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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1909/2022

ATAS/178/2023 du 17.03.2023 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1909/2022 ATAS/178/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 mars 2023

9ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, ST-SULPICE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître David METILLE, avocat

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), ressortissante suisse d’origine marocaine née le ______ 1969, mère de deux enfants nés en 1994 et 1998, est arrivée en Suisse en 1990.

b. Elle s’est mariée en 1993 avec un ressortissant saoudien, avec lequel elle a vécu en Arabie saoudite jusqu’en 1998 et dont elle a divorcé.

c. Dès 1999, l’assurée est retournée en Suisse avec ses deux enfants et s’est établie à Genève, où elle a travaillé en tant que vendeuse, puis en tant que serveuse dans un restaurant, jusqu’en décembre 2005.

d. L’assurée n’a plus travaillé depuis lors et a bénéficié de prestations de l’Hospice général.

B. a. Le 4 mars 2012, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé). Elle a précisé être suivie par les docteurs B______, médecin généraliste, et C______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

b. Du 26 novembre au 6 décembre 2012, l’assurée a séjourné à la Clinique genevoise de Montana, où il lui a été diagnostiqué un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans somatisation, ainsi qu’un trouble de la personnalité sans précision, avec éléments de personnalité histrionique.

c. Invité par l’OAI à compléter un rapport, le Dr C______ a confirmé, le 2 mai 2013, le diagnostic de trouble de la personnalité sans précision, avec éléments de personnalité histrionique. Il a également fait état d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger sans symptômes psychotiques, et d’un trouble anxieux sans précision. Il a précisé que l’assurée, qui bénéficiait d’une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique tous les quinze jours, ne respectait pas bien ses rendez-vous, et qu’elle avait refusé le traitement stabilisateur de l’humeur qu’il lui avait proposé. Bien qu’irrégulière, cette prise en charge permettait d’obtenir une certaine stabilité clinique et de diminuer les risques de décompensation psychiatrique. Le Dr C______ estimait qu’en raison de sa dépression, l’assurée présentait « actuellement » une incapacité de travail totale, et suggérait de réévaluer le cas une année plus tard.

d. Également invité à compléter un rapport, le Dr B______ a indiqué, le 5 décembre 2013, que l’assurée présentait un état dépressif et que sa capacité de travail était nulle.

e. L’assurée a transmis à l’OAI divers certificats d’arrêt de travail établis dès le 1er septembre 2013 (et renouvelés à diverses reprises) par le Dr B______, ainsi qu’un certificat rédigé le 4 mars 2015 par le Dr C______.

f. L’OAI a diligenté une (première) expertise auprès du docteur D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 2 avril 2015, le Dr D______ a retenu les diagnostics de trouble de la personnalité, sans précision, et de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger. Il a également mentionné un « symptôme (recte : syndrome) douloureux somatoforme persistant chronique ». L’expert n’a pas été en mesure de se déterminer sur la capacité de travail et l’évolution de celle-ci, relevant que l’assurée n’avait pas travaillé depuis 2005, qu’elle n’avait jamais suivi un traitement psychiatrique régulier et qu’il ne disposait d’aucun constat quant à sa capacité de travail. L’expert a précisé que la réalisation de l’expertise avait été rendue difficile, en raison de la collaboration déficiente de l’assurée, laquelle avait manqué les entretiens à deux reprises ; par ailleurs, de nombreuses discordances entre le dossier médical et le discours de la patiente avaient été mises en évidence. Un suivi médico-psychiatrique régulier était préconisé.

g. Sur demande, le Dr C______ a transmis à l’OAI, le 14 mai 2015, les dates de ses consultations avec l’assurée. Il a notamment indiqué avoir eu un entretien avec l’assurée en 2010, six en 2012, sept en 2013, quatre en 2014 et un en 2015. L’assurée – qui n’adhérait pas entièrement à son traitement et annulait souvent les rendez-vous – prenait du Seroquel et du Xanax en cas de besoin. La poursuite d’un suivi psychiatrique et psychothéraeutique lui paraissait indispensable.

h. Le 29 janvier 2016, la doctoresse E______, médecin généraliste, a indiqué suivre l’assurée depuis le 27 février 2015. Elle a retenu les diagnostics avec effet sur la capacité de travail de personnalité émotionnellement labile, de trouble anxieux et dépressif mixte, ainsi que de syndrome douloureux chronique. Dans la profession antérieure, elle a retenu une totale incapacité de travail du 1er avril au 31 mai 2015, ainsi que du 1er juillet au 31 décembre 2015. Par ailleurs, à la question de savoir dans quelle mesure et depuis quand une activité professionnelle adaptée au handicap était envisageable, la Dresse E______ a répondu que, dès le 1er février 2016, une telle activité lui paraissait possible à 50%.

i. Par avis des 4 mai 2015 et 28 avril 2016, la doctoresse F______, médecin auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a préconisé la mise en œuvre d’une expertise bidisciplinaire en rhumatologie et psychiatrie, après avoir jugé que l’expertise rendue par le Dr D______ était lacunaire à plusieurs égards et donc non concluante.

j. En vue de réaliser cette nouvelle expertise, l’OAI a mandaté les docteurs G______, spécialiste FMH en rhumatologie, et H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

Dans son rapport du 20 février 2018 (volet rhumatologique de l’expertise), le Dr G______ a retenu le diagnostic avec effet sur la capacité de travail de syndrome cervicobrachial récurrent, sans signe radiculaire irritatif ou déficitaire, et de discopathie C5-C6. Il a également mentionné les diagnostics, sans répercussion sur la capacité de travail, de lombopygialgies, sans signe radiculaire irritatif ou déficitaire chronique, de minime discopathie L5-S1, de syndrome polyinsertionnel douloureux récurrent de type fibromyalgie, ainsi que d’omalgies gauches, sans signe de conflit et sans substrat organique. Le Dr G______ a estimé qu’au plan rhumatologique, l’assurée bénéficiait d’une capacité de travail (« exigibilité ») de 90% dans l’activité antérieure de serveuse. Dans une activité adaptée, permettant de limiter le port répété de charges supérieures à 5-10 kg en porte-à-faux et avec un long bras de levier, ainsi que les positions impliquant une hyperextension de la nuque de façon prolongée, il a jugé que la capacité de travail pourrait être totale.

Dans son rapport du 5 mars 2019 (volet psychiatrique de l’expertise), le Dr H______ a retenu le diagnostic de dysthymie et de personnalité histrionique. Relevant que l’assurée ne répondait pas à ses questions, se montrait très plaintive et se positionnait en victime, l’expert a qualifié de « très mauvaise » la collaboration de celle-ci à l’expertise. Dans ses constatations, le Dr H______ a relevé, entre autres, que l’assurée, scolarisée et intelligente, disposait de davantage de ressources que ce qu’elle laissait paraître ; l’intéressée avait été capable de se marier une première fois, de s’établir en Arabie saoudite, où elle avait vécu quatre ans, puis de gérer sa séparation et son retour en Suisse, ainsi que de s’occuper de ses enfants (dont une fille souffrant de troubles psychiatriques), bien qu’elle disait être fatiguée. Elle pouvait s’appuyer sur ses amies, sa famille (à laquelle elle était capable de demander de l’aide), ainsi que sur la religion. Le Dr H______ a précisé ne retenir aucune limitation fonctionnelle. S’agissant des traitements, le Dr H______ a indiqué que l’assurée ne prenait aucune médication psychotrope et que la prise en charge psychiatrique avait toujours été irrégulière, selon le dossier. Une éventuelle réadaptation professionnelle paraissait vouée à l’échec, l’assurée se positionnant en victime et s’attendant à percevoir une rente. Par ailleurs, les plaintes de l’assurée n’apparaissaient ni plausibles, ni cohérentes au regard de l’examen clinique et des activités journalières. Malgré lesdites plaintes, l’assurée demeurait capable d’avoir des activités journalières, sans qu’apparaissent des signes cliniques d’une maladie psychiatrique ou d’une dysthymie décompensée. L’expert a retenu que, même si la dysthymie et la personnalité histrionique de l’assurée avaient pu être décompensées, suite au décès de son mari puis au viol de sa fille, l’intéressée avait toujours bénéficié, sous l’angle psychiatrique, d’une capacité de travail de 100% dans toute activité professionnelle.

C. a. Le 5 juillet 2019, l’OAI a adressé à l’assurée un préavis (projet) de décision, à teneur duquel il envisageait de lui refuser l’octroi d’une rente d’invalidité. L’OAI y a retenu qu’en octobre 2013, six mois après le dépôt par l’assurée de sa demande, sa capacité de travail et de gain était entière, ce dont il résultait un degré d’invalidité (inférieur à 20%) insuffisant pour avoir droit à des prestations de l’assurance-invalidité.

b. Par courrier du 20 juillet 2019, l’assurée s’est opposée au préavis de décision et a transmis à l’OAI divers rapports, dont un bref courrier adressé le 17 juillet 2019 au docteur I______, chirurgien orthopédiste, par la doctoresse J______, médecin praticien, à teneur duquel elle présentait depuis un mois une douleur au niveau de la cheville. Une récente imagerie par résonnance magnétique avait mis en évidence une fracture de l’astragale, avec rupture ligamentaire.

c. Le 12 octobre 2020, l’assurée a informé l’OAI par téléphone qu’elle avait déménagé dans le canton de Vaud.

d. Dans le cadre de l’instruction de l’opposition, l’OAI a sollicité des rapports complémentaires auprès des médecins de l’assurée. Dans ce contexte, l’office a notamment obtenu :

-          un rapport établi le 14 octobre 2020 par le Dr B______, faisant notamment état d’un état dépressif moyen à sévère, avec altération du fonctionnement adaptatif actuel, ainsi que de douleurs lombaires et cervicales. Ce médecin a répondu par la négative à la question de savoir si l’assurée était capable d’exercer une activité professionnelle adaptée à son état de santé ;

-          un rapport daté du 23 novembre 2020 et émanant du docteur K______, médecin généraliste, relevant, entre autres, que l’assurée ne présentait pas de limitations fonctionnelles d’ordre somatique, qu’elle ne s’était pas vue attester une incapacité de travail en lien avec ses problèmes physiques, invitant par ailleurs l’OAI à s’adresser à son psychiatre au sujet de l’exigibilité d’une activité professionnelle ;

-          un rapport rédigé le 12 mars 2021 par le docteur L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, retenant les diagnostics suivants : trouble de personnalité émotionnellement labile de type borderline (F63.3) ; état de stress post-traumatique (F43.1) ; trouble de la personnalité sans précision, avec des éléments de personnalité histrionique (F60.4) ; trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans syndrome somatique (F33.10) ; trouble anxieux sans précision (F41.9) ; syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4). Retenant diverses limitations psychiques (manque d’énergie, fatigue « au moindre effort », difficultés dans les interactions sociales, labilité émotionnelle durable, difficultés de concentration, troubles de la mémoire, diminution de la résistance au stress, faible conscience morbide, phases de décompensation périodiques), Dr L______ a conclu à une capacité de travail nulle (0%), aussi bien dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée aux limitations psychiques. Il a ajouté que l’état de santé de l’assurée s’était aggravé ces dernières années, surtout suite à une agression sexuelle subie par sa fille.

e. Par avis du 18 mai 2021, le docteur M______, médecin auprès du SMR, a préconisé la mise en œuvre d’une nouvelle expertise bidisiciplinaire en psychiatrie et rhumatologie, après avoir relevé que les deux expertises réalisées jusqu’alors étaient anciennes, que l’assurée s’était fracturée l’astragale durant l’été 2019 et que l’expert H______ n’avait pas discuté la question d’un trouble sans substrat organique (alors qu’il avait pourtant mentionné un diagnostic de syndrome douloureux chronique évoqué par le Dr B______ et que l’expert G______ avait mentionné une fibromyalgie).

f. Le 1er février 2022, l’assurée a fait parvenir à l’OAI diverses pièces, dont un bilan de radiographie du poignet droit daté du 12 décembre 2021 et signé par le docteur N______, spécialiste FMH en radiologie, lequel faisait état d’une fracture (non déplacée) du versant palmaire de l’extrémité distale du radius, ainsi que d’une fracture (non déplacée) de la styloïde ulnaire.

g. L’OAI a ordonné une expertise rhumatologique et psychiatrique auprès du Centre d’expertises médicales (CEMed). Dans leur rapport du 8 avril 2022, les docteurs O______, spécialiste FMH en rhumatologie, et P______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu les diagnostics suivants : majoration de troubles physiques pour des raisons psychologiques (F68.0), évoluant depuis plusieurs années ; personnalité histrionique (F60.4) ; « probable » dysthymie ancienne (F34.1), actuellement masquée par la majoration des troubles et le trouble de la personnalité ; omalgies gauches persistantes sur tendinopathie calcifiante ; lombalgies basses sur troubles statiques modérés. Les experts ont retenu que, depuis le 17 mars 2020 (soit deux ans avant le volet rhumatologique de l’expertise), l’assurée était totalement incapable d’exercer son activité antérieure de serveuse, compte tenu notamment d’une symptomatologie de tendinopathie calcifiante. En revanche, ils ont conclu que l’assurée bénéficiait d’une capacité de travail de 100% dans toute activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (soit toute profession permettant d’alterner les positions debout / assise et d’éviter le port de charges supérieures à 3 kg avec le membre supérieur gauche, respectivement le port de charges supérieures à 6 kg avec les deux membres supérieurs ensemble, les travaux avec les membres supérieurs en hauteur, ainsi que les flexions antérieures du tronc, les positions accroupies et l’exposition au froid) ; les experts ont toutefois précisé retenir une diminution de rendement de 20% depuis le 17 mars 2020, en lien avec des douleurs de l’épaule gauche.

h. Par décision du 5 mai 2022, adressée initialement (par pli recommandé) à l’ancienne adresse genevoise de l’assurée, puis réexpédiée, le 12 mai 2022, à sa nouvelle adresse dans le canton de Vaud (le pli initial ayant été retourné à l’administration avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée »), l’OAI a dénié à l’intéressée le droit à une rente d’invalidité et à des mesures d’ordre professionnel. L’OAI a retenu que l’assurée bénéficiait, depuis le 1er janvier 2013, d’une capacité de travail de 100% dans toute activité adaptée à ses limitations, avec une diminution de rendement de 20% depuis le 17 mars 2020, ce qui conduisait à une incapacité de gain équivalente de 20%, insuffisante pour ouvrir droit à une rente. Par ailleurs, vu la capacité de travail dont disposait l’assurée dans toute activité simple ne nécessitant pas de formation, la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel ne se justifiait pas.

i. À la demande du mandataire consulté par l’assurée, l’OAI lui a transmis, les 20 et 23 mai 2022, un cd-rom contenant la version informatisée du dossier.

D. a. Par acte du 10 juin 2022, l’assurée a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la CJCAS) d’un recours, concluant, sous suite de frais et dépens, principalement à l’annulation de la décision du 5 mai 2022 et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité depuis le 1er septembre 2012, subsidiairement à la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique et rhumatologique ou au renvoi de la cause à l’OAI afin qu’il mette lui-même en œuvre une telle expertise.

À l’appui de son recours, l’assurée a notamment joint un bref certificat établi le 23 mai 2022 par le Dr C______, lequel a repris son suivi psychiatrique depuis le mois de mars 2022. L’assurée, suivie en raison d’un trouble de l’humeur récurrent, s’était entretenue avec lui en mai 2022 et son état psychique demeurait tributaire d’entretiens psychiatriques et psychothérapeutiques réguliers.

b. Dans sa réponse du 12 juillet 2022, l’intimé a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué le 7 septembre 2022, en persistant dans ses conclusions et en produisant diverses pièces supplémentaires, notamment :

-          un rapport daté du 27 juin 2022 et rédigé par le Dr C______, retenant les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger (F32.0), trouble anxieux, sans précision (F41.9), ainsi que de trouble de la personnalité, sans précision, avec des éléments de personnalité histrionique (F60.4). Le Dr C______ y concluait que, dans une activité adaptée, l’on ne pouvait pas attendre de l’assurée une capacité de travail globale de plus de 50%. Selon lui, l’assurée devait pouvoir reprendre une activité professionnelle à 50%, moyennant la poursuite d’une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique ;

-          un bilan de radiographie de l’épaule gauche, daté du 31 août 2022 et signé par le docteur Q______, spécialiste FMH en radiologie, faisant état de « multiples calcifications péri et humérales, s’étendant sur presque deux centimètres en projection du trajet du supra-épineux » ;

-          un bilan d’échographie de l’épaule gauche, daté du 2 septembre et signé par le docteur R______, spécialiste FMH en radiologie, concluant à une tendinose calcifiante du supra-épineux, à une ténosynovite du long biceps et à l’absence de déchirure tendineuse.

d. Le 25 novembre 2022, l’intimé a transmis à la CJCAS copie de divers rapports supplémentaires qui lui avaient été communiqués par la recourante, notamment :

-          un bref rapport daté du 19 septembre 2022, dans lequel le docteur S______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, suggérait une « ablation sous arthroscopie », au vu des lésions (tendinopathie calcifiante du sous-épineux) présentées par la recourante et de son âge ;

-          quatre certificats d’arrêt de travail (à 100%), établis respectivement par les docteurs B______, K______, T______ et C______, couvrant la période du 1er septembre au 30 novembre 2022 ;

-          diverses prescriptions médicales émises entre les mois d’août et novembre 2022 par les médecins consultés par la recourante.

e. L’intimé a dupliqué le 20 décembre 2022, persistant dans ses conclusions tendant au rejet du recours et relevant que les dernières pièces transmises par la recourante ne mettaient pas en évidence d’élément objectif nouveau qui serait susceptible de remettre en question son appréciation.

À l’appui de sa duplique, l’intimé a produit un avis rédigé le 8 décembre par la doctoresse U______, médecin auprès du SMR. La Dresse U______ y relevait que les problèmes et limitations liés à l’épaule gauche avaient déjà été pris en compte par l’experte rhumatologue en avril 2022. Si la recourante devait être opérée de l’épaule, il pourrait être retenu une incapacité de travail transitoire de quelques semaines. Quant aux divers certificats médicaux produits, ils ne se référaient à aucune atteinte particulière et le SMR avait déjà retenu une incapacité de travail totale dans l’activité habituelle. Enfin, les ordonnances concernant le traitement des douleurs et de l’anxiété ne mettaient pas non plus en évidence d’élément objectif nouveau.

f. Cette écriture a été transmise à la recourante.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

1.2 Par ailleurs, en dérogation à l’art 58 al. 1 LPGA (for du domicile de l’assuré au moment du dépôt du recours), l’art. 69 al. 1 let. a LAI prévoit que les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l’office concerné.

En l’espèce, dès lors que la décision attaquée a été rendue par l'office AI du canton de Genève, la chambre de céans est également compétente ratione loci pour connaître du litige.

2.             Il convient d’examiner si le recours a été formé en temps utile.

2.1 Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 et 58 LPGA). Le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours (art. 60 al. 1 LPGA).

S’agissant d’un acte soumis à réception, la décision est considérée valablement notifiée au moment où elle entre dans la sphère de puissance de l’assuré et que ce dernier est à même d’en prendre connaissance. Il n’est pas nécessaire qu’il en ait effectivement pris connaissance (Valérie DÉFAGO GAUDIN, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 40 ad art. 49 LPGA ; et référence citée).

Pour être régulière, la notification doit intervenir à l’adresse indiquée par la partie elle-même à l’autorité. L’expédition doit être opérée à l’adresse mentionnée, jusqu’à ce qu’un avis de changement ait été communiqué à l’autorité. À défaut de notification à l’adresse indiquée, la notification sera irrégulière, avec toutes les conséquences qu’entraîne cette constatation (Yves DONZALLAZ, La notification en droit interne suisse, Berne 2002, n° 913 et 918).

La notification irrégulière d'une décision ne doit entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 38 PA et 49 LTF; art. 49 al. 3 LPGA). Cependant, la jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification; la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité. Il y a lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme; ainsi l'intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu'il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu'il entend contester (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa ; 111 V 149 consid. 4c et les références). Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (SJ 2000 I p. 118).

Le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. En ce qui concerne plus particulièrement la notification d'une décision ou d'une communication de l'administration, elle doit au moins être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis en matière d'assurance sociale (ATF 136 V 295 consid. 5.9). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve (ou de vraisemblance prépondérante) en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 129 I 8 consid. 2.2; 124 V 400 consid. 2a et les références).

Le principe de la bonne foi entre administration et administré, qui résulte des art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 9b).

2.2 En l’espèce, l’intimé a d’abord adressé sa décision du 5 mai 2022, par pli recommandé, à l’ancienne adresse genevoise de la recourante, à Versoix. Le 11 mai 2022, l’intimé a toutefois reçu cette décision en retour, avec la mention « le destinataire est introuvable à l’adresse indiquée ». L’intimé a donc expédié, le 12 mai 2022, un nouvel exemplaire de sa décision (semble-t-il par pli simple et par pli recommandé), cette fois-ci à l’adresse vaudoise de la recourante, laquelle indique avoir reçu la décision litigieuse le 13 mai 2022.

À l’instar de ce que fait valoir la recourante – dont les explications à cet égard ne sont pas remises en question par l’intimé – la chambre de céans constate que la recourante avait fait le nécessaire, dès le mois d’octobre 2020, pour indiquer à l’office intimé sa nouvelle adresse dans le canton de Vaud (cf. pièce 165 du dossier de l’intimé). L’intimé en avait tenu compte, à tout le moins dans un premier temps, en lui adressant diverses communications à sa nouvelle adresse vaudoise, dont celles relatives à la mise en œuvre de l’expertise diligentée auprès du CEMed (cf., entre autres, les pièces 166, 167, 174 et 191 du dossier de l’intimé). Malgré cela, l’intimé a initialement expédié la décision du 5 mai 2022, par erreur, à l’ancienne adresse de la recourante, sans tenir compte du changement d’adresse. Il convient d’admettre que cette tentative initiale de notification était irrégulière, sans que l’on puisse imputer de faute à la recourante.

La notification n’a pu intervenir que le 13 mai 2022 au plus tôt, date à laquelle la recourante a finalement pu prendre connaissance de la décision après que celle-ci lui a été envoyée à son adresse actuelle dans le canton de Vaud, selon ses déclarations (incontestées). Partant, la recourante a agi en temps utile en saisissant la chambre de céans d’un recours le 10 juin 2022 (art. 60 al. 1 LPGA).

Déposé dans la forme prévue par la loi, son recours est recevable (art. 61 let. b LPGA).

3.             Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, le droit éventuel à une rente est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

4.             L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaquée. D'après cette définition, l'objet de la contestation et l'objet du litige sont identiques lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble. En revanche, lorsque le recours ne porte que sur une partie des rapports juridiques déterminés par la décision, les rapports juridiques non contestés sont certes compris dans l'objet de la contestation, mais non pas dans l'objet du litige (ATF 125 V 414 consid. 1b et 2).

En l'espèce, dans la décision attaquée, l'intimé a refusé d'accorder à la recourante une rente d'invalidité et des mesures d'ordre professionnel. Dans son recours, l'assurée se limite à requérir l'octroi d'une rente, sans remettre en question le refus de l'intimé de lui accorder des mesures d'ordre professionnel. Est donc seul litigieux, devant la chambre de céans, son droit éventuel à une rente d'invalidité.

5.             Il convient, en premier lieu, de se déterminer sur le grief de la recourante tiré d’une violation de son droit d’être entendue. La recourante reproche en effet à l’intimé d’avoir statué sans l’avoir préalablement informée de la teneur de l’expertise qu’il avait diligentée auprès du CEMed, dans le cadre de la procédure de préavis, et sans l’avoir invitée « au besoin » à requérir un complément d’expertise.

5.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend, de manière générale, le droit de prendre connaissance du dossier, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2; 122 I 109 consid. 2a; 114 Ia 97 consid. 2a et les références citées). Le droit d'accès au dossier comprend celui de consulter les pièces au siège de l'autorité, de prendre des notes et de faire des photocopies, pour autant que cela n'entraîne aucun inconvénient excessif pour l'administration (ATF 126 I 7 consid. 2b ; ATF 122 I 109 consid. 2d et les arrêts cités).

Une condition nécessaire du droit de consulter le dossier est que l'autorité, lorsqu'elle verse au dossier de nouvelles pièces dont elle entend se prévaloir dans sa décision, soit tenue d'en aviser les parties (ATF 124 II 137 consid. 2b, 114 Ia 100 consid. 2c et les références). Encore qu'elle ne soit pas obligée de les renseigner sur chaque production de pièces, car il suffit qu'elle tienne le dossier à leur disposition (ATF 112 Ia 202 consid. 2a et les références; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 250/02 du 25 octobre 2002 consid. 3.3).

Pour autant qu'elle ne soit pas d'une gravité particulière, une violation du droit d'être entendu, peut être considérée comme réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen (ATF 132 V 387 consid. 5.1 et les arrêts cités). La réparation d'un vice éventuel doit cependant demeurer l'exception (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa ATF 126 V 130 consid. 2b). Néanmoins, même en cas de violation grave du droit d'être entendu, un renvoi de la cause pour des motifs d'ordre formel à l'instance précédente peut être exclu, par économie de procédure, lorsque cela retarderait inutilement un jugement définitif sur le litige, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'intimée, ni de l'assuré dont le droit d'être entendu a été lésé (ATF 132 V 387 consid. 5.1).

5.2 En l’espèce, on peut certes s’étonner que l’intimé n’ait pas spontanément transmis à la recourante le rapport d’expertise du CEMed dans le cadre de la procédure de préavis, soit avant le prononcé de la décision attaquée du 5 mai 2022. Cela étant, par l’intermédiaire de son conseil, la recourante a pu prendre connaissance dudit rapport dès le 24 mai 2022 au plus tard (soit au moment où son mandataire s’est vu transmettre par l’intimé une version informatisée du dossier), ensuite de quoi elle a pu se déterminer à ce propos devant la chambre de céans, tant dans son mémoire de recours que dans sa réplique. Or, compte tenu du plein pouvoir d’examen dont dispose la juridiction de céans, une éventuelle violation du droit d’être entendu devrait en toute hypothèse être considérée comme réparée, ce d’autant plus qu’un renvoi de la cause ne ferait que retarder inutilement la procédure (dans le même sens, cf. ATAS//73/2023 du 7 février 2023 consid. 6.4 ; cf. également arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal fribourgeois 605 2018 141 du 19 novembre 2018 consid. 2). Partant, le grief tiré d’une violation d’être entendu doit être écarté.

6.              

6.1 L'assuré a droit à une rente lorsqu'il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d'au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable et qu'au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins (cf. art. 28 al. 1 let. b et c LAI, en sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2008 - 5ème révision AI). En vertu de l'art. 28 al. 2 LAI, l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à 70 % au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s'il est invalide à 40 % au moins.

6.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

La notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L'atteinte à la santé n'est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l'assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409 consid. 4.5.1). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2). Lorsque dans le cas particulier, il apparaît clairement que de tels motifs d'exclusion empêchent de conclure à une atteinte à la santé, il n'existe d'emblée aucune justification pour une rente d'invalidité. Dans la mesure où les indices ou les manifestations susmentionnés apparaissent en plus d'une atteinte à la santé indépendante avérée, les effets de celle-ci doivent être corrigés en tenant compte de l'étendue de l'exagération (ATF 141 V 281 consid. 2.2.2).

Par ailleurs, pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

6.4 En cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Ces indicateurs sont classés comme suit :

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3)

A.      Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3)

B.       Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.       Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.5 Le Tribunal fédéral a récemment rappelé qu’en principe, seul un trouble psychique grave peut avoir un caractère invalidant. Un trouble dépressif de degré léger à moyen, sans interférence notable avec des comorbidités psychiatriques, ne peut généralement pas être défini comme une maladie mentale grave. S'il existe en outre un potentiel thérapeutique significatif, le caractère durable de l'atteinte à la santé est notamment remis en question. Dans ce cas, il doit exister des motifs importants pour que l'on puisse néanmoins conclure à une maladie invalidante. Si, dans une telle constellation, les spécialistes en psychiatrie attestent sans explication concluante (éventuellement ensuite d'une demande) une diminution considérable de la capacité de travail malgré l'absence de trouble psychique grave, l'assurance ou le tribunal sont fondés à nier la portée juridique de l'évaluation médico-psychiatrique de l'impact (ATF 148 V 49 consid. 6.2.2 et les références).

6.6 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

6.7 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Par ailleurs, si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

7.              

7.1 En l’espèce, après avoir ordonné en 2015 une expertise psychiatrique auprès du Dr D______ (qu’il a jugée non concluante), puis en 2018 une première expertise rhumatologique et psychiatrique auprès des Drs G______ et H______ (qu’il a jugée partiellement incomplète), l'intimé a diligenté en 2022 une seconde expertise rhumatologique et psychiatrique auprès du CEMed, à l’issue de laquelle les experts ont conclu que la capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles était de 100% « depuis toujours », avec toutefois une perte de rendement de 20% retenue dès le 17 mars 2020. Sur cette base, l'intimé, dans la décision attaquée, a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité.

La recourante conteste essentiellement la valeur probante de l’expertise du CEMed. Elle reproche notamment aux experts d’avoir relativisé dans une mesure inadmissible le viol subi par sa fille. Par ailleurs, elle voit une divergence dans « l’approche » par les experts de sa « gestion du quotidien », dans la mesure où l’experte rhumatologue aurait considéré qu’elle pouvait assumer ses tâches ménagères sans restrictions, alors que l’experte psychiatre a consigné, au sujet de l’accomplissement des activités ménagères : « un peu, mais dit qu’elle n’a pas le courage et qu’elle a trop mal ». Elle en déduit qu’il serait erroné de prétendre qu’elle est parfaitement autonome au quotidien, comme cela ressortirait de l’expertise. En outre, l’experte rhumatologue, en indiquant qu’elle pouvait assumer ses tâches ménagères sans restriction, aurait omis de préciser qu’elle cuisinait des plats simples et qu’elle entretenait son logement « à son propre rythme », ce qui suggérerait une diminution de rendement non négligeable. Elle se prévaut notamment du rapport du Dr C______ daté du 27 juin 2022.

La chambre de céans constate que l'expertise rhumatologique et psychiatrique du CEMed est fondée sur une anamnèse complète, intégrant un résumé des pièces pertinentes versées au dossier, mais également sur les indications subjectives de l'assurée, des examens cliniques complets, ainsi qu'une évaluation consensuelle du cas. En outre, ses conclusions sont motivées, de sorte qu'elle satisfait aux réquisits jurisprudentiels topiques en matière de valeur probante.

7.2 Il ressort de cette expertise qu’au plan rhumatologique, l’experte a constaté des omalgies gauches persistantes en relation avec une tendinopathie calcifiante, ainsi que des lombalgies basses en lien avec des troubles statiques modérés. La mobilité du rachis a été jugée normale, tout comme celle des épaules, l’experte ayant néanmoins signalé (outre la tendinopathie calcifiante) des signes de conflit sous-acromial modéré au niveau de l’épaule gauche. L’experte a également jugé normal l’examen du genou gauche (malgré des plaintes de douleurs), tout comme celui du poignet droit, dont il était ressorti une mobilité normale et symétrique par rapport au côté gauche, ainsi qu’une récupération fonctionnelle « totale » depuis la fracture qu’avait subie la recourante en décembre 2021. En outre, l’experte a constaté que l’assurée était capable de marcher sur les talons et la pointe des pieds, ainsi que de s’accroupir et de se relever sans difficultés. La seule pathologie somatique induisant des limitations fonctionnelles était la tendinopathie calcifiante de l’épaule gauche, pour laquelle une intervention chirurgicale pouvait éventuellement être envisagée, selon l’experte (laquelle soulignait néanmoins que le contexte lui paraissait défavorable au vu des circonstances « bio-psycho-sociales », de l’absence de possibilités de rééducation chez une patiente plaintive et kinésiophobe, ainsi que du risque d’évolution vers une « épaule gelée »). Les limitations fonctionnelles (soit alterner les positions debout / assise et éviter le port de charges supérieures à 3 kg avec le membre supérieur gauche, respectivement le port de charges supérieures à 6 kg avec les deux membres supérieurs ensemble, de même que les travaux avec les membres supérieurs en hauteur, les flexions antérieures du tronc, les positions accroupies et l’exposition au froid) n’empêchaient toutefois pas l’exercice d’une activité adaptée à 100%, moyennant une diminution de rendement de 20% liée aux douleurs alléguées par la recourante, diminution de rendement qui était retenue dès le 17 mars 2020, soit deux ans avant le volet rhumatologique de l’expertise.

La chambre de céans observe que les conclusions reproduites ci-dessus ont été formulées à l’issue d’un examen clinique détaillé et qu’elles apparaissent pleinement convaincantes, dans la mesure où elles tiennent compte des (quelques) limitations fonctionnelles relevées dans le cadre du volet rhumatologique de l’expertise, ainsi que de l’effet desdites limitations sur le rendement exigible de la recourante. De surcroît, les plaintes formulées par la recourante (notamment les douleurs déplorées au niveau de l’épaule gauche, de la région lombaire basse et du genou gauche) ont été dûment consignées par l’experte. Pour le reste, la recourante n’invoque aucun élément qui permettrait de s’écarter de l’analyse de l’experte rhumatologue et, plus généralement, des conclusions formulées par les experts du CEMed, comme on va le voir (cf. infra consid. 7.4).

7.3 En ce qui concerne le volet psychiatrique, l’experte a exclu le diagnostic de syndrome somatoforme douloureux évoqué avant elle par les Drs D______ et L______, en soulignant l’existence d’étiologies identifiées aux plaintes douloureuses, ainsi que l’absence de détresse psychique en lien avec lesdites plaintes. L’experte a précisé que les critères requis par les classifications internationales pour retenir un état de stress post-traumatique n’étaient pas non plus remplis. En outre, l’experte a relevé que, quand bien même l’existence d’épisodes dépressifs antérieurs ne pouvait pas être formellement écartée, la majoration des troubles apparaissait au premier plan, étant précisé de surcroît que la recourante ne s’était jamais vue prescrire de traitement antidépresseur ou thymorégulateur (qu’elle avait toujours refusé), de sorte que l’hypothèse d’incapacités de travail antérieures ne pouvait pas être retenue en priorité. En revanche, l’experte psychiatre a retenu les diagnostics de majoration de troubles physiques et psychiques pour des raisons psychologiques, évoluant depuis plusieurs années (F68.0), ainsi que de personnalité histrionique (F60.4). Elle a également évoqué une « probable » dysthymie ancienne (F34.1), actuellement masquée par la majoration des troubles et le trouble de la personnalité. S’agissant des éléments pertinents pour le diagnostic de personnalité histrionique, l’experte a souligné l’existence de traits de théâtralisme, associés à une dramatisation, à une hyperexpressivité émotionnelle, ainsi qu’à une recherche de séduction. L’experte a également fait état d’une composante d’« exagération manifeste » des symptômes, qui l’a amenée à retenir le diagnostic de majoration de troubles physiques et psychiques pour des raisons psychologiques. À ce propos, la chambre de céans relève que, dans la mesure où les experts du CEMed n’ont, malgré l’exagération constatée, pas retenu de motifs d’exclusion (au sens de l’ATF 141 V 281 consid. 2.2) qui auraient permis de nier d’emblée toute atteinte à la santé ayant valeur de maladie, il se justifiait d’examiner le cas à l’aune des indicateurs prescrits par la jurisprudence, comme ils l’ont d’ailleurs fait.

7.3.1 En ce qui concerne tout d’abord l’indicateur lié au « caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic », la chambre de céans estime que l’on peut d’emblée nier un degré de gravité important de la maladie psychique au vu des diagnostics et des symptômes pertinents rapportés par l’experte psychiatre (et résumés ci-dessus), ainsi que de la composante d’exagération qu’elle a relevée, étant précisé que l’experte n’a pas fait état de limitations psychiques significatives (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

7.3.2 S'agissant ensuite de l’indicateur lié au succès du traitement ou à la résistance à celui-ci (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2), l’experte psychiatre a relevé que la recourante avait récemment changé de psychiatre à plusieurs reprises, sans donner d’explications claires à ce sujet. Elle était désormais suivie par le Dr C______, avec lequel les entretiens mensuels étaient « non structurés » (ce par quoi on peut comprendre irréguliers). La recourante apparaissait peu proactive dans sa prise en charge et ne semblait manifester qu’une adhésion de façade. Elle avait refusé tout médicament (antidépresseur ou thymorégulateur) en dehors d’une prescription de Temesta à visée hypnotique, et ne bénéficiait pas de traitement psychotrope ou de psychothérapie ciblée ; si un traitement thymorégulateur et une psychothérapie pouvaient être conseillés afin de favoriser une meilleure maîtrise des émotions, il était peu probable que la recourante y adhère. Vu l’absence de pathologie durablement incapacitante, le pronostic concernant les chances de guérison était théoriquement bon, mais une reprise du travail paraissait compliquée chez la recourante, plaintive, qui n’avait pas travaillé depuis environ 15 ans et adoptait une posture de victime. En outre, une mesure de réadaptation apparaissait théoriquement possible, mais l’adhésion de la recourante à celle-ci paraissait sujette à caution.

Au regard de ce qui précède, et notamment du refus par la recourante d’un traitement thymorégulateur ou antidépresseur (tel que proposé par le Dr C______), ainsi que de l’absence de suivi psychothérapeutique, force est de constater que l’expertise ne met pas en évidence l’échec de tout traitement conforme aux règles de l'art. On ne saurait donc déduire de l’indicateur lié au traitement d’indice en faveur d’une maladie psychique grave, qui ne serait pas susceptible d’être traitée malgré une coopération optimale de la recourante.

7.3.3 Par ailleurs, l’on ne saurait inférer la réalisation concrète de l’indicateur « comorbidité », et partant un indice suggérant la gravité et le caractère invalidant de l’atteinte à la santé, de la seule existence de maladies psychiatriques et somatiques concomitantes, dans la mesure où il ne ressort pas de l’expertise du CEMed que le cumul des pathologies priverait la recourante de ressources (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3). Les experts ont en effet relevé que les trois diagnostics psychiatriques qu’ils retenaient étaient « non incapacitant[s] », tandis que celui de tendinopathie calcifiante de l’épaule gauche, évoqué au plan rhumatologique, n’empêchait pas l’exercice d’une activité à plein temps (moyennant une diminution de rendement de 20%), conformément à ce qui a été précédemment exposé.

7.3.4 En ce qui concerne l’indicateur afférent aux ressources personnelles (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2), l’experte psychiatre a notamment exposé que, durant son entretien avec la recourante, cette dernière avait démontré de bonnes capacités de communication et sa faculté à s’adapter au cadre de l’expertise. L’experte a précisé que des croyances dysfonctionnelles paraissaient altérer la flexibilité mentale, mais qu’elles étaient probablement majorées par la recourante, à l’instar de ses plaintes. En outre, même si l’endurance était probablement altérée en raison du long déconditionnement professionnel, il n’avait été mis en évidence, lors de l’expertise, ni troubles de la concentration, ni troubles de la mémoire, ni fatigabilité psychique ou physique. Par ailleurs, en dépit de nombreuses plaintes qui paraissaient à tout le moins majorées, voire peu authentiques, la recourante semblait assez autonome dans les actes de la vie quotidienne et elle avait, par exemple, été capable d’organiser un pèlerinage à la Mecque, en décembre 2021, lequel n’avait été annulé (selon ses déclarations à l’experte psychiatre) qu’en raison d’un traumatisme au poignet.

Les éléments qui précèdent tendent à démontrer que la recourante dispose de ressources mobilisables, susceptibles d’être mises à profit dans le domaine professionnel. Ce constat paraît corroboré par le fait qu’en 2019, dans le cadre de la première expertise rhumatologique et psychiatrique, l’expert H______ avait, lui aussi, souligné l’absence de limitations psychiques et l’existence de ressources chez la recourante.

7.3.5 S'agissant de l’indicateur lié au contexte social (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3), il ressort de l’expertise que la recourante vit seule, dans le canton de Vaud, et fait partie d’une fratrie de quatre enfants. Le père de la recourante est décédé, tandis que sa fille et sa mère vivent en Suisse, à Genève, tout comme l’une de ses sœurs, à tout le moins (NDR : le volet rhumatologique de l’expertise mentionne que deux sœurs vivent à Genève, alors que le volet psychiatrique indique qu’une seule y résiderait). La recourante a également un fils, qui était au service militaire au moment de l’expertise. La recourante a indiqué entretenir des relations difficiles avec les membres de sa famille, notamment avec sa fille, ne pas avoir d’amis et ne voir « personne ». Paradoxalement, invitée par l’experte psychiatre à décrire le déroulement d’une journée-type, elle a fait état de visites occasionnelles chez sa fille (cf. rapport de la Dresse P______ du 8 avril 2022, p. 25). Même si de prime abord et au vu des déclarations de la recourante, le réseau social peut sembler restreint, il convient de relever que les indications fournies par l’intéressée sont sujettes à caution : l’experte psychiatre a précisé qu’il lui avait été difficile d’obtenir des réponses précises au sujet des relations familiales, dans la mesure où la recourante tenait des propos souvent contradictoires et répondait rarement aux questions posées. En outre, on remarquera que, dans le cadre de l’expertise antérieure diligentée en mars 2019, la recourante avait fait mention de relations amicales (« [la recourante] dit qu’elle va marcher vers le lac, elle va chercher quelques amies, elles discutent et vont boire un café au bord du lac » [cf. p. 13 du rapport d’expertise du Dr H______]), ce qui plaide plutôt contre un retrait social important et a fortiori contre un contexte social particulièrement défavorable.

Il apparaît ainsi que les indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel », analysés sur la base de l'expertise du CEMEd, conduisent à nier le caractère sévère des troubles affectant la recourante.

7.3.6 Enfin, en ce qui concerne l’aspect de la « cohérence » (ATF 141 V 281 consid. 4.4), l’experte psychiatre a indiqué qu’à de nombreuses reprises, la recourante s’était montrée contradictoire dans ses propos (par exemple en prétendant qu’elle ne voulait pas de rente, bien qu’elle avait réitéré, pendant plusieurs années, sa demande en ce sens, mais également en se déclarant définitivement incapable de travailler tout en affirmant qu’elle voulait guérir, ou encore en indiquant, dans le cadre du volet psychiatrique de l’expertise, ne pas être allée à la Mecque en décembre 2021 [en raison d’une fracture du poignet], alors qu’elle avait prétendu le contraire dans le cadre du volet rhumatologique). Le discours de la recourante s’était révélé imprécis, digressif, plaintif et théâtral, et la recourante pouvait se montrer revendicatrice, à la limite de la sthénicité. L’experte psychiatre est parvenue à la conclusion que les plaintes de la recourante n’apparaissaient pas cohérentes avec l’observation médicale objective. De son côté, l’experte en rhumatologie a fait état de constatations allant dans le même sens, en faisant remarquer que, même si la recourante mettait sans cesse ses douleurs au premier plan, ses activités quotidiennes semblaient relativement préservées (l’intéressée gérait son ménage, se faisait à manger, se déplaçait en transports publics pour se rendre à ses séances de physiothérapie et à des consultations), de sorte que ses déclarations ne paraissaient pas cohérentes avec les faits.

Aussi, sur la base du rapport d’expertise du CEMed et dans la mesure où la recourante demeure autonome dans les fonctions de la vie quotidienne, force est de constater qu’il n’a pas été mis en évidence de limitation uniforme du niveau d’activité dans tous les domaines comparables de la vie. Toujours au sujet de la cohérence, on relèvera encore que le refus de se soumettre à un traitement approprié et notamment à un traitement thymorégulateur / antidépresseur, malgré les allégations de la recourante selon lesquelles « elle a besoin de secours » et sans que soit attestée une anognosie (ou une quelconque incapacité de se faire traiter due à la maladie), peut également être interprétée comme un indicateur plaidant en défaveur d'une atteinte invalidante à la santé (cf. rapport de la Dresse P______ du 8 avril 2022, p. 21). Il en va de même de l'absence de médication antalgique majeure (en-dehors de la prise de Dafalgan et d’Ibuprofène), en dépit de l'allégation d'importantes souffrances (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2). Partant, le caractère invalidant des troubles affectant la recourante peut également être nié sous l'angle de la cohérence.

7.4 C'est le lieu de rappeler que lorsqu'une expertise repose sur une évaluation médicale complète, comme l'est celle du CEMed, elle ne saurait être remise en cause pour le seul motif qu'un ou plusieurs médecins ont une opinion divergente. Pour qu'il en aille différemment, il appartient à la partie recourante de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables - de nature notamment clinique ou diagnostique - qui y auraient été ignorés et qui seraient suffisamment pertinents pour en remettre en cause le bien-fondé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 3.2).

En l'occurrence, ni la recourante, ni ses médecins ne mettent de tels éléments en évidence. En ce qui concerne tout d’abord les tâches ménagères, la recourante laisse entendre qu’elle ne serait pas autonome pour les accomplir, contrairement à ce qui ressort de l’expertise. Toutefois, elle ne met pas en évidence de tâche(s) ménagère(s) précise(s) qu’elle ne serait pas ou plus capable d’accomplir seule. En outre, contrairement à ce qu’elle affirme, l’experte rhumatologue n’a pas indiqué qu’elle pouvait assumer ses tâches ménagères sans restriction, puisque cette experte a retenu certaines limitations concernant les mouvements répétés des membres supérieurs, les activités en hauteur et le nettoyage des sols ; la Dresse O______ a toutefois considéré qu’en dépit de ces (modestes) limitations, la recourante, vivant seule dans un petit appartement, pouvait exécuter toutes les tâches ménagères, à son rythme et sans aide extérieure, ce que rien ne permet de mettre en doute. Le fait que la recourante « cuisine des plats simples pour elle à midi et le soir » n’a pas été omis par l’experte rhumatologue, laquelle l’a consigné dans son rapport (en p. 23) sous le chapitre « déroulement détaillé d’une journée type ». Quant à la diminution de rendement évoquée par la recourante, elle a également été prise en compte par les experts du CEMed dans leur appréciation de la capacité de travail.

Ensuite, l’affirmation de la recourante selon laquelle les experts auraient « relativisé dans une mesure inadmissible » un viol subi par sa fille est infondée, puisqu’elle relève exclusivement d’une interprétation personnelle, voire d’un ressenti subjectif, et que rien de tel ne ressort de l’expertise. Même s’il y est question d’un discours « théâtral » et d’un comportement parfois revendicateur de la recourante à plusieurs égards, il convient de rappeler que des circonstances indiquant une exagération (telles qu'une amplification des symptômes ou un caractère revendicateur) constituent des éléments décisifs pour évaluer la pertinence du diagnostic ; les experts étaient donc fondés à examiner ces éléments, afin d'en tirer des conclusions quant au caractère invalidant du trouble analysé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_179/2022 du 24 août 2022 consid. 6.2).

Enfin, la recourante ne peut pas non plus être suivie lorsqu’elle reproche aux experts de ne pas avoir pris contact avec ses médecins. À cet égard, on rappellera que le corps médical dispose d'une large autonomie dans la conduite de ses examens et que le juge n'intervient qu'avec retenue lorsqu'il s'agit de remettre en cause la méthodologie utilisée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_753/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.3.2 et les références). Or, on ne saurait valablement faire grief aux experts de ne pas avoir pris contact avec les médecins traitants, alors qu’ils avaient déjà résumé les principaux rapports rendus jusqu’alors par lesdits médecins, dont ceux des Drs B______, K______, C______ et L______. Les experts n’avaient pas non plus à s’entretenir directement avec le Dr C______, que la recourante venait de (re)consulter au moment de l’expertise (le suivi ayant repris en mars 2022, après une première prise en charge irrégulière par le même psychiatre entre 2012 et 2015) et dont on peut douter qu’il eût été en mesure de se prononcer de manière fiable sur la capacité de travail, immédiatement après la reprise du suivi. En ce qui concerne plus particulièrement le rapport établi par le Dr C______ le 27 juin 2022, concluant à une capacité de travail de 50%, il met en évidence des diagnostics (trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger ; trouble anxieux sans précision ; trouble de la personnalité sans précision, avec des éléments de personnalité histrionique) proches de ceux retenus par les experts, mais une appréciation divergente de la capacité de travail ; il ne ressort toutefois pas dudit rapport d’éléments objectivement vérifiables et précis, qui pourraient avoir été ignorés par les experts du CEMed et seraient suffisamment pertinents pour remettre en cause leur point de vue, de sorte que le point de vue du Dr C______ ne saurait prévaloir sur celui des experts. Les autres rapports versés au dossier ne mettent pas non plus en évidence de tels éléments.

7.5 Au vu de ce qui précède, la chambre de céans retient que les experts ont apprécié de manière satisfaisante les indicateurs déterminants pour conclure à une capacité de travail dans une activité adaptée de 100% « depuis toujours », avec toutefois une perte de rendement de 20% retenue dès le 17 mars 2020 (en raison de symptômes et de douleurs liés à une tendinopathie calcifiante de l’épaule gauche). Jusqu’au 16 mars 2020, la capacité de travail est de 100% dans toute activité, y compris dans la profession antérieure de serveuse.

8.             L’intimé, considérant que les revenus sans et avec invalidité devaient être fixés sur la même base statistique, a retenu que la perte de gain de la recourante se confondait avec son incapacité de travail (respectivement la diminution de rendement retenue par les experts), de sorte que l’intéressée ne présentait qu’un degré d’invalidité de 20% depuis le 17 mars 2020. En octobre 2013, six mois après le dépôt de la demande, et jusqu’au 16 mars 2020, elle ne présentait aucune invalidité (vu la capacité de travail de 100% dont elle disposait jusqu’alors dans toute profession).

De son côté, la recourante ne conteste pas la méthode d’évaluation de l’invalidité choisie par l’intimé, singulièrement le procédé consistant à fixer sa perte de gain directement sur la base de son incapacité de travail, en faisant une comparaison en pour-cent (au sujet des situations dans lesquelles cette méthode est admissible, cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 du 24 août 2016 consid. 2.2 et les références citées). Il n’y a pas lieu d’y revenir.

Partant, c’est à bon droit que l’intimé a considéré que la recourante présentait un degré d’invalidité inférieur à 40%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente d’invalidité (art. 28 al. 1 LAI). Les conclusions principales formulées par la recourante seront donc rejetées.

9.             Le dossier permettant à la chambre de céans de se prononcer en connaissance de cause sur le bien-fondé de la décision attaquée, il est inutile d'ordonner une expertise judiciaire ou de renvoyer le dossier à l’intimé pour qu’il ordonne une surexpertise, par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a). Aussi, la conclusion subsidiaire prise par la recourante sera également rejetée.

Par ailleurs, il n’existe aucun motif qui justifierait que la juridiction de céans ordonne la production de l’enregistrement sonore de l’expertise du CEMed, la recourante n’affirmant pas dans ses écritures que le rapport d’expertise reproduirait incorrectement les déclarations qu’elle a faites pendant l’entretien (sur le but de l’enregistrement sonore, cf. Michela MESSI, AI : les enregistrements sonores favorisent la transparence, in Sécurité sociale [CHSS] 2022, article disponible à l’adresse https://sozialesicherheit.ch/fr/ai-les-enregistrements-sonores-favorisent-la-transparence). Dans la mesure où une telle mesure d’instruction n’aurait aucune influence sur l’issue du litige, la chambre de céans n’y donnera pas suite, par appréciation anticipée des preuves.

10.         Mal fondé, le recours est rejeté.

11.         La recourante, qui succombe, n’a pas droit à une indemnité de dépens (art. 61 let. g LPGA).

Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d'assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il y a lieu en l'espèce de renoncer à la perception d'un émolument, la recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative – E 5 10.03).


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le