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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2054/2020

ATAS/196/2023 du 22.03.2023 ( LCA ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.05.2023, rendu le 21.06.2023, IRRECEVABLE, 4A_231/2023
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2054/2020 ATAS/196/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 mars 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à CAROUGE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître MIZRAHI Laurence

 

 

recourant

 

contre

ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA, sise Mythenquai 2, ZÜRICH, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître GABUS Pierre

 

 

intimée

 


EN FAIT

Le demandeur

A. a. Monsieur A______ (ci-après : le demandeur, l'assuré ou le patient), né le ______ 1985, exerçait la profession de peintre en bâtiment.

b. Il disposait d’une autorisation de séjour (B) du 27 octobre 2016 au 20 juillet 2017 en tout cas.

c. Le 12 mars 2018, un contrat de travail pour les métiers du second œuvre a été établi entre M. A______ et un employeur. La date d’engagement était le 12 mars 2018, l’engagement portait sur une fonction d’aide-peintre, à plein temps (41 heures en moyenne), avec un salaire horaire de CHF 28.- auquel s’ajoutaient les indemnités CCT et un 13ème salaire. Le nom de l’employeur n’était indiqué qu’avec un timbre humide mentionnant « A______ entreprise de maçonnerie carrelage peinture moquette à Onex, Genève », suivi de numéros de téléphones.

Le contrat d'assurance

d. Le demandeur était assuré, par son employeur, via le Groupement des associations patronales de la construction-Rôtisserie (ci-après : le groupement patronal), auprès de ZURICH COMPAGNIE D’ASSURANCES SA (ci-après : ZURICH, l'assureur ou la défenderesse) dans le cadre d’un contrat collectif d’assurance indemnité journalière maladie.

e. Le groupement patronal dispose d’une « assurance de personnes » ZURICH TECTA No 1______ auprès de la défenderesse.

f. La police d’assurance établie le 16 juin 2017, valable du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020 concerne un contrat-cadre pour le bâtiment dans le canton de Genève.

g. L’assurance prévoit un gain assuré maximum de CHF 200'000.- par personne et par année.

h. Elle prévoit une indemnité journalière (assurance dommages) de 80 % du gain du 3ème au 722ème jour.

i. Selon l’art. 15 des Conditions générales d'assurances (ci-après : CGA), est déterminant pour le calcul des prestations d’assurance le gain obtenu auprès de l’entreprise assurée. Conformément aux dispositions de la LAA, celui-ci est calculé sur la base des réglementations relatives aux indemnités journalières, à l’exception du cas suivant : les allocations familiales ne sont prises en compte qu’au début du mois suivant un délai d’attente de 90 jours, mais au plus tôt dès le versement des indemnités journalières.

j. Selon les art. 18 et 19 CGA, sont assurées à titre d’assurance dommages les prestations suivantes : ZURICH paie le pourcentage convenu du gain assuré pendant la durée d’incapacité de travail prouvée et attestée médicalement, mais au plus tôt après l’expiration du délai d’attente indiqué dans la police.

k. Selon l’art. 21 CGA, les attestations d’incapacité de travail faites à l’avance ne sont reconnues que pour une durée d’un mois au maximum.

l. Selon l’art. 34 CGA, en cas d’incapacité partielle de travail, ZURICH paie une indemnité journalière proportionnelle au degré d’incapacité. Les jours d’incapacité partielle de travail sont comptés en plein pour le calcul de la durée des prestations et du délai d’attente. Il en va de même lorsque les indemnités journalières sont versées en fonction du degré de l’incapacité de gain.

m. Selon l’art. 35 CGA, une incapacité de travail/de gain de moins de 50 % ne donne droit à aucune prestation. Pour le calcul de la durée des prestations et du délai d’attente, ces jours ne sont pas imputés.

n. Selon l’art. 56 CGA, en cas d’incapacité de travail entière ou partielle présumée plus longue dans sa profession ou son domaine d’activité, la personne assurée est tenue : [ ] [b] de s’annoncer auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), au plus tard six mois [après] le début de l’incapacité de travail, pour déposer une demande de prestations. Si elle ne procède pas ou pas à temps à la demande de prestations, malgré l’invitation écrite de ZURICH, les prestations d’indemnités journalières peuvent être réduites du montant de la rente maximale simple de l’AI à partir du 365ème jour à compter du début de l’incapacité de travail.

o. Selon l’art. 86 CGA, pour tout litige, l’assuré peut choisir comme for Zurich en tant que siège principal de la défenderesse ou le domicile ou le siège social, en Suisse ou au Liechtenstein, à l’exclusion de tout pays étranger, du preneur de l’assurance, de l’assuré ou de l’ayant-droit. Le droit suisse est applicable.

La chute du demandeur

p. Le demandeur allègue avoir chuté, le 4 mai 2018, d’une échelle d’environ 1,20 m, avec réception sur le membre supérieur gauche.

q. Il a ensuite reçu des prestations de la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : SUVA) (indemnité journalière de CHF 141.75) du 7 mai 2018 au 21 octobre 2018, à la suite de son accident professionnel.

r. Ces prestations de la SUVA ont pris fin selon décision du 15 octobre 2018. Selon son service médical, l'accident du 4 mai 2018 ne jouait plus aucun rôle dans les troubles que le demandeur présentait au bras gauche. Ils n'étaient plus en relation de causalité avec l'accident.

s. Du 24 octobre 2018 (soit après un délai d'attente de 2 jours) au 14 juillet 2019, le demandeur a reçu 264 indemnités journalières de CHF 141.70 chacune, soit un total de CHF 37'408.80, de la part de la défenderesse, pour une incapacité de travail de 100 %.

t. Le 20 décembre 2018, la SUVA a transmis à la défenderesse copie de sa décision du 15 octobre 2018.

u. Le 31 janvier 2019, la défenderesse a informé le demandeur qu’elle traitait son incapacité de travail liée à la maladie dès le 21 octobre 2018. Elle lui demandait de signer une autorisation de levée du secret médical.

v. A une date indéterminée, mais postérieure au 15 février 2019, le demandeur a écrit à la défenderesse qu’il ne comprenait pas pourquoi les indemnités journalières n’étaient plus versées après le 31 décembre 2018. Il annonçait transmettre un certificat médical (ne figurant pas dans la procédure).

w. Le 2 avril 2019, le docteur B______, médecin interne FMH à Yverdon-les-Bains, médecin-conseil de la défenderesse, a procédé à un premier examen du dossier du demandeur et suggéré l'établissement d'un rapport.

x. Le 28 mai 2019, à la demande du médecin-conseil de la défenderesse, le docteur C______, FMH rhumatologie et médecine interne, a rédigé un rapport médical.

Le demandeur était un peintre de 34 ans qui, le 4 mai 2018, avait été victime d’une chute d’une échelle d’1,20 m avec réception sur le membre supérieur gauche et qui avait développé à la suite de cet événement des cervico-dorso-brachialgies gauches. Les symptômes perduraient malgré la physiothérapie et la prise de médicaments antalgiques. Un ultrason para-cervical, scapulaire et de l’épaule gauche avait été réalisé le 18 septembre 2018, vérifiant un aspect possible de tendinite du rhomboïde. Une IRM cervicale réalisée le 19 septembre 2018 avait été considérée comme normale. Une IRM de l’épaule gauche avait été réalisée le 3 octobre 2018, vérifiant un épaississement capsulaire et œdème autour de l’articulation acromio-claviculaire avec minime épanchement évoquant une minime entorse sans signe de luxation dans un contexte traumatique.

Tandis que le cas initialement pris en charge par la SUVA avait été versé à l’assurance maladie avec des dates discordantes ressortant le 30 septembre 2018 ou le 22 octobre 2018 en fonction de certains documents accompagnant le dossier d’expertise, les symptômes restaient similaires et un scanner thoracique natif avait été réalisé le 14 janvier 2019, considéré comme normal au niveau médiastinal, pulmonaire et osseux.

L’examen clinique restait essentiellement marqué d’une altération douloureuse de la mobilité cervicale et de l’épaule gauche, status toutefois difficile d’appréciation, principalement marqué de signes de surcharges fonctionnelles alliant mouvements de contre-pulsions et d’oppositions actives et des amplitudes variables en fonction de son degré d’attention. Il n’y avait pas d’altération significative de la mobilité tronculaire, des grosses comme des petites articulations périphériques, il n’y avait pas d’arthrite ni de synovite. On retrouvait des douleurs palpatoires para-cervicales gauches se prolongeant au muscle trapèze, angulaire de l’omoplate et aux rhomboïdes du même côté, de même que des douleurs para-dorsales gauches se prolongeant en région para-thoracique du même côté. Il n’y avait pas de syndrome irritatif ni trouble neuro-déficitaire des membres.

Ni les examens radiologiques ni le status ne permettaient d’expliquer la globalité des douleurs alléguées par l’assuré, leur intensité, leur localisation et leur retentissement sur son fonctionnement. Le médecin n’avait pas d’explication organique quant aux douleurs présentées par l’assuré qui s’inscrivaient dans un examen clinique marqué de signes de surcharges fonctionnelles témoignant d’un syndrome douloureux chronifié qui dépassait le domaine de compétence du médecin somaticien.

Du point de vue rhumatologique, la capacité de travail de l’assuré dans une activité professionnelle de peintre était de 80 %, y intégrant une certaine diminution de rendement liée à la diminution de vitesse d’exécution de certaines tâches impliquant le haut du corps et la prise éventuelle de pauses supplémentaires, symptomatologie intéressant la nuque comme le membre supérieur gauche chez un assuré droitier.

Dans une activité professionnelle légère, excluant les ports de charge au-delà de 10 kg de manière ponctuelle et 5 kg de manière régulière, les mouvements répétitifs et de forces impliquant le membre supérieur gauche au-delà de l’horizontale, les mouvements brusques et répétitifs impliquant la nuque, la capacité de travail du demandeur était entière.

Du point de vue thérapeutique, le médecin n’avait pas de mesure magistrale à proposer au-delà de la prise de médicaments antalgiques à la demande en évitant un tant soit peu les antalgiques centraux non dénués d’effets secondaires sur la vigilance. Le demandeur devrait poursuivre une activité physique régulière à même d’éviter les rétractions musculaires et l’enraidissement articulaire, maintenir une certaine souplesse comme son endurance.

y. Le 12 juin 2019, le docteur D______, FMH chirurgie orthopédique et traumatologie, avait examiné pour la première fois le demandeur en tant que médecin traitant. Il avait demandé l'établissement d'une IRM.

z. Le 20 juin 2019, le docteur E______, FMH spécialiste en radiologie, a procédé à une IRM de l’épaule gauche.

Sur le plan tendineux, il n’y avait pas de rupture du tendon sus-épineux, sous-épineux ou du sous-scapulaire. Le tendon bicipital était en place, de calibre normal. Il y avait un petit épanchement de la gaine tendineuse antérieure, mais pas de luxation du tendon long chef du biceps.

Sur le plan articulaire et cartilagineux, le labrum supérieur et inférieur avait un signe normal. Il n’y avait pas d’épanchement articulaire, ni d’atteinte de la bourse sous acromiale. Il y avait un discret épaississement capsulo-synovial du récessus axillaire, présentant un hypersignal de ce récessus ; un minime épaississement du ligament coraco-huméral avec une oblitération partielle du triangle graisseur sous-coracoïdien.

Sur le plan osseux et musculaire, la morphologie et le signal osseux étaient normaux. Il n’y avait ni fracture, ni arrachement osseux. Il n’y avait pas d’œdème osseux intra-spongieux. Il y avait une altération partielle des fibres musculaires du muscle sous scapulaire sans signe de déchirure. Il n’y avait pas d’atrophie musculaire.

Il a conclu à des signes évoquant un début d’une capsulite rétractile de l’épaule gauche et une altération de signal partielle des fibres musculaires du muscle sous scapulaire sans signe de déchirure.

aa. Le 8 juillet 2019, la défenderesse a informé le demandeur qu’elle mettrait fin à ses prestations le 14 juillet 2019. En effet, le Dr C______ estimait que dans l’activité de peintre, la capacité de travail du demandeur était de 80 % avec une baisse de rendement liée à la diminution de vitesse d’exécution de certaines tâches. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était entière en respectant les limitations suivantes : pas de ports de charge au-delà de 10 kg de manière ponctuelle et 5 kg de manière régulière ; pas de mouvements répétitifs et de forces impliquant le membre supérieur gauche au-delà de l’horizontale, les mouvements brusques et répétitifs impliquant la nuque.

bb. Le 10 juillet 2019, le Dr D______ a procédé à une infiltration intra-articulaire de l’épaule gauche.

cc. Le 6 août 2019, le demandeur a contesté le contenu du courrier du 8 juillet 2019 de l’assurance et a déclaré y « former opposition totale », tout en lui demandant de revoir sa position et en demandant une copie de son dossier médical complet.

dd. Le 22 novembre 2019, le Dr D______ s’est adressé à la défenderesse. Il avait lu le rapport du Dr C______. Il avait pris en charge le patient à partir du 12 juin 2019 dans le contexte de douleurs persistantes au niveau du membre supérieur gauche et également au niveau de la région scapulaire gauche dans le contexte d’un accident qui avait eu lieu le 4 mai 2018. Dans ce contexte, le patient montrait une limitation à l’examen clinique, tant passive qu’active, de l’épaule gauche sans déficit neuro-vasculaire au niveau du membre supérieur gauche. Il présentait également des contractures musculaires para-scapulaires gauches réflexes. Le 20 juin 2019, une IRM de l’épaule gauche avait été effectuée chez le patient. Le radiologue évoquait le début d’une capsulite rétractile de l’épaule gauche avec altération de signal partielle des fibres musculaires du muscle sous-scapulaire en signe de déchirure. Il proposait au patient un début de physiothérapie avec mobilisation douce et une infiltration intra-articulaire de l’épaule gauche qui avait eu lieu le 10 juillet 2019. Cette dernière s’était par ailleurs compliquée d’un état semi-comateux immédiat vu que le patient présentait une phobie des aiguilles. Cela étant, le patient avait pu améliorer progressivement sa mobilité de l’épaule gauche avec, au dernier contrôle du 6 novembre 2019, une abduction à 100° ainsi qu’une élévation à 120°. Le patient poursuivait toujours, et sur le long terme, une physiothérapie qui était de plus en plus active avec une prise concomitante d’anti-inflammatoires sous protection gastrique et également une couverture antalgique supplémentaire par paracétamol et tramadol. Le patient avait été mis à l’arrêt de travail à 100 % dès sa première visite et cet arrêt se poursuivait jusqu’au prochain contrôle prévu le 5 décembre 2019. Le Dr D______ laissait donc le soin à la défenderesse de réévaluer la demande et les prestations de couverture pour perte de gain ainsi que la couverture médicale. Il joignait le rapport du Dr E______. Il retenait donc un diagnostic de capsulite post-traumatique avec pronostic limité à une reprise d’activité à 80 %.

ee. Le 26 novembre 2019, le Dr B______ a établi, à la demande de la défenderesse, un avis relatif au dossier du demandeur. Le demandeur tentait de faire admettre la poursuite de son arrêt de travail avec l’aide d’un orthopédiste probablement non opérateur qui évoquait un diagnostic clinique non établi sur la base d’une IRM qui montrerait des « signes évoquant un début (le 20.06.2019) de capsulite rétractile de l’épaule gauche » attribuée par le Dr D______ à l’accident du 4 mai 2018, survenu donc plus de treize mois avant, qui ne correspondait nullement au diagnostic de l’analyse du Dr C______ et qui était par ailleurs trop lointain pour être accepté comme une suite de l’accident. Un autre argument était l’absence d’atrophie musculaire lors des IRM d’octobre 2018 et juin 2019 après plus de treize mois d’évolution, ce qui apparaissait difficilement possible. Enfin, le diagnostic évoqué par le Dr D______ n’expliquait pas tout le cortège d’éléments non médicaux vus durant l’analyse C______ ainsi que l’extension des douleurs et la mobilité conservée de l’épaule gauche qui fluctuera selon l’attention du demandeur durant l’analyse.

Une utilisation abusive des prestations d’assurance demeurait possible chez un patient organisé et procédurier (cf. sa lettre d’opposition et le conflit aux prud’hommes avec l’employeur) avec un diagnostic de capsulite post-traumatique qui apparaissait inadéquat car totalement non corroboré par l’analyse C______, non évoqué sur une première IRM et seulement évoqué sur une seconde IRM qui n’apparaissait de toute façon pas comme un examen péremptoire pour établir un tel diagnostic qui était essentiellement clinique, sans aucune atrophie musculaire après treize mois d’évolution et non correspondant au status d’analyse qui ne montrait aucun signe de capsulite. L’avis du Dr D______ n’apportait pas d’élément objectif nouveau susceptible de modifier l’analyse du Dr C______.

ff. Le 5 décembre 2019, la défenderesse a fait suite au rapport médical du Dr D______ du 22 novembre 2019 et à l’IRM du 20 juin 2019. Après consultation de son médecin-conseil, ces éléments n’apportaient pas d’éléments nouveaux susceptibles de modifier les conclusions du Dr C______ du 27 (recte : 28) mai 2019. La décision du 8 juillet 2019 était donc confirmée.

gg. Le 23 avril 2020, le conseil du demandeur s’est adressé au Dr D______, qui y a répondu le 30 avril 2020. Le patient souffrait d’une capsulite rétractile post-traumatique du 20 juin 2019 au 25 février 2020 et d’un étirement des fibres musculaires du sous-scapulaire du 20 juin 2019 jusqu’au jour du rapport. S’agissant de la capsulite, l’incapacité de travail était de 100 % jusqu’au 25 février 2020 ; s’agissant de l’étirement des fibres musculaires, l’incapacité était de 50 % jusqu’à fin mai 2020. Le patient avait une difficulté à garder / lever les charges lourdes en lien avec l’incapacité à 50 % consécutive à l’étirement des fibres musculaires. Le pronostic était favorable à partir de juin 2020, avec une reprise à 100 %. Enfin, le rapport du Dr C______ du 28 mai 2019 n’était pas correct, pour les motifs figurant dans le courrier du Dr D______ du 22 novembre 2019.

hh. Le 23 avril 2020, le conseil du demandeur s’est adressé à la défenderesse. Il ressortait de l’IRM du 20 juin 2019 que le demandeur avait souffert d’une capsulite rétractile. Ce diagnostic, qui n’avait pas été pris en compte par le Dr C______, justifiait une incapacité de travail totale jusqu’au 26 février 2020, puis de 50 % dès cette date. Le demandeur sollicitait que la défenderesse revienne sur sa décision du 8 juillet 2019 et reprenne le paiement des indemnités journalières. Il sollicitait copie de la police d’assurance, des conditions générales et d’un tableau récapitulatif des indemnités versées.

ii. Le 27 avril 2020, la défenderesse a transmis au conseil du demandeur une copie de la police d’assurance et des conditions générales applicables. Il a également présenté les indemnités journalières du 24 octobre 2018 au 14 juillet 2019.

jj. Le 15 mai 2020, le Dr C______ s’est prononcé. Tant l’IRM de l’épaule gauche du 3 octobre 2018 que la nouvelle IRM de l’épaule gauche du 20 juin 2019 témoignaient de l’absence de lésion structurelle manifeste, mais surtout de l’absence d’atrophie musculaire, ce qui paraissait pour le moins étonnant chez un assuré faisant allégation d’une altération douloureuse de la mobilité de l’épaule gauche qui remontait à de nombreux mois et dont les restrictions chroniques devaient laisser pour stigmate une amyotrophie de la musculature localisée.

Ce n’était ni l’intensité des douleurs ni les examens radiologiques, ni les gestes interventionnels comme les diagnostics en soi, malgré leur importance et leur nombre, qui préjugeaient de l’atteinte à la santé d’un individu, mais principalement le retentissement fonctionnel qui permettait de déterminer la capacité de travail d’un individu.

Considérant une symptomatologie intéressant la nuque comme le membre supérieur gauche chez un assuré par ailleurs droitier, il confirmait la capacité de travail de 80 % retenue dans une activité professionnelle de peintre, y intégrant une certaine diminution de rendement liée à la diminution de vitesse d’exécution de certaines tâches impliquant le haut du corps et la prise éventuelle de pauses supplémentaires. Il maintenait aussi une capacité de travail du demandeur entière dans une activité professionnelle adaptée, soit une activité professionnelle légère excluant les ports de charge au-delà de 10 kg de manière ponctuelle et 5 kg de manière régulière, les mouvements répétitifs et de forces impliquant le membre supérieur gauche au-delà de l’horizontale, les mouvements brusques et répétitifs impliquant la nuque.

kk. Le 8 juin 2020, le conseil du demandeur a transmis des informations supplémentaires à la défenderesse et a persisté dans sa demande de réexamen.

ll. Le 9 juin 2020, la défenderesse a répondu que, selon son médecin-conseil, les derniers documents médicaux n’apportaient pas d’éléments nouveaux susceptibles de modifier les conclusions. La décision du 8 juillet 2019 était donc confirmée.

mm. Le Dr D______ a établi les certificats médicaux suivants concernant le demandeur :

- le 12 juin 2019, capacité de travail de 0 % du 1er au 30 juin 2019 en raison d’un accident ;

- le 17 juillet 2019, capacité de travail de 0 % du 1er au 31 juillet 2019 en raison d’un accident ;

- le 7 août 2019, capacité de travail de 0 % du 1er au 28 août 2019 en raison d’un accident ;

- le 4 septembre 2019, capacité de travail de 0 % du 29 août au 26 septembre 2019 en raison d’un accident ;

- le 26 septembre 2019, capacité de travail de 0 % du 27 septembre au 24 octobre 2019 en raison d’un accident ;

- le 6 novembre 2019, capacité de travail de 0 % du 25 octobre au 5 décembre 2019 en raison d’une maladie ;

- le 5 décembre 2019, capacité de travail de 0 % du 6 décembre 2019 au 9 janvier 2020 en raison d’un accident ;

- le 18 janvier 2020, capacité de travail de 0 % du 10 janvier 2020 au 31 janvier 2020 en raison d’une maladie ;

- le 25 février 2020, capacité de travail de 0 % du 1er au 25 février 2020 et de 50 % du 26 février 2020 au 19 mars 2020 en raison d’une maladie ;

- le 26 mars 2020, capacité de travail de 50 % du 20 mars 2020 au 29 avril 2020 en raison d’une maladie ;

- le 30 avril 2020, capacité de travail de 50 % du 30 avril 2020 au 31 mai 2020, puis de 100 % dès le 1er juin 2020 en raison d’une maladie.

 

 

 

La procédure judiciaire

B. a. Par demande datée du 9 juin (recte : juillet) 2020, reçue le 10 juillet 2020, le demandeur a déposé auprès du tribunal de céans une demande en paiement en procédure simplifiée contre la défenderesse. Il concluait principalement au paiement en sa faveur de la somme de CHF 38'825.80, avec intérêts à 5 % l’an dès la date moyenne, soit concrètement le 22 décembre 2019, à titre d’indemnités journalières pour la période du 15 juillet 2019 au 31 mai 2020, avec suite de frais et dépens.

Le demandeur était en arrêt maladie à 100 % jusqu’au 25 février 2020, puis à 50 % du 26 février au 31 mai 2020 en raison d’une capsulite rétractile post-traumatique et d’un étirement des fibres musculaires du sous-scapulaire. La valeur probante du rapport du Dr C______ du 28 mai 2019 était contestée, ce qui résultait notamment du rapport de son médecin traitant, le Dr D______.

Les indemnités journalières correspondaient à 226 jours à CHF 141.70 et à 96 jours à CHF 141.70 x 50 %.

b. Le 17 septembre 2020, la défenderesse a répondu, concluant au déboutement du demandeur avec condamnation aux frais. Elle a admis être liée par la police d’assurance no 14.462.348 avec le groupement patronal. C’était une assurance de dommages et le demandeur n'en avait subi aucun.

La défenderesse ignorait tout du statut du demandeur en Suisse. Selon l’art. 35 CGA, une incapacité de travail de moins de 50 % ne donnait droit à aucune prestation. Sur le fond, le Dr C______, sollicité par la défenderesse, avait confirmé le 15 mai 2020, son analyse du 28 mai 2019 : la capacité de gain du demandeur dans son activité habituelle de peintre était de 80 %.

Par surabondance, tout portait à croire que le demandeur n’occupait pas d’emploi au moment où il était soi-disant tombé malade car il était auparavant, selon ses propres dires, en incapacité de travail à la suite d’un accident. Dans ces circonstances, le demandeur devait établir qu’il exerçait une activité lucrative s’il n’était pas malade.

c. Le 19 novembre 2020, le demandeur a répliqué. Il disposait d’une autorisation de séjour. Il avait été engagé dès le 12 mars 2018 comme aide-peintre par M. F______ à plein temps pour un salaire horaire de CHF 28.-. Lors de l’incapacité de travail liée à la maladie dès le 21 octobre 2018, le demandeur était encore employé de l’entreprise A______. Le 31 janvier 2019, la défenderesse lui avait indiqué qu’en tant qu’assurance collective perte de gain en cas de maladie, elle traitait l’incapacité de travail liée à la maladie dès le 21 octobre 2018.

La défenderesse avait tenté de cesser de prester dès le 1er janvier 2019. Elle avait finalement continué de verser au demandeur des indemnités journalières.

Il ressortait des faits précités que la couverture d’assurance était donnée et que le demandeur avait subi une perte de gain, compte tenu de son incapacité de travail complète jusqu’au 25 février 2020, puis partielle, à hauteur de 50 % du 26 février au 31 mai 2020. Le demandeur persistait à conclure au paiement de CHF 38'825.80 avec intérêts à la date moyenne, à titre de versement d’indemnités journalières maladie pour la période du 15 juillet 2019 au 31 mai 2020.

d. Le 29 janvier 2021, la défenderesse a dupliqué. L’autorisation de séjour du demandeur avait expiré le 20 juillet 2017, de sorte qu’il n’avait pas d’autorisation de séjour au moment où il avait prétendument conclu un contrat de travail, ni au moment de la prétendue incapacité de travail liée à la maladie. Le demandeur n’aurait travaillé que durant deux mois. Il apparaissait invraisemblable que le demandeur ait perçu un salaire de CHF 7'475.- pour deux mois alors que la masse salariale annuelle 2018 de l’entreprise s’élevait à CHF 23'700.-. Le demandeur représenterait, sur deux mois, le tiers de la masse salariale annuelle de l’entreprise. Les montants perçus à titre de salaire étaient contestés.

Le demandeur n’avait pas prouvé qu’il aurait exercé une quelconque activité lucrative sans sa prétendue atteinte à la santé. Il n’exerçait aucune activité lucrative avant celle qu’il alléguait avoir exercée auprès de l’entreprise A______. Il n’exerçait aucune activité lucrative et n’en avait exercée aucune depuis la fin de sa prétendue incapacité de travail. Il n’était pas inscrit au chômage ; il n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour valable. Il ne subissait donc aucun dommage. Il ne présentait enfin pas d’atteinte à la santé lui donnant droit à des prestations d’assurance de la part de la défenderesse.

La défenderesse avait également requis un rapport auprès du Dr B______ qui confirmait que l’avis du Dr D______ n’apportait pas d’élément objectif nouveau susceptible de modifier ou de remettre en cause l’expertise du Dr C______. Selon le Dr B______, le diagnostic de capsulite post-traumatique apparaissait inadéquat, car il n’était pas évoqué sur toutes les IRM et qu’il s’agissait d’un diagnostic essentiellement clinique qui ne s’accompagnait d’aucune atrophie musculaire après treize mois d’évolution.

Le demandeur n’était pas inscrit à l’assurance-invalidité malgré une incapacité de travail prétendument de longue durée. Il violait son obligation de réduire son dommage car l’art. 56 CGA lui imposait de s’annoncer à l’Office AI au plus tard six mois après le début de son incapacité de travail.

e. Les parties ont été entendues le 12 mars 2021 et le 30 avril 2021.

Le demandeur a expliqué que l'accident du 4 mai 2018 avait eu lieu à Coppet. Il s'agissait d'une villa privée, sa tâche était de faire la peinture du premier étage; au deuxième étage, il y avait une autre personne qui était chargée du parquet. Les deux premiers jours, il y avait un autre employé avec lui. Il avait fait la peinture tout seul. En effet, il convenait d'abord de vider les lieux et de porter les meubles à l'extérieur. Le jour de l'accident, il était tout seul sur le chantier. Comme la météo était mauvaise, il avait demandé à son patron d'envoyer deux travailleurs supplémentaires pour l'aider à transporter les meubles. Ils n'étaient pas encore arrivés lorsqu'il avait glissé de l'échelle, alors qu'il était en train de s'occuper tout seul des jointures et il était tombé sur l'épaule gauche. Quand il était tombé, il avait ressenti une grande chaleur dans le corps, comme quelqu'un qui avait trop bu. Ensuite, il s'était relevé; il n'avait plus d'équilibre et était sorti à l'extérieur pour prendre l'air. Il avait à nouveau appelé son patron et lui avait expliqué ce qui s'était passé; ce dernier lui a dit d'aller immédiatement consulter le médecin. Le demandeur n'était pas en état de conduire. Un des ouvriers était venu et l'avait accompagné à Genève. Pendant le trajet, vers 16 h, il y avait beaucoup de trafic; il avait commencé à se libérer de la chaleur qu'il ressentait, il redevenait stable. Il était allé chez lui puis par la suite aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), où il y avait beaucoup de monde. Il était rentré chez lui en attendant qu'ils l'appellent. Il allait mieux et avait décidé de ne pas retourner à l'hôpital et de continuer le travail. Le lendemain, il était retourné au travail, à Coppet, dans la villa. Son patron lui avait dit qu'il ne devait pas revenir au travail s'il n'était pas en forme. Dès qu'il avait pris le pot de peinture, qui pesait une quinzaine ou une vingtaine de kilos, il avait senti une grande douleur à l'épaule gauche, comme si quelqu'un l'avait poignardé. A ce moment-là, il avait perdu toute force; il avait arrêté définitivement le travail et décidé d'aller à l'hôpital; il n'avait donc pas travaillé ce jour-là. Il avait reçu un certificat médical à l'hôpital, semble-t-il pour une période de deux semaines. On lui avait dit de rester en contact avec son médecin traitant, la doctoresse G______ (pièce 22 dem.); le spécialiste était le docteur H______.

Le demandeur avait vu le Dr C______, médecin-conseil de la défenderesse le 27 mai 2019 : l'entretien avait duré 15 minutes au maximum; le médecin lui avait seulement posé des questions, mais ne l'avait pas examiné physiquement. Les questions portaient sur ses origines, son passé, sa famille, sa vie en Suisse et seulement deux à trois questions sur sa santé.

Lorsque le demandeur avait retrouvé sa capacité de travail, il n'avait pas rempli de demande auprès de l'assurance chômage car il n'avait plus confiance dans les assurances.

Sur question du conseil de la défenderesse qui souhaitait savoir s'il avait travaillé pour d'autres employeurs avant 2018, le demandeur a répondu que cette question était « hors sujet ». Sa vie privée ne concernait pas la procédure. Il ne voulait pas indiquer pour qui il avait travaillé depuis 2009, mais si l'Etat s'y intéressait, il pouvait le savoir. Le demandeur a refusé de répondre à la question du conseil de la défenderesse visant à savoir s'il avait perçu des prestations de tiers autres que celles de l'Hospice général; il s'agissait d'une question privée et il ne souhaitait pas y répondre.

f. Le 28 mai 2021, une ordonnance de limitation de la procédure (art. 125, lettre a CPC) et de preuve (art. 154 CPC) a été rendue. L'instruction de la cause a été limitée à la question de savoir si le demandeur était une personne assurée par une prestation d'assurance proposée par la défenderesse (question tranchée par l'affirmative le 29 avril 2022). Des renseignements écrits ont été ordonnés, les projets étant soumis aux parties. Enfin, divers documents ont été requis de la défenderesse.

g. Le 22 juin 2021, la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : CCGC) a transmis à la chambre de céans l'extrait du compte individuel du demandeur :

No caisse

No affilié

Code revenu

Bonifications d'assistance

Mois de cotisation

Année de cotisation

Revenu

Employeur

25

6639644

04

 

1-12

2019

4'702

A______

25

629913

01

 

3-12

2018

8'523

F______ peinture maçonnerie

25

6643491

01

 

7-8

2017

6'410

I______ SA

25

623258

01

 

1-1

2016

4'508

J______

46

616012000

01

 

11-11

2013

1'238

Transformations, Genève

 

 

 

 

 

Total

25'381

 

Il avait un revenu total de CHF 25'381.-, dont CHF 8'523.- pour la période mars-décembre 2018 (auprès de F______ Peinture Maçonnerie) et CHF 4'702.- pour la période janvier-décembre 2019 (auprès d'A______). En 2013, 2016, 2017 et 2018, le « code revenu » (colonne 2) était le « 1 » soit « salarié ou prestation soumise à cotisations »; en 2019, le « code revenu » était le « 4 », soit « personne sans activité lucrative ».

h. Le 28 juin 2021, le groupement patronal a notamment transmis à la chambre de céans les informations suivantes : le demandeur avait été employé par l'entreprise ABAZI dès le 12 mars 2018, à temps partiel. Le salaire annoncé du demandeur était de CHF 8'523.40 pour la période de mars à décembre 2018, plus concrètement CHF 3'136.- en mars 2018, CHF 4'060.- en avril 2018, CHF 672.- en mai 2018 et CHF 655.40 en décembre 2018 (13ème salaire).

i. Par courrier du 12 octobre 2021, dont une copie a été transmise à la chambre de céans le 13 octobre 2021 à titre de faits nouveaux (la défenderesse faisant au surplus valoir l'existence d'une prétention frauduleuse et ne plus être liée par le contrat), la défenderesse a écrit au demandeur. Il ressortait des pièces reçues les 30 juin et 23 septembre 2021 que, selon l'extrait de compte individuel du demandeur produit par la CCGC, le demandeur avait travaillé dès décembre 2018 au sein de F______ PEINTURE MACONNERIE pour un salaire total de CHF 8'523.-; il avait également travaillé pour son propre compte de janvier à décembre 2019 pour un total de CHF 4'702.-. Le demandeur avait dissimulé à la défenderesse le fait qu'il avait continué de travailler « après son prétendu accident », en particulier pour son propre compte dans le courant de l'année 2019, tout en percevant et/ou réclamant à la défenderesse des indemnités journalières pleines et entières du fait d'une prétendue incapacité de travail. Il avait également caché un revenu. La défenderesse n'était plus liée avec le demandeur par un quelconque rapport d'assurance, en application de l'art. 40 LCA; elle se réservait de réclamer les indemnités journalières perçues sans droit.

j. Par arrêt incident ATAS/412/2022 du 29 avril 2022, la chambre de céans a dit que M. A______ était une personne assurée par le contrat d'assurance 14.462.348 de ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA.

k. L'instruction de la cause a ensuite porté sur l'ensemble de la procédure.

Mesures d'instruction

C. a. La chambre de céans a procédé à l'audition de trois témoins (médecins) et a remplacé, avec l'accord des parties, l'audition du quatrième témoin (médecin) par des renseignements écrits.

b. Audition E______ du 29 juin 2022

Le Dr E______ a été entendu en qualité de témoin. Son diagnostic évoquait le début d'une capsulite rétractile de l'épaule gauche avec une altération de signal partielle des fibres musculaires du muscle sous scapulaire. En tant que médecin radiologue, il recevait des demandes d'examen de ses confrères visant à prendre en charge leurs patients. Il faisait l'examen avec le patient, le rassurait, mais ne lui donnait pas de diagnostic; il rédigeait ensuite un rapport destiné au médecin traitant.

La capsulite rétractile pouvait réduire les limitations de mouvements, de manière générale. Quand un patient venait avec une limitation de mouvements, on pouvait évoquer le diagnostic de capsulite rétractile ; ce n'était cependant pas de manière générale, car il y avait d'autres critères à examiner.

Après avoir pris connaissance, en audience, du courrier du Dr B______, le témoin a renvoyé à son rapport qui mentionnait « signes évoquant un début d'une capsulite rétractile » : il existait des examens plus poussés, notamment une arthro-IRM, qui confirmait ou infirmait ce diagnostic; cette arthro-IRM n'avait pas été faite pour le demandeur.

Le témoin n'avait pas de souvenir du demandeur, car il effectuait dix examens en moyenne par jour. Il ne connaissait pas le patient, ni sa situation; il n'avait connaissance que de la demande du médecin. Ce qu'il avait exprimé dans son rapport était une hypothèse. Lorsqu'il avait vu le patient en 2019, il n'avait pas connaissance d'autres pièces médicales ou d'autres IRM.

c. Audition B______ du 13 octobre 2022

Le Dr B______ a été entendu en qualité de témoin et a confirmé être l'auteur de l'avis du 26 novembre 2019. Il en a également confirmé le contenu. Il était interniste à Yverdon depuis trente ans et l'un des médecins-conseils de la défenderesse depuis une vingtaine d'années. Le dossier du patient lui avait été présenté environ onze mois après l'accident du 4 mai 2018, c'est-à-dire en avril 2019. Le dossier était marqué par un très grand nombre d'incohérences. La première était que la patient était tombé d'une hauteur de 1,20 m, ce qui soulignait une chute de faible vélocité : pour un homme de 33 ans, le risque d'une lésion significative était « très très faible ». La deuxième incohérence était que, quand on avait un accident, on consultait immédiatement, alors qu'ici le patient a attendu 12 jours. La troisième incohérence concernait les symptômes, c’est-à-dire les plaintes que le patient évoquait, qui étaient très disséminés. Le demandeur avait des douleurs cervicales, dorsales, de l'épaule gauche, du bras gauche et des symptômes neurologiques d'hypoesthésie du membre supérieur gauche (diminution de la sensibilité). Un tableau aussi diffus était difficilement compatible avec une seule lésion : il faudrait plusieurs lésions graves pour arriver à autant de symptômes. La quatrième incohérence était que, quand on avait présenté le dossier au témoin, c'était onze mois après la chute et les médecins avaient fait beaucoup d'examens: il y avait une IRM cervicale qui était tout à fait normale; il y avait un scanner dorsal et thoracique qui était normal; il y avait un ultrason de l'épaule qui ne montrait pas lésion objective; il y avait une IRM de l'épaule qui ne montrait pas non plus de lésion significative. On était devant un tableau de plaintes polymorphes, à la suite d'une chute banale, associé à des examens objectifs qui ne montraient rien qui puisse expliquer cette situation. Dans ce contexte, comme médecin-conseil, le témoin avait suggéré de faire une expertise, car il y avait de nombreuses discordances. Cette expertise avait été faite par le Dr C______, rhumatologue.

L'expertise médicale du Dr C______ (pièce 6 dem.) a été soumise au témoin, qui a confirmé que c'était le document qui lui avait été soumis par la juriste de la défenderesse. Cette expertise confirmait toutes les discordances évoquées précédemment par le témoin. Il y avait une chose importante dans l'expertise, par rapport à l'épaule gauche, c'est qu'elle montrait clairement la discordance entre les plaintes subjectives du patient et les résultats des examens. Quand on testait un patient au niveau de l'épaule, il ne la bougeait pas et se retenait, mais il arrivait à enlever son pull-over. Les mouvements du patient différaient quand il était examiné par le médecin ou quand il était tout seul pour se rhabiller. C'était la différence entre les mouvements que le patient voulait montrer au médecin et la réalité objective quand il s'habillait ou se déshabillait. Le témoin ne pouvait que suivre les conclusions du Dr C______ qui considérait que le patient pouvait travailler.

La première IRM de 2018 existait quand on avait soumis le dossier au témoin; la deuxième IRM, demandée par le Dr D______, avait été faite 3 semaines après l'examen du Dr C______. Le diagnostic évoqué par le Dr D______ était celui de capsulite, or ce diagnostic n'était pas possible pour plusieurs raisons. La première c'était qu'une capsulite pouvait arriver après un accident, quelques jours ou quelques semaines, mais pas treize mois après. La deuxième raison, c'était que, si le patient avait fait une capsulite après son accident, le Dr C______ aurait posé le diagnostic. De plus, en cas d'immobilisation de l'épaule pendant treize mois, il y aurait une atrophie musculaire, alors que sur l'IRM il n'y avait pas d'atrophie musculaire. Le diagnostic de capsulite était un diagnostic clinique. Or, les signes identifiés par le Dr C______ démontraient qu'il n'y avait pas de capsulite.

Le courrier (complémentaire) du Dr C______ du 15 mai 2020 (pièce 15 p. 2 dem. = pièce 1 déf.) démontrait exactement ce que le témoin venait de dire, à savoir que l'IRM ne montrait aucune atrophie et l'absence de lésion structurelle manifeste.

S'agissant du rapport d'IRM du Dr E______ du 20 juin 2019 (pièce 7 dem.), la capsulite rétractile était un diagnostic clinique et le Dr C______ disait clairement qu'il n'y avait pas de capsulite rétractile. Cette IRM de l'épaule gauche avait été faite par le Dr E______ à la demande du Dr D______ qui évoquait une capsulite; selon le témoin B______, le radiologue E______ n'avait pas vu la capsulite et n'avait pas posé de diagnostic à ce sujet.

S'agissant du rapport du Dr D______ du 22 novembre 2019, le témoin en avait connaissance. Interrogé sur la conclusion du Dr D______ (p. 2, 1er §, dernière phrase) qui arrivait au diagnostic de capsulite post-traumatique, le témoin a expliqué que l'une des interprétations que l'on pouvait faire était que le Dr D______ était le médecin traitant du patient et faisait confiance à l'expression des plaintes du patient (anamnèse), alors même que l'expertise en sa possession ce jour-là ne présentait pas de capsulite. Pour le témoin, l'avis du Dr D______ était totalement erroné.

Le témoin n'avait pas vu le demandeur personnellement. Ses explications précédentes étaient issues de l'examen des documents en sa possession.

Le « cortège d'éléments non médicaux » mentionné dans son rapport (pièce 4 déf. 3ème §) se référait à l'examen du Dr C______ (pièce 6 dem. p. 3) où le demandeur annonçait « des douleurs fluctuantes, survenant par poussées, crises qu'il estime à environ 4 fois par jour » : de telles douleurs n'étaient pas possibles. Il se référait aussi aux douleurs neuroparesthésiques intéressant la face externe du bras, s'associant comme une froideur localisée. Il se référait enfin « aux certaines postures adoptées avec le haut du corps » qui « cèdent après environ 1 à 2 heures de position couchée ».

Le témoin a été interrogé sur la phase de son rapport relative à l'utilisation abusive des prestations d'assurance : il l'a expliquée par le fait qu'il y avait tellement de discordances entre les plaintes subjectives du patient et les examens objectifs.

Le témoin n'avait pas vu les images des IRM, mais les rapports du Dr C______, qui les avait examinées, étaient très clairs. Il avait vu tous les rapports des radiologues et tous les rapports du Dr C______. Quand les rapports du radiologue étaient évidents, comme dans ce cas, il n'était pas nécessaire d'examiner encore les radios.

Entre l'expertise du Dr C______ et les mois qui ont suivi, soit la période où le Dr D______ a prolongé les arrêts de travail, le Dr D______ n'avait apporté aucun élément supplémentaire qui permettrait de modifier l'examen du Dr C______.

d. Audition D______ du 13 octobre 2022

Le Dr D______ a été entendu en qualité de témoin. Il suivait le demandeur depuis 2019 dans le contexte d'une douleur à son épaule gauche. Hormis l'examen clinique, il avait effectué un examen complémentaire d'une IRM simple sans injection de produit de contraste. Le demandeur présentait une phobie aux aiguilles et aux souris. L'examen clinique montrait une réduction dans pratiquement tous les mouvements de l'épaule, que ce soit sous l'angle actif ou passif. Après l'IRM, il avait pris connaissance de ce qu'il suspectait, à savoir le début d'une capsulite rétractile. Dans ces situations-là, il n'y avait pas grand-chose à faire, si ce n'était étirer la capsule articulaire, c’est-à-dire donner une surpression à la capsule. Il avait injecté en plus un « cocktail », contenant notamment un anesthésiant, un dérivé de cortisone avec effet à moyen terme et dérivé de cortisone avec effet à long terme. Vu la phobie du patient relativement aux aiguilles, le témoin avait été emprunté par ce type de prise en charge. Il associait un complément de vitamines C et essayait de remobiliser l'épaule, tout d'abord passivement puis de l'actif assisté.

Il se référait à son rapport du 22 novembre 2019 (pièce 10 dem.). Il avait procédé à cette injection en date du 10 juillet 2019, en passant par l'arrière de l'articulation.

Pour poser le diagnostic de capsulite, il fallait injecter un produit de contraste, c'était le meilleur examen. C'était l'examen clinique prôné pour ce diagnostic. Souvent un médecin aujourd'hui devait faire un examen complémentaire dans deux buts : un but assécurologique et juridique. Le produit de contraste était la manière la plus claire de poser le diagnostic (gold standard), mais il y avait d'autres manières de poser le diagnostic. Le témoin avait posé le diagnostic clinique d'une diminution de la mobilité passive et active de l'épaule.

Il n'avait pas constaté une discordance entre les plaintes du patient et les constats objectifs. Il considérait comme fausse la position du médecin-conseil de la défenderesse selon lequel la capsulite intervenait quelques jours ou quelques semaines après l'accident, mais pas treize mois après. Certains patients se présentaient avec une épaule qui ne bougeait plus, sans notion de traumatisme. La capsulite était très variable selon les patients; s'agissant de son apparition, elle pouvait être due à un traumatisme ou non.

Il avait procédé à l'anamnèse du patient, c’est-à-dire qu'il l'écoutait et le regardait, puis procédait à l'examen clinique. S'agissant de la capsulite, il insistait sur la passivité dans le mouvement : il fallait savoir si on pouvait monter l'épaule ou procéder à une rotation, élévation, etc.

Il confirmait avoir procédé au diagnostic de l'étirement des fibres sous-scapulaires. Ce muscle s'occupait de la rotation interne. En principe, la personne atteinte de capsulite était en arrêt de travail à 100 % car elle avait mal, ne dormait pas bien et ne pouvait rien faire.

S'agissant du diagnostic des cervico-dorso-brachialgies gauches chroniques et de syndrome douloureux chronifié figurant dans le rapport du Dr C______ du 28 mai 2019 (pièce 6 dem.), le témoin a répondu qu'il s'agissait du diagnostic lorsqu'on ne trouvait rien d'autre. Cela voulait simultanément tout dire et rien dire : le patient avait mal au bras, au dos et au cou : cela pourrait correspondre à une capsulite. Le diagnostic de « syndrome douloureux chronifié » signifiait que quelqu'un avait mal et longtemps. Le témoin ne disait pas que ce diagnostic n'existait pas, mais il s'agissait d'un diagnostic d'exclusion lorsqu'on ne trouvait rien d'autre, lorsque l'on ne trouvait pas de substrat anatomique expliquant ces douleurs. Les quatre examens radiologiques cités en p. 5 et 6 avaient eu lieu bien avant l'examen du patient par le témoin. Il avait procédé à un examen du patient, puis à un examen complémentaire qui l'avait conduit au diagnostic de la capsulite; il se référait notamment à l'IRM du 20 juin 2019 citée dans son rapport (pièce 10 dem.).

Sur question de savoir si la capsulite était évolutive, le témoin a répondu qu'elle pouvait « partir dans tous les sens ». Certains patients guérissaient en deux, trois semaines alors que d'autres la conservaient toute leur vie; les deux extrêmes étant des exceptions, la médiane étant sur deux ans.

S'agissant du rapport du Dr C______ du 15 mai 2020 (pièce 1 déf. = pièce 15 dem.), le témoin n'en avait pas connaissance auparavant : il n'était pas d'accord avec le constat de l'absence d'atrophie musculaire, car il avait posé le diagnostic de capsulite qui résultait aussi du rapport du radiologue.

L'avocat de la défenderesse a souhaité qu'il soit noté au procès-verbal que le témoin aurait fondé son diagnostic de capsulite sur la base du rapport du radiologue (IRM de 2019); le témoin a répondu que ce n'était pas ce qu'il avait dit.

S'agissant du rapport du Dr B______ du 26 novembre 2019, le témoin n'en avait pas connaissance avant l'audience et le découvrait maintenant. Il connaissait le Dr B______ et réciproquement. Contrairement à ce qui était indiqué dans le rapport de ce dernier, le témoin intervenait comme opérateur, par exemple la semaine suivant l'audience où il opérerait deux prothèses de hanche.

S'agissant de « l'absence d'atrophie musculaire » mentionnée par le Dr B______, la capsulite n'impliquait pas nécessairement une atrophie musculaire : le patient pouvait faire des petits mouvements. Dans l'articulation, il y avait une membrane qui devient dure. Ce n'était pas une paralysie, ce n'était pas une atteinte neuro-motrice.

Lors de l'audience, le témoin a présenté à la chambre de céans les différents mouvements qu'il pouvait faire avec son bras. Selon son rapport du 6 novembre 2019 (pièce 10 dem.), le patient pouvait faire une abduction à 100° et une élévation à 120°. Il n'y avait pas de lien sine qua non entre la capsulite et l'atrophie musculaire treize mois après l'accident. Il n'existait aucune littérature à ce sujet.

Ses commentaires au sujet du rapport du Dr C______ du 28 mai 2019 (pièce 6 dem.) se trouvaient dans son propre rapport du 22 novembre 2019 (pièce 10 dem.).

Ce n'était pas à la suite du rapport du radiologue qu'il avait posé le diagnostic de capsulite; il avait procédé à un examen clinique qui avait abouti au diagnostic de la capsulite; ensuite un examen complémentaire pouvait être fait, ce qui avait eu lieu. Les deux examens étaient complémentaires. C'était d'abord l'examen clinique qui avait abouti au diagnostic comme l'avait relevé le Dr B______.

Il avait vu le patient la première fois le 12 juin 2019. Son rapport ne mentionnait pas l'abduction et l'élévation ce jour-là. Il ne retrouvait pas dans son dossier des mesures d'abduction et d'élévation pour le 12 juin 2019. Il se souvenait cependant que le patient n'était pas complètement figé. Il y avait eu ensuite une amélioration estimée approximativement à 50 %.

Selon ses notes du 26 septembre 2019, l'abduction était à 90° et l'élévation à 110°; il y avait donc eu une amélioration depuis l'infiltration de juillet 2019.

e. Le 21 octobre 2022, le Dr B______ a transmis à la chambre de céans son avis médical manuscrit du 2 avril 2019. Il résumait la discordance majeure entre plaintes subjectives et l'absence de lésions objectives avec les nombreux examens réalisés sans particularités. Ce document a été transmis aux parties le 24 octobre 2022.

f. Le 20 décembre 2022, le Dr D______ a écrit à la chambre de céans. Il avait été choqué par le déroulement de l'audience et par la mise en cause de son activité médicale par le Dr B______. S'agissant de l'examen du 12 juin 2019, l'élévation était à 90° degrés, l'abduction était à 90°, la rotation externe à 55° et la rotation interne de niveau L5. Ce courrier a été expédié aux parties le même jour.

g. Renseignements écrits C______ du 11 janvier 2023

Le 11 janvier 2023, le Dr C______ a répondu aux renseignements écrits. La défenderesse avait fait appel à lui pour la réalisation d'expertises le 26 juin 2012, le 4 février 2014, le 30 mars 2015, le 4 janvier 2016, le 27 mai 2019 et le 10 septembre 2019; il avait également rédigé une expertise le 14 décembre 2010 pour la CSS, et une réponse à des questions complémentaires pour celle-ci pour le compte de la défenderesse le 7 mars 2011.

Il n'avait pas revu le demandeur après l'expertise du 28 mai 2019.

Son examen clinique de l'épaule gauche du 27 mai 2019 témoignait de signes de surcharge fonctionnels alliant mouvement de contre-pulsions et d'oppositions actives et des amplitudes variables en fonction de son degré d'attention, précisant à l'époque que le demandeur pouvait passer son bras au-dessus de l'horizontale lorsqu'il était observé à son insu pour l'habillage et le déshabillage. Cela excluait les limitations de mobilisations actives, mais surtout passives de l'épaule retrouvées habituellement lors de l'examen clinique des capsulites. La définition de cette entité restait exclusivement clinique, la radiologie ne servant pas à établir un diagnostic, mais à exclure toute atteinte de l'épaule expliquant mieux la limitation.

La capsulite rétractile n'impliquait pas nécessairement une atrophie musculaire, mais l'absence d'atrophie musculaire sur l'IRM de l'épaule gauche du 20 juin 2019 paraissait pour le moins difficilement explicable chez un assuré alléguant une altération douloureuse de la mobilité de l'épaule gauche remontant à de nombreux mois et dont les restrictions d'amplitudes chroniques dans son fonctionnement devraient laisser apparaître sur IRM une amyotrophie de la musculature localisée par non-usage.

Le rapport d'IRM du Dr E______ du 29 juin 2019 était un diagnostic radiologique. Le Dr D______ rapportait les dires du radiologue. L’« altération de signal partielle des fibres musculaires du muscle sous-scapulaire en signe de déchirure » figurant en ligne 14 du rapport n'était plus mentionnée en ligne 31, où seul le diagnostic de capsulite post-traumatique était mentionné. L'étirement de fibres musculaires retrouvé dans l'IRM était banal et souvent de découverte fortuite. Il paraissait hors contexte au témoin que le rhumatologue clinicien retienne une litanie de constats radiologiques inutiles sans retentissement fonctionnel pour preuve d'atteinte à la santé.

Comme il ne retenait pas le diagnostic de capsulite rétractile et qu'il considérait l'étirement des fibres musculaires du muscle sous-scapulaire comme banal, le mode de présentation de l'examen clinique de l'épaule gauche du 27 mai 2019 lui faisait retenir l'absence d'explication organique à la globalité des douleurs du demandeur. Il ne niait pas la globalité des douleurs du demandeur, intégrées dans le diagnostic de cervico-dorso-brachialgies gauches chroniques.

Il confirmait la teneur de son expertise médicale du 28 mai 2019 et du complément du 15 mai 2020, y compris le taux de capacité de travail.

Lors de l'expertise du 28 mai 2019, il avait accueilli le demandeur après l'analyse du dossier transmis par l'assurance. Il avait fait asseoir le demandeur en face de lui en lui demandant si d'autres pièces médicales en sa possession devaient s'ajouter au dossier. Il l'avait questionné sur ses parents, ses antécédents médico-chirurgicaux et éventuellement accidentels. Il avait débuté par l'anamnèse actuelle établie de manière chronologique en y intégrant les pièces médicales transmises par l'assurance, tels que les comptes rendus d'examens radiologiques. Il dictait à haute voix, permettant au demandeur d'avoir l'opportunité de corriger des éléments jugés erronés. Il avait ensuite élargi l'anamnèse pour passer en revue les problèmes de santé manifestes d'autres spécialités, ses habitudes et ses médicaments. Il avait ensuite effectué une anamnèse socio-professionnelle, puis s'était attardé sur ses plaintes subjectives. Il avait ensuite effectué l'analyse des examens radiologiques, en se fondant sur les rapports des radiologues concernés. Il avait terminé par l'examen clinique.

S'agissant du rapport du Dr D______ du 22 novembre 2022, il ne trouvait aucune critique ou analyse contradictoire. Il trouvait une appréciation différente de la capacité de travail d'un assuré droitier. Avaient échappé au Dr D______ les signes de surcharge fonctionnels ainsi que le fait que le demandeur soit droitier.

Le rapport du Dr B______ paraissait convaincant.

h. Les renseignements écrits du Dr C______ ont été communiqués aux parties le 17 janvier 2023.

i. L'organisation d'une expertise judiciaire a été refusée, dès lors que son apport supplémentaire ne paraissait pas nécessaire pour trancher le litige.

D. a. L'ordonnance du 17 janvier 2023 prévoyant des plaidoiries finales écrites a été rétractée le 1er février 2023, afin de donner suite à la requête de la défenderesse qui avait souhaité des plaidoiries finales orales.

b. Les plaidoiries finales orales ont eu lieu le 8 mars 2023. Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions. Un deuxième tour de parole a immédiatement eu lieu.

c. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

Compétence territoriale et matérielle; procédure

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre les personnes morales, le for est celui de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 86 CGA prévoit que pour toutes les actions au sujet du contrat d’assurance, sont compétents au choix soit les tribunaux du domicile suisse des personnes assurées ou des ayants droit, soit ceux du siège de l’assureur.

Le demandeur ayant son domicile à Genève, le chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

3.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

Mesures d'instruction

4.             Le demandeur requiert des mesures d'instruction supplémentaires, à savoir l'audition par oral ou par écrit du Dr D______ en lien avec les renseignements écrits fournis par le Dr C______. Il renouvelle sa demande d'expertise médicale.

5.             La présente procédure est soumise à la procédure simplifiée.

5.1 La jurisprudence applicable avant l'introduction du CPC, prévoyant l'application de la maxime inquisitoire sociale aux litiges relevant de l'assurance-maladie complémentaire, reste pleinement valable (ATF 127 III 421 consid. 2). Selon cette maxime, le juge doit établir d'office les faits, mais les parties sont tenues de lui présenter toutes les pièces nécessaires à l'appréciation du litige. Ce principe n'est pas une maxime officielle absolue, mais une maxime inquisitoire sociale. Le juge ne doit pas instruire d'office le litige lorsqu'une partie renonce à expliquer sa position. En revanche, il doit interroger les parties et les informer de leur devoir de collaboration et de production des pièces; il est tenu de s'assurer que les allégations et offres de preuves sont complètes uniquement lorsqu'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. L'initiative du juge ne va pas au-delà de l'invitation faite aux parties de mentionner leurs moyens de preuve et de les présenter. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d'étendre à bien plaire l'administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles (ATF 125 III 231 consid. 4a; ATAS/56/2023 du 1er février 2023, consid. 2.4; ATAS/199/2022 du 4 mars 2022, consid. 1).

5.2 La maxime inquisitoire sociale ne modifie pas la répartition du fardeau de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4C.185/2003 du 14 octobre 2003 consid. 2.1). Pour toutes les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, l'art. 8 du Code civil suisse, du 10 décembre 1907 (CC; RS 210), en l'absence de règles contraires, répartit le fardeau de la preuve et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 133 III 323 consid. 4.1 non publié; ATF 130 III 321 consid. 3.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6; ATF 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependant pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c). Elle n'empêche pas le juge de refuser une mesure probatoire par une appréciation anticipée des preuves (ATF 121 V 150 consid. 5a). L'art. 8 CC ne dicte pas comment le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c; ATF 119 III 60 consid. 2c; ATF 118 II 142 consid. 3a). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, il ne s'applique que si le juge, à l'issue de l'appréciation des preuves, ne parvient pas à se forger une conviction dans un sens positif ou négatif (ATF 132 III 626 consid. 3.4 et ATF 128 III 271 consid. 2b/aa). Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne se pose plus (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa; ATAS/56/2023 du 1er février 2023, consid. 2.3).

5.3 En tout état, selon le Tribunal fédéral, en procédure simplifiée, lorsque les parties sont représentées par un avocat, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire (ATF 141 III 569, 575 consid. 2.3.1).

5.4 En vertu de l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. En conséquence, la partie qui fait valoir un droit doit prouver les faits fondant ce dernier, tandis que le fardeau de la preuve relatif aux faits supprimant le droit, respectivement l’empêchant, incombe à la partie, qui affirme la perte du droit ou qui conteste son existence ou son étendue. Cette règle de base peut être remplacée par des dispositions légales de fardeau de la preuve divergentes et doit être concrétisée dans des cas particuliers (ATF 128 III 271 consid. 2a/aa avec références). Ces principes sont également applicables dans le domaine du contrat d'assurance (ATF 130 III 321 consid. 3.1).

5.5 En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.2; voir aussi, en partie, ATF 148 III 105, 108 consid. 3.3.1). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; ATF 132 III 715 consid. 3.1; ATF 130 III 321 consid. 3.3; ATAS/56/2023 du 1er février 2023, consid. 2.3).

5.6 En matière de contrat d'assurance, l'ayant droit est tenu de prouver les faits relatifs à la justification de ses prétentions, à savoir l'existence d'un contrat d'assurance, la survenance du cas d'assurance et l'étendue de ses prétentions (ATF 148 III 105, 107-108 consid. 3.3.1).

5.7 Selon l'art. 150 al. 1 CPC, la preuve a pour objet les faits pertinents et contestés. Le témoignage (art. 168 al. 1 let. a CPC), l'expertise (art. 168 al. 1 let. d CPC) et les renseignements écrits (art. 168 al. 1 let. e CPC) sont des moyens de preuve prévus par le CPC.

5.8 Au terme de l'administration des preuves, les parties peuvent se prononcer sur les résultats de l'administration des preuves et sur la cause. Le demandeur plaide en premier. Le tribunal donne l'occasion aux parties de plaider une seconde fois (art. 232 al. 1 CPC).

6.             En l'espèce, le demandeur requiert tout d'abord que le Dr D______ puisse se déterminer sur les renseignements écrits du Dr C______.

6.1 Le Dr D______, qui a été entendu comme témoin lors de l'audience du 13 octobre 2022, n'est pas partie à la présente procédure : il ne formule aucune prétention et aucune prétention n'a été dirigée contre lui. Il a été cité à comparaître en qualité de témoin et des documents qu'il avait précédemment rédigés ont été produits comme titres. N'étant pas une partie, il ne bénéficie donc pas du droit d'être entendu (cf. art. 53 al. 1 CPC a contrario), ce qui implique qu'il n'est pas admis à s'exprimer sur tous les éléments du dossier. Même si les témoins peuvent être confrontés entre eux et avec les parties (art. 174 CPC), il ne s'agit que d'une possibilité (Kann-Vorschrift) et non d'une obligation : étant donné la position opposée des différents témoins, une détermination supplémentaire du Dr D______ n'apporterait aucune clarification du dossier. Il est encore rappelé que le Dr D______ a été entendu oralement après le Dr B______ (dont les positions étaient concordantes avec celles du Dr C______), ce qui a permis au demandeur d'interpeller son propre témoin en se fondant aussi sur les réponses aux questions du témoin de la défenderesse. Enfin, le demandeur n'expose pas quels éléments nouveaux ou supplémentaires, à part la référence abstraite aux renseignements écrits du Dr C______, pourraient être demandés au Dr D______ et surtout ce qu'ils apporteraient d'utile (sauf à persister dans sa position) pour la présente procédure.

6.2 A l'inverse, le demandeur est une partie et a le droit de s'exprimer sur tous les éléments de procédure, y compris les renseignements écrits du Dr C______ du 11 janvier 2023 : ce droit a été mis en œuvre par l'audience de plaidoiries finales orales du 8 mars 2023, lors de laquelle le demandeur, représenté par une avocate, s'est exprimé à deux reprises (art. 232 al. 1 CPC).

6.3 Une nouvelle détermination du Dr D______ – que ce soit par oral comme témoin ou par écrit par des renseignements écrits – n'apparaît donc ni pertinente, ni nécessaire pour trancher le présent litige. Elle sera donc rejetée.

7.             Le demandeur renouvelle sa requête d'expertise.

7.1 Le tribunal peut, à la demande d'une partie ou d'office, demander une expertise à un ou plusieurs experts. Il entend préalablement les parties (art. 183 al. 1 CPC).

7.2 En l'espèce, l'instruction du dossier paraît suffisante à la chambre de céans. En effet, sur le fond du dossier, quatre audiences d'instruction avec l'audition des parties et de trois témoins médecins ont eu lieu; des renseignements écrits ont été obtenus d'un quatrième médecin. Les parties ont pu s'exprimer par écrit par un double échange d'écritures au début et par oral lors de plaidoiries finales.

7.3 La demande d'expertise judiciaire sera donc rejetée.

Fond

8.             La loi fédérale sur le contrat d'assurance ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte qu'en principe, le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties (ATF 133 III 185, 186 consid. 2, arrêts TF 4A_186/2018 du 4 juillet 2019, consid. 4.1; 4A_111/2010 du 12 juillet 2010, consid. 2).

9.             Il convient de rappeler brièvement les éléments chronologiques essentiels et les prétentions du demandeur.

9.1 Le demandeur a chuté d'une échelle le 4 mai 2018 et a ensuite perçu des prestations de la SUVA jusqu'au 23 octobre 2018, puis des indemnités journalières de la défenderesse jusqu'au 14 juillet 2019. Il requiert, dans la présente procédure, des indemnités journalières à 100 % pour la période du 15 juillet 2019 au 25 février 2020 (226 jours) et des indemnités journalières à 50 % pour la période du 26 février 2020 au 31 mai 2020 (96 jours), en raison d'une capsulite rétractile post-traumatique de l'épaule gauche et un étirement des fibres musculaires du sous-scapulaire. Cela représente un montant total de CHF 38'825.80.

9.2 Le défendeur conclut au déboutement total du demandeur.

9.3 Il n'y a pas de divergences mathématiques entre les parties sur le montant des indemnités journalières à la base du calcul du demandeur.

10.         Le premier élément à examiner concerne l'affection à la santé du demandeur, contestée par la défenderesse.

10.1 Le demandeur expose que sa capsulite rétractile a été diagnostiquée dans les règles de l'art par son médecin traitant, le Dr D______. Il a produit les documents en sa possession et fait entendre des témoins, de sorte qu'il a satisfait à son obligation de prouver ses prétentions.

10.1.1 Le Dr D______ a procédé en trois étapes : un examen clinique ayant conclu à une réduction des mouvements actifs et passifs, une injection ultérieure du produit de contraste et enfin à un IRM. Il n'y aurait aucune discordance entre ses plaintes subjectives et ses constats objectifs. Le Dr C______ n’avait vu le demandeur qu'à une seule reprise, alors que le Dr B______ ne l'avait jamais vu; leurs rapports médicaux étaient peu convaincants. Le Dr B______ visait des éléments hors sujet tels que la suspicion d'utilisation abusive de prestations sociales.

10.1.2 Le Dr D______ avait suivi le demandeur depuis le 12 juin 2019. Après une IRM de l'épaule gauche effectuée par le Dr E______ le 20 juin 2019, le Dr D______ avait procédé le 10 juillet 2019 à une infiltration intra-articulaire de l'épaule gauche.

Il considérait comme fausse la position du médecin-conseil de la défenderesse selon lequel la capsulite intervenait quelques jours ou quelques semaines après l'accident, mais pas treize mois après : certains patients se présentaient avec une épaule qui ne bougeait plus, sans notion de traumatisme. La capsulite était très variable selon les patients; s'agissant de son apparition, elle pouvait être due à un traumatisme ou non.

Le diagnostic de « syndrome douloureux chronifié » retenu par le Dr C______ signifiait que quelqu'un avait mal et longtemps; il s'agissait d'un diagnostic d'exclusion lorsqu'on ne trouvait rien d'autre.

10.2 Il convient d'examiner l'apport du Dr E______.

10.2.1 Dans son rapport, le radiologue E______ a évoqué des « signes évoquant un début d'une capsulite rétractile de l'épaule gauche ».

10.2.2 Lors de son audition, le témoin, qui pratiquait une dizaine d'examens par jour à la demande de confrères, a expliqué ne pas se souvenir du demandeur. Il ne posait pas de diagnostic vis-à-vis du patient, mais procédait aux examens et rédigeait un rapport, renvoyant la suite du traitement à ses collègues. Il existait des examens plus poussés, notamment une arthro-IRM, qui confirmait ou infirmait ce diagnostic; cette arthro-IRM n'avait pas été faite pour le demandeur.

10.2.3 Les déterminations du Dr E______ ne permettent donc pas de poser le diagnostic de la capsulite rétractile.

10.3 Le dossier de la SUVA ne contient pas de diagnostic de capsulite rétractile au cours de l'année 2018. Il n'y a pas davantage de mention de ce diagnostic dans les documents des HUG ou des médecins traitants en 2018.

10.4 Les Dr B______ et C______ ont été consultés par la défenderesse.

10.4.1 Le témoin B______, médecin-conseil de la défenderesse, a décrit plusieurs incohérences dans les faits allégués par le demandeur: premièrement la chute d'une échelle de 1,20 m est ordinaire; deuxièmement, le demandeur a attendu 12 jours après sa chute pour consulter un médecin; troisièmement, les plaintes du demandeur étaient très disséminées, incompatibles avec les lésions alléguées; quatrièmement, rien d'objectivable n'était constaté onze mois après les faits. Le Dr B______ avait alors requis un examen complémentaire, effectué par le Dr C______. Ce dernier a notamment constaté une mobilité variable du demandeur selon s'il était observé ou non : en effet, le demandeur n'avait aucune difficulté concrète pour s'habiller/se déshabiller.

10.4.2 Selon le Dr B______, l'incapacité de travail maximale est de 20 %.

10.4.3 L'examen clinique par le Dr C______ de l'épaule gauche du demandeur du 27 mai 2019 témoignait de signes de surcharge fonctionnels alliant mouvement de contre-pulsions et d'oppositions actives et des amplitudes variables en fonction de son degré d'attention; cela étant, le demandeur pouvait passer son bras au-dessus de l'horizontale lorsqu'il était observé à son insu pour l'habillage et le déshabillage. Cela excluait les limitations de mobilisations actives, mais surtout passives de l'épaule retrouvées habituellement lors de l'examen clinique des capsulites.

La capsulite rétractile n'impliquait pas nécessairement une atrophie musculaire, mais l'absence d'atrophie musculaire sur l'IRM de l'épaule gauche du 20 juin 2019 paraissait pour le moins difficilement explicable chez un assuré alléguant une altération douloureuse de la mobilité de l'épaule gauche remontant à de nombreux mois et dont les restrictions d'amplitudes chroniques dans son fonctionnement devraient laisser apparaître sur IRM une amyotrophie de la musculature localisée par non-usage.

Il ne niait pas la globalité des douleurs du demandeur, intégrées dans le diagnostic de cervico-dorso-brachialgies gauches chroniques. S'agissant du rapport du Dr D______ du 22 novembre 2022, il ne trouvait aucune critique ou analyse contradictoire. Il trouvait une appréciation différente de la capacité de travail d'un assuré droitier.

10.5 Les différentes positions médicales peuvent être appréciées comme suit.

10.5.1 Comme le Dr B______ l'a relevé, le demandeur avait des douleurs cervicales, dorsales, de l'épaule gauche, du bras gauche et des symptômes neurologiques d'hypoesthésie du membre supérieur gauche (diminution de la sensibilité). Un tableau aussi diffus paraît difficilement compatible avec une seule lésion : il faudrait plusieurs lésions graves pour arriver à autant de symptômes.

10.5.2 L'expertise du Dr C______ montrait aussi la discordance entre les plaintes subjectives du patient et les résultats des examens. Quand on testait le demandeur au niveau de l'épaule, il ne la bougeait pas et se retenait, mais il arrivait à enlever son pull-over. Les mouvements du patient différaient quand il était examiné par le médecin ou quand il était tout seul pour se rhabiller. C'était la différence entre les mouvements que le patient voulait montrer au médecin et la réalité objective quand il s'habillait ou se déshabillait.

10.5.3 L'intervention du Dr D______ est « tardive » par rapport à la chute du 4 mai 2018, puisque la prise en charge du demandeur débute le 12 juin 2019 (d'autres médecins étant intervenus précédemment). Sans que son traitement du demandeur ne doive être remis en question, il est tout de même surprenant que la capsulite rétractile ne soit constatée que treize mois après la chute et qu'aucun médecin n'ait fait ce diagnostic avant le Dr D______.

10.5.4 En cas d'immobilisation de l'épaule pendant treize mois, il y aurait probablement dû y avoir une atrophie musculaire, alors que sur l'IRM il n'y avait pas d'atrophie musculaire. Le courrier du 15 mai 2020 du Dr C______ (pièce 1 déf. = pièce 15 dem.), confirme l'absence d'atrophie musculaire. La position du Dr D______ qui s'y oppose n'était justifiée que par le diagnostic de capsulite; il s'agit d'un raisonnement circulaire qui ne convainc pas.

10.5.5 La position du Dr E______ sur une éventuelle capsulite rétractile n'est qu'une hypothèse, qui aurait dû être objectivée, mais ne l'a pas été.

10.5.6 La chambre de céans considère donc que les positions des Dr C______ et B______, bien que mandatés par la défenderesse, sont plus convaincante que celle du Dr D______, médecin traitant du demandeur. Elles étaient plus claires et plus logiques et relevaient trop de contradictions dans la position du demandeur.

10.6 Le demandeur n'a par conséquent pas prouvé avoir subi une atteinte à la santé conduisant à une incapacité de travail supérieure à 20 %.

10.7 Selon l'art. 35 CGA, une incapacité de travail/de gain de moins de 50 % ne donne droit à aucune prestation. Vu l'absence de preuve de l'incapacité de travail de 50 % au moins, les prétentions du demandeur peuvent donc déjà être rejetées pour ce motif.

11.         A titre subsidiaire, la défenderesse fait valoir que le demandeur n'a pas non plus prouvé son dommage. Le demandeur a répliqué qu'il n'avait pas perçu de salaire en raison de son accident, ce qui lui causait une perte effective.

11.1 La distinction entre assurance de sommes et assurance de dommages a occupé de longue date la doctrine et la jurisprudence. L'assurance de sommes garantit une prestation prédéfinie lors de la conclusion du contrat, qui doit être versée si l'événement assuré survient, sans égard à ses conséquences pécuniaires et à l'existence d'un possible dommage. En revanche, dans une assurance contre les dommages, les cocontractants font de la perte patrimoniale effective une condition autonome du droit aux prestations; une telle assurance vise à compenser totalement ou partiellement un dommage effectif. Toute assurance vise à parer à d'éventuels revers de fortune. Le critère de distinction ne réside donc pas dans le but, mais bien dans les conditions de la prestation d'assurance. L'assurance de sommes permet à l'assuré de cumuler les prétentions en versement des indemnités journalières prévues par le contrat d'assurance avec d'autres prétentions découlant du même événement dommageable. La surindemnisation est possible; conformément à l'art. 96 LCA, les droits que l'ayant-droit aurait contre des tiers en raison du sinistre ne passent pas à l'assureur. L'assurance de dommages, en revanche, est gouvernée par le principe indemnitaire; pour éviter le cumul, l'art. 72 LCA a institué un droit de recours de l'assureur à l'encontre du tiers responsable. Savoir si l'on est en présence d'une assurance de sommes ou de dommages dépend en définitive du contrat d'assurance et des conditions générales (ATF 146 III 339, 342 consid. 5.2.3).

11.2 Selon les art. 15, 18 et 19 CGA, les parties étaient liées par une assurance de dommage. Cela implique cependant l'existence d'un dommage qui doit être non seulement allégué, mais aussi prouvé (cf. arrêt TF 4A_563/2019 du 14 juillet 2020, consid. 5.3.2 non publié de l'ATF 146 III 339).

11.3 En l'espèce, le demandeur n'a pas prouvé avoir subi un dommage que la défenderesse devrait indemniser. Au moment de sa chute, le demandeur avait une activité à temps partiel depuis moins de deux mois. Son revenu annuel annoncé à la CCGC n'avait jamais dépassé CHF 8'523.-. Il n'a pas fourni d'éléments sur les démarches qu'il aurait entreprises pour diminuer son dommage, respectivement pour travailler, au moins à temps partiel; c'est d'ailleurs, l'extrait du compte individuel de la CCGC qui permet de constater qu'il aurait cotisé pour un revenu annuel de CHF 4'702.- en 2019, alors même que, selon lui, il était en incapacité de travail. Enfin, le demandeur lui-même a requis des indemnités limitées à 50 % dès le 26 février 2020, sans expliquer ce qu'il faisait en parallèle.

11.4 Le demandeur n'a donc pas apporté la preuve d'un éventuel dommage; l'argument portant sur l'empêchement de travailler comme preuve du dommage est insuffisant.

11.5 Pour cette raison également, la demande doit être rejetée.

12.         La défenderesse fait encore valoir l'art. 40 LCA relatif aux prétentions frauduleuses. Le demandeur a répliqué qu'il avait produit tout ce qui lui avait été demandé et qu'il rembourserait l'Hospice général s'il obtenait gain de cause.

12.1 Selon l'art. 40 LCA, si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’entreprise d’assurance en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’entreprise d’assurance, ou si, dans le but d’induire l’entreprise d’assurance en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l’art. 39 LCA, l’entreprise d’assurance n’est pas liée par le contrat envers l’ayant droit.

12.2 La défenderesse fait valoir qu'elle a découvert durant la présente procédure que le demandeur avait travaillé en 2019 pour un salaire de CHF 4'702.-. Ce dernier n'avait pas spontanément annoncé ce revenu et ne l'avait pas déduit de ses prétentions. La défenderesse avait donc été induite en erreur.

12.3 Le demandeur n'a pas fourni d'explications à ce sujet.

12.4 En l'espèce, même s'il est positif que le demandeur ait pu quelque peu travailler et déclarer un revenu modeste de CHF 4'702.- à la CCGC en 2019, il est tout de même contradictoire que le demandeur fournisse simultanément des certificats médicaux d'incapacité de travail et réclame des prestations d'une assurance d'une part, et travaille d'autre part. D'ailleurs, lors de l'audience du 30 avril 2021, le demandeur a refusé de répondre aux questions de la défenderesse au sujet d'éventuelles prestations de tiers autre que celles de l'Hospice général qu'il aurait reçues. L'art. 40 LCA permet donc aussi à la défenderesse de s'opposer à toutes prétentions du demandeur.

12.5 Pour cette troisième raison aussi, la demande doit être rejetée.

Frais et dépens

13.         La demande doit dès lors être rejetée. Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge du demandeur (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]), ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare recevable la demande en paiement du 9 juillet 2020 de M. A______ contre ZURICH COMPAGNIE D'ASSURANCES SA.

Au fond :

2.        Rejette la demande.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La valeur litigieuse des conclusions pécuniaires est en l'espèce, au sens de la LTF, supérieure ou égale à CHF 30'000.-.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

Le président suppléant

 

 

 

 

David HOFMANN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le