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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/427/2020

ATAS/1156/2022 du 20.12.2022 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/427/2020 ATAS/1156/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 décembre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée à VERNIER, représentée par APAS-Association permanence défense des patients et assurés

 

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée, la patiente ou la recourante), née le ______ 1974, séparée en 2013, divorcée depuis le ______ 2016, originaire du Monténégro et de nationalité suisse depuis le ______ 2018, est mère de deux enfants nés respectivement en 1994 et 2010.

b. L’assurée a obtenu le 12 juin 1992 un CFC de couturière de l’école secondaire au Monténégro et a travaillé dans une boulangerie à Sarajevo, de 2002 à 2003. Après son arrivée en Suisse, d’après son curriculum vitae, elle a travaillé auprès de la société B______, de 2005 à 2006 et, entre 2007 et 2008, elle a travaillé en tant que serveuse auprès de C______ et de l’EMS D______. Le 1er novembre 2007, elle a été engagée en tant que serveuse à plein temps au sein du restaurant E______. Elle a effectué un stage de serveuse à 100%, dans le cadre d’une mesure de marché du travail de l’assurance-chômage, auprès de F______ SA, sur le site de G______, du 1er au 26 février 2010. Elle a par la suite effectué un stage au sein de H______ auprès de l’ONU et des autres organisations internationales à partir du 3 mars 2014, pour une période de deux mois. Le 12 mai 2014, elle a obtenu le certificat d’informatique ECDL Start. Elle a travaillé en qualité de Dame de Buffet au sein du restaurant I______ du 1er novembre au 31 décembre 2015. Durant l’année 2015, elle a également travaillé dans les restaurants J______, d’après son curriculum vitae. Enfin, elle a été stagiaire auprès de la société K______ SA, du 4 au 29 janvier 2016.

Il ressort par ailleurs de la confirmation d’inscription à l’office régional de placement (ci-après : l’ORP) du 2 avril 2009 et du 18 mars 2011 que l’assurée s’est inscrite au chômage en indiquant être disposée à travailler à plein temps et de la confirmation d’inscription à l’ORP du 23 janvier 2012 que l’assurée s’est inscrite au chômage en indiquant être disposée à travailler à un taux de 50%.

B. a. Selon un rapport de consultation établi le 22 avril 2016 par le docteur L______, FMH neurochirurgie, l’assurée était en bon état général mais présentait un discret syndrome cervical avec limitation de la mobilité cervicale surtout en extension et dans les mouvements de rotation, des douleurs cervicales sur incompétence discale avec une traduction inflammatoire C5-C6 et C6-C7.

b. Dans un rapport du 6 juin 2016, faisant suite à une consultation du 1er juin 2016, la doctoresse M______, FMH rhumatologie, a conclu que l’assurée avait des cervicalgies sur discopathies inflammatoires Modic I et sur un probable trouble proprioceptif car l’assurée avait des sensations vertigineuses.

c. Le 5 juillet 2016, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : l’OAI ou l’intimé). Elle était en incapacité de travail totale depuis le 1er février 2016.

d. Dans un rapport de consultation du 6 juillet 2016, la Dresse M______ a relaté que l’assurée avait commencé une physiothérapie essentiellement proprioceptive. Cela la fatiguait beaucoup. Elle faisait des auto-exercices pour son rachis cervical et avait nettement gagné en rotations bilatérales. Les plaintes principales de l’assurée étaient les vertiges, l’asthénie et une probable dépression surajoutée.

e. Dans un courrier non daté, reçu par l’OAI le 26 octobre 2016, la doctoresse N______, FMH médecine interne générale, a indiqué qu’elle voyait en consultation l’assurée depuis le mois de novembre 2013. Cette patiente était connue principalement pour des douleurs chroniques dans le contexte de cervicalgies sur discopathies sur troubles dégénératifs de la colonne avec léger conflit radiculaire mais sans indication opératoire. Elle était également connue pour des vertiges dans le contexte d’une maladie de Ménière pour laquelle elle suivait des séances de physiothérapie. L’assurée était également suivie par un psychiatre dans le contexte d’un état dépressif depuis de nombreuses années. Selon la Dresse N______, actuellement la reprise d’un travail était difficile dans le contexte d’une exacerbation de ses douleurs cervicales et de ses vertiges.

f. Par courrier du 18 janvier 2017, la Dresse M______ a indiqué à l’OAI que d’un point de vue somatique, les diagnostics ayant une répercussion sur la capacité de travail de l’assurée étaient les cervicalgies chroniques sans limitation des amplitudes cervicales ainsi que des arthralgies des mains mais sans synovite. Sur le plan rhumatologique, la capacité de travail comme serveuse de l’assurée aurait été de 50% avec la nécessité de faire des pauses du fait des cervicalgies chroniques. L’assurée avait également d’autres plaintes internistiques soit des céphalées et des vertiges

g. Dans un courrier du 20 février 2017, le Dr O______ a déclaré à l’OAI que l’assurée se plaignait depuis 2015 de fatigue permanente. Lorsque cette fatigue était plus intense, elle s’accompagnait de maux de tête en casque avec une photophobie et des nucalgies. Plusieurs fois par mois, elle se plaignait aussi d’épisodes vertigineux non rotatoires et de déséquilibre. L’examen clinique ne lui permettait pas d’objectiver une origine vestibulaire aux plaintes de l’assurée. La photophobie associée à ses symptômes aurait pu évoquer une migraine vestibulaire - équivalent migraineux. Cependant, le côté permanent et l’absence de réponse au traitement médical n’étaient pas habituels. L’assurée était à l’Hospice général. Elle se sentait capable de reprendre un travail comme serveuse, mais à mi-temps. Le Dr O______, sur la base de son examen, avait de la peine à évaluer objectivement l’incapacité de travail de l’assurée.

h. Le 28 février 2017, le docteur P______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport médical dans lequel il a fait état qu’il avait été, au premier abord, marqué par la grande difficulté de l’assurée d’établir une relation de confiance. Pendant plusieurs entretiens, elle avait été dans une attitude de grande réserve. Toutes questions qu’il pouvait lui poser sur son histoire, elle les vivait comme très intrusives. L’assurée présentait des fluctuations d’humeur qui étaient très invalidantes dans son quotidien. Elle avait également des moments de désorientation spatio-temporelle. Elle décrivait durant ces moments un vécu confusionnel qu’elle avait beaucoup de peine à dépeindre. Elle présentait une symptomatologie anxieuse qui se manifestait par une hypervigilance douloureuse et une anticipation des catastrophes. L’assurée présentait également des troubles du sommeil de manière récurrente avec notamment une grande difficulté à s’endormir et de multiples cauchemars traumatiques. Elle décrivait également de multiples symptômes somatiques, notamment un état permanent de fatigue, des douleurs cervicales, des céphalées et des troubles de l’équilibre. Le Dr P______ a diagnostiqué, comme ayant un impact sur la capacité de travail de l’assurée, un trouble bipolaire avec un épisode actuel de dépression sévère sans symptômes psychotiques (F31. 4). Il a également diagnostiqué, sans impact sur la capacité de travail, un état de stress post-traumatique (F43.1). Au début du traitement, le Dr P______ lui avait prescrit du lithium qu’elle avait très mal toléré et qu’ils avaient très vite interrompu. Pendant deux ans, elle avait eu un traitement antidépresseur notamment la Sertraline qui avait eu un effet modeste sur ses symptômes dépressifs. Elle avait également eu, pendant plusieurs années, le Dalmadorm et le Stilnox pour ses troubles du sommeil. Actuellement, elle n’avait plus besoin de ce traitement pour s’endormir. Dans son activité habituelle de serveuse dans la restauration, elle avait actuellement une capacité de travail de 50%. Elle arrivait difficilement à tenir debout longtemps à cause de ses troubles de l’équilibre. Elle avait également de la peine à gérer des situations de grande tension. Si elle avait une activité adaptée, comme un travail dans l’administration, elle aurait pu avoir une capacité de travail supérieure à 50% à la condition que l’augmentation du temps de travail se fasse de manière progressive.

i. Le 23 mars 2017, le Prof. Q______ a adressé un courrier au Dr O______. Il a indiqué que la patiente rapportait des migraines à raison d’au minimum deux épisodes par mois. Les céphalées s’installaient pour deux, voire trois jours. Elle se plaignait également de vertiges qui semblaient être de deux types. L’assurée signalait encore des pertes de connaissance inexpliquées.

j. Par courrier du 18 mai 2017, le Prof. Q______ a demandé au docteur R______, FMH neurologie, son avis concernant le problème de l’assurée. Il n’avait pas d’explication pour les troubles de l’assurée.

k. Le 4 juin 2018, le Dr R______ a adressé un courrier à la Dresse N______ dans lequel ce dernier a proposé de continuer avec un traitement de Replax ou la combinaison Replax et Brufen dans l’attaque. Pour les sensations de vertige de type ébriété et les phénomènes visuels, que le Dr R______ associait à une hyperventilation chronique, il proposait une physiothérapie respiratoire avec un entrainement à l’apnée inspiratoire. Il proposait également de continuer avec un traitement de base d’Amitriptyline sous forme de Laroxyl 10 mg le soir. Au vu de ses problèmes algiques, vertigineux mais aussi rhumatismaux, la patiente n’était pas capable de travailler dans la restauration mais il allait recommander un essai de réadaptation professionnelle par l’assurance-invalidité pour une profession plutôt de bureau.

l. Le 5 juin 2018, le Dr R______ a rempli un rapport médical AI attestant d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée. Il voyait la patiente à raison de trois fois par année. Les antécédents médicaux de la patiente étaient des douleurs cervicales avec blocage de longue date, une vingtaine d’années, dans le cadre d’une malformation de la colonne cervicale avec infiltration ; des céphalées hémicrâniennes migraineuses depuis 2003 ; des acouphènes ; des attaques de vertiges ; des chutes ; un développement anxieux. La médication actuelle était du Replax 40 mg et du Brufen 400 mg. Les diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail étaient un syndrome douloureux des cervicales et des migraines hémicrâniennes. Le pronostic sur la capacité de travail de l’assurée était mitigé. Le Dr R______ ne pensait pas que l’assurée pût travailler dans la restauration qui impliquait souvent d’être debout et surtout aussi de porter régulièrement des charges. Par contre, une réorientation vers un travail assis, éventuellement de bureau, aurait pu être envisagée. Le nombre d’heures de travail par jour que l’on pouvait raisonnablement attendre de l’assurée était de zéro. Dans une activité qui tenait compte de l’atteinte à la santé, l’on pouvait raisonnablement attendre de l’assurée qu’elle travaillât à 50%.

m. Le 19 novembre 2018, la doctoresse S______ du SMR a rendu un avis selon lequel elle proposait de réaliser une expertise pluridisciplinaire via la plateforme Med@p avec un volet médecine interne, rhumatologie et psychiatrie. Si l’interniste le jugeait nécessaire, il y avait lieu d’ajouter un volet-neurologique avec bilan neuropsychologique avec tests de validation des symptômes.

n. Le 2 juillet 2019, le docteur T______, interniste et FMH endocrinologie et diabétologie, a adressé à la Dresse N______ un suivi d’obésité daté du 28 juin 2019 dans lequel il a posé le diagnostic de surcharge pondérale (IMC = 29.7 kg/m2). Il avait fait le point avec la patiente après une année de suivi, pour constater que son poids restait parfaitement stable. Comme déjà indiqué l’an dernier, la prise de poids initiale avait été clairement attribuable à l’arrêt de l’activité physique et l’arrêt de ses activités professionnelles. La difficulté rencontrée à initier une perte de poids était également à mettre sur le compte de la sédentarité forcée, liée à ses douleurs cervicales au moindre effort. Ils avaient convenu ensemble qu’elle devait impérativement reprendre une certaine activité, y compris de type cardio.

o. Le 30 juillet 2019, le CEMEDEX, soit les docteurs U______, FMH psychiatrie, V______, médecin interne généraliste, et W______, FMH rhumatologie, a rendu son rapport d’expertise.

Dans l’évaluation consensuelle, ont été posés les diagnostics suivants : trouble affectif bipolaire, épisode actuel de dépression moyenne, avec un syndrome somatique, F31.31 ; uncodiscarthrose évoluée C5-C6 et C6-C7, avec nettes protrusions disco ostéophytiques mais sans signe de conflit disco-radiculaire.

La capacité de travail dans l’activité exercée jusqu’à aujourd’hui était de 50% de 2005 à 2010, puis de 100% de 2010 à février 2017. Elle était de 75% depuis février 2017. La baisse de rendement de 25%, engendrée par une fatigabilité importante, des troubles de concentration en rapport avec des ruminations anxieuses, pouvait s’améliorer en cas d’introduction d’un traitement régulateur d’humeur. La capacité de travail dans une activité adaptée était la même que citée précédemment, car le travail de serveuse respecte les limitations fonctionnelles rhumatologiques et psychiatriques. L’incapacité de travail globale était de 25%, en raison d’une baisse de rendement liée à une fatigabilité, des troubles de concentration. La capacité de travail globale était donc de 75%. Le respect des limitations fonctionnelles rhumatologiques était présent dans le cadre de l’activité habituelle du sujet. Les limitations fonctionnelles psychiatriques étaient donc les seules à devoir être prises en compte. Malgré un travail respectant ces limitations fonctionnelles psychiatriques, la baisse de rendement était toujours présente.

p. Le 22 août 2019, la Dresse S______ du SMR a rendu un rapport dans lequel elle a indiqué que les atteintes principales à la santé étaient un trouble affectif bipolaire et un épisode actuel de dépression moyenne avec syndrome somatique. Les pathologies associées du ressort de l’AI étaient des cervicalgies sur uncodiscarthrose évoluée C5-C6 et C6-C7 avec protrusion disco-ostéophytaire sans signe de conflit radiculaire. La capacité de travail exigible dans l’activité habituelle était de 100% avec diminution de rendement de 25% (pour autant qu’elle respectât les limitations fonctionnelles). La capacité de travail dans une activité adaptée était de 100% avec diminution de rendement de 25%. Les limitations fonctionnelles impliquaient l’absence de travail nécessitant une implication cognitive trop importante ou la nécessité de prendre des décisions immédiates, une fatigabilité, d’éviter les postes en hauteur (échafaudage, échelle, escabeau), d’éviter les métiers à risques de chutes d’une hauteur supérieure à la hauteur du sol par précaution en raison des vertiges inexpliqués, l’absence d’activité nécessitant la manutention de charges lourdes ou le maintien prolongé de la tête penchée en avant. Le SMR pouvait globalement suivre les conclusions des experts.

q. Par projet de décision du 30 septembre 2019, l'OAI a rejeté la demande de prestations de l’assurée. Le statut d’assuré qui était retenu dans sa situation était celui d’une personne se consacrant à 50% à son activité professionnelle et, pour les 50% restants, à l’accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. À l’issue de l’instruction médicale, le SMR reconnaissait une capacité de travail de 100% avec une baisse de rendement de 25% dans toute activité dès le 1er février 2017. Le revenu sans invalidité était de CHF 27'000.- et le revenu avec invalidité était de CHF 41'283.-. La perte de gain s’élevait à 0%. Dans le cas de l’assurée, des mesures d’ordre professionnel n’auraient pas été de nature à réduire le dommage de manière notable dans la mesure où elles n’auraient pas permis d’augmenter sa capacité de gain. Une enquête à domicile était superflue.

r. Par courrier du 31 octobre 2019, l’assurée, par la voix de son conseil, a fait part de son désaccord avec la conclusion de l’OAI selon laquelle la perte de gain aurait été nulle et des mesures de réadaptation n’auraient pas été adéquates. En premier lieu, elle contestait le statut mixte que l’OAI avait retenu. En effet, sans atteinte à la santé, l’assurée aurait exercé une activité à taux plein. Dans sa demande de prestations de juillet 2016, elle indiquait, à titre de dernière activité, un stage à un taux de 100% auprès de K______ en janvier 2016. Il ressortait, par ailleurs, de l’expertise psychiatrique que sa carrière était extrêmement importante à ses yeux, vu sa volonté de s’adapter et de s’intégrer. Elle avait ainsi travaillé à 100% en 2008 et 2009 au restaurant E______ à Meyrin, avant de bénéficier du chômage. En 2009, des céphalées et des contractures musculaires étaient apparues, tandis que l’assurée était aussi tombée enceinte et que son second mari ne souhaitait pas qu’elle travaillât. Après sa séparation, elle avait cherché à reprendre une activité professionnelle et avait suivi une formation commerciale à l’École-club Migros ; elle avait réalisé un stage à H______ de quelques mois puis en banque mais avait connu des vertiges et blocages qui l’avaient contrainte à arrêter. Elle avait par la suite cherché un emploi dans la restauration et avait enchainé des activités de courte durée, ayant toujours abouti à son licenciement à cause de ses problèmes de santé. En dernier lieu, elle avait été employée au restaurant X______ à 100% durant deux mois. Ces éléments étaient à mettre en perspective avec le fait qu’en tant que mère célibataire, elle était financièrement dans le besoin de travailler à temps plein et d’obtenir un salaire suffisant. Dès lors, le statut qui devait lui être retenu était celui d’une personne active. Elle contestait en outre le fait qu’elle aurait été capable de travailler à 100% avec une diminution de rendement de 25% dans toutes les professions, et dès lors le calcul de son salaire avec invalidité. À ce propos, l’expertise du CEMEDEX retenait de manière erronée qu’elle aurait pu continuer à réaliser son activité de serveuse à 100%, alors même que l’activité professionnelle était limitée par le port de charges lourdes. Concernant la capacité de travail sous l’angle psychiatrique, l’on peinait à comprendre sur quels éléments étaient basées les évolutions de la capacité de travail, ce d’autant plus que le psychiatre relevait un nouvel épisode dépressif en 2017, après les deux licenciements et après le dépôt de la demande AI, toujours en cours. Ce dernier indiquait en outre être d’accord avec le diagnostic du psychiatre traitant, mais diverger sur l’intensité qui avait évolué depuis 2017. S’agissant de l’expertise en médecine interne, elle était surprise du manque d’interrogations de l’expert quant à l’influence du trouble bipolaire se caractérisant par des phases hypomaniaques sur le profil qu’il jugeait agréable et souriant de l’assurée. De toute évidence, retenir une exagération des symptômes sur la base de ce que l’assurée arrivait à sourire en entretien n’était pas crédible et pertinent sous l’angle médical. Sur le plan rhumatologique, il était contradictoire de relever que l’expertisée ne devait pas faire d’efforts de manutention importants mais qu’elle pouvait travailler à plein temps dans le domaine de la restauration. Face à sa symptomatologie, elle s’étonnait de ce que les experts n’avaient pas jugé utile de s’adjoindre les services d’un spécialiste en neurologie, comme le suggérait le SMR, alors même que l’expert rhumatologue retenait à l’examen clinique une arnodalgie, soit une affection neurologique. Enfin, c’était à tort que l’OAI avait nié son droit à des mesures de réadaptation.

s. Selon une note de l’OAI du 4 novembre 2019, le statut de l’assurée était mixte 50% active et 50% ménagère car, selon les documents de l’Hospice général et du chômage, elle recherchait un emploi à 50% et n’avait travaillé à 100% qu’en 2008.

t. Le 11 décembre 2019, le docteur Y______, FMH anesthésiologie et traitement interventionnel de la douleur (SSIPM), a envoyé un courrier à la Dresse N______ pour la tenir au courant de ce qu’il avait effectué chez la patiente dans le cadre de ses cervicalgies avec troubles dégénératifs du rachis cervical associées à des migraines, à des acouphènes et à un syndrome de Ménière. Il avait tenté initialement un traitement à base d’applications de patchs de Neurodol qui ne s’était pas révélé efficace. Par la suite, l’aménagement des traitements médicamenteux à base de Dafalgan et d’antiinflammatoires stéroïdiens n’avait pas permis non plus une amélioration spectaculaire de la situation. L’utilisation de TENS aidait, la détendait quelque peu et son utilisation à moyen terme avait été favorisée. La patiente n’ayant pas été enthousiaste pour d’éventuelles infiltrations, il avait pratiqué à trois reprises des perfusions intraveineuses de Lidocaïne avec un effet somme toute décevant. Le problème majeur restait toujours l’adaptation au travail. Il lui semblait justifié d’envisager un travail adapté à 50%, sans port de charges.

u. Dans un avis médical du SMR du 16 décembre 2019, celui-ci revenait sur sa prise de position concernant la capacité de travail de l’assurée dans son activité habituelle. En effet, si l’on tenait compte des limitations fonctionnelles liées aux cervicalgies sur discarthrose C5-C6 et C6-C7 à savoir, éviter le port de charges, les activités avec les membres supérieurs en dessus de l’horizontale, les activités en hauteur et en hyperflexion ou hyperextension du rachis, l’activité habituelle n’était plus exigible. En revanche, dans une activité adaptée (manuelle simple) la capacité de travail médico-théorique était de 75% (l’expert psychiatre ayant retenu une baisse de rendement de 25% liée à la fatigabilité).

v. Par décision du 20 décembre 2019, l’OAI a rejeté la demande de l’assurée. Selon les pièces transmises par l’Hospice général et l’assurance chômage, l’assurée recherchait un emploi à 50%. Vu l’extrait du compte individuel, aucun élément objectif ne faisait état d’un travail à 100%, sauf pour l’année 2008, de sorte que le statut était mixte.

w. Le 31 janvier 2020, le Dr R______ a adressé un fax au Dr P______. L’expertise de l’AI du 30 juillet 2019 avait uniquement été faite par un interniste, un psychiatre et un rhumatologue. Entre autres, il était mentionné que les vertiges et les céphalées auraient été au second plan ; or, il suivait l’assurée depuis le 19 juillet 2017 surtout pour des céphalées et des migraines invalidantes et elle lui avait été référée par le Prof. Q______ avec la question de savoir si ses vertiges auraient pu être un équivalent migraineux. Il était également étonnant qu’il fût écrit « un traitement par Brufen, Laroxyl à faible dose, Indocid et Replax introduit en 2016 les céphalées s’étaient améliorées » alors qu’aujourd’hui encore, malgré cette amélioration et malgré un traitement de Replax et Brufen, l’assurée devait passer trois jours de migraine par semaine dans le noir. De plus, la patiente était suivie pour des cervicalgies importantes à la clinique de la douleur de l’hôpital de la Tour par le Dr Y______ qui, outre des patchs de Neurodol et l’utilisation de TENS, avait appliqué des perfusions de Lidocaïne. En lisant à travers cette expertise, il apparaissait également que la partie algique n’avait pas été correctement considérée. L’assurée continuait à avoir des migraines hémicrâniennes qui, bien qu’améliorées avec un traitement de Replax et Brufen, restaient invalidantes. Les douleurs cervicales avec blocage réduisaient certainement à zéro une activité physique importante, telle que rencontrée dans la restauration. Elle continuait aussi à avoir des céphalées frontales hémicrâniennes dans la région de l’œil droit associées à des vertiges. Pour les accès des symptômes d’hyperventilation, elle continuait à faire des apnées inspiratoires ou elle respirait dans un sac en plastique. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 50%.

C. a. Le 3 février 2020, l’assurée a recouru contre la décision de l’OAI du 20 décembre 2019. Sur sa vie professionnelle, elle a apporté les compléments suivants :

-       entre novembre 2007 et mars 2009, elle avait travaillé comme serveuse auprès du restaurant E______ à plein temps ;

-       lors de son inscription au chômage en mars 2009, elle s’était présentée comme chercheuse d’emploi à plein temps (100%) ;

-       en février 2010, dans le cadre de mesures de marché du travail proposées par le chômage, elle avait effectué un stage de serveuse à 100% chez F______, sur le site de G______. Elle avait effectué également un stage auprès d’un EMS ;

-       lors d’une nouvelle inscription au chômage en novembre 2010, elle s’était présentée à nouveau comme chercheuse d’emploi à plein temps (100%) ;

-       en janvier 2012, elle s’était représentée au chômage comme chercheuse d’emploi à 50%, vu le jeune âge de son fils ainsi que ses problèmes de santé, étant précisé qu’elle aura fait l’objet d’une décision de refus d’indemnisation ;

-       après sa séparation à la fin de l’année 2013, désireuse de se réinsérer pleinement sur le marché du travail, elle avait régulièrement suivi les prestations offertes par Femme et Emploi et faisait des postulations. Elle n’avait jamais limité ses recherches à des postes à temps partiel ;

-       elle avait effectué plusieurs stages et activités de courte durée qui avaient toujours abouti à son licenciement à cause de ses problèmes de santé ;

-       en dernier lieu, elle avait été employée au restaurant X______ à 100% durant deux mois, en 2017 ;

-       son fils étant désormais scolarisé, si elle n’avait pas de problèmes de santé, elle aurait travaillé ou aurait recherché du travail dans une activité à plein temps, pour pouvoir assumer les charges de sa famille ;

-       selon les statistiques ESS, 2016, Tableau TA1, dans le domaine spécifique de l’hébergement et de la restauration, pour une activité simple et répétitive (niveau 1) le salaire moyen s’élevait, pour une femme, à CHF 3'900.- par mois.

La recourante contestait tout d’abord le statut mixte retenu par l’intimé. Le document de l’ORP du 20 août 2018 sur lequel se fondait l’intimé était lacunaire. Après sa séparation et une fois son fils scolarisé, malgré sa volonté de travailler à 100%, son état de santé ne lui permettait pas toujours, selon les périodes, d’envisager une activité à un taux plus élevé que 50%, ce qui expliquait les taux avancés par l’Hospice général et l’assurance-chômage. La recourante persistait à contester qu’elle aurait été capable de travailler à 100% avec une simple diminution de rendement de 25% dans toutes professions, et par voie de conséquence le calcul de son salaire avec invalidité.

b. Par réponse du 2 mars 2020, l’OAI a conclu au rejet du recours. Il a expliqué qu’il ressortait du dossier que la recourante exerçait une activité professionnelle à 50% et qu’elle recherchait un emploi à un taux de 50%. La recourante avait de nombreuses ressources mobilisables. En effet, elle faisait un peu de lecture, apprenait les langues, s’occupait de ses papiers administratifs, utilisait l’ordinateur (cf. allait sur Facebook et Viber pour correspondre avec sa famille). Elle avait également des activités sportives : elle faisait de la natation trois à quatre fois par mois à raison de 45 minutes à chaque fois, de la marche à pied au minimum 4 km par jour. Elle indiquait emmener régulièrement son fils voir des spectacles, des concerts ou au cinéma. L’analyse de la vie quotidienne indiquait qu’il n’existait pas une limitation uniforme dans toutes les activités de la vie quotidienne et montrait que la recourante disposait de ressources personnelles préservées. Aucun élément médical objectivement vérifiable – de nature clinique ou diagnostique – qui aurait été ignoré dans le cadre de l’instruction et qui aurait été suffisamment pertinent pour remettre en cause le bien-fondé des conclusions du SMR n’avait été apporté par le conseil de la recourante.

c. Le 16 avril 2020, la recourante a répliqué en persistant intégralement dans ses conclusions. Elle a joint à sa réplique le courrier du Dr Z______ du 22 mai 2019, le courrier du Dr T______ du 2 juillet 2019, le courrier du Dr Y______ du 11 décembre 2019, le courrier du Dr R______ du 20 novembre 2019 et le rapport du Dr R______ du 31 janvier 2020. Ces différents courriers venaient appuyer la position exprimée dans son recours, soit que sa capacité de travail avait été surévaluée par les experts, sans reposer sur un examen complet et sur une motivation convaincante.

d. Par duplique du 4 mai 2020, l’intimé a maintenu ses conclusions et a produit un avis médical du SMR daté du même jour. Selon cet avis médical, le rapport de consultation du Dr Z______ du 22 mai 2019 était déjà connu des experts ; le rapport de consultation du Dr T______ du 28 juin 2019 n’amenait pas d’événement médical particulier, la pratique d’une activité médicale adaptée n’était pas contre-indiquée sur le plan médical ; le rapport de consultation spécialisée du 11 décembre 2019 du Dr Y______ n’amenait pas de nouvel élément médical dont les experts ou le SMR n’avaient pas connaissance. Concernant les rapports de consultation du Dr R______ du 20 novembre 2019 et du 31 janvier 2020, le SMR pouvait les commenter ainsi : le diagnostic de la maladie de Ménière avait été retenu par l’expert de la médecine interne, en se référant à la partie effectuée par l’interniste, mais l’évaluait comme non incapacitante, en raison de la fréquence peu élevée de ces vertiges, et du fait que l’assurée décrivait s’y être adaptée. Ce diagnostic n’était ainsi pas incompatible avec une activité sédentaire, et d’ailleurs des limitations fonctionnelles en raison des vertiges avaient été retenues par le SMR. Lors de l’expertise multidisciplinaire, l’assurée n’avait pas décrit souffrir de migraines à raison de trois fois par semaine, avait décrit ne pas souffrir de céphalées le jour de l’expertise et prendre le Replax en réserve. D’ailleurs en juin 2018, le Dr. R______, dans son rapport de consultation spécialisée, avait écrit que les migraines de l’assurée, sous Replax, s’étaient améliorées, et qu’elle ne présentait des crises qu’une à deux fois par mois. Ainsi, en juillet 2019, lors de l’expertise, il n’y avait pas eu de raison de retenir une incapacité de travail en raison des migraines. Les cervicalgies avaient été appréciées par l’expert rhumatologue en juillet 2019, qui avait retenu une unco-discarthrose, des limitations fonctionnelles d’épargne du rachis cervical avaient été retenues et il n’y avait pas lieu de modifier ces appréciations.

e. Le 7 septembre 2020, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a produit :

-       un rapport du 17 juin 2020 du Dr R______ selon lequel l’assurée avait scrupuleusement tenu un journal de migraines pour les mois de janvier à mai qui montrait une fréquence entre 14 et 16 attaques par mois. L’assurée qualifiait donc bien pour un traitement par CGRP. L’assurée avait bien passé la période du Covid-19 et elle n’avait plus été au Centre de la douleur de l’hôpital de la Tour chez le docteur Y______. Il proposait un traitement alternatif avec du Topamax ;

-       un rapport du 1er septembre 2020 du Dr P______, selon lequel actuellement, cette patiente se plaignait de ruminations dépressives en lien avec son état d’inactivité. Elle se plaignait beaucoup de migraines invalidantes et de douleurs cervicales qui la « bloque » et ne lui permettaient plus de vaquer à ses occupations quotidiennes. L’assurée avait de la peine à faire confiance aux autres et à s’exprimer. Actuellement, elle avait une humeur triste et un profond sentiment que personne ne comprenait vraiment sa détresse. Cette situation d’inactivité forcée en raison de ses douleurs était particulièrement pénible pour elle. Il y avait souvent des périodes de récidives de ses douleurs cervicales et de ses migraines qui étaient très invalidantes. Elle devait pendant ces périodes rester plusieurs jours dans son lit mais arrivait très difficilement à dormir. Parfois, elle décrivait avoir des vertiges quand elle marchait. Souvent, en lien avec certains des vécus traumatiques de son enfance, elle avait des anticipations anxieuses de catastrophes. Elle n’avait pas de désorientation spatio-temporelle. Elle n’avait plus d’idéation suicidaire mais essentiellement une perte d’élan vital. Elle était dans une situation très fragile, incapable d’investir une activité professionnelle. Le diagnostic était : trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen. Les essais médicamenteux avaient été mal tolérés.

f. A la demande de la chambre de céans, l’OCE a communiqué les 27 octobre et 14 décembre 2020 le dossier de l’assurée, laquelle a ensuite observé que toutes ses recherches d’emploi avaient été faites pour un taux de 100%.

g. Le 20 novembre 2020, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire neurologique qu’elle a confiée aux docteurs AA______, médecin interne au service de neurologie des HUG, et AB______, FMH neurologie, médecin chef de clinique au service de neurologie des HUG, en considérant ce qui suit :

En l’occurrence, l’intimé s’est basé sur le rapport d’expertise tridisciplinaire du CEMEDEX du 30 juillet 2019 et l’avis du SMR du 16 décembre 2019 pour retenir une capacité de travail de la recourante nulle dans son ancienne activité et de 75% dans une activité adaptée (manuelle simple).

Les 31 janvier et 17 juin 2020, le Dr R______ a estimé que, contrairement à l’avis des experts, les vertiges et céphalées étaient au premier plan. La recourante devait passer trois jours par semaine dans le noir et un nouveau traitement avait été introduit en juin 2020. La recourante a précisé lors de l’audience de comparution personnelle du 7 septembre 2020 qu’elle présentait plusieurs fois par mois des symptômes qui s’enchainaient, des vertiges, blocages et migraines l’obligeant à rester sans lumière et au calme. En conséquence, il apparait nécessaire d’investiguer l’aspect neurologique de la symptomatologie de la recourante, absent de l’expertise du CEMEDEX, par le biais d’une expertise judiciaire neurologique.

h. Les experts ont rendu leur rapport le 22 février 2022.

Ils ont posé les diagnostics neurologiques de céphalées primaires chroniques probablement d’origine mixte avec une composante de migraine sans aura (selon critères ICHD3), de céphalées de tension chroniques (selon critères ICHD3), de possibles céphalées sur surconsommation d’antalgiques (selon critères ICHD3) et les diagnostics non neurologiques de cervicalgies paroxystiques, de probable origine musculo-squelettique, et vertiges paroxystiques ne remplissant pas formellement les critères d’aura migraineux. Après la mise en place de mesures thérapeutiques, le pronostic des céphalées devait, à priori, être bon à moyen terme, avec une reprise de travail à 100%. La capacité de travail était nulle dans l’activité de serveuse et, depuis le 1er février 2016, de 50% à 60%.

i. Le 29 mars 2022, le SMR a estimé que les experts n’avaient pas objectivé avec précision la fréquence, la durée et les empêchements au quotidien qu’occasionneraient les céphalées de l’assurée.

j. Le 30 mars 2022, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR, en relevant que l’expertise judiciaire n’était pas probante.

k. Le 31 mars 2022, l’assurée a indiqué qu’elle rejoignait les conclusions des experts, retenant une incapacité de travail totale comme serveuse. En revanche, s’agissant de sa capacité de travail dans une activité adaptée, les experts ne se prononçaient pas sur sa capacité de travail au jour de l’expertise, mais seulement sur une capacité conditionnée à la mise en place d’un traitement de fond pour les céphalées. Toutefois, le Dr R______, qui n’avait pas été consulté sur les traitements, en avait déjà mis en place sans succès. Elle a fourni divers rapports médicaux, attestant d’un probable problème au genou, une réaction allergique au vaccin Moderna, des céphalées et une descente d’organes. Il y avait d’autres troubles non neurologiques qui impactaient ainsi sa capacité de travail. En l’état, celle-ci était nulle dans une activité adaptée. Les deux rapports suivants du Dr R______ ont été communiqués :

-     un rapport du 25 novembre 2021, attestant d’une migraine hémicrânienne qui n’était pas au premier plan ;

-     un rapport du 13 mars 2022, attestant d’une migraine exacerbée depuis décembre, à une fréquence de deux fois deux jours par semaine, résistante à la thérapie de base.

l. A la demande de la chambre de céans, les experts ont rendu le 27 juin 2022 un complément d’expertise neurologique.

Il n’y avait pas de lésion cérébrale objectivable sur l’imagerie, de sorte qu’au sens de la table 8 de l’indemnisation de l’atteinte à l’intégrité de la LAA, les céphalées n’étaient pas objectivables. Les critères selon l’ICHD3 étaient suffisants pour objectiver les céphalées ; les symptômes de nausées et de photophobie étaient objectivables. Tant qu’un traitement efficace n’était pas mis en place, l’assurée présentait des limitations fonctionnelles liées au froid, au bruit, aux fortes odeurs, à l’activité (de type administratif devant s’exercer sans efforts physiques prolongés et dans un environnement calme). L’impact des céphalées dans les activités quotidiennes était variable ; l’incapacité de travail n’était pas justifiée par des déficits objectivables lors de l’examen clinique. Les limitations fonctionnelles alléguées par l’assurée étaient plausibles car des céphalées durant plusieurs jours de suite, dans le contexte de migraines, pouvaient empêcher toute activité. Il était difficile de quantifier l’impact des céphalées au cours des années, sans un calendrier de celles-ci et compte tenu d’autres symptômes non neurologiques (vertiges, cervicalgies, troubles psychiatriques) pouvant aussi impacter les activités de l’assurée au quotidien. La capacité de travail était de 55% dès 2015, avant la réalisation des options thérapeutiques proposées.

m. Le 1er septembre 2022, le SMR a observé que l’appréciation de la capacité de travail de l’assurée par les experts, se fondait uniquement sur les données subjectives formulées par l’assurée ; les critères de l’ICDH3 étaient relevés sur la base de l’anamnèse de l’assurée ; une capacité de travail de 50-60% ne pouvait être retenue car l’assurée restait autonome pour l’ensemble des activités de base et instrumentales de la vie quotidienne. Si on se référait aux années antérieures (2017 et 2019), les plaintes de l’assurée ne motivaient pas une incapacité de travail continue et diminuée de 40-50%.

n. Le 1er septembre 2022, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR précité et a maintenu ses conclusions.

o. Le 2 septembre 2022, l’assurée a observé qu’elle prenait acte de l’évaluation par les experts de sa capacité de travail de 55%. Celle-ci ne tenait toutefois pas compte des autres symptômes non neurologiques et sa capacité de travail devait être évaluée lors d’une appréciation globale, tenant compte de toutes ses affections ; une incapacité de travail supérieure à 45% n’était pas à exclure ; elle sollicitait l’audition des experts et des médecins traitants. Vu l’ensemble de ses limitations fonctionnelles, on peinait à saisir le type d’activité adaptée ; les crises de migraines avaient un impact aussi sur une activité exercée à un taux de 55%.

Il fallait ajouter à cette capacité de travail maximale (un concilium pouvant conclure à une capacité de travail moindre) une baisse de rendement de 25% sur le plan psychique et un abattement sur le revenu d’invalide, de sorte qu’elle maintenait ses conclusions d’octroi d’une rente entière d’invalidité, sur la base d’un statut d’active à 100%.

p. Le 29 septembre 2022, la chambre de céans a requis des Drs U______, V______ et W______ du CEMEDEX des renseignements complémentaires, après avoir pris connaissance de l’expertise judiciaire neurologique.

q. Le 11 octobre 2022, le CEMEDEX a refusé de répondre aux questions de la chambre de céans, vu l’absence de volet neurologique de l’expertise du CEMEDEX.

r. Le 20 octobre 2022, la recourante a observé que le CEMEDEX refusait à tort de confronter ses conclusions à celles des médecins extérieurs, ce qui était regrettable. Elle a sollicité l’ordonnance d’expertises psychiatrique, rhumatologique, voire oto-rhino-laryngologique ainsi que, subsidiairement, l’audition des médecins traitants et des experts.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

1.3 Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.              

2.1 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

2.2 En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d’invalidité, singulièrement sur son statut et sa capacité de travail.

 

4.              

4.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

4.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

4.3 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

Selon l’art. 88a al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité, si la capacité de gain de l’assuré ou sa capacité d’accomplir les travaux habituels se dégrade, ou si son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’aggrave, ce changement est déterminant pour l’accroissement du droit aux prestations dès qu’il a duré trois mois sans interruption notable. L’art. 29bis est toutefois applicable par analogie.

4.4 Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 117 V 194 consid. 3b ; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1 ; ATF 137 V 334 consid. 3.2 ; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

5.              

5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entrainer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

5.1.1 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

5.1.2 Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

5.1.3 Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-       Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.      Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.       Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.       Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-       Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

5.1.4 En fin de compte, la question décisive est toujours celle des répercussions fonctionnelles d'un trouble. La preuve d'une incapacité de travail de longue durée et significative liée à l’état de santé ne peut être considérée comme rapportée que si, dans le cadre d’un examen global, les éléments de preuve pertinents donnent une image cohérente de l’existence de limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation invalidante de la capacité de travail n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_423/2019 du 7 février 2020 consid. 3.2.2 et les références).

5.1.5 Les experts doivent motiver le diagnostic psychique de telle manière que l'organe d'application du droit puisse comprendre non seulement si les critères de classification sont remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1), mais également si la pathologie diagnostiquée présente un degré de gravité susceptible d'occasionner des limitations dans les fonctions de la vie courante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_551/2019 du 24 avril 2020 consid. 4.1 et la référence).

5.1.5.1.    Dans un arrêt de principe du 2 décembre 2019 (ATF 145 V 361), le Tribunal fédéral, à la lumière de l'ATF 141 V 281, a notamment posé une délimitation, entre l'examen (libre), par les autorités chargées de l'application du droit, de l'admission d'une incapacité de travail par l'expert psychiatre, d'une part, et une appréciation juridique parallèle inadmissible, d'autre part.

Selon le Tribunal fédéral, dans tous les cas, l’administration et, en cas de recours, le juge, doivent examiner si et dans quelle mesure les experts ont suffisamment et de manière compréhensible étayé leur évaluation de l'incapacité de travail, en tenant compte des indicateurs pertinents (questions de preuve). À cette fin, les experts doivent établir un lien avec la partie précédente de l'expertise médico-psychiatrique (avec extraits du dossier, anamnèse, constatations, diagnostics, etc.), c'est-à-dire qu'ils doivent se référer en détails aux résultats médico-psychiatriques des examens et explorations cliniques menés dans les règles de l’art qui relèvent de leur compétence. Le médecin doit donc exposer de manière détaillée les raisons médico-psychiatriques pour lesquelles les éléments constatés sont susceptibles de restreindre la capacité fonctionnelle et les ressources psychiques en termes qualitatifs, quantitatifs et temporels (ATF 143 V 418 consid. 6).

5.1.5.2.    En ce qui concerne l'évaluation du caractère invalidant des affections psychosomatiques et psychiques, l'appréciation de la capacité de travail par un médecin psychiatre est soumise à un contrôle (libre) des organes chargés de l'application du droit à la lumière de l'ATF 141 V 281 (ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_585/2019 du 3 juin 2020 consid. 2 et les références). Il peut ainsi arriver que les organes d'application du droit se distancient de l'évaluation médicale de la capacité de travail établie par l’expertise sans que celle-ci ne perde sa valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_128/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.2 et les références). Du point de vue juridique, il est même nécessaire de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible au vu des indicateurs pertinents, ou n’est pas convaincante du point de vue des éléments de preuve instaurés par l’ATF 141 V 281. S’écarter de l’évaluation médicale est alors admissible, du point de vue juridique, sans que d’autres investigations médicales ne soient nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2019 du 6 mai 2020 consid. 2.2). Toutefois, lorsque l’administration ou le juge, au terme de son appréciation des preuves, parvient à la conclusion que le rapport d'expertise évalue la capacité de travail en fonction des critères de médecine des assurances établis dans l'ATF 141 V 281 et qu’il satisfait en outre aux exigences générales en matière de preuves (ATF 134 V 231 consid. 5.1), il a force probante et ses conclusions sur la capacité de travail doivent être suivies par les organes d'application de la loi. Une appréciation juridique parallèle libre en fonction de la grille d'évaluation normative et structurée ne doit pas être entreprise (cf. ATF 145 V 361 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_213/2020 du 19 mai 2020 consid. 4.3 et les références).

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

6.2 Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

6.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

6.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

6.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaitre pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

7.             Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 ; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente ; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

7.1 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

7.2 Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 et la référence ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 et les références). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1_tirage_skill_level, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_58/2021 du 30 juin 2021 consid. 4.1.1). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3). Il convient de se référer à la version de l'ESS publiée au moment déterminant de la décision querellée (ATF 143 V 295 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Les tableaux TA1, T1 et T17 de l'ESS 2020 ont été publiés le 23 août 2022; l’ESS 2018 a été publiée le 21 avril 2020; l’ESS 2016, le 26 octobre 2018 (étant précisé que le tableau T1_tirage_skill_level a été corrigé le 8 novembre 2018) ; et l’ESS 2014, le 15 avril 2016.

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 et les références ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). D'éventuelles limitations liées à la santé, déjà comprises dans l'évaluation médicale de la capacité de travail, ne doivent pas être prises en compte une seconde fois dans l’appréciation de l’abattement, conduisant sinon à une double prise en compte du même facteur (cf. ATF 146 V 16 consid. 4.1 et ss. et les références). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3). Le juge ne peut, sans motif pertinent, substituer son appréciation à celle de l'administration; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaitre sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 126 V 75 consid. 6 ; ATF 123 V 150 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_337/2009 du 18 février 2010 consid. 7.5).

8.              

8.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références ; ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 et les références). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

8.3 Les frais qui découlent de la mise en œuvre d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire confiée à un Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) peuvent le cas échéant être mis à la charge de l'assurance-invalidité (cf. ATF 139 V 496 consid. 4.3). En effet, lorsque l'autorité judiciaire de première instance décide de confier la réalisation d'une expertise judiciaire pluridisciplinaire à un COMAI parce qu'elle estime que l'instruction menée par l'autorité administrative est insuffisante (au sens du consid. 4.4.1.4 de l'ATF 137 V 210), elle intervient dans les faits en lieu et place de l'autorité administrative qui aurait dû, en principe, mettre en œuvre cette mesure d'instruction dans le cadre de la procédure administrative. Dans ces conditions, les frais de l'expertise ne constituent pas des frais de justice au sens de l'art. 69 al. 1 bis LAI, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l'art. 45 LPGA qui doivent être pris en charge par l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.2).

Cette règle, qu'il convient également d'appliquer dans son principe aux expertises judiciaires mono- et bidisciplinaires (cf. ATF 139 V 349 consid. 5.4), ne saurait entrainer la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu'elle a laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents (voir par exemple arrêt du Tribunal fédéral 8C_71/2013 du 27 juin 2013 consid. 2). En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 précité consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_312/2016 du 13 mars 2017 consid. 6.3).

9.             En l’espèce, l’intimé a refusé toute prestation d’invalidité à la recourante, sur la base d’un degré d’invalidité nul, lequel prenait en compte un statut mixte et une capacité de travail de 75% depuis le 1er février 2017, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles. La recourante conteste tout d’abord son statut mixte et requiert l’application du statut d’active.

9.1 L’intimé a retenu un statut mixte de la recourante 50% active - 50% ménagère, en se basant sur les documents reçus de l’Hospice général et de l’assurance-chômage et en relevant que la recourante recherchait un emploi à un taux de 50% (selon le rapport de l’OCE du 30 août 2018) et qu’elle n’avait jamais travaillé à 100% (hormis un mois en 2008) mais à 50% (selon le rapport de l’Hospice général du 15 août 2016) [note statut du 4 novembre 2019 et écriture de l’intimé des 2 mars et 4 mai 2020].

Cependant, au vu des éléments au dossier, il convient, en application des critères jurisprudentiels précités pour évaluer le statut des assurés, de constater que la recourante a un statut d’active.

9.1.1 Dès son entrée en Suisse, en 2004, la recourante a exercé une activité professionnelle, d’abord à temps partiel (chez C______, puis comme nettoyeuse) tout en suivant des cours de français ; elle s’est inscrite à l’OCE le 1er mars 2007 sans droit à l’indemnité de chômage. Entre février et octobre 2007, elle a rechercé des emplois principalement à temps plein ; de novembre 2007 à mars 2009, elle a travaillé au restaurant E______ à un taux de 100% (cf. PV d’audience du 7 septembre 2020, contrat de travail de E______ et extrait du compte individuel de la recourante). Elle s’est ensuite inscrite à l’OCE le 2 avril 2009 pour un taux d’activité recherché de 100% et un délai cadre d’indemnisation a été ouvert du 1er avril 2009 au 31 mars 2011 (cf. confirmation de réinscription du 2 avril 2009 de l’OCE). En février 2010, la recourante a suivi un stage chez G______ à un taux de 100% (dans le cadre d’une mesure de marché du travail de l’assurance-chômage). Elle a accouché le 29 août 2010 et son délai-cadre a été prolongé au 31 mars 2013. Le 19 décembre 2010, la recourante s’est inscrite à l’OCE pour un taux d’activité recherché de 100%, avec une date de placement au 1er avril 2011. Elle a perçu des indemnités de chômage du 1er avril 2009 au 31 mars 2011. Le 23 janvier 2012, elle s’est inscrite à l’ORP pour un taux d’activité de 50% et son dossier a été annulé le 19 mars 2012. En 2013, la recourante s’est séparée de son époux et a suivi une formation à l’école Migros en informatique, jusqu’en novembre 2014, afin de changer de métier ; elle a suivi des cours d’anglais et effectué un stage à un taux de 100% à la H______. En 2015, la recourante a travaillé à un taux de 50% deux mois pour la AC______ et deux mois pour J______. Elle a cependant indiqué qu’elle recherchait une activité à un taux de 100% mais que seul un taux réduit lui avait été proposé. Elle a ensuite travaillé à un taux de 80% pour I______ durant deux mois en novembre et décembre 2015. En 2016, la recourante a suivi un stage pendant un mois comme secrétaire chez K______ SA, à un taux de 100%, qu’elle a dû réduire ensuite en raison de son état de santé. Enfin, comme dernier emploi, la recourante a travaillé en 2017 comme serveuse à un taux de 100% durant deux mois pour le restaurant X______.

9.1.2 Au vu de ce qui précède et contrairement à l’avis de l’intimé, qui estime que la recourante n’a travaillé à un taux de 100% que durant un mois en 2008, la recourante a exercé une activité à un taux de 100% durant 16 mois entre 2007 et 2009 pour E______, en 2010 durant un mois pour G______, en 2014 durant un mois pour H______, en 2016 durant un mois pour K______ SA et en 2017 durant deux mois pour X______. La recourante n’a ainsi pas restreint sa capacité de travail à un taux de 50% dès 2008, comme l’a estimé l’intimé.

9.1.3 Par ailleurs, s’agissant des deux rapports sur lesquels se fonde l’intimé, il convient de relever que celui de l’Hospice général du 15 août 2016 mentionne sous « parcours professionnel du bénéficiaire » un taux d’activité de 50% et une cessation du dernier emploi en raison d’un arrêt maladie et d’une demande AI. Or, cette mention ne permet pas de savoir à quel taux d’activité la recourante aurait travaillé, sans atteinte à sa santé. Quant au rapport de l’ORP du 30 août 2018, il se réfère à un taux d’activité recherché de 50%, mais ne mentionne pas le taux d’activité recherché de 100% pour lequel la recourante s’est inscrite en avril 2009 ; ce rapport est ainsi lacunaire. En outre, la recourante a expliqué que ce taux d’activité de 50% était justifié en 2012 car elle avait un enfant en bas âge, lequel était effectivement âgé, en janvier 2012, de 16 mois. Ce taux réduit s’explique ainsi par la situation familiale de la recourante.

9.1.4 La recourante a relevé que, sans atteinte à la santé, elle aurait travaillé à un taux de 100%, ce qu’elle avait fait pour le restaurant E______ avant d’être enceinte. Elle s’était séparée en 2013 et avait cherché à reprendre une activité professionnelle ; son dernier emploi pour X______ était d’ailleurs exercé à un taux de 100% (acte de recours du 3 février 2020). Lors de sa comparution personnelle du 7 septembre 2020, la recourante a souligné qu’elle avait suivi plusieurs formations pour s’intégrer et qu’en bonne santé, elle travaillerait à un taux de 100%, ce d’autant que son fils était scolarisé en 6e primaire (PV d’audience du 7 septembre 2020).

Selon les déclarations constantes de la recourante, elle aurait, en bonne santé, repris un emploi à un taux de 100%. Ces déclarations sont plausibles, au vu de son parcours professionnel (lequel comprend plusieurs emplois à un taux de 100%), de son accouchement en 2010 (lequel explique sa volonté, lors de son inscription à l’ORP en janvier 2012, de ne travailler qu’à 50%, devant s’occuper de son enfant âgé seulement de 16 mois) ainsi que de l’âge de son enfant (8 ans) en 2018 (année déterminante pour le calcul de la rente, cf. infra consid. 12) et de la scolarisation de celui-ci (situation lui permettant de récupérer plus d’autonomie) ainsi que de sa séparation en 2013 (l’obligeant à pourvoir à l’entretien de sa famille).

En outre, cette volonté de s’investir dans une activité professionnelle a aussi été relevée par les experts du CEMEDEX, qui soulignent le fait que dès son arrivée en Suisse, la recourante a appris le français, refusé l’aide sociale et travaillé, qu’ensuite elle a eu la volonté de changer d’activité en obtenant un diplôme en informatique et en tentant une reconversion dans un travail administratif (qui n’a pas pu être mené à bien en raison des douleurs dorsales et cervicales) et qu’elle a centré son attention sur sa réussite professionnelle (expertise du CEMEDEX, pp. 8, 11 et 17). L’Hospice général a aussi relevé le 15 février 2007 que la recourante avait fait preuve de volonté hors du commun à vouloir s’intégrer en Suisse et exercer une activité professionnelle, but qu’elle s’était fixé (lettre de l’Hospice générale du 15 février 2007, dossier de l’OCE).

9.2 Pour ces raisons, il convient de retenir que la recourante aurait - au degré de la vraisemblance prépondérante -, sans atteinte à la santé, dès à tout le moins l’année 2018, année déterminante pour le calcul de la rente, travaillé à un taux de 100%. Partant, le statut d’active doit lui être reconnu.

10.         La recourante conteste aussi l’évaluation de sa capacité de travail.

10.1 Du point de vue neurologique, la chambre de céans a estimé que l’instruction médicale menée par l’intimé était insuffisante et a ordonné une expertise judiciaire neurologique auprès des Dr AA______ et AB______, lesquels ont rendu leur rapport le 22 février 2022.

10.1.1 Ceux-ci ont posé les diagnostics de céphalées primaires chroniques probablement d’origine mixte, avec une composante de migraine sans aura, de céphalées de tension chroniques et de possibles céphalées sur surconsommation d’antalgiques. Les céphalées survenaient environ quinze jours par mois. Le bilan clinique et radiologique n’avait pas permis de mettre en évidence une lésion cérébrale organique à la base des plaintes algiques. Les céphalées n’étaient objectivables que par les modifications fonctionnelles qu’elles entrainaient, c’est-à-dire le temps que la recourante devait passer allongée après la prise des antalgiques. La capacité de travail depuis 2015 était de 50-60%. La capacité de travail pourrait augmenter à 100% avec l’instauration d’un traitement adéquat, dans une activité adaptée (de type administratif, dans un environnement calme et sans efforts physiques prolongés, à l’abri du froid, du bruit et des fortes odeurs), avec une reprise progressive. Dans l’activité de serveuse, la capacité de travail était nulle.

10.1.2 A la demande de la chambre de céans, les experts ont complété leur rapport le 27 juin 2022. Ils ont indiqué successivement, d’une part, qu’en l’absence de lésion cérébrale, les céphalées n’étaient pas objectivables et, d’autre part, que les critères selon l’ICHD3 étaient suffisants pour objectiver les céphalées. Par ailleurs, en l’absence de déficits objectivables lors de l’examen clinique, l’incapacité de travail n’était pas justifiée par d’autres éléments que les seules indications subjectives de la recourante. Les limitations fonctionnelles alléguées par la recourante étaient plausibles, il était difficile de quantifier l’évolution et l’impact des céphalées, en particulier en l’absence d’un calendrier des céphalées. La capacité de travail de 50-60% était exigible dans une activité adaptée avant l’instauration d’un traitement tel que proposé.

10.1.3 Fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse neurologique, oto-rhino-laryngologique et de médecine interne, un examen clinique de la recourante, posant des diagnostics clairs et comprenant une motivation convaincante de la capacité de travail retenue, le rapport d’expertise judiciaire remplit les critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante, sous réserve de la date à laquelle est survenue l’incapacité de travail, comme il sera expliqué ci-après.

10.2 Au vu du rapport d’expertise judiciaire et de son complément, lequel apporte des précisions sur la nature de l’atteinte, il convient de retenir que les céphalées primaires chroniques dont souffre la recourante ne sont pas objectivées et que ce diagnostic, posé par les experts, repose principalement sur les indications subjectives de la recourante. Malgré une apparente contradiction dans leur réponse, on comprend en effet de leur rapport et de leur complément d’expertise que, nonobstant la présence des critères selon l’ICHD3, les céphalées ne sont pas objectivées.

En présence d’une telle affection, non objectivable, il convient d’appliquer les indicateurs jurisprudentiels pertinents en présence d’une affection comparable au trouble somatoforme douloureux (ATF 140 V 290).

10.2.1 S’agissant plus précisément du diagnostic de céphalées, le Tribunal fédéral a indiqué que dès lors qu’on se trouve en présence de difficultés à clarifier des faits ou à fournir des preuves quant au caractère invalidant des céphalées alléguées, puisque ces dernières n'ont pas été objectivées mais consignées sur la base de données subjectives émanant exclusivement de l'assurée, il convient de prendre en compte d'autres domaines de la vie comme des comportements durant les loisirs ou des engagements familiaux, conformément à la jurisprudence, afin de déterminer si la capacité de travail est effectivement réduite (arrêt du Tribunal fédéral 9C_27/2015, consid. 6.2.1). L’appréciation doit tenir compte de la plausibilité des répercussions des céphalées de l’assuré sur sa capacité de travail et non pas essentiellement des données subjectives, par l’analyse de la vie sociale et des activités que l’assuré est en mesure d’accomplir malgré les céphalées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_27/2015, consid. 6.2.3). L’examen de la plausibilité, spécialement pour les céphalées, revêt par nature une importance particulière (ATF 140 V 290, consid. 3.3.2).

10.2.2 Il incombe à l’assuré de prouver le caractère invalidant de son atteinte à la santé et à cet égard, les experts médicaux jouent un rôle décisif ; ils doivent motiver en détail et expliquer, par une évaluation de la souffrance, des ressources physiques et des déficits fonctionnels, dans quelle mesure la capacité de travail est limitée (ATF 140 V 290, consid. 4.1). A cet égard, les seules indications subjectives de l’assurée, alors que les experts ont par ailleurs relevé des signes d’extension des symptômes, une autolimitation et une attitude orientée vers une indemnisation, sont insuffisantes pour prouver une limitation de la capacité de travail (ATF 140 V 290, consid. 4.2).

10.2.3 En l’occurrence, les experts neurologues ont retenu un caractère incapacitant des céphalées, à hauteur de 45%, soit une capacité de travail de 55% (entre 50 et 60%) depuis 2015, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles ; ils ont estimé que les céphalées telles que décrites par la recourante étaient plausibles, soit d’une fréquence de quinze jours par mois et de nature à empêcher toute activité, avec un impact sur les activités quotidiennes de la recourante.

10.2.3.1.                        S’agissant de la date de survenance des céphalées incapacitantes, il convient de relever ce qui suit :

La recourante a été adressée par le Prof. Q______ au Dr R______ en raison de « céphalées et migraines invalidantes » seulement en juillet 2017 (rapport du Dr R______ du 31 janvier 2020). Antérieurement, les Drs L______, M______ et N______ ont mentionné des plaintes principalement de cervicalgies (rapports du Dr L______ du 22 avril 2016, de la Dresse M______ des 6 juin et 6 juillet 2016 et de la Dresse N______ du 26 octobre 2016). L’arrêt de travail de la recourante le 1er février 2016 a d’ailleurs été motivé par une recrudescence de vertiges et de cervicalgies et non pas pour des céphalées. Ce n’est que le 18 janvier 2017, que la Dresse M______ mentionne également des plaintes de céphalées, le 20 février 2017 que le Dr O______ relève des plaintes de maux de tête en casque avec photophobie et le 28 février 2017 que le Dr P______ fait état de céphalées.

S’agissant de la fréquence des céphalées, le Prof. Q______ a mentionné le 23 mars 2017 des céphalées à raison de deux fois par mois, pendant deux, voire trois jours ; les 11 septembre et 28 décembre 2017, le Dr R______ relate des céphalées en amélioration. C’est seulement dans son rapport du 5 juin 2018 que le Dr R______ a estimé que les cervicalgies et les migraines étaient incapacitantes à hauteur de 50%. Cette incapacité de travail a été confirmée par le Dr Y______ dans un rapport du 11 décembre 2019, lequel relève qu’il suit la recourante notamment pour des migraines et a tenté plusieurs traitements antalgiques. Le 20 novembre 2019 et le 31 janvier 2020, le Dr R______ atteste de migraines survenant trois fois par semaine, le 17 juin 2020 de quinze à seize attaques par mois. En juin et novembre 2021, le Dr R______ atteste d’une diminution de la fréquence des migraines et, le 13 mars 2022, il mentionne une recrudescence de celles-ci, soit une survenance de deux fois deux jours par semaine. Par ailleurs, la recourante a déclaré qu’elle avait encore travaillé à un taux de 100% pendant deux mois en 2017. Ensuite, elle n’avait plus cherché d’emploi en raison de son état de santé (PV d’audience du 7 septembre 2020).

10.2.3.2.                        Au vu de ce qui précède, il convient de s’écarter de la conclusion de l’expertise neurologique dans le sens que la fréquence des migraines, telle que relatée par les experts, justifiant une incapacité de travail de 45% est survenue non pas dès l’année 2015 (même si des céphalées ont été mentionnées dès cette date), mais seulement dès juin 2018, moment où le Dr R______ a attesté de céphalées incapacitantes, confirmées ensuite par le Dr Y______. On rappellera qu’il est en effet possible de s’écarter de l’appréciation médicale de la capacité de travail si l’évaluation n’est pas suffisamment motivée et compréhensible, sans que l’expertise judiciaire ne perde sa valeur probante (cf. consid. 5.1.5.2 supra). Enfin, le fait qu’une amélioration passagère des céphalées a été attestée par le Dr R______ en 2021, n’est pas déterminant, ce d’autant qu’elle est postérieure à la décision litigieuse.

11.         Il convient encore d’examiner le caractère incapacitant des céphalées, à l’aune des indicateurs jurisprudentiels précités.

11.1 S’agissant du degré de gravité fonctionnel, les experts psychiatre et neurologue ont posé des diagnostics de céphalées et de trouble affectif bipolaire, épisode actuel de dépression moyenne, avec un syndrome somatique dont le degré de gravité minimal nécessaire à l’examen, dans un deuxième temps de la cohérence, n’est, en lui-même pas contesté et dont l’impact sur la capacité de travail a déjà été reconnu à hauteur de 25%.

Il convient à ce stade de relever que l’expertise du CEMEDEX a valeur probante. L’intimé l’admet. Quant à la recourante, elle conteste uniquement certains points de l’expertise, soit, s’agissant du volet psychiatrique, la diminution de rendement de 25%, l’estimant insuffisante, s’agissant du volet rhumatologique, l’exigibilité de l’ancienne activité de serveuse et, s’agissant du volet de médecine interne, la mention d’une exagération des symptômes.

Or, l’activité de serveuse a été écartée par l’intimé et, comme il sera discuté ci-après, l’exagération des symptômes relevée par l’expert de médecine interne ne peut être confirmée. Finalement, le seul grief de la recourante quant à une diminution de rendement insuffisante retenue par les experts n’est pas à même d’ôter la valeur probante de l’expertise du CEMEDEX.

S’agissant du complexe de la personnalité, l’expert psychiatre a relevé qu’il n’existait pas de trouble de la personnalité mais une rigidité de fonctionnement, qui est un facteur de mauvais pronostic. La recourante présente ainsi une fragilité, également confirmée par le psychiatre traitant, sur un fond de vécu traumatique de l’enfance, avec un diagnostic psychiatrique de trouble affectif bipolaire, épisode actuel de dépression moyenne, avec syndrome somatique, avec des éléments résiduels importants, peu susceptibles d’évoluer compte tenu de la gravité pathologique, des antécédents d’événements traumatiques et des traits de personnalité rigide. Ces éléments confortent la présence d’un degré de gravité fonctionnel suffisamment important pour évaluer la cohérence.

11.2 S’agissant de la cohérence, il convient de se référer à l’expertise du CEMEDEX, laquelle comprend plusieurs descriptions de l’activité quotidienne de la recourante.

11.2.1 L’expert psychiatre a décrit une journée-type de la recourante en relevant qu’elle dormait mal, avec plusieurs réveils nocturnes, elle marchait jusqu’à 4 km, faisait du vélo d’intérieur, elle lisait, préparait parfois à manger avec l’aide de sa belle-fille, mais c’était souvent sa belle-fille qui le faisait, tout comme le ménage, la recourante ne pouvant se baisser (elle pouvait servir les repas et nettoyer la cuisine) ; elle faisait les courses mais ne pouvait pas porter de sac ; elle ne s’occupait pas du potager ; elle pouvait plier le linge assise et repasser doucement mais préférait que sa belle-fille s’en occupe.

Il convient de relever que la description d’une journée-type effectuée par les experts de médecine interne et de rhumatologie rejoint essentiellement celle de l’expert psychiatre. Nonobstant la capacité de la recourante à marcher, lire et faire du sport, les activités quotidiennes telles que décrites par les experts du CEMEDEX sont sensiblement limitées. En effet, la recourante n’exerce plus aucune activité ménagère lourde, le nettoyage de l’appartement (hormis le nettoyage superficiel de la cuisine et celui des sanitaires et lavabos - rapport du Dr V______) est pris en charge par sa belle-fille avec laquelle elle vit. La préparation des repas est effectuée avec sa belle-fille. S’agissant des activités sportives, elles doivent être relativisées dès lors que, selon l’expert de médecine interne, la recourante a pris 15 kg depuis février 2018, notamment en raison de la baisse de l’activité sportive, même si elle effectue deux fois par mois de la natation, activité qui semble par ailleurs avoir été reprise (selon le rapport de suivi d’obésité de l’Hôpital de La Tour Médical Group du 28 juin 2019) après que la recourante ait pris du poids suite à l’arrêt total de l’activité physique en raison de douleurs cervicales au moindre effort. Ainsi, contrairement à l’évaluation consensuelle du CEMEDEX, on ne peut déduire des journées-types décrites par les experts que la capacité de réalisation des actes de la vie quotidienne est « quasi préservée ». Cela est corroboré par le constat des experts neurologues lesquels ont relevé que des céphalées durant plusieurs jours dans le contexte de migraines peuvent empêcher toute activité et que les activités évoquées, dont le vélo d’appartement, pouvaient être pratiquées uniquement lorsque la recourante n’avait pas de céphalées. Ils ont également souligné que les limitations fonctionnelles étaient totales lors des migraines.

11.2.2 Par ailleurs, à l’examen, l’expert psychiatre a constaté chez la recourante une humeur triste, un ralentissement psychomoteur, une perte d’élan vital, une fatigabilité, une perte d’estime de soi, un émoussement des affects et des variations d’humeur. La recourante avait vécu des événements traumatiques importants dans sa jeunesse et présenté trois épisodes dépressifs, avec des idées suicidaires puis une amélioration clinique mais sans retour à la normalité de l’humeur et avec, à certaines périodes, toujours des idées suicidaires (de moindre intensité) ; l’expert psychiatre estime ainsi qu’il existe une cohérence entre l’histoire de la recourante et l’apparition des symptômes ; la multiplication des différents traumatismes vécus dans son enfance avait entrainé un émoussement des affects ainsi qu’une tendance au pessimisme ; elle présentait des activations anxieuses au moment d’événements traumatiques ; elle avait un trait de caractère rigide qui était un facteur de mauvais pronostic. Finalement, l’expert psychiatre estime que la recourante présente une baisse de rendement de 25% en raison d’une fatigabilité importante, d’une perte d’élan vital et de difficultés à sortir de fixation d’événements anciens traumatiques.

Ces constatations corroborent la limitation des activités du quotidien, telle que relevée dans la description d’une journée-type.

Le SMR (rapport du 1er septembre 2022) réfute la limitation des activités du quotidien, en soulignant que les experts ont indiqué que la recourante était autonome pour l’ensemble de ces activités. Cependant, les experts ont relevé que les céphalées avaient un retentissement significatif sur les activités du quotidien et que lors des crises de céphalées, les limitations fonctionnelles étaient totales. On comprend de ces deux assertions que la recourante, lorsqu’elle ne subit pas de crises de céphalées, peut se gérer seule (être autonome) mais que celles-ci impactent considérablement ses activités quotidiennes.

11.2.3 Enfin, questionnés précisément sur la cohérence, les experts neurologues ont estimé, dans leur rapport complémentaire, que les céphalées alléguées étaient plausibles, l’expert W______ a mentionné qu’il n’avait pas relevé d’incohérence chez la recourante et l’expert U______, qu’il existait une cohérence entre l’histoire de la recourante et l’apparition des symptômes. Seul l’expert V______ a mentionné une probable exagération de la symptomatologie douloureuse et des vertiges, qu’il semble toutefois relier uniquement au fait que la recourante a plaisanté et souri durant l’entretien, ce qui, comme relevé par la recourante, parait insuffisant pour établir une réelle incohérence.

11.2.4 S’agissant du traitement, l’expert psychiatre a relevé que le refus de la maladie et du traitement régulateur de l’humeur était une limitation. Cependant, l’expert a aussi mentionné que la recourante acceptait le suivi et qu’elle bénéficiait depuis plusieurs années d’une prise en charge psychothérapeutique, avec l’introduction d’essais de traitements médicamenteux (Sertraline, lithium, Amitriptyline, Topiramate, patch de Neurodol, Relpax, perfusions de lidocaïne et d’antiinflammatoires stéroïdiens) dont plusieurs avaient été cessés en raison d’effets secondaires. Elle utilisait, selon l’expert rhumatologue, un neurostimulateur une à deux fois par jour et faisait des séances d’électrothérapie deux fois par semaine (PV d’audience du 7 septembre 2020 ; rapport du Dr P______ du 1er septembre 2020 ; rapport du Dr Y______ du 11 décembre 2019). Quant aux experts neurologues, ils ont relevé que le seul médicament approuvé en Suisse pour le traitement des céphalées était l’Amitriptyline. Or, la recourante avait tenté ce traitement mais avait dû l’arrêter après plusieurs mois en raison de douleurs abdominales. Elle avait en outre tenté un traitement de Topiramate, également arrêté en raison d’effets secondaires, tout comme un traitement par antidépresseurs (selon le rapport du Dr P______ du 1er septembre 2020).

Les experts ont considéré qu’un traitement par antidépresseurs pourrait être introduit et, en cas d’échec, un traitement injectable (de la classe des anticorps monoclonaux anti-CGRP) ou de neurostimulation. Un sevrage de la consommation d’antalgiques était aussi préconisé par les experts neurologues. Ces propositions thérapeutiques ne permettent toutefois pas de retenir que la recourante aurait, jusque-là, refusé tout traitement. Au contraire, les médecins traitants et les experts ont relevé que plusieurs traitements avaient été tentés, sans succès. Par ailleurs, la recourante prend régulièrement des antalgiques, un traitement par neurostimulateur, un traitement par électrothérapie, du Relpax et du Saroten (amitriptyline,) lors de crises de céphalées. En 2022, le Dr R______ a d’ailleurs proposé d’introduire un traitement de l’Ajovy (anti-CGRP), ce qui va dans le sens des propositions des experts neurologues (rapport du Dr R______ du 13 mars 2022). Il a par ailleurs estimé que la recourante était résistante aux thérapies (rapport du Dr R______ du 31 janvier 2020).

Dans ces conditions, les traitements entrepris par la recourante, ceux encore suivis et ceux qui ont dû être arrêtés, ne permettent pas d’exclure le critère de la cohérence, même si, comme relevé par les experts neurologues, d’autres catégories d’antidépresseurs pourraient encore être introduites. Les multiples tentatives de traitement confortent plutôt la plausibilité de la gravité des céphalées relevées par les experts neurologues.

11.2.5 Au vu de l’impact des céphalées sur la vie quotidienne de la recourante, ainsi que des constats des différents experts, il convient d’admettre que le critère de la cohérence est rempli.

11.3 Il convient d’examiner les ressources de la recourante.

11.3.1 L’expert psychiatre a relevé que la recourante bénéficiait de certaines ressources, possédant des capacités adaptatives d’affirmation de soi et d’introspection. Ces ressources étaient cependant limitées par le trait de caractère rigide, facteur de mauvais pronostic. Les experts du CEMEDEX ont aussi relevé que la recourante était socialement entourée, ayant des contacts avec une amie, deux sœurs, une voisine, qu’elle téléphonait à certains membres de sa famille très régulièrement et qu’elle vivait avec ses deux fils et sa belle-fille ; ces contacts sociaux, selon les experts du CEMEDEX, amélioraient son état psychologique.

11.3.2 Cette vie sociale doit être considérée comme une ressource de la recourante, lui permettant de limiter les effets de son atteinte à la santé sur sa capacité de travail ; cependant, compte tenu des autres facteurs, de mauvais pronostics (importance des céphalées, résistance aux traitements introduits, trait de caractère rigide, comorbidité du trouble affectif bipolaire, épisode actuel de dépression moyenne avec syndrome somatique - déjà reconnu comme partiellement incapacitant - vécu traumatique de l’enfance ayant entrainé un émoussement des affects et une tendance au pessimisme) il n’y a pas lieu de conclure que ces ressources permettent à la recourante de surmonter les effets des céphalées dans une mesure telle qu’une capacité de travail au-delà d’un taux de 55%, déjà admis par les experts neurologues, devrait lui être reconnue.

11.4 Dans ce contexte, au vu de l’atteinte psychique et de la restriction importante des activités quotidiennes, il convient d’admettre que la limitation de la capacité de travail due aux céphalées est rendue plausible, la recourante ayant d’ailleurs déjà été reconnue comme incapable de travailler à hauteur de 25%, d’un point de vue purement psychiatrique.

Finalement, la capacité de travail de 75% déjà admise par l’intimé doit, compte tenu des céphalées, dont l’impact sur la capacité de travail est plausible, être encore diminuée pour atteindre le taux de 55% retenu par les experts neurologues, depuis juin 2018, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles.

Au vu des limitations décrites par les experts neurologues, l’ancienne activité de serveuse n’est pas exigible. Cette conclusion rejoint celle de la recourante, qui s’estime incapable d’exercer son ancienne activité.

11.5 S’agissant enfin des pathologies évoquées par la recourante dans son écriture du 31 mars 2022, elles sont toutes postérieures à la date de la décision litigieuse du 20 décembre 2019, soit une affection au genou depuis 2021, une réaction allergique au vaccin Moderna en juin 2021, des cervicalgies justifiant une consultation aux urgences en octobre 2021 et une descente d’organes en mars 2022. En conséquence, elles ne peuvent être prises en compte dans le cadre de la présente procédure.

11.6 Par appréciation anticipée des preuves, il sera renoncé à l’ordonnance d’une appréciation consensuelle entre les différents experts, ainsi qu’à l’ordonnance d’expertises judiciaires psychiatrique, rhumatologique et oto-rhino-laryngologique, comme requis par la recourante, celles au dossier comprenant les éléments médicaux suffisants ainsi que les informations pertinentes pour procéder à une évaluation selon les indicateurs jurisprudentiels, à même de déterminer, au degré de la vraisemblance prépondérante, la capacité de travail de la recourante.

12.         Il convient de calculer le degré d’invalidité de la recourante, d’une part, sur la base d’un statut d’active et, d’autre part, compte tenu d’une capacité de travail de la recourante de 75% dès le 1er février 2017 et de 55% dès le 1er juin 2018.

12.1 Dès le 1er février 2018, le degré d’invalidité de la recourante est nul, selon le calcul de l’intimé. Or, compte tenu d’un statut d’active de la recourante et des revenus sans et avec invalidité calculés sur la même base statistique (ESS), ce qui n’est pas contesté, le degré d’invalidité se confond avec celui de l’incapacité de travail, de sorte qu’il est en réalité de 25%, étant précisé qu’un abattement sur le revenu d’invalide n’est pas justifié, le taux de 75% tenant déjà compte de l’ensemble des limitations fonctionnelles de la recourante et les autres critères n’étant pas déterminants (âge, années de service, nationalité et travail à temps partiel pour une femme). Le taux de 25% est cependant encore insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité

12.2 S’agissant de la période dès le 1er juin 2018, la recourante présente une capacité de travail de 55%. Les calculs de l’intimé, qui ne sont pas contestés, peuvent être repris, soit un revenu sans et avec invalidité calculé sur la même base statistique (ESS). Le degré d’invalidité se confond à nouveau avec celui de l’incapacité de travail, soit un degré de 45%, étant précisé qu’un abattement sur le revenu d’invalide n’est pas justifié, le taux de 55% tenant déjà compte de l’ensemble des limitations fonctionnelles de la recourante et les autres critères n’étant pas déterminants (âge, années de service, nationalité et travail à temps partiel pour une femme). Ce degré d’invalidité peut également être calculé comme suit :

12.2.1 S’agissant du revenu sans invalidité, il convient de se référer à l’ESS 2018, TA1, total, activité de niveau 1, pour une femme, soit un revenu mensuel de CHF 4'371.-. Compte tenu d’une durée moyenne hebdomadaire de travail dans les entreprises en 2018 de 41,7 heures, ce revenu est de CHF 4'557.-, soit annuel de CHF 54'681.-.

12.2.2 S’agissant du revenu annuel avec invalidité, calculé sur cette même base, il est de CHF 30'075.-, compte tenu d’un taux d’activité exigible de 55%.

 

12.2.3 Le degré d’invalidité est ainsi de

CHF 54'681 - CHF 30'075 = 44,99% = 45%

CHF 54’681

Ce degré d’invalide donne droit à un quart de rente d’invalidité, dès le 1er septembre 2018 (art. 88a al. 2 RAI).

13.         Quant aux mesures de réadaptation, elles ne sont pas justifiées, la recourante s’estimant totalement incapable de travailler (PV d’audience du 7 septembre 2020 et rapport d’expertise du CEMEDEX, pp. 26 et 27).

14.         Au vu de ce qui précède, la recourante a droit, depuis le 1er septembre 2018, à un quart de rente d’invalidité.

Partant, le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que la recourante a droit, dès le 1er septembre 2018, à un quart de rente d’invalidité.

15.         La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

Enfin, les frais de l’expertise neurologique judiciaire, au montant de CHF 6'000.- seront mis à la charge de l’intimé, une évaluation médicale neurologique n’ayant, à tort, pas été effectuée par ce dernier.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 20 décembre 2019.

4.        Dit que la recourante a droit, dès le 1er septembre 2018, à un quart de rente d’invalidité.

5.        Alloue à la recourante une indemnité de CHF 4'000.- à charge de l’intimé.

6.        Met les frais de l’expertise neurologique judiciaire à hauteur de CHF 6'000.- à charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le