteinte à la santé incapacitante n’a été retenue sous l’angle de la médecine interne. Au vu du trouble de la santé de nature rhumatologique, les experts ont confirmé que l’activité habituelle de l’assurée n’était plus envisageable, mais que cette dernière était toujours en mesure d’effectuer une activité adaptée, selon le profil d’effort. Les seules limitations fonctionnelles retenues concernaient le volet rhumatologique, l’assurée était capable d’effectuer un travail adapté en alternant les positions assise et debout, en limitant le port de charges, pour les membres supérieurs, à 3 kg, en évitant les activités de préhension fine au niveau de la main. Les gestes répétitifs, de type saisie sur ordinateur, écriture, utilisation d’appareils de bureau, ne devaient pas dépasser 15 minutes d’affilée, pour un maximum de deux heures par jour. Les experts considéraient que l’assurée bénéficiait de ressources internes significatives, qu’elle disposait de qualifications professionnelles et d’expériences professionnelles importantes et était autonome dans les tâches élémentaires de la vie quotidienne, pour les tâches que ses douleurs lui permettaient d’effectuer. Sur le plan des ressources externes, elle avait un réseau fourni avec un entourage soutenant, constitué de sa famille, de quatre ou cinq amis très proches et de son ami intime. Seul le volet rhumatologique faisait obstacle à une activité, aboutissant à une incapacité de travail de 100 % dans l’activité habituelle depuis 2017, mais les experts ne retenaient aucune incapacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Dans une telle activité, les experts considéraient que l’assurée pouvait travailler 8h25 par jour et que sa performance n’était pas réduite. D’un point de vue interdisciplinaire, aucun traitement n’était susceptible d’améliorer la capacité de travail si ce n’est un renforcement musculaire global, de manière à soulager autant que possible les articulations et à les stabiliser.

h. Dans son rapport final daté du 17 octobre 2022, le SMR, sous la plume du docteur M______, a considéré que le rapport d’expertise était complet et convaincant et qu’il n’y avait pas de raison de s’en écarter dans toutes ses conclusions. La capacité de travail dans l’activité habituelle était considérée comme nulle dès janvier 2017, mais dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, le SMR estimait que la capacité de travail de l’assurée était entière, depuis toujours.

C.           En se fondant sur le rapport médical du SMR, l’OAI a rendu une décision du 20 octobre 2022, refusant une rente d’invalidité ainsi que des mesures professionnelles. Suite à la procédure d’audition et aux conclusions de l’expertise pluridisciplinaire, l’OAI reconnaissait une incapacité de travail de 100 % dans l’activité habituelle de l’assurée dès le 8 janvier 2017 (début du délai d’attente d’un an) et considérait que dans une activité adaptée à son état de santé, l’assurée bénéficiait d’une capacité de travail de 100 %, dès cette date. Procédant à une comparaison des gains au 1er janvier 2018, l’OAI a retenu un revenu sans invalidité de CHF 76'900.-, et un revenu avec invalidité de CHF 51'947.-, avec un abattement de 5 %, ce qui entraînait une perte de gain de CHF 24'953.-, soit un pourcentage d’invalidité de 32 %. Inférieur au taux plancher de 40 %, le taux d’invalidité de l’assurée ne donnait pas droit à des prestations sous forme de rente.

D. a. Par acte posté le 21 novembre 2022, le mandataire de l’assurée a interjeté recours contre la décision du 20 octobre 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant principalement à l’annulation de la décision et à ce que l’OAI soit condamné à verser à l’assurée une rente entière d’invalidité, sous suite de frais et de dépens. Préalablement, il était requis d’ordonner la comparution personnelle des parties, ainsi qu’une expertise judiciaire pluridisciplinaire, afin d’évaluer la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée, compte tenu des limitations fonctionnelles retenues.

b. Par réponse du 19 décembre 2022, l’OAI a considéré que l’expertise pluridisciplinaire administrative devait se voir reconnaître une pleine valeur probante, étant précisé que le diagnostic posé par l’expert rhumatologue était identique à celui posé par les Drs L______ et J______. S’agissant de la nouvelle pièce médicale produite par l’assurée dans le cadre de son recours, soit le rapport médical du 17 novembre 2022, rédigé par le docteur Q______, généraliste, le SMR de l’OAI considérait, dans son avis du 19 décembre 2022, qu’il n’amenait aucun élément médical objectif nouveau, dès lors que les éléments présentés avaient été pris en compte par les experts, et ne permettait donc pas de modifier l’appréciation du cas. Sur le plan d’une activité adaptée, l’OAI considérait que l’assurée disposait d’une formation académique, elle avait fait des stages professionnels pratiques lui permettant d’exploiter sa capacité résiduelle de travail, par exemple dans l’activité d’assistante en RH, de conseillère en personnel et placement. Enfin, s’agissant du grief concernant le taux d’abattement de 15 % en lieu et place de 5 %, il n’était pas motivé et l’OAI précisait avoir admis un abattement de 5 % pour tenir compte des limitations fonctionnelles, mais que les autres critères potentiellement admis n’entraient pas en ligne de compte, de sorte que l’usage du pouvoir d’appréciation avait été exercé correctement. L’OAI concluait au rejet du recours.

c. Par réplique du 23 janvier 2023, le mandataire de l’assurée a allégué que suite aux stages, les douleurs s’étaient accentuées et que selon les médecins, l’assurée ne pouvait pas exercer d’activité requérant un travail informatique de plusieurs heures quotidiennement. Pour le surplus, la recourante persistait dans ses conclusions.

d. Par duplique du 8 février 2023, l’intimé a également persisté dans ses conclusions.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI – RS 831.201 ; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue sur la base d’un état de fait déterminant antérieur au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans le délai légal, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 20 octobre 2022 refusant l’octroi d’une rente d'invalidité.

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

8.              

8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

8.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

8.3 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

8.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

8.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

8.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références). 

9.              

9.1 En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels ; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

9.2 En l’occurrence, on rappellera que l’expert psychiatre n’a retenu aucune incapacité de travail, aussi bien dans la profession habituelle que dans une activité adaptée, ce qui n’est pas contesté par la recourante.

10.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

11.          

11.1 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

11.2 Dans le cas présent, la chambre de céans considère, comme cela sera expliqué infra, que les pièces au dossier suffisent à répondre aux questions litigieuses et qu’il ne se justifie pas d’ordonner une comparution personnelle ou une expertise judiciaire, comme demandé par le mandataire de la recourante, ce d’autant moins que l’expertise administrative figurant au dossier est récente, dès lors qu’elle date du mois de septembre 2022.

12.          

12.1 Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus ; ATF 128 V 29 consid. 1 ; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

12.2 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) éditée par l'Office fédéral de la statistique (ci-après : l'OFS) (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide ; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2).

12.3 Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4).

Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a estimé qu’il n’existe pas de motifs sérieux et objectifs justifiant une modification de sa jurisprudence relative à l’application des ESS dans le cadre de la détermination du degré d’invalidité des assurés (ATF 148 V 174).

12.4 La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Cette évaluation ressortit en premier lieu à l'administration, qui dispose pour cela d'un large pouvoir d'appréciation. Le juge doit faire preuve de retenue lorsqu'il est amené à vérifier le bien-fondé d'une telle appréciation. L'examen porte alors sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans le cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Pour autant, le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 ; ATF 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

12.5 Depuis la 10ème édition des ESS (ESS 2012), les emplois sont classés par l'OFS par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. L'accent est ainsi mis sur le type de tâches que la personne concernée est susceptible d'assumer en fonction de ses qualifications (niveau de ses compétences) et non plus sur les qualifications en elles-mêmes. Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf groupes de profession (voir tableau T17 de l'ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l'expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l'ESS 2012 ; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3 p. 184). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l'utilisation de machines et d'appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt du Tribunal fédéral 9C_370/2019 du 10 juillet 2019 consid. 4.1 et les références).

Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329 ; RCC 1989 p. 328 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé – puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

D'après ces critères, il y a lieu de déterminer dans chaque cas et de manière individuelle si l'assuré est encore en mesure d'exploiter une capacité de travail résiduelle sur le plan économique et de réaliser un salaire suffisant pour exclure une rente. Ni sous l'angle de l'obligation de diminuer le dommage, ni sous celui des possibilités qu'offre un marché du travail équilibré aux assurés pour mettre en valeur leur capacité de travail résiduelle, on ne saurait exiger d'eux qu'ils prennent des mesures incompatibles avec l'ensemble des circonstances objectives et subjectives (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1066/2009 du 22 septembre 2010 consid. 4.1 et la référence).

12.6 Selon la jurisprudence, il est possible de fixer la perte de gain d'un assuré directement sur la base de son incapacité de travail en faisant une comparaison en pour-cent. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques : le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100 %, tandis que le revenu d'invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d'invalidité. L'application de cette méthode se justifie lorsque le salaire sans invalidité et celui avec invalidité sont fixés sur la base des mêmes données statistiques, lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l'activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n'a pas été résilié), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle, en raison, par exemple, d'un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 2.2 et les références).

Lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur la même tabelle statistique, il n'est pas nécessaire de les chiffrer précisément, dans la mesure où le taux d'invalidité se confond avec le taux d'incapacité de travail. Même s'il n'est pas indispensable de déterminer avec précision les salaires de références, il n'en demeure pas moins que, dans cette situation, l'évaluation de l'invalidité repose sur des données statistiques. Par conséquent, une réduction supplémentaire du revenu d'invalide (abattement) est possible en fonction des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_842/2018 du 7 mars 2019 consid. 5.1 et les références).

12.7 En cas de baisse de rendement, l'abattement doit être appliqué à la part du salaire statistique que l’assuré est toujours susceptible de réaliser malgré sa baisse de rendement et ne saurait en aucun cas être additionné au taux de la diminution de rendement, puis il convient de déduire le résultat obtenu de ladite part salariale. La différence obtenue correspond à la perte de gain effective et donne le taux d'invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_692/2017 du 12 mars 2018 consid. 5).

12.8 Selon la jurisprudence, le résultat exact du calcul du degré d’invalidité doit être arrondi au chiffre en pour cent supérieur ou inférieur selon les règles applicables en mathématiques. En cas de résultat jusqu'à x,49 %, il faut arrondir à x % et pour des valeurs à partir de x,50 %, il faut arrondir à x+1 % (ATF 130 V 121 consid. 3.2).

13. En l’espèce, la recourante conteste le taux d’invalidité retenu par l’intimé et met en doute la valeur probante des expertises médicales sur lesquelles l’OAI s’est fondé. S’agissant de la comparaison des revenus, la recourante conteste le taux d’abattement de 5 % appliqué par l’OAI et considère qu’un taux de 15 % aurait dû être retenu en lieu et place.

L’intimé, de son côté, considère que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 19 septembre 2022 présente une entière valeur probante et a tenu compte des diagnostics des Drs L______ et J______. Selon l’OAI, l’instruction du dossier est complète et permet de statuer en pleine connaissance de cause. S’agissant de la nouvelle pièce médicale du Dr Q______, généraliste, produite dans le cadre du recours, le SMR de l’OAI, dans son avis du 19 décembre 2022, considère qu’elle n’apporte aucun élément objectif nouveau.

13.1 Il sied tout d’abord d’examiner les pièces médicales, et notamment la valeur probante de l’expertise pluridisciplinaire réalisée le 19 septembre 2022.

Les rapports d’expertise dans les différentes spécialités correspondent en tous points aux exigences en la matière. Ils ont été établis en parfaite connaissance du dossier médical, dont la lecture a été complétée par un entretien d’environ une heure pour chaque spécialiste avec la recourante. Les rapports contiennent en outre une anamnèse personnelle, familiale et professionnelle très fouillée, et les experts ont rapporté leurs observations cliniques de manière détaillée à la suite d’un entretien approfondi. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés, et les experts ont précisé sur quels critères ils se fondaient. Ils ont bien analysé la capacité de gain de la recourante à la lumière des indicateurs développés par la jurisprudence. Ils ont, en outre, exposé de manière convaincante pour quelles raisons ils se ralliaient aux avis des autres intervenants ou au contraire s’en écartaient. Leurs conclusions sont elles aussi claires et motivées.

Dans leur consilium, les experts ont rassemblé les différents diagnostics dont ils ont retenu que seul le diagnostic d’un point de vue rhumatologique entraînait des limitations fonctionnelles, lesquelles ont été précisément exposées. L’expert rhumatologue a confirmé le syndrome de surutilisation et le diagnostic du Dr J______ ainsi que le syndrome d’hyperlaxité généralisée confirmé par le Dr L______.

À la lecture de l’expertise, on ne constate pas de contradictions internes ni même de contradictions avérées avec les avis des Drs J______ et L______.

S’agissant de l’ultime pièce produite par la recourante, soit le courrier du 31 janvier 2023 du docteur R______, médecin-chef au département de l’appareil locomoteur, consultation de médecine physique et réhabilitation du centre hospitalier universitaire vaudois, ce dernier confirme le syndrome d’Ehlers Danlos quant à l’hypermobilité et expose d’autres troubles physiques régulièrement associés au syndrome d’Ehlers Danlos. Le médecin reconnaît une capacité théorique de 100 % tout en ajoutant que, selon lui, d’autres éléments seraient de nature à réduire cette capacité qui en fin de compte, dans un travail adapté, pourrait être comprise entre 50 et 80 %.

Il sied, tout d’abord, de préciser que la pièce médicale en question est postérieure à la décision attaquée. Or, selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références).

Néanmoins, le Tribunal fédéral admet que les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5), ce qui est le cas en l’espèce. Il s’ensuit que l’appréciation médicale du Dr R______ peut être examinée.

D’une part, l’expertise pluridisciplinaire est récente, puisqu’elle date du 19 septembre 2022, et d’autre part, l’avis médical du Dr R______ s’éloigne des conclusions de l’expertise, uniquement sur l’appréciation de la capacité de travail, sans détailler toutefois, avec précision, par quels moyens il parvient à estimer une capacité de travail dans une activité adaptée allant de 50 à 80 %. Partant, la chambre de céans considère qu’il s’agit d’une divergence d’appréciation qui ne remet pas pour autant en question la pleine valeur probante de l’expertise pluridisciplinaire du 19 septembre 2022, étant rappelé que le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc).

Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans considère que les rapports d’expertise pluridisciplinaire présentent une pleine valeur probante et retient comme établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la recourante dispose d’une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

13.2 S’agissant du deuxième grief, de la recourante, soit le taux de 5 % retenu comme taux d’abattement par l’OAI, il convient de rappeler que la recourante étant née en 1989, le critère de l’âge n’entre pas en ligne de compte pour le calcul de l’abattement.

Seules les limitations fonctionnelles semblent pouvoir entrer en ligne de compte dans le calcul du taux d’abattement. À cet égard, et à titre de comparaison, on rappellera qu’une unilatéralité de fait ou une restriction de la main dominante peut justifier un abattement compris entre 20 % et 25 % (arrêts du Tribunal fédéral 9C_363/2017 du 22 juin 2018 consid. 4.3 et 9C_396/2014 du 15 avril 2015 consid. 5.2). Dans le cas d’espèce, la recourante peut se servir de ses deux mains malgré les restrictions quant à certains mouvements, ce qui implique, par comparaison avec la jurisprudence citée supra, un taux d’abattement forcément inférieur à 20 %.

Le taux de 15 %, en lieu et place de 5 %, avancé par la recourante n’est pas motivé, le mandataire de cette dernière se contentant d’alléguer qu’il « appert dans le cadre du calcul du taux d’invalidité que l’abattement pris en compte est insuffisant, au vu des circonstances. Un abattement de 15 % aurait dû être pratiqué sur le revenu d’invalide ». Aucune jurisprudence ou restriction pouvant objectivement justifier ce taux n’est mentionnée.

Contrairement à ce qu’allègue la recourante, qui prétend ne pas avoir de formation complète mis à part dans l’horlogerie et comme assistante en gestion du personnel, ce qui serait selon elle incompatible avec ses limitations fonctionnelles, on constate à la lecture du curriculum vitae de la recourante que cette dernière a été responsable d’équipe en l’absence de sa supérieure. Elle s’est chargée notamment de la distribution du travail et de l’étude de projets. Elle a également été active en tant que coursière et agente de sécurité. Elle dispose aussi d’une formation en langage non verbal et en fondamentaux de la communication qui peut être utile dans d’autres activités que celles des RH.

En ce qui concerne les restrictions dans le domaine des RH, notamment rappelées par la recourante dans son courrier du 23 janvier 2023, elles ne concernent que la limitation de l’utilisation du clavier d’ordinateur, pour moins de quinze minutes d’affilée et pas plus de deux heures par jour. Moyennant une certaine organisation dans les tâches, voire l’utilisation d’un logiciel de dictée à l’écran, ces restrictions n’empêchent pas forcément une activité adaptée aux limitations fonctionnelles dans le domaine des RH.

Cependant, il convient d’admettre que les restrictions temporelles d’utilisation du clavier d’ordinateur citées supra entraînent probablement un taux d’abattement supérieur à 5 % et que la chambre de céans, selon sa libre appréciation, fixera à 10 %.

Compte tenu de ce taux d’abattement, il convient de revoir le calcul de comparaison des revenus qui, par ailleurs, ne fait pas l’objet de critiques de la part de la recourante.

En se fondant sur l’ESS 2018, tableau TA1 tirage skill level, l’OAI retient un salaire après indexation de CHF 54'681.-, duquel il convient de soustraire 10 % compte tenu de l’abattement retenu supra. On parvient ainsi à un revenu annuel brut, avec invalidité, de CHF 49'213.-, en lieu et place de CHF 51'947.-. En se fondant sur un revenu annuel brut sans invalidité, réactualisé, de CHF 76'900.-, la perte de gain subie s’élève à 27’687.- en lieu et place de 24’953.- ce qui permet d’aboutir à un taux d’invalidité de 36 %, avec un taux d’abattement de 10 %, en lieu et place de 32.45 % avec le taux d’abattement de 5 % retenu par l’OAI dans la décision querellée.

Ce taux étant inférieur au taux plancher de 40 % ne donne toutefois pas droit à une rente.

13.3 Enfin, la recourante soutient qu’elle ne voit pas quel poste pourrait être adapté à ses limitations fonctionnelles.

Or, lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293).

En l’occurrence, aucun élément objectif ne permet de retenir qu’il n’existe pas, sur le marché du travail, de poste adapté aux limitations fonctionnelles de la recourante.

14.         Compte tenu de ce qui précède, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours et de condamner la recourante au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al.1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de la recourante.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le