Skip to main content

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2197/2022

ATAS/172/2023 du 16.03.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2197/2022 ATAS/172/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 mars 2023

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sacha CAMPORINI

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1971, a fait l’objet d’une décision rendue par l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) du 17 octobre 2019 lui octroyant un trois quarts de rente ordinaire, pour un degré d’invalidité de 60 %.

b. Par courrier du 7 juin 2021, contresigné par l’assurée, son médecin traitant, la doctoresse B______, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, a informé l’OAI que la situation médicale de l’assurée s’était aggravée et qu’il y avait désormais une incapacité totale de travail dans l’activité antérieure, de manière prolongée. Elle concluait par une demande de réexamen du droit de l’assurée à une rente invalidité entière.

c. Par courrier du 7 juillet 2021, l’OAI a informé l’assurée que sa demande de prestations ne pouvait être examinée que si cette dernière rendait plausible que l’invalidité s’était modifiée de façon à influencer ses droits, depuis la dernière décision.

B. a. Par projet de décision du 22 février 2022, l’OAI s’est déterminé, indiquant qu’il entendait ne pas entrer en matière sur la demande de prestations de l’assurée dès lors que cette dernière ne présentait pas d’aggravation de son état de santé pouvant influencer la modification du taux d’invalidité qui avait été fixé à 60 % lors de la dernière décision entrée en force. La détermination de l’OAI était fondée sur un avis médical de son service médical régional (ci-après : le SMR), daté du même jour, se rapportant à l’ultime rapport du SMR du 21 mai 2019, dans lequel une capacité de travail de 0 % dans l’activité habituelle d’aide-ménagère avait été estimée ainsi qu’une capacité de travail de 50 % dans une activité adaptée. Après lecture de l’appréciation médicale du 7 juin 2021 de la Dresse B______, le médecin du SMR, le docteur C______, considérait que la rhumatologue traitante n’apportait pas de nouveaux éléments médicaux objectifs et qu’une capacité de travail nulle avait déjà été retenue dans l’activité habituelle d'aide-ménagère.

b. Par courrier du 3 mars 2022, l’assurée a informé l’OAI de son opposition au refus d’entrer en matière, indiquant que pour toute information complémentaire, il fallait s’adresser à ses médecins traitants, soit la doctoresse D______, généraliste, le professeur E______, spécialiste FMH en traumatologie, chirurgie de la hanche et du bassin, et la Dresse B______.

c. Par réponse du 8 mars 2022, l’OAI a accusé réception de la détermination de l’assurée tout en précisant que les éléments figurant dans son courrier ne contenaient pas de nouveaux éléments médicaux, susceptibles de modifier le projet de décision. L’assurée était donc invitée à compléter son audition par de nouveaux éléments médicaux, avant l’échéance du délai, à savoir le 18 avril 2022. Il lui était également rappelé que, dans le cadre de l’audition, c’était à l’assurée de faire parvenir tous les rapports médicaux appuyant ses déterminations à l’OAI.

d. Dans un courrier daté du 8 avril 2022, l’assurée a communiqué à l’OAI les avis médicaux de ses trois médecins traitants :

-        la Dresse B______, par avis médical du 14 mars 2022, soutenait l’assurée dans son recours, ajoutant que l’évolution au cours des années était défavorable avec des difficultés de plus en plus importantes dans les déplacements et les activités de la vie quotidienne, notamment une aggravation de la boiterie ainsi que le développement de lombalgies chroniques et de gonalgies gauches. Elle considérait qu’en raison des douleurs chroniques, sa patiente était en incapacité totale de travail depuis le 30 avril 2021 et que sa capacité de travail dans son activité antérieure d’aide à domicile était nulle de manière définitive. Elle considérait qu’aucune activité n’était adaptée à son handicap et qu’après l’échec des différentes options thérapeutiques, aucune mesure médicale ne pouvait augmenter la capacité de travail de l’assurée ;

-        le Dr E______, par certificat médical daté du 28 mars 2022, confirmait suivre l’assurée depuis l’année 2000 pour une dysplasie sévère de la hanche gauche, de nature congénitale, ce qui avait entraîné des séquelles, à savoir un raccourcissement du membre inférieur gauche, une atrophie musculaire globale du membre inférieur gauche avec des répercussions au niveau du rachi lombaire et du genou gauche. Il ajoutait suivre régulièrement l’assurée à la consultation, à raison de deux ou trois consultations par année ; sa patiente se plaignait actuellement de douleurs dorsolombaires et de douleurs dans le genou gauche qui entraînaient une incapacité totale de travail à l’heure actuelle. Il concluait que l’assurée n’était pas en mesure d’exercer sa profession d’aide-ménagère, gouvernante ou assistante de vie pour personnes âgées et qu’aucune intervention chirurgicale n’était actuellement indiquée ; par ailleurs, le traitement de physiothérapie en cours, à raison de deux séances hebdomadaires, se poursuivait ;

-        la Dresse D______, par avis médical du 31 mars 2022, rappelait que l’assurée était connue pour une dysplasie de hanche gauche congénitale avec MIG plus court traité déjà dans l’enfance par étirement. Elle ajoutait qu’elle suivait l’assurée depuis 2006 et avait pu constater, au fil des années, une aggravation progressive, avec l’installation de lombalgies et gonalgies chroniques, malgré une physiothérapie adaptée et des infiltrations. L’évolution était considérée comme défavorable et l’affectait de plus en plus dans la vie quotidienne ; la boiterie et les douleurs provoquaient des difficultés dans les déplacements, ce qui entraînait dernièrement une souffrance psychologique et écartait l’assurée de la vie sociale. Le médecin traitant ajoutait que, depuis le 30 avril 2021, suite à une nouvelle aggravation de ses douleurs chroniques, l’assurée était à l’arrêt de travail total et sa capacité de travail, dans son activité antérieure d’aide à domicile, était nulle. Elle ajoutait que, selon elle, après l’échec des différents traitements entrepris, il lui semblait qu’aucune activité ne serait adaptée au handicap de sa patiente et qu’aucune mesure médicale ne pouvait augmenter sa capacité de travail.

e. Par avis médical du SMR, daté du 13 avril 2022, le Dr C______ a résumé le contenu des pièces médicales reçues et a conclu que l’assurée avait rendu plausible une aggravation durable de son état de santé et qu’il appartenait à l’OAI d’instruire le volet rhumatologique et psychiatrique. L’OAI a demandé à la Dresse B______ de compléter un rapport médical intermédiaire, ce que cette dernière a fait en date du 28 avril 2022. Elle considérait que l’état de santé de l’assurée s’était aggravé, qu’il n’y avait pas de changement dans les diagnostics, que les diagnostics ayant une influence sur la capacité de travail étaient les lombalgies gauches, les coxalgies gauches chronique suite PTH ainsi que les gonalgies gauches chroniques et qu’une aggravation des douleurs s’était produite depuis avril 2021 entraînant, selon elle, une incapacité totale de travail depuis le 30 avril 2021. De nouvelles mesures professionnelles n’étaient pas indiquées et l’assurée ne requérait, pour les gestes quotidiens de la vie, aucune aide régulière par une tierce personne. Le médecin traitant considérait également qu’un examen médical complémentaire n’était pas nécessaire et indiquait avoir effectué le dernier examen médical de l’assurée en date du 28 février 2022.

f. Par avis médical du 31 mai 2022, le Dr C______ a résumé le dossier, se fondant principalement sur les appréciations médicales de la Dresse B______. Il estimait que dans le cadre de l’instruction médicale, ladite doctoresse n’apportait pas de nouveaux éléments objectifs permettant d’évaluer une quelconque aggravation de l’état de santé, notamment par de nouveaux traitements, de radiographies ou d’indication opératoire, tout en considérant que, selon elle, il n’y avait pas d’activité adaptée au handicap de sa patiente, sans en préciser les raisons. Il ajoutait que l’assurée n’avait pas de suivi psychiatrique depuis des années. En conclusion, le SMR se fondait sur son avis du 21 mai 2019 rendu dans la précédente procédure devant l’OAI et retenait une capacité de travail toujours nulle dans l’activité habituelle et de 50 % dans une activité adaptée.

g. Par décision du 1er juin 2022, l’OAI a confirmé son refus d’entrer en matière, rappelant que par décision du 17 octobre 2019, il avait reconnu à l’assurée un degré d’invalidité de 60 % dès le 1er janvier 2019. Suite à la réception, en date du 25 juin 2021, de la demande de révision de rente invalidité présentée par l’assurée, qui alléguait une aggravation de l’état de santé, l’OAI avait procédé à une instruction et après avoir pris connaissance du rapport médical transmis par l’assurée, il considérait qu’elle ne présentait pas d’aggravation de son état de santé pouvant influencer la modification du taux d’invalidité. Dans le cadre de la procédure d’audition menée à la suite du courrier de l’assurée du 3 mars 2022, les nouvelles pièces médicales avaient été transmises au SMR qui, après analyse de ces pièces, avait considéré que les éléments ne remettaient pas en cause ses précédentes conclusions médicales. Par conséquent, les conclusions du projet de décision du 22 février 2022 étaient maintenues dans leur globalité.

C. a. Par acte de son mandataire posté le 4 juillet 2022, l’assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision de refus d’entrer en matière du 1er juin 2022, concluant principalement à son annulation, à la constatation de l’invalidité à 100% de la recourante et à l’octroi d’une rente invalidité entière, tout en demandant à la chambre de céans de lui octroyer un délai supplémentaire pour compléter le recours, dès réception de la copie du dossier de l’OAI.

b. Par réponse du 8 août 2022, l’OAI a considéré que l’assurée avait introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s’était modifiée. Après examen des rapports produits par les médecins traitants de l’assurée, l’OAI constatait qu’aucun des rapports produits ne faisait état d’une aggravation de la santé objectivée médicalement et se limitaient principalement à retranscrire des plaintes anamnestiques qui étaient, par ailleurs, comparables aux atteintes de l’assurée connues préalablement. Selon l’OAI, les médecins traitants ne faisaient état d’aucun élément médical nouveau, ni de limitations fonctionnelles plus importantes, se bornant à alléguer une aggravation de l’état de santé. L’OAI considérait que le dernier rapport du SMR daté du 21 mai 2019 - rendu dans le cadre de la précédente demande - rapportait un tableau clinique comparable, de même que les plaintes de l’assurée quant aux douleurs aux hanches et aux lombaires, tout en retenant que l’activité habituelle n’était plus exigible. Au vu du contenu des rapports transmis, l’OAI ne pouvait que refuser d’entrer en matière sur la demande de prestations et concluait au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

c. Dans son mémoire complémentaire au recours du 4 juillet 2022, daté du 12 octobre 2022 et valant réplique, le mandataire de la recourante a décrit le contenu des appréciations médicales des médecins traitants qui avaient été transmises à l’OAI. Selon la recourante, les rapports médicaux produits dans le cadre de l’instruction de la cause indiquaient clairement une nette péjoration de son état de santé depuis 2019, fondée sur les plaintes de la recourante, tout en admettant que ces dernières étaient difficiles à objectiver et en alléguant une nette augmentation de ses limitations fonctionnelles, dès lors que même un travail assis avec possibilité de changer de position ne semblait plus convenir selon les limitations fonctionnelles décrites par les médecins de la recourante. En conclusion, la décision querellée contenait des constatations inexactes car le rapport du SMR n’était pas exempt de contradictions et incomplet, et l’aspect psychosomatique de l’atteinte à la santé semblait avoir été ignoré, car aucune instruction n’avait été menée à ce titre. La recourante concluait à l’annulation de la décision querellée et à ce qu’il soit fait droit à sa demande d’octroi d’une rente invalidité entière, dès le 1er août 2021, en raison du fait qu’elle était invalide à 100 % à compter du 30 avril 2021, le tout sous suite de frais et dépens. Un chargé complémentaire contenait d’autres pièces médicales qui n’avaient pas encore été produites devant l’OAI soit :

-        un rapport médical de la Dresse D______, daté du 29 août 2022, indiquant que les limitations fonctionnelles de l’assurée s’étaient dégradées par rapport à la situation de 2019 car à cette époque, la patiente pouvait encore effectuer un travail en position assise ou debout, de durée limitée ; actuellement les douleurs étaient constantes, malgré l’augmentation du traitement et affectaient en permanence la patiente. Les limitations fonctionnelles supplémentaires se retrouvaient dans le sommeil, avec une répercussion sur la capacité de concentration et sur le plan psychologique, le médecin considérant que l’assurée souffrait actuellement d’un état dépressif, malgré un traitement antidépresseur et un suivi psychiatrique. Elle confirmait l’aggravation notable de l’état de santé de l’assurée, depuis le 30 avril 2021, en raison des douleurs avec un traitement antalgique majoré, étant précisé que la patiente était en attente d’une convocation à la consultation de la douleur des Hôpitaux universitaires de Genève ;

-        une appréciation médicale de la Dresse B______, datée du 30 août 2022, décrivant notamment une aggravation des limitations fonctionnelles de l’assurée par rapport à la situation qui prévalait en 2019, à savoir une limitation des déplacements, uniquement en terrain plat, non accidenté, au maximum de trente minutes ; une limitation de la station assise ou debout après une demi-heure et l’impossibilité de porter des charges d’un poids supérieur à 5 kg, de manière répétée. S’additionnaient à ses limitations fonctionnelles plus marquées, des douleurs qui ne répondaient plus aux mesures thérapeutiques usuelles (dérivés opiacés, AINS, paracétamol, physiothérapie ) ;

-        une appréciation médicale, datée du 12 septembre 2022, signée par la doctoresse F______, psychiatre et psychothérapeute, attestant que l’assurée bénéficiait d’un suivi psychiatrique et psychothérapeutique depuis le 13 juin 2022 en raison d’un épisode dépressif moyen (F 32.1). Selon la psychiatre, l’état dépressif évoluait depuis le printemps 2021 et s’inscrivait dans le contexte des douleurs chroniques qui avaient généré une incapacité de travail de longue durée. Il en résultait une baisse thymique modérée avec angoisse dépressive, aboulie et anhédonie, troubles du sommeil, fatigue importante, troubles de l’attention et de la concentration, troubles de la mémoire immédiate, hyperphagie avec prise de 10 kg en un an, mauvaise image de soi et idées noires sans idéation suicidaire. L’assurée était décrite comme ayant abandonné ses activités de loisirs et ses centres d’intérêt, restreint ses contacts sociaux et arrivant à réaliser avec difficultés des tâches basiques de la vie quotidienne.

d. La réplique de la recourante, mentionnant les pièces nouvellement produites, a été transmise à l’OAI qui n’a pas réagi.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

f. Les autres faits seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, l’état de fait déterminant est antérieur à l’année 2022, la recourante ayant allégué une aggravation de son état de santé depuis le mois d’avril 2021, de telle sorte que la LAI et ses dispositions d’application seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations de la recourante.

4.              

4.1 Selon l'art. 87 al. 2 et 3 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201), dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2012, lorsqu'une demande de révision est déposée, celle-ci doit établir de façon plausible que l'invalidité, l'impotence ou l'étendue du besoin de soins ou du besoin d'aide découlant de l'invalidité de l'assuré s'est modifiée de manière à influencer ses droits (al. 2). Lorsque la rente, l'allocation pour impotent ou la contribution d'assistance a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, parce qu'il n'y avait pas d'impotence ou parce que le besoin d'aide ne donnait pas droit à une contribution d'assistance, la nouvelle demande ne peut être examinée que si les conditions prévues à l'al. 2 sont remplies (al. 3).

La jurisprudence développée sous l'empire de l'art. 87 al. 3 et 4 RAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2011, reste applicable à l'art. 87 al. 2 et 3 RAI modifié dès lors que la demande de révision doit répondre aux mêmes critères.

4.2 L’exigence de l’art. 87 al. 3 RAI (ATF 109 V 262 consid. 3 p. 264 s.) doit permettre à l'administration, qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 125 V 410 consid. 2b p. 412, 117 V 198 consid. 4b p. 200 et les références). Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles. Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée d'entrée de cause et sans autres investigations par un refus d'entrée en matière. À cet égard, l'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter. Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se fondant sur l'art. 87 al. 4 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 108 consid. 2b p. 114).

5.             Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68 s.). Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73a RAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) - qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer - à la procédure régie par l'art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) ; ATF 124 II 265 consid. 4a p. 269 s.). Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués.

6.              

6.1 L'exigence du caractère plausible de la nouvelle demande selon l'art. 87 RAI ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent alors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS 2003, p. 396 ch. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_596/2019 du 15 janvier 2020).

6.2 Lors de l'appréciation du caractère plausible d'une modification déterminante des faits influant sur le droit aux prestations, on compare les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la décision administrative litigieuse et les circonstances prévalant à l'époque de la dernière décision d'octroi ou de refus des prestations (ATF 130 V 64 consid. 2 ; 109 V 262 consid. 4a). L’examen du juge se limite, ainsi, au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifient ou non la reprise de l'instruction du dossier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 précité consid. 4.1).

7.             En l’espèce, il convient, pour examiner le bien-fondé du refus de l’intimé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations de la recourante, de comparer les faits tels qu’ils se présentaient au jour de la décision litigieuse, le 1er juin 2022, avec ceux présents au 17 octobre 2019, date de la précédente décision de l’OAI reconnaissant un degré d’invalidité de 60 %, dès le 1er janvier 2019.

En se fondant sur l’appréciation médicale de la Dresse B______, datée du 7 juin 2021 et valant demande de réexamen en raison d’une aggravation de l’état de santé de l’assurée, le SMR a, dans un premier temps, considéré par avis médical daté du 22 février 2022 que la rhumatologue n’apportait pas de nouveaux éléments objectifs et que l’assurée n’avait pas rendu plausible une aggravation durable de son état de santé.

Après réception du projet de décision de refus d’entrer en matière, l’assurée a transmis à l’OAI trois appréciations médicales, respectivement rédigées par la Dresse B______ (le 14 mars 2022), le Prof. E______ (le 28 mars 2022) et la Dresse D______ (le 31 mars 2022).

Dans son avis médical du 13 avril 2022, le SMR ne s’est prononcé que sur le rapport médical de la Dresse B______ daté du 14 mars 2022, sans mentionner les appréciations médicales du Prof. E______ et de la Dresse D______. Le médecin-conseil C______ est tout de même parvenu à la conclusion que, par rapport au précédent rapport médical du 21 mai 2019, l’assurée avait rendu plausible une aggravation durable de son état de santé ; il demandait à ce que le volet rhumatologique et psychiatrique soient instruits.

Une note téléphonique de l’OAI, datant du 14 avril 2022, fait état d’un contact avec l’assurée afin de savoir si elle bénéficiait d’un suivi psychiatrique, cette dernière répondant qu’elle n’était pas suivie par un médecin psychiatre depuis des années.

De manière inexplicable, le même médecin-conseil C______, dans son avis médical SMR du 31 mai 2022, semble prendre le contre-pied de ses propres conclusions telles qu’elles ressortent de l’avis médical susmentionné du 13 avril 2022 et considère que la rhumatologue n’apporte pas de nouveaux éléments objectifs permettant d’évaluer une quelconque aggravation de l’état de santé. Il mentionne encore que l’assurée n’a pas de suivi psychiatrique depuis des années et conclut, de manière totalement opposée à sa précédente conclusion contenue dans son rapport du 13 avril 2022, que l’avis du SMR du 21 mai 2019 reste valable et qu’il faut retenir une capacité de travail toujours nulle dans l’activité habituelle et de 50 % dans une activité adaptée.

C’est sur la base de cette conclusion du SMR que l’OAI rend la décision querellée du 1er juin 2022.

Les éléments mentionnés ci-dessus indiquent clairement une contradiction dans les conclusions du SMR telles qu’elles résultent du rapport du 13 avril et de celui du 31 mai 2022, alors même que le médecin-conseil C______ semble se fonder sur la même appréciation médicale, constante, de la rhumatologue. La seule différence vient du contact établi dans l’intervalle avec l’assurée, qui a confirmé ne pas faire l’objet d’un suivi psychiatrique.

On peine à comprendre les raisons pour lesquelles l’absence de suivi psychiatrique pourrait avoir une influence sur la manière dont les troubles somatiques sont considérés par le SMR dans le rapport du 13 avril puis dans celui du 31 mai 2022, avec des conclusions diamétralement opposées. S’y ajoute le fait que le SMR n’a fait état, à aucun moment, des appréciations médicales des médecins traitants E______ et D______, qui vont pourtant dans le même sens que la rhumatologue B______ et confirment l’aggravation de l’état de santé de l’assurée.

Il convient également de relever que l’OAI ne s’est pas déterminé sur les appréciations médicales supplémentaires des Dresses D______ et B______, faisant état de limitations fonctionnelles supplémentaires résultant de l’aggravation de l’état de santé de l’assurée, qui ont été transmises par la recourante en annexe à son complément de recours valant réplique et communiquées par la chambre de céans à l’OAI, en date du 13 octobre 2022.

Compte tenu des contradictions relevées supra dans les avis médicaux du SMR et du fait que l’OAI ne s’est pas prononcé sur les pièces médicales complémentaires transmises dans le cadre du recours, la chambre de céans considère que l’instruction du cas n’a pas été effectuée de manière rigoureuse et que les conclusions de l’OAI selon lesquelles l’assurée n’est pas parvenue à établir de façon plausible l’aggravation de son état de santé doivent être écartées à la lecture des pièces du dossier, et notamment des appréciations médicales de ses médecins traitants.

8.             Ainsi, la chambre de céans considère que la recourante a rendu plausible une aggravation de son état de santé, depuis la dernière décision entrée en force du 17 octobre 2019, et qu’il se justifie que l’intimé procède à un nouvel examen de son cas.

9.             Sur le plan psychiatrique, la recourante produit une appréciation médicale, datée du 12 septembre 2022, signée par la Dresse F______, psychiatre et psychothérapeute, attestant que l’assurée bénéficie d’un suivi psychiatrique et psychothérapeutique depuis le 13 juin 2022 en raison d’un épisode dépressif moyen (F 32.1). Le médecin traitant ajoute que « l’état dépressif qui évolue depuis le printemps 2021, s’inscrit dans le contexte de douleurs chroniques ayant généré une incapacité de travail de longue durée ».

Or, selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Toutefois, les faits survenus postérieurement doivent être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

En l’espèce, les troubles psychiatriques n’ont jamais été invoqués auparavant par l’assurée et le certificat médical délivré par la Dresse F______ confirme que le suivi psychiatrique a débuté le 13 juin 2022, soit postérieurement à la décision querellée rendue en date du 1er juin 2022.

Néanmoins, selon ce qu’indique le certificat en question, il se pourrait que les troubles psychiatriques aient débuté au mois d’avril 2021, soit avant que la décision querellée ne soit rendue, et puissent ainsi avoir participé à l’aggravation de l’état de santé de l’assurée. Cette possibilité avait par ailleurs été évoquée par le SMR, dans son rapport du 13 avril 2022, concluant que l’assurée avait « rendu plausible une aggravation durable de son état de santé » et demandant au CM « d’instruire le volet rhumatologique et psychiatrique ».

Dès lors, il sera également nécessaire que l’OAI instruise la possibilité que des troubles psychiatriques se soient manifestés avant le 1er juin 2022.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision du 1er juin 2022 annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la nouvelle demande de la recourante.

11.         La recourante obtenant partiellement gain de cause et étant assistée d’un avocat, une indemnité de CHF 1’500.- lui sera accordée, à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.         Un émolument de CHF 200.- sera mis à la charge de l'intimé (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimé du 1er juin 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la nouvelle demande de la recourante, au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 1’500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le