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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/154/2022

ATAS/73/2023 du 07.02.2023 ( AI ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/154/2022 ATAS/73/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 février 2023

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au PETIT-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Daniel MEYER

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1968, a travaillé en dernier lieu à plein temps en tant que responsable logistique d'une entreprise active dans la vente de produits sur Internet, d'où il a été licencié avec effet au 31 mai 2018.

b. L'assuré a été mis en arrêt de travail total pour des troubles psychiques à compter du 1er novembre 2017. L'assureur perte de gain maladie de l'employeur, Allianz Suisse, Société d'Assurances SA (ci-après : Allianz), a pris en charge le cas jusqu'au 31 mai 2019.

c. L'assuré a d'abord consulté le Centre médical Grand-Lancy pour une anxiété généralisée et des attaques de panique (rapport du 7 mai 2018), puis le département de santé mentale et de psychiatrie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) à plusieurs reprises depuis le 7 février 2018, où divers diagnostics ont été posés au fil du temps trouble panique (F40.0), perturbation de l'activité et de l'attention (F90.0; rapport du 26 septembre 2018), trouble fonctionnel neurologique (crises de tremblements musculaires des membres supérieurs et inférieurs; F44.4), trouble anxieux, sans précision (F41.9; rapport du 18 janvier 2019).

d. À la demande de l'Allianz, dans un rapport d'expertise du 21 mars 2018, le docteur B______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui avait examiné l'assuré le 15 mars 2018, a retenu le diagnostic d'agoraphobie avec trouble panique (F40.01). Les limitations fonctionnelles étaient : fatigabilité, sentiment d'incapacité avec évitement de la tâche, baisse de la concentration, de la mémoire, risque accru d'erreurs, difficultés à exprimer les compétences relationnelles, sociales, professionnelles, perte d'autonomie y compris actuellement dans la gestion du quotidien, évitements (transports, autrui, lieux fermés, situations d'où l'on ne peut pas « s'échapper »), panique ou angoisse envahissante (avec captation d'une bonne partie de la capacité d'attention), et épuisement. La capacité de travail, nulle actuellement, devrait être de 50% d'ici au 31 mai 2018 et de 100% au 20 juin 2018 au moyen d'un traitement psychiatrique et psychothérapeutique ambulatoire intensif (psychoéducation, gestion du quotidien, expositions et restructuration cognitive pour lutter contre les évitements), complété par un traitement antidépresseur sérotoninergique Drug monitoré.

e. Le 4 avril 2018, l'assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI).

f. Dans un rapport du 23 juillet 2018, le Dr B______, qui avait pris connaissance du rapport des HUG du 3 juillet 2018, a modifié ses conclusions, en ce sens que la capacité de travail de l'assuré était nulle jusqu'au 3 octobre 2018, puis de 50% du 4 au 24 octobre 2018, et de 100% dès le 25 octobre 2018. Le médecin a ajouté que, en cas de prolongation de l'arrêt de travail, il serait opportun de procéder à une nouvelle expertise.

g. L'Allianz a alors confié une expertise bi-disciplinaire aux docteurs C______ médecin praticien, et D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui ont examiné l'assuré le 18 janvier, respectivement le 31 janvier 2019. Dans un rapport du 28 février 2019, ils ont diagnostiqué une hypertension artérielle avec insuffisance rénale de stade II, une insuffisance veineuse C2EnAsPn, des tremblements psychogènes fonctionnels sous réserve d'un ENMG et d'une IRM cérébrale normaux, une dermite séborrhéique, et des troubles moteurs dissociatifs (F44.4). Sur le plan de la médecine générale, l'assuré ne présentait pas d'incapacité de travail. En revanche, sur le plan psychique, à cause des crises, l'assuré, dont l'incapacité de travail totale était justifiée depuis le 1er novembre 2017, n'était pas apte à se confronter seul au marché de l'emploi. Les experts ont de ce fait préconisé des mesures de réadaptation professionnelle (aide au placement dans le domaine de la vente) à raison de huit heures par jour, avec une diminution de rendement de 10-20% pour lui permettre de s'asseoir, voire de se coucher temporairement lors des crises.

h. Par avis du 30 avril 2019, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu, à titre d'atteinte principale incapacitante, des troubles moteurs dissociatifs (F44.4). L'incapacité de travail durable remontait au 1er novembre 2017, et les limitations fonctionnelles consistaient en une fragilité psychologique. La capacité de travail était de 100% avec une baisse de rendement de 10% (au départ qui devrait s'améliorer rapidement) dans l'activité habituelle dès le 31 janvier 2019, date de l'expertise psychiatrique, et de 100% dans une activité adaptée.

i. Par rapport du 9 mai 2019 à l'Allianz, les Drs C______ et D______ se sont déterminés sur les rapports des médecins traitants qui leur avaient été soumis, et ont maintenu leur appréciation.

B. a. Dans un projet de décision du 17 juin 2019, lui ayant reconnu le statut de personne active à plein temps, l'OAI a annoncé à l'assuré qu'il entendait lui reconnaître le droit à une rente entière du 1er novembre 2018 (à l'échéance du délai d'attente d'un an) au 30 avril 2019 (trois mois après l'amélioration de la capacité de gain le 31 janvier 2019), et lui nier le droit à des mesures professionnelles.

b. Le 27 juin 2019, l'assuré a contesté ce projet de décision.

c. Dans un rapport du 13 août 2019, le docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a fait état d'un syndrome de douleurs myofasciales, ainsi que d'un syndrome d'apnées du sommeil sévère.

d. Dans un rapport du 10 octobre 2019, les Drs C______ et D______, qui se sont prononcés sur les pièces médicales qui leur avaient été soumises, ont maintenu leur position.

e. L'OAI a mandaté le Centre médical d'expertises (ci-après : CEMEDEX) pour une expertise pluridisciplinaire. Les docteurs F______, spécialiste en médecine interne générale, G______, spécialiste FMH en neurologie, H______, spécialiste en psychiatrie, et I______, spécialiste en rhumatologie, ont examiné l'assuré en juin et juillet 2021.

Dans leur rapport d'évaluation consensuelle du 3 septembre 2021, ils ont posé les diagnostics de rachialgie sur très légers signes de maladie de Scheuermann en D12-L1 et une discopathie L4-L5 et L5-S1, des arthromyalgies chroniques, avec survenue de crise aléatoire sans cause rhumatologique retrouvée, des troubles moteurs dissociatifs (F44.4), des troubles de personnalité, sans précision (F60.9), un syndrome d'apnées du sommeil appareillé, une hypertension artérielle, une insuffisance rénale stade II, une insuffisance veineuse des membres inférieurs, un pityriasis versicolor et des marisques hémorroïdaires.

La capacité de travail globale était évaluée à 100% sous l'angle rhumatologique, neurologique et de médecine interne générale depuis toujours, mais à 60% sous l'angle psychiatrique depuis le 2 novembre 2017 dans toute activité, l'activité habituelle respectant les limitations fonctionnelles psychiatriques et rhumatologiques, à savoir un travail maîtrisé, sédentaire, sans contrainte autoritaire, sans effort de soulèvement et sans port de charges.

f. Par avis du 12 octobre 2021, le SMR a suivi les conclusions de cette expertise La capacité de travail de l'assuré était entière dans toute activité avec une diminution de rendement de 40% dès le 2 novembre 2017. Les limitations fonctionnelles étaient : pas d'efforts de soulèvement de plus de 10 kg à partir du sol, éviter les positions en porte-à-faux du buste, le port de charges limité à 15 kg proche du corps, difficulté dans le contact à l'autre, ainsi que l'éventuel respect d'une autorité, difficulté de s'adapter aux changements et persévérance limitée par une psychasthénie.

g. Par décision du 2 décembre 2021, l'OAI a mis l'assuré au bénéfice d'un quart de rente, sur la base d'un degré d'invalidité de 40%, dès le 1er novembre 2018, et refusé des mesures professionnelles.

C. a. Par acte du 14 janvier 2022, l'assuré, par l'intermédiaire de son avocat, a recouru contre la décision du 2 décembre 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans), en concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité dès le 1er novembre 2018.

b. Dans sa réponse du 16 février 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique du 16 mai 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Il a produit :

-          un rapport du 1er avril 2022 du Dr E______ dans lequel ce dernier se déterminait sur l'expertise du CEMEDEX;

-          le rapport d'expertise du CEMEDEX dans lequel le Dr E______ a intégré ses remarques manuscrites;

-          un rapport du 12 avril 2022 du département de santé mentale et de psychiatrie des HUG, dans lequel il était mentionné que l'état des symptômes n'avait pas eu une évolution favorable significative depuis le dernier rapport de décembre 2019 et que la capacité de travail du recourant était de 20%.

d. Dans sa duplique du 20 juin 2022, l'intimé a maintenu sa position, en se ralliant à l'avis joint du SMR du 7 juin 2022.

e. Dans son écriture du 28 juillet 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a versé au dossier la lettre de convocation du 10 juin 2022 du département de médecine de premier recours des HUG lui fixant un rendez-vous pour une consultation « Diagnostics difficiles ».

f. Par pli du 28 septembre 2022, le recourant a informé la chambre de céans que cette consultation avait eu lieu le 20 septembre 2022.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l’art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-invalidité, à moins que la loi n’y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 14 janvier 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

4.1 En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

4.2 En l’occurrence, la décision querellée (du 2 décembre 2021) a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable.

6.             À titre préalable, le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu, au motif qu'il n'a pu s'exprimer sur les conclusions de l'expertise du CEMEDEX avant le prononcé de la décision entreprise.

6.1 Ce grief, de nature formelle, doit être examiné en premier lieu (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa; 124 V 90 consid. 2 notamment).

6.2 La jurisprudence, rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. et qui s’applique également à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101; ATF 129 II 504 consid. 2.2), a déduit du droit d’être entendu, en particulier, le droit pour le justiciable de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d’avoir accès au dossier, celui de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16 consid. 2a/aa; 124 V 181 consid. 1a; 124 V 375 consid. 3b et les références).

6.3 Une violation du droit d'être entendu est considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1; 137 I 195 consid. 2.3.2). La réparation d'un vice éventuel doit cependant demeurer l'exception (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa; 126 V 130 consid. 2b); même en cas de violation grave du droit d'être entendu, un renvoi de la cause pour des motifs d'ordre formel à l'instance précédente peut être exclu, par économie de procédure, lorsque cela retarderait inutilement un jugement définitif sur le litige, ce qui n'est dans l'intérêt ni de l'intimée, ni de l'administré dont le droit d'être entendu a été lésé (ATF 132 V 387 consid. 5.1). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/304/2013 du 14 mai 2013 consid. 4. c).

6.4 En l'espèce, il est vrai que, en procédure administrative, l'intimé a envoyé le rapport d'expertise du CEMEDEX au recourant le 12 janvier 2022 après que la décision litigieuse du 2 décembre 2021 ait été rendue. Ceci étant, dans le cadre de la procédure contentieuse devant la chambre de céans, autorité judiciaire ayant plein pouvoir de cognition (arrêt du Tribunal fédéral 9C_127/2007 du 12 février 2008 consid. 2.2), le recourant a eu la possibilité de se prononcer sur cette pièce, en toute connaissance de cause.

Par conséquent, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu doit être écarté, sans préjudice pour le recourant.

7.             Le litige porte sur le point de savoir si le recourant a droit à une rente d'invalidité supérieure à un quart dès le 1er novembre 2018, plus particulièrement sur l'appréciation de sa capacité de travail.

8.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

8.1 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

8.2 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

8.3 Selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

8.4 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

8.5 Lorsqu'il s'agit d'examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s'ensuit que pour évaluer l'invalidité, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l'offre de la main d'œuvre (VSI 1998 p. 293). On ne saurait toutefois se fonder sur des possibilités de travail irréalistes. Il est certes possible de s'écarter de la notion de marché équilibré du travail lorsque, notamment l'activité exigible au sens de l'art. 16 LPGA, ne peut être exercée que sous une forme tellement restreinte qu'elle n'existe quasiment pas sur le marché général du travail ou que son exercice impliquerait de l'employeur des concessions irréalistes et que, de ce fait, il semble exclu de trouver un emploi correspondant (cf. RCC 1991 p. 329; RCC 1989 p. 328; arrêts du Tribunal fédéral 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3.2). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l'atteinte à la santé – puisqu'une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance d'une invalidité (cf. art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 du 30 octobre 2017 consid. 4.2).

9.             Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c; ATF 102 V 165 consid. 3.1; VSI 2001 p. 223 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

9.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

9.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

9.3 Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

- Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A. Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B. Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2)

C. Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

- Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4)

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

9.4 Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables en cas de troubles moteurs dissociatifs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_903/2007 du 30 avril 2008 consid. 3.4).

10.         Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes, d’une part, et du potentiel de compensation (ressources), d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

10.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

10.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

10.2.1 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

10.2.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201]; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

10.2.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

11.         Le point de départ de l'évaluation prévue pour les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), les troubles dépressifs (ATF 143 V 409), les autres troubles psychiques (ATF 143 V 418) et les troubles mentaux du comportement liés à l’utilisation de substances psychoactives (ATF 145 V 215) est l'ensemble des éléments médicaux et constatations y relatives. Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

11.1 Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6). À titre d’exemple, dans le cadre de troubles dépressifs récurrents de degrés légers à modérés qui sont souvent au premier plan dans l’examen de l’invalidité au sens de l’AI, cela signifie qu’il ne suffit pas que l'expert psychiatre déduise directement de l'épisode dépressif diagnostiqué une incapacité de travail, quel qu'en soit le degré ; il doit bien plutôt démontrer si et dans quelle mesure les constatations qu'il a faites (tristesse, désespoir, manque de dynamisme, fatigue, troubles de la concentration et de l'attention, diminution de la capacité d'adaptation, etc.), limitent la capacité de travail, en tenant compte - à des fins de comparaison, de contrôle et de plausibilité - des autres activités personnelles, familiales et sociales de la personne requérant une rente. Si les experts s'acquittent de cette tâche de manière convaincante, en tenant compte des éléments de preuve établis par l'ATF 141 V 281, l'évaluation des répercussions de l’atteinte psychique sera également valable du point de vue des organes chargés de l’application du droit, que ce soit l’administration ou le juge. À défaut, il se justifie, juridiquement, de s'en écarter (ATF 145 V 361 consid. 4.3 et la référence).

11.2 En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

12.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

 

 

13.          

13.1 En l'occurrence, la décision litigieuse repose sur l'avis du SMR du 12 octobre 2021, lui-même basé sur le rapport d'expertise du CEMEDEX du 3 septembre 2021. Le recourant conteste la valeur probante de ce rapport, singulièrement le taux de capacité de travail de 60% dans toute activité, retenu de manière consensuelle par les experts.

13.2 Sur la forme, certes, ce rapport d'expertise est fondé sur l'examen du recourant par des spécialistes des disciplines médicales pertinentes eu égard aux atteintes à la santé invoquées, effectué les 18 juin (neurologie et rhumatologie), 29 juin (médecine interne générale), et 6 juillet 2021 (psychiatrie), sur une analyse du dossier et comprend une anamnèse, ainsi que les plaintes du recourant, de même qu'une évaluation consensuelle du cas.

13.3 Ceci étant, sur le fond, si les conclusions des experts sous l'angle somatique emportent la conviction, il en va différemment s'agissant de l'appréciation psychique, pour les motifs qui suivent.

13.3.1 Sur le plan de la médecine interne générale, l'expert a retenu, sans effet sur la capacité de travail, les diagnostics de status postcarcinome épidermoïde sous-cutané au niveau cervical postérieur gauche opéré en 2009, de surpoids, de syndrome d'apnées du sommeil appareillé, d'hypertension artérielle, d'insuffisance rénale stade II, d'insuffisance veineuse des membres inférieurs, de pityriasis versicolor, et de marisques hémorraoïdaires. L'expert a indiqué que le syndrome d'apnées du sommeil (constaté le 11 juillet 2019 [rapport de polysomnographie, dossier intimé p. 235]), bien stabilisé, s'est corrigé avec la mise sous CPAP (rapport du 8 octobre 2019 de la pneumologue traitante, dossier intimé p. 305), tout en précisant que la fatigue chronique, les tremblements des quatre membres, les troubles cognitifs et de la concentration, les douleurs musculaires et les arthralgies chroniques relevaient de l'appréciation des experts psychiatre, neurologue et rhumatologue (dossier intimé p. 880-881). Aucun rapport médical au dossier ne fait état du caractère incapacitant des diagnostics posés supra. Aussi y a-t-il lieu d'admettre, avec l'expert, que sous l'angle de la médecine interne générale, le recourant dispose d'une pleine capacité de travail dans toute activité.

13.3.2 Sur le plan rhumatologique, l'expert a retenu le diagnostic, avec répercussion sur la capacité de travail, de rachialgie sur très légers signes de maladie de Scheuermann en D12-L1 et une discopathie L4-L5 et L5-S1 (mises en évidence sur la radiographie de la colonne totale du 9 septembre 2019 [dossier intimé p. 387]), et celui, sans impact sur la capacité de travail, d'arthromyalgies chroniques, avec survenue de crise aléatoire (se manifestant par des tremblements), sans cause rhumatologique retrouvée (dossier intimé p. 900), tout en expliquant la raison pour laquelle il excluait le diagnostic de fibromyalgie (p. 901). Sur la base du dossier et de son examen clinique, l'expert a constaté, s'agissant des arthromyalgies, qu'il n'existait aucune atteinte articulaire et musculaire dégénérative ou inflammatoire, et conclu que le syndrome avait une origine fonctionnelle (p. 901) (c'est-à-dire psychiatrique). L'expert a considéré que le recourant était totalement apte à travailler dans toute activité sans efforts de soulèvement de plus de 10 kg à partir du sol, sans positions en porte-à-faux du buste et sans port de charges supérieures à 15 kg proche du corps, et ajouté que la dernière activité exercée en informatique (sédentaire) était compatible avec ces limitations, depuis toujours (p. 901-902). Dans la mesure où aucun rapport médical au dossier ne remet en cause cette appréciation étant souligné que, dans ses rapports des 18 novembre 2019 et 30 mars 2020 (dossier intimé p. 361-365), la rhumatologue traitante a mentionné que sur le plan ostéoarticulaire, aucune maladie ne limitait les amplitudes et que les douleurs éprouvées entraînaient une certaine fatigabilité à l'effort (n'empêchant donc pas à l'exercice d'une activité sédentaire en informatique ) , il convient de suivre les conclusions de l'expert rhumatologue.

13.3.3 Sur le plan neurologique, l'expert n'a retenu aucun diagnostic incapacitant, en précisant que les explorations médicales effectuées jusqu'alors permettaient d'éliminer toute origine neurologique des épisodes de tremblements dont souffrait le recourant (dossier intimé p. 886-887). Dans un rapport du 1er juillet 2020 (dossier intimé p. 577-580), le département des neurosciences cliniques des HUG avait conclu, au regard des examens réalisés (dont notamment IRM cérébrale, électro-encéphalogramme, électro-neuromyogramme), que le recourant présentait un trouble neurologique fonctionnel. Aussi convient-il d'admettre, avec l'expert, que, d'un point de vue strictement neurologique, la capacité de travail du recourant est entière; ses limitations, imputables aux crises de tremblements, à l'état de fatigue et d'épuisement qui suivent ces crises (p. 887), étant d'ordre psychique.

13.3.4 Sur le plan psychique, l'expert a posé (dossier intimé p. 893) les diagnostics de troubles moteurs dissociatifs (F44.4) à l'instar du Dr D______, psychiatre (p. 200) et de trouble de personnalité, sans précision (F60.9) retenu pour la première fois; les médecins ayant examiné le recourant auparavant mentionnaient plutôt des traits de personnalités borderline (p. 52) ou narcissique (p. 200).

Le trouble dissociatif moteur figure au chiffre F44.4 de la Classification internationale des maladies (CIM-10), selon lequel « dans les formes les plus fréquentes, il existe une perte de la capacité de bouger une partie ou la totalité d'un membre ou de plusieurs membres; les manifestations de ce trouble peuvent ressembler à celles de pratiquement toutes les formes d'ataxie, d'apraxie, d'akinésie, d'aphonie, de dysarthrie, de dyskinésie, de convulsions ou de paralysie » (arrêt du Tribunal fédéral 9C_422/2016 du 23 janvier 2017 consid. 5.1).

Le Dr B______ (psychiatre), quant à lui, avait mis les crises de tremblements sur le compte d'un trouble panique (p. 59). Ceci dit, c'est l'influence d'une atteinte à la santé sur la capacité de travail qui est davantage déterminante que sa qualification en matière d'assurance-invalidité (ATF 142 V 106 consid. 4.4). Diagnostiquer une atteinte à la santé, soit identifier une maladie d'après ses symptômes, équivaut à l'appréciation d'une situation médicale déterminée qui, selon les médecins consultés, peut aboutir à des résultats différents en raison précisément de la marge d'appréciation inhérente à la science médicale (ATF 145 V 361 consid. 4.1.2; arrêts du Tribunal fédéral 9C_212/2020 du 4 septembre 2020 consid. 4.2 et 9C_762/2019 du 16 juin 2020 consid. 5.2). Ce sont donc les répercussions fonctionnelles de l'atteinte à la santé psychique sur la capacité de travail qui importent.

À cet égard, l'expert psychiatre du CEMEDEX a considéré que le recourant peut exercer toute activité à plein temps, avec une baisse de rendement de 40%, dès le 2 novembre 2017, en précisant que l'activité habituelle respecte les limitations fonctionnelles, à savoir le contact à l'autre (qui est difficile) et les difficultés à respecter l'autorité (qui « serait de toute façon mise à mal »; dossier intimé p. 895). Cependant, l'expert n'explique pas les motifs pour lesquels il retient une diminution de rendement à hauteur de 40%. Si le contact à l'autre est difficile et que le recourant aura des difficultés à supporter l'autorité, on ne voit pas comment celui-ci pourra, selon l'expert, néanmoins travailler en groupe (p. 895), ce à 60%. Son appréciation se révèle être incohérente. Par ailleurs, dans un premier temps, l'expert a indiqué que le trouble de personnalité n'est pas incapacitant (p. 894), mais a ensuite mentionné, de manière contradictoire, que les limitations fonctionnelles sont en rapport avec le trouble de personnalité, et que la persévérance du recourant est limitée par une psychasthénie (p. 895).

Qui plus est, l'expert du CEMEDEX, qui reconnaît une capacité de travail de 60%, a estimé que la symptomatologie n'a pas évolué depuis le 1er novembre 2017 (p. 894). Or, lors de l'expertise du 15 mars 2018, le Dr B______ avait observé que le recourant avait notamment de la peine à garder le focus, qu'il devait faire des pauses toutes les dix minutes (dossier intimé p. 56), qu'il présentait un ralentissement psychomoteur moyen, et que ses capacités de communiquer, de respecter un cadre, de s'adapter avec flexibilité et de s'organiser étaient hypothéquées (p. 59). Les limitations fonctionnelles étaient en particulier : fatigabilité, baisse de la concentration et de la mémoire, risque accru d'erreurs, difficultés à exprimer les compétences relationnelles, sociales, professionnelles, perte d'autonomie y compris dans la gestion du quotidien, et épuisement, justifiant une totale incapacité de travail jusqu'à fin avril 2018, en tous cas (p. 59-60). Le Dr B______ a ensuite admis une incapacité de travail totale jusqu'au 3 octobre 2018, sur la base du rapport des HUG du 3 juillet 2018, en ajoutant qu'au-delà de cette date, une nouvelle expertise s'imposait en cas de prolongation de l'arrêt de travail (p. 123). L'expert psychiatre du CEMEDEX semble donc avoir faire fi des restrictions psychiques admises à l'époque par son confrère, à tout le moins jusqu'au 3 octobre 2018.

Or, le rapport du Dr B______ revêt pleine force probante, dès lors qu'il répond aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1) et qu'il est convaincant au vu des indicateurs pertinents à la lumière de l’ATF 141 V 281 (le Dr B______ a conclu que le rendement était nul compte tenu des nombreuses limitations fonctionnelles retenues, du fait que le recourant n'était pas autonome dans la gestion du quotidien, et que le pronostic et donc la reprise de la capacité de travail dépendait du traitement qu'il recommandait [dossier intimé p. 51-60], soit un traitement psychiatrique et psychothérapeutique ambulatoire intensif ainsi qu'un traitement antidépresseur [p. 59-60]). Ceci dit, il ressort du dossier que les différentes molécules prescrites ont entraîné des effets indésirables (p. 115, 121, 427, 871, 894), et que selon l'expert psychiatre du CEMEDEX, le trouble dissociatif et de personnalité constitue un réel frein à l'efficacité de la psychothérapie que suit le recourant (p. 894). En d'autres termes, en l'absence d'un traitement suivi avec succès en raison selon l'expert du CEMEDEX du trouble dissociatif et de personnalité, le recourant ne peut en fait avoir recouvré une certaine capacité de travail. Preuve en est que d'après le département de santé mentale et de psychiatrie des HUG, l'état de santé chronique du recourant ne lui permet pas de travailler à un taux supérieur à 20%, malgré la coopération de celui-ci aux thérapies (rapport du 12 avril 2022).

Au vu des limitations fonctionnelles reconnues par l'expert psychiatre du CEMEDEX (contact difficile, difficultés à supporter l'autorité et à s'adapter au changement), force est de conclure que le recourant n'est plus en mesure de retrouver un emploi à la structure de sa personnalité sur un marché équilibré du travail. On se demande en effet quel employeur prendrait le risque d'engager une personne qui présente un contact difficile à l'autre ainsi que des difficultés à respecter l'autorité (soit l'entreprise qui l'embaucherait).

En conséquence, faute de capacité résiduelle de travail depuis le 1er novembre 2017, le recourant est totalement invalide, et partant, a droit à une rente entière d'invalidité (art. 28 al. 2 LAI) à compter du 1er novembre 2018, à l'échéance du délai d'attente d'un an (art. 28 al. 1 let. b et c LAI; art. 29 al. 1 et 3 LAI).

Le fait que le recourant puisse faire des courses, cuisiner, accompagner son épouse et ses petits-enfants au jardin familial, ou soit bénévole pour une association qui distribue des dons en Afrique (dossier intimé p. 894, 901) ne modifie pas la solution du litige, dès lors que de l'avis de tous les médecins ayant examiné le recourant, y compris les experts, la souffrance du recourant est réelle, et que les activités quotidiennes qu'effectue celui-ci sont fonction des douleurs ressenties (dossier intimé p. 617, 901).

L'expertise du Dr D______ du 28 février 2019 confirme également qu'en l'état, le recourant n'est pas en mesure de travailler sans aide par une mesure d'ordre professionnel. Tant qu'une telle mesure n'a pas été mise en œuvre, il convient de constater que l'incapacité est totale, étant précisé que le Dr D______ a admis une incapacité de travail totale depuis le 1er novembre 2017 (dossier intimé p. 201-202).

14.         Quoi qu'il en soit, même en admettant que le recourant peut encore travailler à 60%, il appert qu'aucun employeur n'accepterait de l'engager. En effet, les crises surviennent de façon aléatoire. Le recourant doit alors se coucher ou s'assoir. Après une crise, il a besoin d'un moment de récupération. Il est ainsi difficile de compter sur un tel employé qui risque d'être incapable de travailler au moment inopportun. À cela s'ajoute que le contact avec le recourant est difficile et qu'il a des difficultés à respecter l'autorité, ce qui est également admis par les experts du CEMEDEX. De surcroît, il souffre de douleurs chroniques qui ont un impact sur la concentration et ainsi la qualité de travail.

Dans ces conditions, on ne voit pas comment le recourant pourrait être imposé à un employeur. Par conséquent, il n'est pas possible de mettre en valeur l'éventuelle capacité de travail résiduelle.

15.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, et la décision litigieuse réformée en ce sens que le recourant a droit à une rente entière d'invalidité dès le 1er novembre 2018.

16.         Le recourant, représenté par son avocat, obtenant gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]; art. 89H al. 3 LPA), fixée en l'espèce à CHF 2'000.-.

17.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument, arrêté à CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Réforme la décision du 2 décembre 2021 en ce sens que le recourant a droit à une rente entière d'invalidité dès le 1er novembre 2018.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour le calcul des prestations dues.

5.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 2'000.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le