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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3825/2022

ATAS/176/2023 du 16.03.2023 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3825/2022 ATAS/176/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 mars 2023

5ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise c/o Monsieur B______, à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1, sise rue de Saint-Jean 98, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. A______ SA (ci-après : A______ ou la recourante) est une société anonyme inscrite au registre du commerce de Genève avec comme but social « commerce, location et entretien d'équipements et matériels servant à la production d'images fixes ou mobiles, sonorisées ou muettes, et autres activités se rapportant à la photographie, au cinéma et aux moyens audio-visuels ».

b. Monsieur B______ en est l’administrateur, avec signature individuelle.

c. La caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes FER CIAM 106.1 (ci-après : la caisse ou l’intimée) a procédé, au mois de mai 2022, à un contrôle des déclarations de salaire de la société A______, pour la période allant du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020.

B. a. Par décision de contrôle d’employeur AVS du 3 juin 2022, la caisse a établi un décompte rectificatif pour un montant de CHF 4'275.35, expliquant que cette somme résultait du contrôle lors duquel il avait été procédé à des analyses et à des examens par sondage de la comptabilité de la société, en se basant sur les indications fournies et les documents mis à disposition.

b. Par courrier du 9 juin 2022, A______ s’est opposée à la décision du 3 juin 2022 dans la mesure où elle se fondait sur l’utilisation privée du véhicule Mercedes CLA 250 pris en leasing par la société. Il était exposé que ledit véhicule était utilisé, notamment, pour transporter le matériel photo encombrant lors des interventions et que, bien que confortable, le véhicule en question n’était pas luxueux et même très courant à Genève. Son prix élevé provenait surtout du fait que c’était un véhicule 4 × 4, indispensable pour les reportages en saison d’hiver. L’administrateur ajoutait qu’il n’avait jamais utilisé ce véhicule pour des vacances mais qu’il s’en était parfois servi, en usage privé, pour faire des courses et pour visiter sa mère, qui réside en France voisine. À l’heure actuelle, l’administrateur n’effectuait plus de travail extérieur, pour des raisons médicales, et se déplaçait en scooter. Le véhicule Mercedes était utilisé par l’épouse de l’administrateur, qui était maintenant aide-soignante à domicile. A______ concluait à ce que le décompte rectificatif de la décision du 3 juin 2022 soit modifié en fonction de ces explications.

c. Par courrier du 24 juin 2022, A______ a encore précisé que le véhicule Mercedes était également utilisé pour livrer du matériel à des particuliers ou transporter des systèmes de reproduction photographique. Selon l’administrateur, la société avait participé activement, avec la voiture de fonction, jusqu’en 2019, à des foires photos, comme exposante à Cointrin, Lausanne, Vevey, Zurich, Berne, Lichtensteig, ainsi qu’à des cours pour l’utilisation de matériel de laboratoire et à différentes foires photos de matériel neuf, principalement à Bâle et Zurich.

d. Par décision sur opposition du 25 octobre 2022, la caisse a rejeté l’opposition et a confirmé la décision querellée pour les motifs déjà exposés. Il se justifiait de prendre en compte l’utilisation à des fins privées de la voiture de société car il s’agissait d’un revenu en nature, dont la valeur devait être estimée par la caisse de compensation, notamment sur la base du guide d’établissement du certificat de salaire et de l’attestation de rentes. Selon les propres déclarations de l’administrateur de la société, le véhicule de fonction avait été utilisé à des fins privées, ce qui n’entrait manifestement pas dans l’usage professionnel du véhicule et ce qui correspondait à un avantage en nature soumis à des cotisations sociales. Dès lors, la reprise par CHF 4275.35 était justifiée.

C. a. Par courrier posté en date du 17 novembre 2022, A______ a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition du 25 octobre 2022 en reprenant, en substance, les arguments déjà développés au stade de l’opposition.

b. Par réponse du 16 décembre 2022, la caisse a persisté dans sa décision querellée et a conclu au rejet du recours, ajoutant que les explications figurant dans le recours confirmaient l’utilisation privée du véhicule, ce qui constituait un avantage en nature.

c. Par réplique du 19 janvier 2023, la recourante a fait valoir qu’elle avait traversé une période très difficile [financièrement] en raison de la pandémie COVID-19 et que les activités de la société nécessitaient l’utilisation d’un matériel de qualité dont le véhicule Mercedes faisait partie intégrante. Elle concluait implicitement à l’annulation ou à la réforme de la décision.

d. Par duplique du 25 janvier 2023, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s’appliquent, aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur les cotisations réclamées à la recourante à titre de reprise des salaires suite au rapport de contrôle d’employeur effectué en date du 10 mai 2022. Est litigieux le principe de la reprise effectuée en raison de l’utilisation privée du véhicule de fonction de la société.

5.             Selon l’art. 5 al. 2 LAVS, le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s’ils représentent un élément important de la rémunération du travail.

Font partie de ce salaire déterminant, par définition, toutes les sommes touchées par le salarié, si leur versement est économiquement lié au contrat de travail ; peu importe, à ce propos, que les rapports de service soient maintenus ou aient été résiliés, que les prestations soient versées en vertu d'une obligation ou à titre bénévole. On considère donc comme revenu d'une activité salariée, soumis à cotisations, non seulement les rétributions versées pour un travail effectué, mais en principe toute indemnité ou prestation ayant une relation quelconque avec les rapports de service, dans la mesure où ces prestations ne sont pas franches de cotisations en vertu de prescriptions légales expressément formulées (ATF 131 V 446 consid. 1.1, 128 V 180 consid. 3c, 126 V 222 consid. 4a, 124 V 101 consid. 2 et la jurisprudence citée). 

6.             L’art. 7 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants, du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101) énumère divers éléments du salaire déterminant pour le calcul des cotisations, notamment les prestations en nature ayant un caractère régulier (let. f).

L’office fédéral des assurances sociales a édicté des Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG (ci-après : DSD) qui précisent les éléments entrant en ligne de compte dans le salaire déterminant.

Selon le ch. 2078 DSD, les prestations suivantes de l’employeur sont notamment considérées comme revenu en nature d’un autre genre, lorsqu’elles sont accordées régulièrement : ( ) la remise d’une voiture de société à des fins privées.

S’agissant de l’estimation de la valeur d’une telle prestation, le ch. 2079 DSD précise que la valeur d’un tel revenu en nature d’un autre genre doit être estimée dans chaque cas par la caisse de compensation. On se fondera dans la mesure du possible sur les taux correspondants prévus par la législation de l’impôt fédéral direct ou par le droit fiscal cantonal, pour autant que certains taux n’aient pas déjà été fixés par la CNA. Les caisses de compensation évaluent l’utilisation à des fins privées de la voiture de société de manière identique à celle applicable à l’impôt fédéral direct. Le ch. 2079 DSD renvoie à l’art. 5a de l’ordonnance du DFF sur la déduction des frais professionnels des personnes exerçant une activité lucrative dépendante en matière d’impôt fédéral direct du 10 février 1993 (RS - 642.118.1) (ci-après : l'ordonnance sur les frais professionnels).

L’art. 5a de l’ordonnance sur les frais professionnels traite de la question des frais de déplacement en cas d’utilisation gratuite d’un véhicule de fonction à des fins privées. Il prévoit (al. 1) que s’il utilise gratuitement un véhicule de fonction pour des déplacements entre son lieu de domicile et son lieu de travail et à d’autres fins privées, le contribuable peut procéder à un calcul forfaitaire de ses frais de déplacement au lieu d’établir un décompte des frais effectifs de l’utilisation privée et de faire valoir la déduction des frais de déplacement visée à l’art. 5. L’al. 2 du même article précise qu’aux fins du calcul forfaitaire des frais de déplacement, 0,9 % du prix d'achat du véhicule est considéré comme un revenu mensuel provenant de cette utilisation.

7.             En l’espèce, la recourante fait grief à l’intimée d’avoir tenu compte du véhicule de fonction en considérant qu’il s’agissait d’un avantage en nature. L’administrateur justifie l’utilisation de ce véhicule par la société tout en alléguant que ce dernier l’a plutôt « défavorisé », en l’obligeant, notamment, à louer une place de parking couvert à sa charge.

L’intimée de son côté se fonde sur les déclarations de l’administrateur, qui a expliqué utiliser le véhicule de fonction pour des trajets privés, notamment pour faire des courses et pour rendre visite à sa mère, en France, ce qui se constitue un avantage en nature faisant partie du salaire déterminant.

7.1 À l’appui de son argumentation, l’intimée cite une partie des allégués de la recourante, dont l’administrateur déclare dans son recours « concernant les petits déplacements que nous avons effectués pour faire des courses notamment : ceux-ci doivent se monter à quelques centaines de kilomètres en cinq ans. Concernant les visites à ma mère : je lui fais ses courses deux fois par mois car elle a du mal à se déplacer. Elle habite à C______ (18 km de Genève). C’est le seul avantage que me procure l’usage privé de ce véhicule ! ».

Compte tenu des pièces au dossier et des allégations des parties, il ne fait aucun doute que le véhicule de la société a été loué par cette dernière (contrat de leasing) dans le but d’être utilisé pour les besoins de la société, notamment pour les déplacements professionnels et le transport de matériel photographique.

Cependant, cela n’exclut pas que ledit véhicule soit également utilisé à des fins privées, ce que l’administrateur a reconnu, tout en soutenant que ledit véhicule avait été loué pour les besoins de la société.

Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu’il y a eu de la part de l’administrateur de la société une utilisation à des fins privées du véhicule de fonction qui n’entre pas dans le cadre de l’usage professionnel.

7.2 Cette constatation implique de tenir compte de la prestation en nature que constitue l’utilisation privée du véhicule de fonction, ladite prestation devant être prise en compte dans le salaire déterminant.

La recourante ne conteste pas, spécifiquement, la quotité du montant de la reprise, soit l’estimation faite par l’intimée pour convertir en espèces l’avantage en nature que constitue l’utilisation privée du véhicule.

S’agissant de ce calcul, l’intimée expose dans sa décision sur opposition avoir tenu compte de la valeur d’acquisition du véhicule hors TVA, à raison de 0.8 % par mois soit 9.6 % par an, conformément au guide pour l’établissement du certificat de salaire et de l’attestation de rente, ch. 2.2 publié par la conférence suisse des impôts et par l’administration fédérale des contributions (ci-après : le guide CSI-AFC).

S’agissant de la part privée pour le véhicule de service, le guide CSI-AFC expose, sous ch. 2.2, que pour les véhicules en leasing, il ne faut pas calculer la part privée sur la base du prix d’achat mais sur la base du prix d’achat au comptant (hors TVA) figurant dans le contrat de leasing ou, éventuellement, du prix du véhicule (hors TVA) fixé par le contrat. Il en va de même lorsqu’un travailleur dispose d’un véhicule de location au lieu d’un véhicule de fonction. La valeur marchande du véhicule au début de la période de location ou, si différents véhicules sont loués, la valeur moyenne de la catégorie de véhicule correspondante est déterminante pour le calcul de la part privée. Le montant ainsi calculé constitue une prestation salariale complémentaire dont jouit I'employé en plus de son salaire en espèces.

La recourante fait valoir qu’elle a, dans un premier temps, conclu un contrat de leasing sur le véhicule de fonction tout en ajoutant avoir, par la suite, racheté ledit véhicule à sa valeur résiduelle. Néanmoins, elle ne fournit aucune pièce supportant cette dernière allégation. Il sied donc de se fonder sur le contrat de leasing pour estimer la valeur de la prestation en nature.

Le contrat de leasing conclu par la recourante, en date du 24 novembre 2015 en qualité de preneuse de leasing, indique un prix d’achat au comptant de CHF 74'000.-, TVA de 8 % comprise, et une durée du contrat de soixante mois. La redevance mensuelle de leasing est fixée à CHF 969.- plus CHF 77. 50 au titre de la TVA de 8 %, soit un montant mensuel TVA comprise de CHF 1046.50.

7.3 Selon les décomptes fournis par l’intimée, cette dernière s’est fondée sur le prix d’achat du véhicule, fixé dans le contrat de leasing, soit CHF 74'000.-. Une fois soustrait le montant de la TVA, soit CHF 5'481.-, on aboutit à un montant de CHF 68'519.- représentant la valeur d’achat du véhicule hors TVA.

Après quoi, l’intimée a calculé un montant annuel correspondant au taux de 9.6 % de CHF 68'519.-, soit CHF 6'578.- par année, qui constitue l’estimation de la valeur constituée par l’avantage en nature résultant de l’utilisation privée du véhicule en question.

Ce calcul est exact et correspond à la méthode de calcul exposée dans le guide CSI-AFC.

Le montant de CHF 6'578.- a ensuite été intégré au salaire déterminant, pour les années 2017 à 2020, sous poste « part privée du véhicule », soit un montant global de CHF 26'312.- sur lequel la caisse a dû procéder au calcul des cotisations sociales AVS/AI/APG, les cotisations AC, les contributions paritaires AMat, les contributions AF et enfin les contributions aux frais d’administration, le tout aboutissant, pour les années 2017 à 2020, à un montant de reprise de CHF 4'275.35 (hors intérêts moratoires par CHF 564.35, non contestés par la recourante).

Aucun élément ne permet de douter de l’exactitude des calculs effectués par l’intimée pour établir le montant de la reprise.

8.             Compte tenu de ce qui précède, la décision querellée est bien fondée et le recours doit être rejeté.

9.             Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le