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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/430/2021

ATAS/184/2023 du 21.03.2023 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/430/2021 ATAS/184/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 mars 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA, ZURICH VERSICHERUNG

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en 1982, travaille en qualité d’avocat. À ce titre, il était assuré par son employeur contre les accidents et les maladies professionnelles auprès de la Zurich Compagnie d'assurances SA (ci-après : la Zurich ou l’intimée).

B. a. Selon une déclaration de sinistre adressée le 5 juillet 2019 à la Zurich, l’assuré avait subi un accident le 4 avril précédent. Durant un entraînement au sac lors d’un cours de boxe, il avait glissé et était tombé sur le côté gauche du bassin. Cet accident n’a pas entraîné d’incapacité de travail.

b. Après avoir recueilli différents renseignements médicaux et interpellé ses médecins-conseils, la Zurich a informé l’assuré par courrier du 11 novembre 2018 que si le caractère accidentel de l’événement du 4 avril 2019 n’était pas contesté, son service médical considérait que les lésions révélées par l’imagerie médicale n'avaient pas été causées par cet événement, mais qu’elles étaient d'origine dégénérative. Sa responsabilité n’était ainsi plus engagée et elle mettait un terme à la prise en charge du traitement médical au 17 juin 2019, date à laquelle une IRM de la hanche avait été réalisée. Elle a adressé copie de ce courrier à l’assurance-maladie de l’assuré.

c. À la demande de l’assuré, la Zurich a rendu une décision niant le droit aux prestations après le 17 juin 2019. Elle prenait en charge les examens à but diagnostique jusqu’à cette date, après laquelle il n’y avait plus de lien de causalité probable entre les lésions dégénératives et l'événement du 4 avril 2019 au degré de la vraisemblance prépondérante (sic).

d. Saisie d’une opposition formée par l’assuré en date du 25 mai 2020, la Zurich l’a écartée par décision du 6 janvier 2021, se référant notamment à l’appréciation de son médecin-conseil.

C. a. Par écriture du 8 février 2021, l’assuré a interjeté recours contre la décision de la Zurich. Il a conclu, sous suite de dépens, à l’annulation de la décision de la Zurich, à ce que le droit de bénéficier des prestations légales de l'assurance-accidents en ce qui concernait les conséquences de l'accident du 4 avril 2019 soit constaté, et à ce que la prise en charge des séquelles de l'accident du 4 avril 2019 avec effet rétroactif à cette date soit ordonnée.

b. Dans sa réponse du 5 mars 2021, l’intimée a conclu, sous suite de dépens, au rejet du recours.

c. Par réplique du 1er avril 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Dans sa duplique du 23 avril 2021, l’intimée a également persisté dans ses conclusions.

e. Par ordonnance du 16 mars 2022, la chambre de céans a ordonné une expertise orthopédique et l’a confiée professeur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique.

f. Dans son expertise du 22 août 2022, le Pr B______ a posé les diagnostics de déchirure du labrum étendue de la hanche gauche et des anomalies morphologiques de la hanche pouvant possiblement évoquer un CAM et un PINCER. Cette déchirure était très probablement apparue au moment de l’accident. L’état n’était pas stabilisé, dans la mesure où, selon l’évolution clinique, une intervention chirurgicale de réparation ou de refixation du labrum pouvait s’avérer nécessaire.

La déchirure était très probablement directement en lien avec la chute du 4 avril 2019. Le statu quo ante n’était pas atteint, le recourant souffrant toujours de gênes et de douleurs et le labrum restant déchiré. Il n’y avait pas d’état maladif préexistant. Le traitement consistait actuellement en un suivi régulier, annuel, avec examen radiologique en rapport avec une éventuelle aggravation clinique. Il n’y avait pas de proposition thérapeutique autre que la poursuite de la surveillance, laquelle n’avait pas d’influence sur l’amélioration de l’état clinique. Si la situation restait cliniquement stable au-delà de cinq ans après l’accident, on pourra dire que la situation est médicalement stabilisée. Quant au pronostic, il était moyen à bon sur le long terme, mais une intervention pour corriger la lésion du labrum restait une réelle possibilité si la situation clinique venait à se péjorer.

g. Par écriture du 28 septembre 2022, l’intimée a relevé, que, selon l’expert, une sensible amélioration de l’état de santé n’était pas atteinte par des contrôles sporadiques. Partant, il devait être admis que le droit au traitement avait cessé depuis un bon moment et que c’était à la caisse-maladie de prendre en charge ces contrôles. L’intimée examinera par ailleurs au moment venu son obligation d’intervenir à titre d’éventuelles séquelles tardives.

h. Par écriture du 12 novembre 2022, le recourant a soutenu que le traitement actif n’était pas encore déterminé, dans la mesure où l’état n’était pas stabilisé selon l’expert. Partant, le droit au traitement n’avait pas pu prendre fin.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable.

3.             Est litigieuse en l’occurrence la question de la prise en charge de la continuation du traitement des lésions causées par l’accident du 4 avril 2019 au-delà du 17 juin 2019.

4.             Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l’événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé: il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1, ATF 119 V 335 consid. 1 et ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

5.             L'assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA). Le traitement médical n'est alloué qu'aussi longtemps que sa continuation est susceptible d'apporter une sensible amélioration de l'état de santé de l'assuré. Il cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1, 2ème phrase, LAA). Lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire aux conditions énumérées à l'art. 21 al. 1 LAA, soit notamment lorsqu'il a besoin de manière durable d'un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c) ou lorsqu'il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration (let. d). Il s'agit de prestations durables, dont l'octroi ne peut pas être limité à quelques mois (ATF 144 V 418). Si la continuation du traitement médical n'est plus susceptible d'apporter une sensible amélioration de l'état de santé au sens de l'art. 19 al. 1 LAA et si les conditions de l'art. 21 al. 1 LAA ne sont pas remplies, il appartient à l'assurance-maladie obligatoire de prendre en charge les frais de traitement (ATF 140 V 130 consid. 2.2; ATF 134 V 109 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_691/2021 du 24 février 2022 consid. 3.3 et la référence).

Ainsi, les conditions du droit à la prise en charge des frais de traitement médical diffèrent selon que l'assuré est ou n'est pas au bénéfice d'une rente (ATF 116 V 41 consid. 3b). Dans l'éventualité visée à l'art. 10 al. 1 LAA, un traitement doit être pris en charge lorsqu'il est propre à entraîner une amélioration de l'état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. Il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature à rétablir ou à augmenter la capacité de gain. En revanche, dans l'éventualité visée à l'art. 21 al. 1 LAA, un traitement ne peut être pris en charge qu'aux conditions énumérées à cette disposition (arrêt du Tribunal fédéral 8C_332/2012 du 18 avril 2013 consid. 1).

6.             En l’occurrence, l’intimée ne conteste plus le lien de causalité entre la lésion du labrum et l’accident du 4 avril 2019. Elle ne met par ailleurs pas en cause l'expertise judiciaire.

Se pose dès lors uniquement la question de savoir si la continuation du traitement après le 17 juin 2019 est propre à améliorer l'état de santé ou à éviter une péjoration de cet état.

7.             Postérieurement au 17 juin 2019, un bilan dans le cadre d'un éventuel conflit fémoro-acétabulaire a eu lieu le 10 septembre 2019 et une coxométrie de la hanche gauche a été effectuée qui a mis en évidence un comblement modéré de la jonction cervico-céphalique fémorale antéro-supérieure, pouvant prédisposer à un conflit fémoro-acétabulaire de type CAM, et une épine iliaque antéro-inférieure de type II s'implantant directement sur le rebord du cotyle, pouvant prédisposer à un conflit associé extra-articulaire de type subspine.

Selon le rapport de consultation du 14 janvier 2021 du docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, le recourant ne souffre que de douleurs très occasionnelles et ne subit pas de restriction. Au vu de cette stabilisation, une intervention chirurgicale correctrice n'est pas nécessaire et il faut attendre et refaire une arthro-IRM en juin 2021.

Une arthro-IRM de la hanche gauche a eu lieu le 8 juin 2021 dans le cadre d'un bilan relatif à un potentiel conflit fémoro-acétabulaire. Le rapport y relatif conclut également à un comblement de la jonction cervico-céphalique fémorale antéro-supérieure pouvant disposer à un tel conflit de type CAM et à une déchirure étendue du labrum antérieur, antéro-supérieur, supérieur et postéro-supérieur.

Dans son expertise du 22 août 2022, le Pr B______ conclut que l’état n’est pas stabilisé, dans la mesure où, selon l’évolution clinique, une intervention chirurgicale de réparation ou de refixation du labrum pourrait s’avérer nécessaire. Le statu quo ante n’est pas atteint, le recourant souffrant toujours de gênes et de douleurs et le labrum restant déchiré. Le traitement consiste actuellement en un suivi régulier, annuel, avec examen radiologique en rapport avec une éventuelle aggravation clinique. Il n’y a pas de proposition thérapeutique autre que la poursuite de la surveillance. Celle-ci n’a pas d’influence sur l’amélioration de l’état clinique. Si la situation reste cliniquement stable au-delà de cinq ans après l’accident, on pourra dire que la situation est médicalement stabilisée. Quant au pronostic, il est moyen à bon sur le long terme, mais une intervention pour corriger la lésion du labrum reste une réelle possibilité si la situation clinique devait se péjorer.

Il ressort de cette expertise que le risque d'une aggravation clinique de la lésion du labrum existe toujours, raison pour laquelle l'état de santé du recourant doit être surveillé. Partant, même si selon le Dr C______ l'état est stable actuellement, une péjoration n'est pas exclue. La surveillance régulière de l'état de la hanche gauche a pour but de mettre en évidence le plus rapidement une éventuelle aggravation de l'état, afin de procéder le cas échéant dans les meilleurs délais possibles à une intervention chirurgicale de réparation ou de refixation du labrum.

Cela étant, il appert que ces mesures de surveillance ne permettront pas une amélioration de l'état de santé. Il ne peut pas non plus être considéré qu'elles sont propres à empêcher une aggravation des lésions par une intervention chirurgicale plus rapide, en cas de constatation d'une péjoration par un examen radiologique. Il est à cet égard à supposer que les douleurs à la hanche gauche augmenteraient dans une telle hypothèse et inciteraient le recourant à effectuer un examen de contrôle.

Par conséquent, dans la mesure où le Dr C______ constate dans son rapport précité une relative stabilisation de l'état et qu'il n'y a plus de traitement à prévoir, à part une surveillance, il doit être admis que les mesures de surveillance postérieures à janvier 2021 ne constituent plus un traitement permettant d'améliorer l'état de santé ou d'empêcher une péjoration de cet état.

Toutefois, la coxométrie du 10 septembre 2019 doit encore être considérée comme mesure diagnostique nécessaire afin de pouvoir améliorer éventuellement l'état de santé, le recourant souffrant toujours de douleurs plus de 5 mois après son accident.

Cela étant, il y a lieu de mettre les frais médicaux relatifs aux lésions de la hanche gauche à la charge de l'intimée jusqu'au 14 janvier 2021 inclus, date à laquelle le Dr C______ constate une stabilisation, même si celle-ci doit être qualifiée de relative.

Toutefois, si une aggravation devait intervenir et nécessiter en particulier une intervention chirurgicale, les traitements s’y rapportant devraient être pris en charge par l’intimée, dans le cadre d’une rechute ou de la survenance de séquelles tardives.

8.             Cela étant, la décision du 6 janvier 2021 sera annulée et le recourant mis au bénéfice de la prise en charge des frais médicaux en relation avec les lésions à la hanche gauche, jusqu’au14 janvier 2021.

9.             Le recourant n’étant pas assisté d’un conseil, il ne peut prétendre à des dépens.

10.         La procédure est gratuite.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision du 6 janvier 2021.

4.        Met le recourant au bénéfice de la prise en charge des frais médicaux en relation avec la lésion subie lors de son accident du 4 avril 2019, jusqu’au 14 janvier 2021.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le