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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1523/2022

ATAS/122/2023 du 22.02.2023 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1523/2022 ATAS/122/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 février 2023

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre OCHSNER

 

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en le ______ 1963, de nationalité italienne, naturalisée suisse en 2006, a travaillé en qualité de libraire, à plein temps, du 1er août 1980 au 30 avril 2022.

b.   À ce titre, elle était assurée par son employeur auprès de SWICA Assurance-maladie SA (ci-après : SWICA ou l’assurance) pour une assurance d’indemnités journalières maladie soumise à la loi sur le contrat d’assurance.

c.    Elle a été en arrêt maladie du 16 mars au 24 mai 2020 en raison de symptômes grippaux, puis en arrêt de travail du 24 mai au 24 août 2020, à la suite d'un accident, et dès le 25 août 2020 pour maladie en raison de douleurs dans la hanche gauche. Elle a ensuite été en arrêt de travail pour maladie à 50% du 1er avril 2021 au 30 avril 2021, puis à 80% du 1er mai 2021 au 25 octobre 2021 et à 100% dès le 26 octobre 2021.

d.   Dès le 25 août 2020, l’assurée a bénéficié d’indemnités journalières de perte de gain en cas de maladie de la SWICA.

e.    Lors d'un entretien avec la SWICA du 22 octobre 2020, l'assurée a notamment expliqué avoir eu un accident le 24 mai 2020. Elle avait alors glissé dans sa douche, tapé son front et l'arrière de sa tête, ainsi que tout le côté droit de son corps, dont le genou, l'épaule et le pied. Elle avait subi un traumatisme crânien et une commotion cérébrale. Elle était en arrêt maladie depuis le 5 août 2020, en raison de douleurs dans la hanche droite et gauche. En juillet 2020, un rhumatologue lui avait diagnostiqué une périarthrite qui n'était pas liée à l'accident, puis, en septembre 2020, une fibromyalgie.

f.     Son contrat de travail a été résilié par son employeur, avec effet au 31 octobre 2021, reporté au 30 avril 2022 en raison de son arrêt maladie.

B. a. Le 8 janvier 2021, l’assurée a déposé une demande de prestations invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) expliquant souffrir, depuis 2011, d’une maladie auto-immune d'origine inconnue et de fibromyalgie, diagnostiquée en 2020.

b.   Dans ce cadre, le 24 janvier 2021, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, a rempli un formulaire exposant que l'assurée présentait, depuis de nombreuses années, des pics fébriles à répétition dans un contexte d'élévation du facteur anti-nucléaire. Elle souffrait également depuis plusieurs années de douleurs persistantes multiples polyarticulaires et d'hypertension artérielle. Il diagnostiquait une fibromyalgie, une fasciite plantaire bilatérale, une gonalgie gauche liée à une gonarthrose, une rhizarthrose bilatérale et une tendinopathie du sus-épineux gauche. L'évolution de son état de santé était défavorable, les douleurs étant de plus en plus marquées et résistantes aux traitements.

c. Dans un rapport du 2 février 2021, la doctoresse C______, médecin traitant de l'assurée, a exposé que sa patiente souffrait notamment d'un état fébrile récurrent dont l'origine était inconnue, de toux chronique, de céphalées invalidantes, d'obésité avec syndrome métabolique, d'une hernie hiatale, d'apnée du sommeil, de fasciite plantaire, de polyarthrose, de douleurs à l'épaule, de fibromyalgie, avec des limitations fonctionnelles et faisait des chutes à répétitions. Son état clinique s'aggravait avec le temps.

d. Par rapport du 23 février 2021, la doctoresse D______, spécialiste FMH en neurologie, a exposé que l'assurée présentait depuis l'adolescence des céphalées cataméniales, de localisation supraorbitaire gauche irradiant en hémicrânie gauche, beaucoup plus rarement droite, devenues chroniques. En effet, le 24 mai [2020], elle avait fait une chute dans sa douche, avec un impact frontal, ayant entraîné des céphalées diffuses, accompagnées de nausées et vomissements, d'insomnies et de grandes difficultés de concentration, principalement lors de la lecture, laquelle était devenue lente. Depuis lors, elle présentait des céphalées quasiment quotidiennement. Le médecin retenait le diagnostic de migraines sans aura, aggravées par le traumatisme crânien.

e. Dans le cadre du versement des prestations journalières de perte de gain, la SWICA a mandaté le CEMed pour une expertise pluridisciplinaire (rhumatologie et psychiatrie).

f. Dans leur rapport du 10 mars 2021, les experts ont notamment exposé que l'assurée se plaignait de douleurs ostéo-articulaires touchant principalement les pieds et les genoux, prédominant à droite. Au niveau des pieds, elle décrivait essentiellement des douleurs au niveau du cou-de-pied droit, ainsi que des talalgies liées à sa fasciite plantaire. Au niveau des genoux, les douleurs se situaient sur leur face antérieure et latérale, de façon préférentielle à droite. L'épaule gauche, les mains – notamment la base du pouce gauche –, les coudes et le dos (lombalgie) étaient également douloureux. Des infections et pertes urinaires étaient également mentionnées. L'assurée avait, en outre, expliqué ne plus pouvoir lire depuis son traumatisme crânio-cérébral et souffrir de fatigue dès le matin, depuis des années.

Les experts ont diagnostiqué une gonarthrose bilatérale modérée à prédominance droite, une périarthrite de la hanche droite, des lombalgies sur troubles dégénératifs modérés de la colonne lombaire, une tendinopathie du sus-épineux de l'épaule gauche avec bursite sous-acromiale, une rhizarthrose modérée des deux mains, un trouble de l'adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive (F43.22) et une accentuation de certains traits de personnalité (Z73.1) versus une personnalité dépendante (F60.7). Sur le plan psychique, l'expert mentionnait que le pronostic était clairement réservé avec la présence de conduites régressives chez une expertisée qui avait adopté un statut de malade. Il fallait s'attendre à une évolution qui allait aller vers une invalidation.

Les experts ont toutefois estimé que la capacité de travail de l’assurée était alors de 100% dans l’activité habituelle de libraire.

g. Le 19 mars 2021, la SWICA a annoncé à l'assurée cesser sa participation financière au 31 mars 2021.

h. Le 22 avril 2021, le service médical régional de l’OAI (ci-après : le SMR) a retenu qu'il se justifiait de suivre les conclusions de l'expertise et que la capacité de travail de l’assurée était ainsi pleine dans l'activité habituelle.

i. Le 11 juin 2021, la Dresse C______ a indiqué que l'assurée ne pouvait plus travailler en tant que libraire, ce en raison de ses multiples pathologies, soit une tendinite sous-calcanéale, une tendinite des épaules, une fibromyalgie, une hypo-acousie, etc.

j. Par décision du 23 juin 2021, l'OAI a refusé la demande de rente invalidité estimant que l'assurée ne présentait pas d'atteinte à la santé au sens de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité. En effet, le lien de causalité entre l'atteinte à la santé et l'incapacité de gain n'était pas établi. Sa capacité de travail était entière dans toute activité.

k. Par rapport médical du 23 novembre 2021, le Dr B______ a notamment exposé que l'assurée souffrait de douleurs chroniques, diffuses, de plus en plus marquées correspondant au tableau clinique de fibromyalgie. Elle présentait des douleurs d'allure plutôt mécanique, notamment au niveau de la base de son pouce gauche, de ses deux genoux et avait plus récemment développé des douleurs irradiant au membre inférieur droit, accompagnées de paresthésies, touchant la cuisse droite et les trois derniers orteils du pied droit. Il constatait une hypoesthésie de ceux-ci. En juillet 2021, elle avait également souffert de douleurs à l'épaule droite.

Un examen neurologique et un électromyogramme du membre inférieur n'avaient pas mis en évidence de preuve claire d'atteinte radiculaire. Une IRM cervicale et dorsale avait également été effectuée et avait révélé une sténose canalaire C5-C6-C7, probablement sans répercussion sur la moelle épinière.

Le Dr B______ retenait comme diagnostics, des douleurs et troubles sensitifs du membre inférieur droit d'étiologie indéterminée, un syndrome douloureux, diffus, chronique et une arthrose digitale et gonarthrose bilatérale. Il était difficile d'expliquer clairement l'origine des troubles, à la fois douloureux et sensitifs, irradiant au membre inférieur droit de l'assurée, qui se trouvait de plus en plus invalidée par l'ensemble de ses douleurs.

l. La SWICA a repris le versement de prestations dès le 28 octobre 2021, l'incapacité de travail de l'assurée étant justifiée par une péjoration de son état de santé, établie par certificat du Dr B______.

C. a. Le 4 janvier 2022, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations invalidité auprès de l’OAI mentionnant des douleurs et troubles sensitifs du membre inférieur droit, un syndrome douloureux diffus chronique, une arthrose digitale, une gonarthrose bilatérale, une perte de mémoire, une impossibilité à lire, ainsi qu'un endormissement de la jambe et du pied droit. Ces atteintes avaient débuté en juin 2021.

Elle a notamment joint le rapport du Dr B______ du 23 novembre 2021.

b. Dans son rapport du 15 février 2022, le SMR a soutenu que les diagnostics posés par le Dr B______ avaient été pris en compte dans l'expertise du 10 mars 2021, de sorte qu'il n'existait pas de nouveaux diagnostics incapacitants ou d'éléments médicaux objectifs d'aggravation. Ses conclusions du 22 avril 2021 restaient dès lors valables.

c. Le 21 février 2022, l'OAI a transmis à l'assurée son projet de décision refusant d'entrer en matière sur sa demande de prestations. Elle disposait d'un délai de 30 jours pour lui transmettre ses objections, ce qu'elle a fait par lettre du 14 mars 2022.

d. Le 16 mars 2022, l'OAI a accusé réception du courrier de l'assurée du 8 mars 2022 (recte 14 mars 2022) et indiqué que les éléments médicaux transmis dans le cadre de l'audition lui étaient déjà connus. Un délai au 18 avril 2022 lui était donné pour apporter de nouveaux éléments médicaux susceptibles de modifier le projet de décision.

e. Le 5 avril 2022, l'assurée a transmis un certificat médical du Dr B______ du 28 mars 2022, dans lequel il indiquait à l'OAI que, depuis le 23 novembre 2021, l'assurée avait constaté une augmentation des troubles neurologiques, irradiant dans son membre inférieur droit et une incontinence urinaire devenant de plus en plus gênante, avec des pertes d'urine spontanée lors de la déambulation. Il estimait que cela justifiait que l'OAI reconsidère sa décision négative et procède à une expertise de la situation médicale complexe de l'assurée.

L'assurée informait également l'OAI qu'elle allait effectuer un examen urologique le 5 mai 2022.

f. Le 6 avril 2022, l'OAI a informé l'assurée qu'il allait procéder à un nouvel examen du dossier au vu des éléments qu'elle avait énoncés. Des mesures d'instructions seraient peut-être nécessaires, ce qui pouvait prendre un peu de temps. Une décision sujette à recours lui serait notifiée par la suite.

g. Le 14 avril 2022, le SMR a nié que les pièces médicales apportées rendent plausible une aggravation durable de l'état de santé de l'assurée et qu'elles soient de nature à remettre en cause ses conclusions précédentes. Concernant le rapport du Dr B______ du 28 mars 2022, ce dernier y rappelait les diagnostics indiqués dans son rapport du 23 novembre 2021. L'assurée se plaignait d'une aggravation des troubles sensitifs du membre inférieur droit, lesquels avaient fait l'objet d'un bilan en 2021, sans étiologie identifiée. Sur la base des derniers éléments anamnestiques, le rhumatologue n'avait pas jugé nécessaire de compléter les investigations.

h. Par décision du même jour, l'OAI a refusé d'entrer en matière sur la demande de prestations, au motif que l'assurée n'avait pas rendu plausible que l'état de fait s'était modifié depuis la décision du 23 juin 2021.

i. Le 12 mai 2022, l'assurée a écrit à l'OAI pour contester sa décision.

D. a. Le même jour, l’assurée, en personne, a formé recours contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, exposant avoir récemment réalisé de nouveaux examens montrant une aggravation de ses pathologies et regrettant que l'OAI ait statué avant la réception de ceux-ci. Elle soulignait que l'OAI n'avait jamais procédé à une expertise de son état de santé, s'en remettant à celle effectuée à la demande de la SWICA et relevait à cet égard que cette dernière avait récemment reconnu son incapacité à travailler. Elle espérait que la chambre de céans procède à une expertise.

b. Elle a complété son recours par une écriture de son conseil du 29 juillet 2022, concluant préalablement, à la convocation d'une audience de comparution personnelle des parties, au mandat d'une expertise médicale afin de déterminer les atteintes à sa santé, à l'audition du médecin-conseil de la SWICA et de son médecin traitant, le Dr B______. Principalement, elle concluait, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée et à sa mise au bénéfice d’une rente d’invalidité.

Elle soutenait que son droit d'être entendu et le principe de la bonne foi avaient été violés, l'intimé ayant rendu sa décision litigieuse avant l'échéance du délai qui lui avait été octroyé pour apporter de nouveaux éléments médicaux et alors qu'elle ne pouvait s'attendre à une telle décision vu le courrier du 6 avril 2022 annonçant la volonté de l'intimé d'examiner à nouveau le dossier.

Au fond, elle affirmait que les douleurs irradiant au membre inférieur droit dont avait fait état le Dr B______ dans son rapport du 23 novembre 2021 et l'aggravation de ses troubles neurologiques au membre inférieur droit et son incontinence urinaire attestés par rapport du médecin du 28 mars 2022, ne figuraient pas dans l'expertise du 10 mars 2021 et étaient postérieurs à la décision du 23 juin 2021. En outre, dans ladite expertise, l'expert psychiatre avait annoncé qu'il fallait s'attendre à une aggravation de l'état de santé de la recourante. Sur la base du rapport du Dr B______ du 21 novembre 2021, la SWICA avait considéré que son état s'était péjoré. Finalement, les rapports médicaux des 21 novembre 2021 et 28 mars 2022, ainsi que la décision de la SWICA démontraient que son état de santé l'empêchait de travailler de manière durable et ce depuis le 28 octobre 2021.

c. Dans sa réponse du 31 août 2022, l'intimé niait toute violation du droit d'être entendu de la recourante, celle-ci ayant produit des pièces le 6 avril 2022, n'ayant fait parvenir aucun document postérieurement et ne faisant pas état d'éléments médicaux qui n'auraient pas déjà été pris en compte. Le principe de la bonne foi n'avait pas été violé, le courrier du 6 avril 2022 ne pouvant pas être compris comme acceptant une réévaluation entière de la situation.

Sur le fond, le recours devait être rejeté, les aggravations de l'état de santé de la recourante rapportées concernant des atteintes connues et n'ayant qu'un fondement anamnestique, de sorte qu'elles ne constituaient pas une base valable en absence d'éléments objectifs.

d. Par courrier du 20 septembre 2022, la recourante a maintenu les termes de son recours.

e. Par décision du 10 octobre 2022, la recourante a été mis au bénéfice de l'assistance juridique.

f. Le 17 janvier 2023, la recourante a transmis à la chambre de céans de nouveaux rapports médicaux, soit:

-          Un rapport du 20 décembre 2022, dans lequel le Dr B______ soutient que la recourante présente des douleurs toujours très marquées et chroniques, telles que déjà décrites dans ses différents courriers précédents. Au moment de ce rapport, les douleurs étaient très marquées en regard de la partie externe de la hanche gauche. Une IRM avait confirmé une tendinopathie du petit fessier, associée à une bursite trochantérienne. La recourante s'était également plainte de douleurs dans les deux mains.

-          Une échographie des mains de la recourante effectuée le 20 décembre 2022, montrant une arthrose trapézo-métacarpienne bilatérale avec ostéophytose marginale et une discrète synovite réactionnelle avec discrète hyperhémie à l'examen doppler couleur.

-          Un rapport du Dr B______ du 9 janvier 2023 faisant état de symptômes de plus en plus marqués d'acroparesthésies touchant les doigts du territoire du nerf médian gauche, faisant suspecter une aggravation des symptômes à ce niveau. Toujours du côté gauche, la recourante était très handicapée par des douleurs liées à une rhizarthrose venant d'être confirmée par échographie.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

5.             Le litige porte sur le point de savoir si l'intimé était en droit de refuser d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations déposée par la recourante le 4 janvier 2022.

6.             Il convient en premier lieu de se prononcer sur le grief de la recourante tendant à constater une violation de son droit d'être entendue.

6.1  

6.1.1 La jurisprudence, rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. et qui s’applique également à l’art. 29 al. 2 Cst. (ATF 129 II 504 consid. 2.2), a déduit du droit d’être entendu, en particulier, le droit pour le justiciable de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16 consid. 2a/aa ; ATF 124 V 181 consid. 1a ; ATF 124 V 375 consid. 3b et les références).

Dans un arrêt du 24 novembre 2022, le Tribunal fédéral a retenu une violation du droit d'être entendu, dès lors que la juridiction cantonale avait rendu son arrêt avant l'issue du délai octroyé au recourant pour se déterminer sur une écriture de l'autorité intimé. Bien que le recourant ait transmis des pièces durant le délai, cet envoi ne pouvait pas valoir, dans ce cas, détermination. En cas de doute quant à la nature de l'envoi du recourant, il eût appartenu à la cour cantonale de l'interpeller avant de rendre son arrêt, afin de s'assurer qu'il avait renoncé à exercer son droit d'être entendu ou d'attendre la fin du délai accordé (Arrêt du Tribunal fédéral 9C_407/2022 du 24 novembre 2022 consid. 3.2).

6.1.2 Le droit d’être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recourant sur le fond. Selon la jurisprudence, la violation du droit d’être entendu – pour autant qu’elle ne soit pas d’une gravité particulière – est réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen. Au demeurant, la réparation d’un vice éventuel ne doit avoir lieu qu’exceptionnellement (ATF 127 V 437 consid. 3d/aa ; ATF 126 V 132 consid. 2b et les références).

6.2 En l'espèce, l'intimé a rendu sa décision quatre jours avant l'échéance du délai qu'elle avait octroyé à la recourante pour fournir de nouvelles pièces prouvant l'aggravation de son état de santé. Si la recourante lui a effectivement transmis des documents le 5 avril 2021, cela ne signifiait toutefois pas forcément qu'elle n'allait pas en transmettre de nouveaux d'ici au 18 avril 2021. Ce d'autant que, dans son courrier du 5 avril 2021, la recourante a informé l'intimé qu'elle allait effectuer un examen urologique le 5 mai 2022, montrant que d'autres examens étaient en cours. Dans le doute, l'intimé aurait, à tout le moins, dû l'interpeller à cet égard.

À la lumière de ces éléments, la décision querellée apparaît précipitée. Force est toutefois de constater que la recourante n'a produit aucun document qu'elle aurait reçu entre le 14 et le 18 avril 2021, ni d'ailleurs le résultat des examens urologiques qu'elle a annoncés, de sorte qu'il n'apparaît pas qu'elle ait été empêchée de communiquer une information utile par la reddition d'une décision quatre jours avant l'échéance du délai. Quoi qu'il en soit, même s'il devait être retenu que son droit d'être entendue a été violé, ce vice serait réparé par le fait qu'elle a pu pleinement s'exprimer devant la chambre de céans.

Cette question peut, dans tous les cas, être laissée ouverte en l'espèce vu l'issue du litige.

7.             La recourante se plaint également d'une violation du principe de la bonne foi.

7.1 L'art. 5 al. 3 Cst. prescrit que les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.3 p. 261 et les arrêts cités).

De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les arrêts cités).

Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 129 I 161 consid. 4.1 ; ATF 128 II 112 consid. 10b/aa ; ATF 126 II 377 consid. 3a et les arrêts cités). De la même façon, le droit à la protection de la bonne foi peut aussi être invoqué en présence, simplement, d'un comportement de l'administration susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 381 consid. 7.1 et les références citées). Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration.

7.2 En l'espèce, la recourante soutient qu'elle ne pouvait pas s'attendre à recevoir une décision au fond, en raison du courrier de l'intimé du 6 avril 2021. Or, par cette lettre, l'intimé s'est contenté d'informer la recourante qu'il allait procéder à un nouvel examen du dossier au vu des éléments qu'elle avait énoncés. Aucun comportement contradictoire ne peut être reproché à l'intimé par l'envoi d'une décision quelques jours après ce courrier, ce d'autant qu'il y annonçait précisément qu'une décision sujette à recours lui serait notifiée par la suite.

Ce grief sera dès lors rejeté.

8.             Il reste à examiner si la décision de non-entrée en matière de l'intimé était justifiée.

8.1  

8.1.1 Lorsque la rente a été refusée parce que le degré d'invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l'assuré rend plausible que son invalidité ou son impotence s'est modifiée de manière à influencer ses droits (art. 17 LPGA; art. 87 al. 3 et 4 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI]). Cette exigence doit permettre à l'administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force, d'écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l'assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 130 V 64 consid. 5.2.3; ATF 125 V 410 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_384/2021 du 25 avril 2022 consid. 3). À cet égard, une appréciation différente de la même situation médicale ne permet pas encore de conclure à l'existence d'une aggravation (ATF 112 V 371 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_748/2013 du 10 février 2014 consid. 4.3).

Sous l'angle temporel, la comparaison des états de fait a pour point de départ la situation telle qu'elle se présentait au moment où l'administration a rendu sa dernière décision entrée en force (ATF 130 V 64 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_676/2018 du 27 novembre 2018 consid. 2.2). Lorsqu'elle est saisie d'une nouvelle demande, l'administration doit commencer par examiner si les allégations de l'assuré sont, d'une manière générale, plausibles ; à ce stade, la maxime inquisitoire de l’art. 43 al. 1 LPGA ne trouve pas application (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_576/2021 du 2 février 2022 consid. 3.2). Si tel n'est pas le cas, l'affaire est liquidée sans autres investigations par un refus d'entrée en matière (arrêts du Tribunal fédéral 9C_576/2021 du 2 février 2022 consid. 2.2 ; 9C_475/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.2).

L'administration se montrera d'autant plus exigeante pour apprécier le caractère plausible des allégations de l'assuré que le laps de temps qui s'est écoulé depuis sa décision antérieure est bref. Elle jouit sur ce point d'un certain pouvoir d'appréciation que le juge doit en principe respecter (ATF 109 V 108 consid. 2b). Ainsi, le juge ne doit examiner comment l'administration a tranché la question de l'entrée en matière que lorsque ce point est litigieux, c'est-à-dire quand l'administration a refusé d'entrer en matière en se fondant sur l'art. 87 RAI et que l'assuré a interjeté recours pour ce motif. Ce contrôle par l'autorité judiciaire n'est en revanche pas nécessaire lorsque l'administration est entrée en matière sur la nouvelle demande (ATF 109 V 114 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2.2).

8.1.2 Le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s'applique pas à la procédure de l'art. 87 al. 3 RAI (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5). Eu égard au caractère atypique de celle-ci dans le droit des assurances sociales, le Tribunal fédéral a précisé que l'administration pouvait appliquer par analogie l'art. 73 aRAI (cf. art. 43 al. 3 LPGA depuis le 1er janvier 2003) – qui permet aux organes de l'AI de statuer en l'état du dossier en cas de refus de l'assuré de coopérer – à la procédure régie par l'art. 87 al. 3 RAI, à la condition de s'en tenir aux principes découlant de la protection de la bonne foi (cf. art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [Cst. - RS 101] ; ATF 124 II 265 consid. 4a). Ainsi, lorsqu'un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s'est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu'il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d'office, l'administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l'avertissant qu'elle n'entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d'autres termes qu'ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués. Si cette procédure est respectée, le juge doit examiner la situation d'après l'état de fait tel qu'il se présentait à l'administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêts du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 2 et 9C_708/2007 du 11 septembre 2008 consid. 2.3). Son examen se limite, ainsi, au point de savoir si les pièces déposées en procédure administrative justifient ou non la reprise de l'instruction du dossier (arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2012 du 27 juillet 2013 consid. 4.1).

L'exigence relative au caractère plausible ne renvoie pas à la notion de vraisemblance prépondérante usuelle en droit des assurances sociales. Les exigences de preuves sont, au contraire, sensiblement réduites en ce sens que la conviction de l'autorité administrative n'a pas besoin d'être fondée sur la preuve pleinement rapportée qu'une modification déterminante est survenue depuis le moment auquel la décision refusant les prestations a été rendue. Des indices d'une telle modification suffisent lors même que la possibilité subsiste qu'une instruction plus poussée ne permettra pas de l'établir (Damien VALLAT, La nouvelle demande de prestations AI et les autres voies permettant la modification de décisions en force, RSAS, 2003, p. 396 ch. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 724/99 du 5 octobre 2001 consid. 1c/aa).

8.2 En l'espèce, dans sa demande de prestations d'invalidité déposée le 4 janvier 2022, la recourante a décrit souffrir, depuis juin 2021, de douleurs et troubles sensitifs du membre inférieur droit, d'un syndrome douloureux diffus chronique, d'une arthrose digitale, d'une gonarthrose bilatérale, de pertes de mémoire, d'une impossibilité à lire, ainsi qu'un endormissement de la jambe et du pied droit.

À l'appui de sa demande, elle a produit deux rapports médicaux du Dr B______. Dans celui du 23 novembre 2021, le médecin a attesté que la recourante avait « plus récemment » développé des douleurs irradiant au membre inférieur droit, accompagnées de paresthésies, touchant la cuisse droite et les trois derniers orteils du pied droit, avec hypoesthésie de ceux-ci. En juillet 2021, elle avait également souffert de douleurs à l'épaule droite. Il posait les diagnostics de douleurs et troubles sensitifs du membre inférieur droit d'étiologie indéterminée, d'un syndrome douloureux, diffus, chronique et d'une arthrose digitale et d'une gonarthrose bilatérale.

Dans celui du 28 mars 2022, il a ajouté que, depuis le 23 novembre 2021, l'assurée avait constaté une augmentation des troubles neurologiques, irradiant dans son membre inférieur droit et une incontinence urinaire devenant de plus en plus gênante, avec des pertes d'urine spontanée lors de la déambulation.

L'OAI a estimé que la recourante n'avait pas rendu plausible que l'état de fait s'était modifié depuis la décision du 23 juin 2021.

L'expertise du CEMed du 10 mars 2021 mentionne notamment, comme diagnostics, une gonarthrose bilatérale et une rhizarthrose des deux mains, de sorte que ces deux atteintes – en l'état du dossier en avril 2022 – étaient effectivement déjà connues lors de la décision rendue précédemment par l'OAI.

Dans sa demande, la recourante mentionne des pertes de mémoire et une impossibilité de lire, qui ne ressortent pas des rapports médicaux fournis à son appui. Quoi qu'il en soit, l'expertise du mois de mars 2021 faisait déjà état du fait que la recourante se plaignait de ne plus pouvoir lire depuis son traumatisme crânio-cérébral datant de mai 2020 et avoir, depuis lors, des problèmes de concentration, ce qu'elle avait également décrit à la Dresse D______ en février 2021. L'intimé était ainsi également légitimé à estimer que la recourante n'avait pas rendu plausible une modification de son état de santé à cet égard.

Le syndrome douloureux diffus chronique dont souffre la recourante était, lui aussi, déjà connu lors de la décision du mois de juin 2021.

Concernant les douleurs et troubles sensitifs du membre inférieur droit, si l'expertise de mars 2021 mentionnait des douleurs ostéo-articulaires touchant principalement les pieds et les genoux, prédominant à droite, il s'agissait alors de douleurs situées au niveau du cou-de-pied droit, ainsi que des talalgies liées à sa fasciite plantaire, ainsi que sur la face antérieure et latérale des deux genoux. Ainsi, force est de constater que les paresthésies touchant la cuisse droite et les trois derniers orteils du pied droit, avec hypoesthésie de ceux-ci, sont mentionnées et attestées médicalement pour la première fois dans les rapports médicaux du Dr B______ des 21 novembre 2021 et 28 mars 2022. Ces éléments n'étaient dès lors pas connus de l'OAI lors de sa précédente décision.

Les pertes urinaires étaient, quant à elles, mentionnées dans l'expertise. Il ressort cependant du rapport du Dr B______ du 28 mars 2022, que celles-ci se sont aggravées depuis le mois de novembre 2021, avec des pertes d'urine spontanées lors de la déambulation.

Dans ces circonstances, il faut retenir qu'il existe suffisamment d'indices d'une potentielle aggravation de l'état de santé de la recourante depuis la décision du 23 juin 2021, de sorte que l'intimé ne pouvait pas refuser d'entrer en matière sans autres investigations.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision du 14 avril 2022 annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la nouvelle demande de la recourante.

10.         Concernant les nouvelles pièces produites par la recourante en janvier et février 2023, soit les rapports médicaux et une échographie datant des mois de décembre 2022 et janvier 2023, il n'a pas lieu d'en tenir compte à ce stade dans la mesure où ils sont postérieurs à la décision attaquée.

11.         Aux termes de l’art. 61 let. g de la LPGA, le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal. Une indemnité de dépens de CHF 1’000.- sera dès lors allouée à la recourante, qui est représentée par un avocat et qui obtient gain de cause (à ce sujet, art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

12.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision rendue par l'intimé le 14 avril 2022.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour qu’il entre en matière sur la nouvelle demande de la recourante.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 1’000.- à titre de dépens à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le